TROIS QUESTIONS A... MARIANNE DOURY
Propos recueillis par Hervé Martin. Source : article du journal Le
Monde du samedi 5 mai 2001, p. 24 à la suite de la soutenance de thèse
de sociologie en Sorbonne par Elizabeth Tessier sur l'astrologie... Voir
mon commentaire à la suite.
1 Linguiste au CNRS, vous avez étudié l'argumentation sur les parasciences,
à travers notamment des débats télévisés au début des années 1990. Qu'est-ce
qui caractérise ces échanges entre les tenants des pseudosciences et les
rationalistes?
Ces débats sont marqués par une asymétrie fondamentale qui
jour en favevur des parasciences, grace à des mécanismes argumentatifs
récurrents. Le premier s'appuie sur une asymétrie des compétences :
les parascientifiques en sauront forcément plus que les rationalistes
sur leur discipline, et peuvent les disqualifier comme non compétents.
D'autant que toutes les parasciences ne revendiquent pas le statut de
science. L'autre asymétrie porte sur les arguments : prouver que
quelque chose n'existe pas est beaucoup plus difficile, et moins spectaculaire
que de prétendre que ça existe. Soit les rationalistes s'en tiennent
au discours pamphlétaire, à des acciusations très générales, invoquent
les mânes de Descartes. Soit ils entrent dans les détails, au risque
de s'y perdre, car une argumentation valide n'est pas forcément efficace.
En face, on recourt à l'appel de Gallilée : les parascientifiques se
présentent en situation de martyrs face qu dogme, face à l'inquisition
scientifique. C'est une stratégie que l'on retrouve dans l'astrologie,
la parapsychologie, ou encore lors de l'affaire de la mémoire de l'eau.
2 Votre livre sur ce thème s'intitule Le débat immobile (Editions
Kimé, 1997) comme si les positions des protagonistes étaient figées à
jamais...
Lorsqu'on lit De la divination de Cicéron, on retrouve
mot pour mot certains des arguments utilisés aujourd'hui. Le débat est
structuré autours de quelques lignes de force quasi immuables, même
si, à ses franges, des considérations religieuses ou historiques modulent
les positions au fil su temps. La seule chose qui ait évolué récemment,
c'est la prise de conscience par les rationalistes des difficultés qu'ils
ont à contrer les parasciences. Ils commencent à identifier les grosses
bourdes à éviter pour ne pas avoir le dessous d'emblée lors de confrontations
publiques, en particulier télévisées.
3 La thèse de sociologie soutenue par Elizabeth Tessier ne va-t-elle
pas leur compliquer encore la tâche ?
Cette thèse va à coup sûr servir la stratégie de recherche
d'alliés. Dans le débat sur l'astrologie, le fait que certains membres
de la communauté universitaire soient favorables à l'astrologie permet
au défenseur de l'astrologie de contrer le discours des rationalistes,
qui suggèrent que la communauté scientifique fait bloc de manière unanime
face à ce qu'ils considèrent comme des manifestations d'obscurantisme.
Il est évident qu'Elizabeth Tessierpouvait plus facilement trouver un
titre universitaire, symbole de l'appartenance à une communauté, du
côté de la sociologie plutôt que de celui des sciences dures. Les arguments
déployés par les astronomes pour dénoncer cette thèse de sociologie
s'en trouvent affaiblis, puisqu'ils ne sont pas sociologues. Quel que
soit le bien fondé de leurs critiques, leurs efforts pour la décrypter
seront sans effet dans le débat social sur l'astrologie. (propos recueillis
par Hervé Morin)
Mon commentaire
Il me semble que
- on ne peut réduire les questions entourant l'astrologie à des questions
d'astronomie,
- on ne peut réduire les questions entourant l'astrologie à des questions
de sociologie.
Quelles sont les raisons (puisqu'on s'acharne à chercher le Pourquoi!)
qui font que des millions de gens aient besoin de l'astrologie ?
Nous avons là une question, disons : psychologique.
Que des structures sociales se soient mises en place pour (répondre à/créer
le) besoin correspondant montrent un aspect sociologique.
La question astronomique est aussi importante que peut l'être le choix
entre l'Arabica ou le Robusta dans le marc de café destiné à cette fameuse
"lecture". Ne confondons pas la forme et le fond.
Nous manquons d'approche critique, à la fois pour "comprendre"
ces "pseudosciences" et pour approcher/intégrer les sciences "classiques".
Une citation :
" Il est sage que, dans des moments importants, les décisions
soient supervisées par des généralistes. Les experts et les spécialistes
vous conduisent rapidement au chaos. Chasseurs de poux vétilleux, ils
sont une source intarissable de chicaneries inutiles. Le [généraliste],
d'un autre côté, doit apporter un solide bon sens a ses décisions.
[...] Le [généraliste] doit comprendre que tout ce que nous pouvons
identifier comme étant notre univers fait simplement partie de phénomènes
plus vastes. L'expert, au contraire, regarde en arrière, dans les catégories
étroites de sa propre spécialité. Le généraliste, lui, regarde au loin;
il cherche des principes vivants, sachant pertinemment que de tels principes
changent, qu'ils se développent. Le [généraliste] regarde les caractéristiques
du changement lui-même! Il ne peut exister de catalogue permanent pour
de tels changements, aucun traité ou manuel. C'est sans préconception
qu'il faut les regarder, tout en se demandant : "Que fait cette chose
?".
Ce texte est extrait du roman "Les enfants de Dune", de Frank Herbert.
Traduction française de Michel Demuth, disponible, avec les 5 autres romans
des "Chroniques de Dune", pour une misérable poignée de brouzoufs chez
votre libraire favori.("Les Enfants de Dune" est le troisième du cycle)
Le problème de la science occidentale, est à mon sens qu'elle MANQUE
DE GÉNÉRALISTES...
et ce n'est pas là du hors sujet par rapport à l'environnement sémantique
: L'enfermement du spécialiste est lié à son langage, lequel reflète ses
valeurs, dont la principale est : coupons les cheveux en quatre pour contrôler
les cheveux, divisons arbitrairement (verbalement) pour régner. Ce que
le spécialiste ne comprend pas, c'est qu'une fois le cheveux coupé en
quatre, il n'y a plus de cheveux... Un cheveux sans tête est un cheveux
mort, une tête sans énergie est une tête morte. Nous avons des SYSTEMES
de relations. Un langage qui découpe ne permet pas la compréhension systémique.
(cela ne signifie pas que la spécialisation scientifique est inutile.
Cela signifie qu'il faut en user avec PRECAUTIONS. Son champ d'étude est
si minuscule...
Michel Dussandier, Avril 1997 - mai 2001
La page origine : http://perso.wanadoo.fr/midier/guideg.htm
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