|
Origine : http://inter.culturel.free.fr/www/spip.php?article8
A la question « peut-on vivre sans identité et sans
passé ? » bien des gens se gaussent pendant que d’autres
restent sans voix. Il est vrai qu’au premier abord, la question
peut surprendre et même déstabiliser car, si les historiens
nous martèlent qu’il est impossible de vivre sans passé,
les magistrats nous intiment de décliner notre identité,
pendant que la société nous inculque qu’elle-même
n’est qu’une forêt dense dont chaque arbre généalogique
comporte plusieurs individus en guise de branches. Tout cela est
conforme à une certaine réalité qu’on
ne saurait confondre avec la réalité.
L’inconnu est la réalité de toute rencontre.
A priori, on ne peut que se faire des idées (préjugés,
jugements, etc.) sur l’autre, l’identité, le
passé et la personnalité n’étant éventuellement
connus qu’a posteriori. A chaque rencontre, le courant passe
ou ne passe pas et on a que faire des questions d’identité,
de passé, de personnalité. Bien qu’il y ait
autant de cas de figures que de rencontres, il n’est ici question
que des deux cas classiques : le cas où le courant passe
et le cas où le courant ne passe pas.
Le coup de foudre est le paradigme du meilleur des cas. Les individus
qui sont frappés en plein cœur par la flèche
de Cupidon n’ont pas de temps à perdre dans des questionnements
sur l’identité, le passé, l’arbre généalogique
et la personnalité de l’être aimé. Quand
on rayonne d’amour, l’être auquel on a affaire
est entièrement accepté dans la plus totale ignorance
du qui, du pourquoi et du comment, avec vertus apparentes et vices
cachés. C’est ce que nous montre avec beauté
et maestria le cinéaste Finlandais Aki Kaurismäki (1)
dans L’homme sans passé ; il nous montre aussi qu’il
est possible (mais pas facile) de vivre sans identité et
sans passé, à l’échelle individuelle,
ce qui relativise de façon indiscutable le propos d’Elie
Wiesel selon lequel « Vivre sans passé est pire que
vivre sans avenir ». Il est vrai que l’acteur Markku
Peltola alias « l’homme sans passé », tabassé
à mort sans raison apparente par trois malfrats, réussit
à vivre amnésique (sans identité et sans passé)
grâce à la main tendue de Kati Outinen, alias la bénévole
de l’Armée du Salut auprès de laquelle il trouve
l’amour. L’amour est plus fort que tout, c’est
connu. Mais que se passe-t-il dans le cas où le courant ne
passe pas ? Que se passe-t-il dans le pire des cas, le pire étant
l’existence de ceux qui sont stigmatisés comme étant
« Noirs » ? En d’autres termes, lorsqu’on
est « Noir », a-t-on droit à un passé
autre que celui du « non-Noir » (qu’il soit Arabo-Berbère
ou Blanc) ? De quelle identité peut-on se prévaloir
lorsqu’on est « Noir » et que l’on s’appelle
Toussaint Louverture, Ahmad Baba, Béhanzin, Malcolm X, Elijah
Muhammad, Aimé Césaire, Cheikh Anta Diop, Edson Arantes
do Nascimiento alias Pelé ? Ceux qu’on appelle encore
de nos jours « hommes de couleur », « Nègres
», « Noirs », « Black », ont-ils droit
à une reconnaissance autre que celle héritée,
visible, condensée et figée dans la marque somatique
?
A une époque où certains façonnent à
loisir leurs corps par ce que le sociologue David Le Breton a appelé
Signes d’identités. Tatouages, piercing et marques
corporelles (2002), d’autres remuent terre et ciel pour se
procurer des agents corrosifs afin de se dépigmenter la peau.
Le Négro-Américain (désormais gris) Michael
Jackson est la tête de gondole de ces « Noirs »
qui ne veulent plus être « noirs » ou du moins,
qui veulent être moins « noirs ». L’affaire
paraît anecdotique, mais en réalité elle est
révélatrice de la situation dramatique, trouble et
complexe des « Noirs ».
