Anecdotes, histoires et métaphores
Les histoires sont utilisées depuis des milliers d'années comme véhicule
de l'éducation et de la persuasion. Elles suscitent l'émotion, créent
des images et contournent la réflexion critique...
Double contrainte
Proposez à votre enfant de choisir entre aller au lit à 7 heures et
demi ou à 8 heures. Il choisira probablement la deuxième possibilité...
et ira au lit avec moins de difficultés que si vous lui aviez imposé
d'aller au lit à 8 heures! Posées avec précautions, de tels types de
question qui enferment le récepteur dans la logique de l'émetteur peuvent
avoir une efficacité redoutable...
L'enchaînement de contraintes
Exemple: vous n'êtes peut-être pas assez courageux pour comprendre
mon point de vue...
Cette méthode conduit le récepteur a accepter ou à refuser dans son
élan les deux idées en même temps...
Le rapport
La persuasion passe mieux lorsqu'il se crée une certaine affinité entre
le "persuadeur" et sa victime. Il existe plusieurs techniques à cet
effet dont l'introduction positive ("mes chers amis", "chers concitoyens"...)
ou montrer du respect (sincère ou calculé), pour sa cible, ou encore
parler le langage de l'auditeur (qui retrouve ainsi ses habitudes...),
ou créer de l'espoir (Napoléon aurait dit que le chef est celui qui
est capable de vendre de l'espoir)...
L'autorité
C'est l'autorité qui fait par exemple fonctionner le médicament placebo:
le malade a confiance en l'autorité du médecin. Le politicien citera
Voltaire, etc.
L'expérience marquante dans ce domaine est celle que Stanley Milgram
(Psychologie
de la gégène lien2)
a développé dans les années 60. Elle fait le coeur du film I comme
Icare...
L'humour
Quelqu'un a dit "Une fois que vous avez fait rire les gens, cela
signifie qu'ils vous écoutent, et vous pouvez alors leur dire à peu
près n'importe quoi." Attention: un auditeur doit se méfier lorsque
la cible de cet humour est une personne ou un groupe social. Essayez
de trouver un autre sujet de rigolade.
Les termes émotionnels
Certains mots conduisent à des associations particulières, et à des
émotions positives ou négatives - bien que chacun ne réagisse pas nécessairement
de la même manière. Certains termes ont cependant des effets similaire.
"Amour" et "liberté" ont en général un effet positif. "Douleur" et "emprisonnement"
un effet opposé. Cette émotion conduit à suspendre la réflexion critique:
Danger!
La conduite
L'objet de la conduite consiste à amener la "cible" vers l'objectif
du "persuadeur". Cela commence par une prémisse valable ou prouvable.
Si la cible accepte cette prémisse, elle a passé la première étape.
Pour convaincre de la validité d'une phrase, le persuadeur dira regardons
les choses en face... soyons honnête..., c'est pourquoi...,
en tant qu'expert, je... etc. Le persuadeur peut alors enchaîner
sur des prémisses moins certaines. exemple: Les paléontologue révèlent
que les dinosaures se sont éteints sans intervention humaine, et nous
savons que les humains ne sont pas non plus responsables de la disparition
des autres espèces animales. Le "et" du centre de la phrase est
ainsi déterminant entre validité et relativité... La répétition bien
placée permet aussi la "conduite" de son auditoire, etc.
Les questions
...aident à faire apparaître l'objectif du persuadeur comme étant une
idée de la "cible" elle-même: voulez-vous vous asseoir? Pouvez-vous
me raconter votre enfance?, etc.
...peuvent créer de la confusion si elles sont trop compliquées ou posées
trop rapidement, produisant ainsi une certaine anxiété elle-même réductrice
de la réflexion critique. Le persuadeur y réponds alors, réduisant cette
anxiété tout en donnant à sa réponse une valeur non critiquée.
...peuvent comporter des nouvelles idées ou suggestions: Pourquoi
voulez-vous une nouvelle voiture? demande le vendeur à la personne
qui vient à peine de s'adresser à lui et qui ne sait pas trop quoi choisir...
les mots manquants
Créer une phrase ne comportant qu'une partie d'une alternative. (Il
est clair que cet ordinateur est bien mieux!) La "cible" sera alors
conduite à se demander mieux que quoi? Par rapport à quel autre...
etc.
