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Origine :
http://www.hns-info.net/article.php3?id_article=5435
Source/auteur : Lillepop.org http://www.lillepop.org/article.php3?id_article=316
François Brune http://larbremigrateur-fb.blogspot.com
Qui veut la peau de la pub ? Entretien avec François Brune
Chez Mango vient de paraître Qui veut la peau de la pub ?,
un livre composé d'une nouvelle de Bruno Japy qui se passe
dans une agence de publicité, et d'un dossier d'Arnaud Gonzague
sur les « antipubs » (96 p., 7,50 euros).
L'auteur avait fait une interview de François Brune qui
a été coupée faute de place.
Questions à François Brune, cofondateur de R.A.P.
et auteur du livre "le Bonheur Conforme".
Arnaud Gonzague - Pourquoi, alors que la publicité est centenaire,
a-t-il fallu attendre 1992 pour voir apparaître la première
association antipublicitaire ?
François Brune - En réalité, la critique de
la publicité est ancienne.
On la retrouve sous la plume d'écrivains comme Bernanos ou
Saint-Exupéry, mais elle revêtait plutôt l'aspect
d'une critique de la société de consommation. Dans
les années 50-60, elle a persisté chez de nombreux
penseurs comme Roland Barthes, Edgar Morin et évidemment
Baudrillard. Mais dès la fin des années 70, elle a
connu la forme associative, via l'association de consommateurs Que
Choisir. Elle formulait une critique très radicale de la
publicité, même si elle n'était pas exclusivement
dédiée à ça. Il ne faut pas oublier
le combat antipublicitaire mené par les associations féministes,
lesquelles ont, comme l'antipublicité, connu une certaine
traversée du désert dans les années 80. A partir
de 1981, les choses ont changé : un grand nombre d'intellectuels
soixante-huitards se sont mis à relégitimer la publicité
et la société de consommation.
L'exemple type, c'est Libération, qui n'avait pas de publicité
dans ses pages et a viré sa cuti au début des années
80. Beaucoup de gens motivés dans ces années-là
ont cru que c'était foutu, et les intellectuels ont délaissé
ces thèmes. La réaction antipub s'est tue, mais ça
ne voulait pas dire qu'elle n'existait plus.
Et puis elle est revenue à la vie... A partir du milieu
des années 90, en effet, le mouvement s'est réveillé
: sans doute par effet de saturation de la part du public, mais
aussi grâce au succès du discours contre la mondialisation
ultralibérale, qui passe par la critique de la malbouffe,
l'Attac, le Monde Diplomatique... R.A.P. participe à cette
pensée, à cet essor.
Arnaud Gonzague - Mais votre combat n'apparaît-il pas un
peu accessoire par rapport à ces mouvements ?
François Brune - Dès la fondation de R.A.P., nous
avons redouté que notre lutte soit considérée
comme secondaire. C'est vrai que critiquer la publicité,
c'est mince, comparé à la lutte contre les catastrophes
écologiques, les massacres au Rwanda ou le terrorisme. Mais
n'oublions pas qu'il y a 20 ans, les écologistes eux aussi
étaient considérés comme des doux rêveurs,
des intellectuels marginaux. Aujourd'hui, ils ont su trouver une
assise politique et convaincre le public de la nécessité
de les écouter. Nous devons démontrer que derrière
le discours antipublicitaire, il y a une mise en cause essentielle
de l'idéologie de surconsommation, l'exploitation du Tiers-Monde,
l'épuisement des ressources naturelles, etc.
Arnaud Gonzague - Tout cela est contenu dans la publicité
?
François Brune - Oui. Chaque fois qu'on voit une publicité,
il faut prendre en compte son impact social, en observant les autres
publicités du même secteur. Car le message publicitaire
se caractérise aussi par son aspect massif, homogène,
et omniprésent. Derrière une publicité pour
une voiture, il y a toujours l'apologie de la vitesse, l'indifférence
par rapport à un monde pollué, etc. Analyser et critiquer
la publicité, ce n'est pas infantiliser les consommateurs
: au contraire, c'est leur redonner un sens critique et citoyen,
une méthode qui empêche de gober un message sans réfléchir.
