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Origine http://www.nuitblanche.com/Affiche.aspx?page=4&id=12181
Nuit blanche, numéro 99, juillet 2005
Les médias - ces satanés médias ! - mènent
le monde, semble-t-il. On parlait même du Quatrième
pouvoir il y a encore quelques années. Certains vont jusqu'à
dire que les médias construisent littéralement la
réalité, qu'ils créent le monde que l'on voit
et auquel on croit, qu'ils sont, enfin, ceux qui tiennent le miroir
dans lequel se voit une partie de l'humanité... Ce reflet
ne serait qu'une version moderne, virtuelle - une matrice - des
ombres de la caverne de Platon. Devant une telle conception du monde,
une conception idéologique aussi complexe qu'énigmatique,
le promeneur curieux qui s'interroge sur le monde, risque de chercher
des débuts de réponses. Sans toutes les contenir,
bien sûr, l'ouvrage de François Brune, De l'idéologie,
aujourd'hui, Analyses, parfois désobligeantes, du «
discours » médiatico-publicitaire, est une source de
profondes réflexions sur le(s) rôle(s) des médias
dans la société actuelle.
François Brune parle de foot, du Vatican, de politique,
de communication, etc., en dressant un portrait des principaux mécanismes
idéologiques contemporains. Comme le titre de l'ouvrage l'indique,
l'auteur se concentre sur le présent, et ce, sans perdre
de vue qu'un discours sur l'idéologie peut, de nos jours,
paraître désuet, voire démodé... La question
des idéologies serait, selon certains penseurs, réglée
depuis « deux décennies ». C'est, toujours selon
l'auteur, parce que « l'idéologie se donne l'apparence
d'un simple constat, unique et irrécusable, de l'ordre des
choses » et que, selon « les apôtres du néo-libéralisme
[...] ce n'est pas la pensée qui est unique, c'est la réalité
». Son essai apporte ainsi, dans sa qualité réflexive,
peut-être plus de questions que de réponses. À
lire si vous aimez l'envers du décor. Accessible et instructif
! NB
François Brune, De l’idéologie aujourd’hui
(Analyses, parfois désobligeantes, du «discours»
médiatico-publicitaire), Parangon, 2004, (189 p.)
http://www.institut-expression.com/Pages/institut-expression-a-lire.php?idRubrique=1&idArticle=98&Archives=1&m=11&a=2004
«L'idéologie est un système d'idées et
de valeurs, une vision du monde à la fois descriptive et
prescriptive.» C'est par cette définition que François
Brune débute son livre pour poser l'objet de sa réflexion
: la recherche et l'analyse dans le discours médiatico-publicitaire
actuel des signes de l'idéologie capitaliste qu'il définit
comme dominante. L'auteur s'appuie pour cela sur un recueil de textes
publiés dans le Monde Diplomatique dont il est l'un des collaborateurs.
Remaniés et revisités, ces articles «militants»
comme il se plaît à les définir explorent notamment
le discours radiophonique, politique et publicitaire ainsi que certaines
grandes tendances de la société actuelle (religion,
engouement sportif, etc.).
L'intérêt de cet ouvrage réside, au-delà
de la dénonciation systématique par l'auteur d'un
système menant à l'avènement d'une pensée
unique aliénante, dans l'analyse parfois judicieuse des tics
de langage, des doubles discours et des rapports des systèmes
de communication à la manipulation. François Brune
utilise pour illustrer son propos des exemples tirés de l'histoire
(Appel du 18 juin du Général de Gaulle) du monde politique
(discours d'Edouard Balladur) ou publicitaire. Si quelques passages
du livre s'attachent plus particulièrement à argumenter
contre une idéologie capitaliste, d'autres apparaissent comme
pertinents sur les liens entre expression orale et manipulation
du discours.
L'auteur s'attache ainsi dans un premier exemple à expliquer
le pouvoir des «perfomatifs» dans le discours oral actuel.
A partir de l'exemple de l'Appel du 18 juin, François Brune
définit le performatif comme verbe dont le simple énoncé
suffit à opérer l'action qu'il exprime. Dans le je
jure de dire la vérité, par exemple, la parole accomplit
le serment énoncé. Le j'invite les français
à me rejoindre de l'appel en est un autre exemple : c'est
en effet en disant "j'invite" que le Général
de Gaulle invite. Reconnaissant le bien-fondé de l'emploi
systématique des performatifs dans un discours d'une telle
importance, l'auteur stigmatise toutefois le recours systématique
dans le discours politique aux «perfomatifs essouflés»
alimentant la «langue de bois». Ce phénomène
provoquerait ainsi une dégradation du discours par la perte
de la valeur de l'acte de parole.
Poursuivant ses dénonciations des abus de langage au service
d'une idéologie, François Brune s'attache à
montrer, au travers de l'exemple des rapports entre la religion
et la publicité, l'ambiguïté des discours face
à la publicité. Il semble reprendre dans cette optique
le principe de «double contrainte» (double bind) développé
par Bateson, membre de l'école de Palo Alto. Face au développement
de la publicité l'auteur dénonce en effet une double
posture de langage consistant à affirmer à la fois
la prééminence et l'intérêt de la publicité
et à dénoncer les vices et abus qu'elle génère.
A partir de l'exemple de la position du Vatican tirée du
texte Ethique et Publicité publié en 1997, l'auteur
veut ainsi montrer une tendance générale des discours
politiques dans leur définition la plus large à manier
une rhétorique de double contrainte permettant la manipulation
de l'opinion publique.
François Brune s'attarde finalement sur deux aspects du
discours actuel lui paraissant particulièrement significatif
de l'idéologie. Il met ainsi en avant ce qu'il nomme «le
paradigme de la candidature» pour définir le discours
de présentation de soi qu'il tend à retrouver dans
l'ensemble des rouages de la société. L'auteur veut
démontrer de ce fait que l'usage du verbe n'a d'autre sens
désormais que de nourrir et crédibiliser l'image de
soi. L'expression orale est donc dans cette vision aliénée
par le souci permanent de joindre au discours les attributs d'une
«vente» de sa personne, au détriment d'un discours
plus authentique, donc plus constructif. Enfin, dans son désir
de percer à jour les manipulations de l'idéologie
dominante, François Brune se lance dans un catalogue des
«mots qui font croire», sorte de fourre-tout de nomination
sans sens apparent. Il fustige de la sorte les termes «développement
durable», «généreux donateur», ou
«charity business». Il les porte en exemple d'une catégorie
de termes «valises» dont l'emploi récurrent cache
une signification floue quant elle n'est pas manipulatrice.
En dénonçant les abus de langage au service d'une
idéologie qu'il exècre, l'auteur tend finalement à
proposer une éthique du discours comme langage de la vérité.
Il s'oppose ainsi à une conception de la communication nécessairement
manipulatrice par la définition d'un mode d'échange
fondé sur une position ouvertement morale sur les formes
d'influence par l'expression orale.
S. P.
>>> Professeur et écrivain, François Brune
est collaborateur du Monde Diplomatique. Il a notamment publié
Le Bonheur conforme, essai sur la normalisation publicitaire (Gallimard,
1985), Les Médias pensent comme moi et Sous le soleil de
Big Brother, précis de 1984 à l'usage des années
2000 (L'Harmattan, 1997 et 2000).
François Brune http://larbremigrateur-fb.blogspot.com
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