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Avant de courir les soldes pour trouver ces merveilles de gout et
de technologie version Large, il faut que je vous dise quelque chose
vite fait sur l'achat, histoire de vous déprimer ou vous rassurer
selon vos positions :
Origine http://skate.agoride.com/Skate/Matos/le_mat%C3%A9riel_xxl_19126_4_55.htm
1/ La conduite d'achat
Chacun sait qu'une publicité cherche à faire acheter
ou consommer ; chacun se croit libre parce qu'il le sait. C'est
en effet l'aspect le plus visible de son action, celui auquel il
nous semble le plus facile de résister. Je choisis telle
marque, j'achète ou non ce produit, je préfère
faire appel à cet organisme de préférence à
tel autre : je suis libre !
Cette apparente liberté du client que je suis n'en couvre
pas moins un premier niveau de conditionnement, c'est qu'on me dit
sans cesse qu'il faut acheter. Ce rappel, que me lancent les multiples
signaux de la vie quotidienne (revues, courrier, affiches, spots,
enseignes), est de plus ritualisé au fil des fêtes,
foires et saisons. On jalonne ma vie de “ besoins ”
d'achat; on me répète qu'exister, c'est saliver. Je
vis dans un monde de lèche-vitrines où ce sont les
vitrines qui me lèchent. “ Ça fait trois semaines
que je n'ai rien acheté ! ” déplore une consommatrice.
“ Prenez de l'avance sur les fêtes ”, clame un
grand magasin dès le mois d'octobre. Ainsi se constitue au
fond de nous une nouvelle instance psychique : la pulsion d'achat,
instance première, normative, véritable impératif
catégorique de l'idéologie publicitaire.
2/ Le comportement de consommation
La liberté de choix est évidente, dit-on, puisque
“ les marques se concurrencent ”. Certes. Mais le consommateur
voit-il qu'il ne choisit pas librement la nature de ses consom-mations
? Ce dont nous croyons avoir besoin est le fruit d'un conditionnement
commercial à base de mimétismes sociaux. J'hésite
entre dix marques de “ jeans ” : je ne mets pas en doute
qu'il est bon, qu'il est beau, et tellement “ jeune ”
d'adopter cette mode. J'ai le choix entre mille et une boissons
pétillantes et sucrées, mais je ne m'aperçois
pas que je cède à l'impératif de boire, en
été, pétillant et sucré. Idem pour les
divers produits de beauté, dont l'ensemble persuade qu'il
est indispensable d'user de crèmes de toutes sortes pour
offrir un visage socialement acceptable. L'usage rituel de produits
de beauté fait croire que la beauté ne saurait être
que produite (par le miracle de l'industrie). La liberté
de choix cache ainsi l'obligation de choisir. Au niveau des produits
pris isolément, les prescriptions d'achat se concurrencent,
mais en revanche, au niveau des comportements de consommation, elles
se renforcent. La grande masse de publicités en faveur de
l'alcool, du tabac ou de l'automobile, quoique concurrentielles,
convergent pour préconiser leurs ivresses spécifiques
: il faut fumer, boire et conduire. “ La promotion de l'usage,
dit le professeur Got, porte en elle-même la promotion de
l'abus. ” Et ces modes de consommation deviennent peu à
peu des styles de vie censés incarner le bonheur moderne.
3/ Le modèle de bonheur
Toutes publicités confondues, depuis des décennies,
l'idéologie publicitaire dresse à nos yeux, et à
ceux des enfants, une représentation idéale du bonheur
dans la “ société de consommation ”. Résumons
ce beau programme :
-il faut jouir : le plaisir d'abord ! Le plaisir de consommer,
de consommer tout de suite, de consommer égocentriquement
(même si c'est avec d'autres). C'est le “ devoir de
plaisir ”, qui exige la satisfaction de l'envie immédiate,
matérielle, superficielle, extravertie ;
-il faut “ rêver ” et, plus précisément,
rêver de consommations qui recèlent, par elles-mêmes,
les grandes valeurs de la vie. Toutes les dimensions de l'être
humain (l'intelligence, la santé, la beauté, l'amour,
la convivialité, la grandeur, l'engagement politique, voire
révolutionnaire) étant réduites aux produits
qui les “ signifient ”, inutile de tenter de vivre ailleurs
;
-il faut “ croire ”, c'est-à-dire s'en remettre
à la solution “ produit ”, quel que soit le problème
que l'on rencontre existentiellement ; le culte du produit-héros,
célèbré dans toute publicité, s'étend
naturellement du produit à ceux qui le produisent : les industriels,
les grands capitaines de l'économie libérale, les
multinationales qui ne pensent qu'à vous assister, et dont
l'essence divine réside dans le nom, c'est-à-dire
la Marque (Vous en rêviez, Tony l'a fait) : la Marque devient
alors pour beaucoup la seule identité, l'être social
par excellence -et l'illustration parfaite de l'aliénation,
puisque le sujet, en la portant, se glorifie de sa servitude ;
-il faut tout consommer, collectivement, qu'il s'agisse de réalités
ou de symboles, de choses de la nature ou de fruits de la culture.
Sous le signe de la pulsion consommatrice, la rhétorique
publicitaire associe désir d'achat et pulsion sexuelle, soif
d'information et dévoration d'événements, etc.
La “ marchandisation ” du monde a l'avantage de tout
transformer en produit consommable et jetable. Dès lors,
la soumission à la consommation, la consoumission, permet
de participer au vaste mouvement consensuel et euphorique de la
modernité. Honte à qui refuserait de suivre notre
fantastique époque de progrès, et tenterait de dégriser
les drogués de la surconsommation en tirant la sonnette d'alarme
écologiste...
La pauvreté de ce modèle peut faire rire, mais ne
doit pas nous dissimuler sa nocivité : il enferme en effet
le consommateur dans une frustration chronique (aucun produit ne
peut tenir la promesse de ses signes), dans une course inassouvie
à la surconsommation tragique, dans une idée de soi
qui est un leurre sur soi-même. Le fossé entre l'opium
publicitaire et les réalités de la vie, lequel commence
dès l'enfance, entretient dans le grand public une sorte
de schizophrénie collective, entre délire et sinistrose,
grosse de déchirements potentiels et de lendemains qui déchantent.
Texte par François Brune, la suite dans le forum.
François Brune http://larbremigrateur-fb.blogspot.com
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