Quand après avoir vu une pub, on se demande : "Ai-je
vraiment besoin d'acheter une voiture ?", c'est gagné.
Arnaud Gonzague - Quelle est pour vous la publicité "idéale"
? Existe-t-elle ?
François Brune - Tout d'abord, il faut faire une distinction
entre la publicité et le système publicitaire. Faire
de la publicité pour un produit - faire connaître au
public ce qui est d'intérêt public - est une des composantes
de la liberté d'expression. Mais la place accordée
à toute information doit être proportionnelle à
son importance. Or, l'espace offert aux publicitaires est démesuré
par rapport à l'importance des produits qu'ils vantent. La
première des choses à faire, c'est donc de réduire
massivement cet espace.
En allant un peu loin, je pense que la publicité devrait
se limiter essentiellement aux lieux de consommation : les magasins
et centres commerciaux. De même que la parole professorale
se limite essentiellement à l'école et la parole religieuse
à l'église. Elle n'a pas à être ailleurs.
Par ailleurs, il faut parvenir à ce que j'appelle une "morale"
du discours publicitaire. C'est-à-dire une volonté
de communiquer honnêtement sur un produit, sans cette rhétorique
mensongère systématique, cette volonté falsificatrice
de séduction, qui essaye de contourner les défenses
critiques des gens.
Arnaud Gonzague - Mais ce discours "moral" est contraire
à l'essence même de la publicité !
François Brune - Oui, mais seulement parce qu'on a laissé
les publicitaires s'arroger le monopole de la communication sur
les produits. Pourquoi ne pas imaginer des émissions d'information
sur les produits qui donneraient la parole aux annonceurs, mais
aussi à leurs contradicteurs ? Face à une critique
bien construite, les entreprises seraient bien forcées de
vanter les qualités propres de leurs produits, sans baratin
! Leurs discours s'adresseraient enfin à l'homme rationnel
et plus aux pulsions infantiles du consommateur.
Arnaud Gonzague - Pensez-vous que la publicité invente les
besoins ?
François Brune - Non, pas vraiment. On a tous un certain
nombre de besoins fondamentaux. La publicité va en quelque
sorte "greffer" des produits sur ces besoins. Par exemple,
on éprouve tous le besoin de se déplacer vite. On
peut le faire à pied, à vélo, en scooter, ou
en voiture... D'une certaine manière, la pub crée
un besoin second : le besoin de voiture et de scooter. A un niveau
plus profond, elle finit par créer le besoin de besoin. Le
grand argument des publicitaires, c'est : "Nous communiquons
avec des femmes nues, mais n'avons pas inventé les machos.
Nous communiquons sur la puissance des voitures, mais les fondus
de vitesse existaient avant nous ", etc. Bien sûr que
ces comportements sont répandus ! Mais ce n'est pas parce
que ça existe que c'est légitime. C'est ce que je
veux dire dans le Bonheur Conforme quand j'écris : "Quand
bien même il est dans la nature du chien (de Pavlov) de saliver,
il n'est pas normal de le faire saliver au son d'une clochette".
Arnaud Gonzague - Mais la persuasion publicitaire n'est-elle pas
une bonne chose quand elle se met au service des "grandes causes"
?
François Brune - Non, car le publicitaire entend toujours
produire un comportement, sans s'interroger sur les raisons profondes
de cette impulsion. On joue sur le côté sensationnaliste
de la misère en Afrique pour conditionner des réflexes.
On se dit : " C'est Noël, je vais verser du fric ",
au détriment d'une conscience en profondeur des inégalités
structurelles entre le Nord et le Sud. Pire : ces affiches avec
des enfants squelettiques et implorants sont une manière
de conférer aux donateurs une supériorité condescendante,
de leur donner bonne conscience, en masquant la responsabilité
de l'Occident. On ne peut prétendre faire acquérir
des conduites responsables en intimant un slogan, ce qui est en
soi une forme de déresponsabilisation.
