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Quand des passagers d'avions s'opposent à des expulsions

Témoignage de Franco La Cecla, l'un des 3 passagers du vol Paris-Dakar placés en garde à vue pour d'être opposés à l'expulsion d'un sans-papiers (dépêche AFP après le texte)

Comment peut-on appeler un pays qui accepte de faire de la misère du monde un spectacle ? Cynique ? Post-fasciste ? Post-berlusconien ? Je ne sais pas, mais je sais que j’ai assisté à une preuve convaincante de ce qui nous attend dans les prochaines années.

Nous sommes dans un charter bondé de Air Horizon s’apprêtant à décoller pour Dakar sur la piste de l’aéroport Charles de Gaulle. Au fond de l’avion, quelqu’un hurle désespérément. Les hôtesses accompagnent les passagers avec un sourire. Est-ce un enfant qui pleure ? Non, c’est un jeune Congolais qu’on renvoie dans son pays coincé entre deux policiers. Aucune distance entre eux et les passagers ; les policiers sont rassurants, et prétendent qu’ils vont le faire taire. Il hurle : « Je ne suis pas un esclave », il a les yeux exorbités, le visage congestionné. Les passagers se retournent, inquiets, troublés par cette vision qui conjugue le désespoir de la dernière chance et les méthodes « scientifiques » des policiers qui de temps à autres le font disparaître sous le siège. On leur dit de ne pas s’inquiéter, que tout se passe normalement. L’avion a déjà beaucoup de retard, toujours immobile sur la piste. La situation devient absurde, grotesque, les hôtesses continuent à sourire et les passagers se demandent ce qu’ils doivent faire : avoir peur ? Le sans-papier menace de tuer et de se tuer. S’apitoyer ? Non, les policiers disent de ne pas se retourner, de ne pas s’occuper de cette affaire qu’ils vont gérer, eux.

Quelques passagers vont chercher le commandant de bord et lui demandent comment va pouvoir se dérouler un vol (avec escale à Brest) dans des conditions pareilles. Une passagère sénégalaise raconte que sur un autre Air Horizon un sans-papier a hurlé pendant sept heures d’affilée. Parmi nous, beaucoup sont troublés, bouleversés. Le commandant annonce qu’il a décidé, en vertu de son pouvoir, de faire descendre le sans-papier et demande à trois personnes de lui confier leur passeport pour appuyer sa décision. Lorsque les trois passagers sont appelés pour récupérer leur passeport, ils sont aussitôt menottés et transférés dans la prison du poste de police de l’aéroport Charles de Gaulle. Passons sur la manière dont ils sont traités. Privés de tout droit, ils ne peuvent téléphoner ni à leurs ambas sades, ni à leurs parents ; on les déshabille, on les fouille, on les avertit qu’ils auront de sérieux ennuis et qu’ils ne sont pas près de sortir de là. Passons sur les conditions de la prison, dignes d’un camp de concentration : cohue, promiscuité, saleté, manières plus que rudes, un trou pour faire ses besoins. Une prison sans même les droits de la prison. Ils devront attendre douze heures avant d’entrevoir une issue et de comprendre qu’ils ont le droit d’échapper à ce cauchemar. Mais tout cela est connu, normal (sinon pour Amnesty International), c’est le régime de garde à vue dans lequel l’individu perd son identité et ses droits et devient, comme dans un camp, une simple existence dont la police peut disposer à son gré.

Pire encore, ces individus sont coupables d’avoir eu une sensibilité, de la pitié, des réactions humaines, de ne pas s’être comportés comme des « collabos ». D’avoir refusé comme « normal » le spectacle de la souffrance d’autrui. Alors, comment appeler un tel pays ? Aidez-moi à trouver le mot juste, un nouveau terme pour le cynisme qu’on exige de nous, pour le voyeurisme surréaliste face à la souffrance d’autrui. Un pays qui a perdu le droit humain à la pitié a perdu une bonne partie de tous les autres droits.

Franco La Cecla traduit de l’italien par Eliane Deschamps-Pria


France-Sénégal-RDC-immigration Quand les passagers d'avions s'opposent à des expulsions Par Nicolas GUBERT

AEROPORT DE ROISSY (France), 15 déc (AFP) -

Des passagers de vols pour Kinshasa et Dakar se sont opposés avec succès, mardi et mercredi, à l'aéroport de Roissy-Charles-De-Gaulle, près de Paris, à l'expulsion d'étrangers en situation irrégulière, des événements qui restent rares.
Mercredi, trois passagers du vol Air Horizons pour Dakar ont été interpellés après avoir demandé à ce que soit évacué de l'avion un étranger non-admis sur le territoire. Cet homme, âgé d'une trentaine d'années devrait être embarqué dans un prochain vol pour le Sénégal, d'où il vient d'arriver.
Mardi, la fronde des passagers du vol Air France Paris-Kinshasa n'avait pas eu les mêmes conséquences puisqu'il n'y avait pas eu d'interpellation.
Les trois étrangers, dont les pieds et les mains entravés avaient indigné les passagers, avaient été sortis de l'avion. Mais ils devaient également être expulsés dans un vol suivant.

Les passagers interpellés mercredi, deux Français et un Sénégalais, sont sortis de garde à vue dans la soirée et seront prochainement convoqués pour de nouvelles auditions. L'enquête va se poursuivre avec notamment l'audition des membres d'équipage, a indiqué à l'AFP une source judiciaire.

Ces trois personnes sont poursuivies pour "entrave à la circulation et à la navigation d'un aéronef et provocation directe à la rébellion", des délits passibles de cinq ans d'emprisonnement et 7.500 euros d'amende.

Une journaliste indépendante, Diane Cazelles, qui se trouvait à bord de l'avion, a déclaré que les trois passagers interpellés sont François Goudier, ancien journaliste du quotidien français Libération, un écrivain et anthropologue italien, Franco La Cecla, et un passager sénégalais.
Une source aéroportuaire évoque à leur sujet des "faits d'outrage, de rébellion" ("ils ont insulté les policiers, qui les ont menottés et faits sortir de l'avion"). Une source judiciaire a indiqué qu'il n'y avait "pas eu de violences envers les policiers".

Selon les premiers éléments de l'enquête, il s'agit davantage d'une joute verbale que de violences. Les policiers n'auraient pas évoqué de voies de fait à leur encontre.

Selon une source aéroportuaire, il y a eu "six affaires de ce genre à Roissy depuis le début de l'année". "S'il y a une affaire de ce type par mois traitée par le tribunal de Bobigny (région parisienne), c'est bien le maximum", renchérit une source judiciaire.

"Le départ de l'avion est privilégié" systématiquement par rapport aux procédures d'expulsion, et au final, "c'est le commandant de bord qui prend la décision" de laisser ou pas embarquer la personne reconduite, selon cette source.

Si les procédures pour refus d'embarquer de la part des expulsés sont légion ("deux à trois dossiers par jour" à Bobigny, selon une source judiciaire), les récriminations d'autres passagers passent plus rarement la porte du tribunal.

Quand c'est le cas, les peines prononcées sont souvent de "trois mois de prison avec sursis", assure une source aéroportuaire.


Origine : Liste I N F O Z O N E .
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