"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
François Brune DE L'IDÉOLOGIE, AUJOURD'HUI
ANALYSES, PARFOIS DÉSOBLIGEANTES,
DU « DISCOURS » MÉDIATICO-PUBLICITAIRE
Parangon, Paris, 2004, 190 p.

Origine http://www.nuitblanche.com/Affiche.aspx?page=4&id=12181


Nuit blanche, numéro 99, juillet 2005

Les médias - ces satanés médias ! - mènent le monde, semble-t-il. On parlait même du Quatrième pouvoir il y a encore quelques années. Certains vont jusqu'à dire que les médias construisent littéralement la réalité, qu'ils créent le monde que l'on voit et auquel on croit, qu'ils sont, enfin, ceux qui tiennent le miroir dans lequel se voit une partie de l'humanité... Ce reflet ne serait qu'une version moderne, virtuelle - une matrice - des ombres de la caverne de Platon. Devant une telle conception du monde, une conception idéologique aussi complexe qu'énigmatique, le promeneur curieux qui s'interroge sur le monde, risque de chercher des débuts de réponses. Sans toutes les contenir, bien sûr, l'ouvrage de François Brune, De l'idéologie, aujourd'hui, Analyses, parfois désobligeantes, du « discours » médiatico-publicitaire, est une source de profondes réflexions sur le(s) rôle(s) des médias dans la société actuelle.

François Brune parle de foot, du Vatican, de politique, de communication, etc., en dressant un portrait des principaux mécanismes idéologiques contemporains. Comme le titre de l'ouvrage l'indique, l'auteur se concentre sur le présent, et ce, sans perdre de vue qu'un discours sur l'idéologie peut, de nos jours, paraître désuet, voire démodé... La question des idéologies serait, selon certains penseurs, réglée depuis « deux décennies ». C'est, toujours selon l'auteur, parce que « l'idéologie se donne l'apparence d'un simple constat, unique et irrécusable, de l'ordre des choses » et que, selon « les apôtres du néo-libéralisme [...] ce n'est pas la pensée qui est unique, c'est la réalité ». Son essai apporte ainsi, dans sa qualité réflexive, peut-être plus de questions que de réponses. À lire si vous aimez l'envers du décor. Accessible et instructif ! NB



François Brune, De l’idéologie aujourd’hui (Analyses, parfois désobligeantes, du «discours» médiatico-publicitaire), Parangon, 2004, (189 p.)

http://www.institut-expression.com/Pages/institut-expression-a-lire.php?idRubrique=1&idArticle=98&Archives=1&m=11&a=2004



«L'idéologie est un système d'idées et de valeurs, une vision du monde à la fois descriptive et prescriptive.» C'est par cette définition que François Brune débute son livre pour poser l'objet de sa réflexion : la recherche et l'analyse dans le discours médiatico-publicitaire actuel des signes de l'idéologie capitaliste qu'il définit comme dominante. L'auteur s'appuie pour cela sur un recueil de textes publiés dans le Monde Diplomatique dont il est l'un des collaborateurs. Remaniés et revisités, ces articles «militants» comme il se plaît à les définir explorent notamment le discours radiophonique, politique et publicitaire ainsi que certaines grandes tendances de la société actuelle (religion, engouement sportif, etc.).

L'intérêt de cet ouvrage réside, au-delà de la dénonciation systématique par l'auteur d'un système menant à l'avènement d'une pensée unique aliénante, dans l'analyse parfois judicieuse des tics de langage, des doubles discours et des rapports des systèmes de communication à la manipulation. François Brune utilise pour illustrer son propos des exemples tirés de l'histoire (Appel du 18 juin du Général de Gaulle) du monde politique (discours d'Edouard Balladur) ou publicitaire. Si quelques passages du livre s'attachent plus particulièrement à argumenter contre une idéologie capitaliste, d'autres apparaissent comme pertinents sur les liens entre expression orale et manipulation du discours.

L'auteur s'attache ainsi dans un premier exemple à expliquer le pouvoir des «perfomatifs» dans le discours oral actuel. A partir de l'exemple de l'Appel du 18 juin, François Brune définit le performatif comme verbe dont le simple énoncé suffit à opérer l'action qu'il exprime. Dans le je jure de dire la vérité, par exemple, la parole accomplit le serment énoncé. Le j'invite les français à me rejoindre de l'appel en est un autre exemple : c'est en effet en disant "j'invite" que le Général de Gaulle invite. Reconnaissant le bien-fondé de l'emploi systématique des performatifs dans un discours d'une telle importance, l'auteur stigmatise toutefois le recours systématique dans le discours politique aux «perfomatifs essouflés» alimentant la «langue de bois». Ce phénomène provoquerait ainsi une dégradation du discours par la perte de la valeur de l'acte de parole.

Poursuivant ses dénonciations des abus de langage au service d'une idéologie, François Brune s'attache à montrer, au travers de l'exemple des rapports entre la religion et la publicité, l'ambiguïté des discours face à la publicité. Il semble reprendre dans cette optique le principe de «double contrainte» (double bind) développé par Bateson, membre de l'école de Palo Alto. Face au développement de la publicité l'auteur dénonce en effet une double posture de langage consistant à affirmer à la fois la prééminence et l'intérêt de la publicité et à dénoncer les vices et abus qu'elle génère. A partir de l'exemple de la position du Vatican tirée du texte Ethique et Publicité publié en 1997, l'auteur veut ainsi montrer une tendance générale des discours politiques dans leur définition la plus large à manier une rhétorique de double contrainte permettant la manipulation de l'opinion publique.

François Brune s'attarde finalement sur deux aspects du discours actuel lui paraissant particulièrement significatif de l'idéologie. Il met ainsi en avant ce qu'il nomme «le paradigme de la candidature» pour définir le discours de présentation de soi qu'il tend à retrouver dans l'ensemble des rouages de la société. L'auteur veut démontrer de ce fait que l'usage du verbe n'a d'autre sens désormais que de nourrir et crédibiliser l'image de soi. L'expression orale est donc dans cette vision aliénée par le souci permanent de joindre au discours les attributs d'une «vente» de sa personne, au détriment d'un discours plus authentique, donc plus constructif. Enfin, dans son désir de percer à jour les manipulations de l'idéologie dominante, François Brune se lance dans un catalogue des «mots qui font croire», sorte de fourre-tout de nomination sans sens apparent. Il fustige de la sorte les termes «développement durable», «généreux donateur», ou «charity business». Il les porte en exemple d'une catégorie de termes «valises» dont l'emploi récurrent cache une signification floue quant elle n'est pas manipulatrice.

En dénonçant les abus de langage au service d'une idéologie qu'il exècre, l'auteur tend finalement à proposer une éthique du discours comme langage de la vérité. Il s'oppose ainsi à une conception de la communication nécessairement manipulatrice par la définition d'un mode d'échange fondé sur une position ouvertement morale sur les formes d'influence par l'expression orale.


S. P.

>>> Professeur et écrivain, François Brune est collaborateur du Monde Diplomatique. Il a notamment publié Le Bonheur conforme, essai sur la normalisation publicitaire (Gallimard, 1985), Les Médias pensent comme moi et Sous le soleil de Big Brother, précis de 1984 à l'usage des années 2000 (L'Harmattan, 1997 et 2000).

François Brune http://larbremigrateur-fb.blogspot.com