Arnaud Gonzague - Mais dans le cas de la lutte contre le sida,
par exemple, ne croyez-vous pas à l'effet "interpellateur"
?
François Brune - Mais on nous interpelle tout le temps ! Ceci
produit un effet de saturation et de surenchère permanente.
Le gars qui vous interpelle sur le sida va vous interpeller la semaine
suivante sur la même affiche pour acheter une voiture ou des
pâtes... Comment peut-il générer un comportement
civique ? C'est impensable.
François Brune http://larbremigrateur-fb.blogspot.com
Source/auteur : Lillepop.org http://www.lillepop.org/article.php3?id_article=316
Bibliographie Antipub
De l’idéologie, aujourd’hui - François
Brune - 12 €, 194 pages (Parangon, 2004)
« C’est sûr, De l’idéologie, aujourd’hui
sera LA référence des résistants à la
pub, mais pas seulement, car ce livre est essentiel à tous
et à toutes pour comprendre la mécanique mortifère
de la Pensée unique. Une idéologie dont la pub est
le vecteur, qui imprègne toute la société,
somme chacun de se soumettre et condamne l’homme à
la seule superficialité. » Vincent Cheynet
Objectif décroissance - Silence - (Parangon, 2003)
Putain de ta marque ! La pub contre l’esprit de révolte
- Paul Ariès - (Editions Golias, 530 pages, 23 €)
Jacques Ellul, l’homme qui avait presque tout prévu
- Jean-Luc Porquet - (Editions Le cherche midi, 2003)
NO LOGO, la tyrannie des marques - Noami Klein - (Editions Actes
Sud, 2001)
Le livre noir de la publicité - Florence Amalou - (Editions
Stock -2001).
A bas la pub ! - Hors-série de Charlie Hebdo, Gérard
Biard - (Les éditions rotatives, 2001)
La pieuvre publicitaire - dossier du Monde diplomatique - (Mai
2001)
99 francs - Frédéric Beigbeder - (Grasset, 2000).
La Société de consommation de soi - Dominique Quessada
, (Editions Verticales - 1999).
Le bonheur conforme, essai sur la normalisation publicitaire -
François Brune - (Gallimard 1981, rééditéen
1995 et 1996).
« Les médias pensent comme moi ! » - François
Brune - (L’Harmattan,1997).
La simplicité volontaire - Serge Mongeau - (Editions Ecosociété
- 1985, réédition augmentée 1998).
La décroissance - Nicholas Georgescu-Roegen - (Editions
Sangde la terre - 1995).
Adbusters (en anglais), Adbusters Media Foundation, 1243 West 7th
Ave., Vancouver, BC, V6H 1B7, Canada (Abonnement : 25$)
Le pavé dans la gueule de la pub - Casseurs de pub - (Editions
Parangon, 15 €)
De la misère humaine en milieu publicitaire - Groupe MARCUSE
- (Editions La découverte, 144 pages, 7,50 €)
Petit manuel anti-pub - Démarque toi !- Paul Ariès
- (Editions Golias, 192 pages, 15€)
Des liens sur ce site Lillepop.org http://www.lillepop.org
Pub v/s Mai 68
Qui veut la peau de la pub ? Entretien
avec François Brune
Démarque-toi !
Manifeste contre la pub sexiste
Du principe Pollueur = Payeur en matière
de prospectus et autre publicités
Poujadisme Kulturel ... en avant toutes !
Bibliographie Antipub
Petit dico de la pub
La publicité, les vecteurs de l’idéologie
MANIFESTE CONTRE LE SYSTEME PUBLICITAIRE
Antipub : les rhizomes de la colère
Nous marchandises !
L’« antipub », un marché
porteur ...
Action en photos !
Origine des liens et de la Bibliographie : http://www.lillepop.org/article.php3?id_article=226 |
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