Le mécanisme est assez mal connu mais cette méthode paraît assez efficace,
peut-être parce qu'elle donne un point de référence implicite et le
valorise par divers adjectifs ou substantifs ("clair", "évident", certain"...)
Les informations manquantes
Cette technique concerne principalement les médias, mais on peut aussi
la trouver dans nombre de discours.
Le fait de ne pas évoquer un sujet peut faire croire qu'il n'existe
pas, évitant ainsi toute discussion...
Un journal d'information, en particulier télévisé, est limité par le
temps disponible. Une sélection avisée des sujets proposés permet à
tout les coups d'éviter les plus désagréables. Il n'y a plus de censeurs
officiels, mais juste un choix, libre, des rédactions qui savent
jusqu'où ne pas aller.
Cependant, face aux protestations (tout le monde ne dort pas devant
sa télé) l'excuse ultime est toujours qu'on n'en parle pas par exemple
des questions Politiques du type Evolution de la Démocratie ou
Maitrise des marchés financiers du fait du désintérêt du "public"
(ou plutôt du coeur de cible...).
Ce ne serait pas les rédactions qui censurent, mais le Public qui n'en
voudrait pas. Belle excuse, pour des gens supposés INFORMER: quel intérêt,
si c'est pour répéter des choses inutiles ou de peu d'intérêt? Evidemment,
le procès d'un meurtrier, c'est plus spectaculaire qu'une réunion du
FMI. Pourtant, la seconde aura certainement plus d'effets sur
la vie de chacun...
En ce sens, l'expression de Gregg Hoffmann
"Le journaliste n'a pas à dire au public ce qu'il
a envie d'entendre mais ce qu'il a besoin de savoir" me parait
particulièrement justifiée.
les Absolus
Une "cible" vulnérable sera attirée par des absolus ("toujours...",
"jamais...") qui proposent une finalité tout en détruisant toute possibilité
de débat. Les termes "doivent" ou "ne doivent pas" impliquent également
une sorte d'absolutisme.
La réduction à l'absurde
Méthode très intéressante et quasi-imparable (on ne peut la démonter
qu'en changeant de niveau dans la discussion): prenez une idée quelconque
et avec un peu d'imagination poussez-la à une extrême logique.
N'IMPORTE QUELLE IDEE subissant un tel traitement devient absurde
et même dangereuse... Cette technique ressemble à la suivante. Elle
est souvent utilisée par les auteurs de Science-Fiction.
Du général au particulier et réciproquement.
Si l'on vous donne un exemple, dites qu'il ne s'agit que d'un cas particulier.
Si l'on vous propose une théorie ou une idée, dites qu'elle est trop
générale. Ainsi, quoi que l'on vous oppose, vous aurez toujours raison,
puisqu'en soi un exemple n'est rien d'autre qu'un cas particulier, et
qu'une théorie ne peut être qu'une généralisation nécessairement abusive
dans l'une ou l'autre de ses conséquences.
Choix des catégories.
Comme exemple de cette tactique, je prendrais celui, très récent, de
La Banque Mondiale qui prépare (juillet 2001) le lancement d'un grandiose
projet de ressources partagées sur le "développement" (tiers monde,
pauvreté, etc.) via un site web. Les critiques (critiques
page en anglais) considèrent que cette initiative n'est qu'une manière
de contrôler les débats autour du développement.
Qui n'a pas Internet n'y aura pas accès.
Qui ne parlera pas la (les?) langue(s) employée(s) n'aura pas non plus
accès aux ressources.
Pour ce qui nous concerne ici, ce seront les classifications
utilisées pour "organiser" le "débat" qui permettront un autre niveau
de contrôle:
on ne trouvera pas de catégories (principaux sujets de discussion) du
type "économie politique" ou "inégalité" ou "discrimination", mais uniquement
des concepts beaucoup plus politiquement neutres du type "gouvernance"
ou "développement humain", qui ont l'avantage de mieux noyer le poisson
dans les eaux tiédasses du discours ramolli et ... dissimulateur?
Etc.
La rhétorique manipulatrice est une discipline toujours vivace...
Michel Dussandier, Avril 1997 - mai 2001
La page origine : http://perso.wanadoo.fr/midier/guidea.htm