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Origine : http://www.penelopes.org/xarticle.php3?id_article=6056
En tant que féministes arabes et juives en Israël,
il me semble que notre vocation est de promouvoir tout d'abord un
programme éthique, et de clarifier que tout programme politique
digne de ce nom, doit découler directement d'une position
et d'une expérience éthiques préalables dans
lesquelles il trouvera sa légitimité. S'inscrivant
dans une tradition féministe, cela semble une banalité,
mais dans le contexte historique du Moyen-Orient, de l'Histoire
des peuples juif et palestinien, cette affirmation, si on la prend
au pied de la lettre, porte des conséquences importantes
sur le concept même de l'action politique.
les sionistes acharnés – parmi lesquels on dénombre,
hélas, une part non moins importante de femmes – se
réclament toujours du statut de la victime, c'est qu'ils
le sont. Ils sont véritablement les victimes de la tentative
d'éliminer le rôle de l'éthique dans la vie
politique des femmes et des hommes sur la planète. Or, cette
tentative, ils en sont devenus les acteurs premiers, dès
lors qu'ils refusaient l'appel du combat contre l'oppression. Car
fondamentalement, être victime d'une injustice, signifie le
renoncement à l'idée de la justice et l'adoption d'une
logique de force. C'est ça qu'il faut retenir : l'abolition
de MON injustice ne garantit pas la sortie de l'esclavage. C'est
par le combat contre l'oppression d'un autre qu'on s'en libère.
Et dans le jeu de rôles d'opprimé/oppresseur, il se
trouve toujours un autre qui est placé plus bas dans l'échelle.
La leçon de l'aventure sioniste ne doit pas être conçue
dans des termes empruntés au langage traditionnel du nationalisme.
Que les Palestiniennes et les Palestiniens aient droit à
un Etat est une évidence que même les ultra-libéraux
acceptent. Ce sont eux d'ailleurs qui promeuvent une politique dans
ce sens, qui néglige le rôle-clé de la répartition
équitable des ressources dans l'élaboration d'une
réponse au problème de l'injustice. La tentative constante
de centrer le débat politique sur la question de l'Etat-Nation
ne fait que renforcer une dépolitisation que nous, féministes,
devrons combattre. La signification de cette dépolitisation
voulue se révèle dans l'implantation actuelle du «
Carnet de route » – le programme américain pour
la région, par le système des clôtures et des
murs qui creusent dans les territoires et dans les vies des femmes
et des hommes sans recours à une justice, ni spirituelle
ni matérielle.
De la leçon éthique de l'aventure sioniste découlent
non seulement des propositions discursives aux militants –
israéliens, palestiniens et internationaux – mais aussi
des modes d'action qui doivent concerner tous celles et ceux qui
désirent le rétablissement d'une politique pour toutes
et tous. C'est à nous de les repenser.
Lin Chalozin-Dovrat, Coalition de Femmes pour la Paix Juste, Israël
- février 2005
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