Des « Noirs », on en trouve sous tous les cieux, dans
tous les pays, de toutes les religions, à tous les niveaux
des hiérarchies sociales. Mais peut-on dire « les Noirs
» comme s’il s’agissait d’une espèce
à part, comme s’il s’agissait d’un conglomérat
d’individus tous pareils ? D’ailleurs, qu’est-ce
qu’un « Noir » ? Qu’est-ce qu’être
« Noir » ? Qui sont « les Noirs » ? «
Les Noirs » font-ils partie de l’humanité ? A
toutes ces questions que l’on se pose encore de nos jours
sur « les Noirs », certains se satisfont des réponses
héritées d’Hérodote et de sa lignée
plus que bimillénaire : Louis XIV, Jean-Baptiste Colbert,
John Locke, David Hume, François Marie Arouet Voltaire, Jean-Jacques
Rousseau, Charles de Secondat Montesquieu, Napoléon Bonaparte,
Emmanuel Kant, Georg Wilheim Friedrich Hegel, Adolf Hitler, Samuel
Phillips Huntington, Olivier Pétré-Grenouilleau et
beaucoup d’autres. Pour Hérodote et sa lignée,
« les Noirs » sont des êtres à part dont
l’humanité est fort douteuse, donc des êtres
sans identité, sans passé, sans civilisation ; l’affaire
est entendue une fois pour toute. Dans le même temps, d’autres
ont élaboré des réponses qui sont aux antipodes
de celles d’Hérodote et ses zélateurs : Etienne
Félix Berlioux, Lucien Peytraud, Arturo Labriola, William
B. Cohen, Antoine Gisler, Jean-Paul Sartre, Jacques Heers, Serge
Daget, Carminella Biondi, Louis Sala-Molins, Martin Bernal entre
autres et beaucoup d’anonymes. Et les premiers intéressés,
« les Noirs », que pensent-ils de tout cela et que pensent-ils
d’eux-mêmes ?
De la période pré-islamique à nos jours, «
les Noirs » (appellation impropre qu’il faut considérer
comme entre guillemets) eux-mêmes se sont posés des
questions et se posent toujours des questions sur leurs identités,
leurs passés, leurs places dans l’humanité :
Ahmad Baba, Ottobah Cugoano, William E. B. DuBois, Marcus Garvey,
Sylvère Alcandre, Frantz Fanon, Félix Moumié,
Fela Anikulapo Kuti, Norbert Zongo, Edouard Glissant, Dieudonné
Mbala Mbala... Il est de la plus haute importance d’écrire
les mots « identités » et « passés
» au pluriel lorsqu’on parle des « Noirs »
: la singularité de chaque individu, la spécificité
de chaque communauté humaine, l’inédit de chaque
situation historique à travers le temps et l’espace
interdisent l’usage du singulier, ce que Fanon n’a cessé
de souligner dans ses écrits. Tous ceux qui ont enfreint
cette interdiction de bon sens pour s’adonner à l’arbitraire
de la généralité se sont englués dans
le piège sinistre et nauséabond du racisme et de la
haine, tel Marcus Mosiah Garvey qui fit du Ku Klux Klan son partenaire
idéologique. Que l’on soit « Noir », «
Blanc » ou autre, il faut (impératif et nécessité)
absolument prendre en compte le crime contre l’humanité
dont « les Noirs » ont été victimes pendant
douze siècles, et non quatre comme on a pris l’habitude
de le croire et de l’enseigner, si on souhaite vraiment répondre
sérieusement aux questions ayant trait aux « Noirs
». Pour amorcer un début de clarification, il n’est
pas de trop de revenir au film d’Aki Kaurismäki.
En effet, dans L’homme sans passé, il s’agit
d’un ouvrier qui débarque à Helsinki, à
la recherche d’un job. Les trois malfrats qui l’ont
massacré pour le fun l’ont laissé inconscient
et c’est par miracle qu’il s’est retrouvé
en vie, mais sans aucun souvenir de son identité et de sa
vie antérieure. Sans identité et sans passé,
il redécouvre tout de même la joie de vivre grâce
à « l’amour du prochain » dont il a bénéficié
; happy end ! Alors, pourquoi « les Noirs » ne feraient-ils
pas comme « l’homme sans passé », eux qui
sont les miraculés non pas d’un tabassage à
mort, mais d’un génocide, du « génocide
utilitariste le plus glacé de la modernité »
(Sala-Molins), et d’un déni d’humanité
qui persiste jusqu’à aujourd’hui ?
Pour répondre à cette question, il faut partir du
fait historique primordial que tous « les Noirs » ont
pour patrie anthropologique l’Afrique, continent qui est aussi,
d’après les paléontologues, la patrie originelle
de l’être humain. Du VIIe au XIXe siècle, le
continent africain tout entier fut assiégé de l’intérieur
et de l’extérieur, et « les Noirs » pris
dans les feux croisés des « génocideurs »
islamo-chrétiens. Les commerçants-missionnaires de
l’islam sont les premiers « génocideurs »
à s’inviter et à s’imposer en Afrique
Noire, « l’hospitalité africaine » aidant.
Le crime contre l’humanité est légitimé
et légalisé par la religion musulmane et au nom du
Coran : les barons de la chasse aux « Nègres »,
de l’esclavage et de la traite négrière sont
alors exclusivement musulmans, qu’ils soient Arabo-Berbères
ou « Noirs ». Avec l’arrivée des «
génocideurs » chrétiens d’Occident à
partir du XVIe siècle, le commerce du « bois d’ébène
» se mondialise et en 1670, Colbert, ministre Français
de Louis XIV et auteur du Code noir, peut écrire au premier
président du Parlement de Rennes « qu’il n’y
a aucun commerce dans le monde qui produisît tant d’avantages
» (2) que celui des Nègres. A l’instar des «
génocideurs » musulmans, les « génocideurs
» chrétiens légitiment et légalisent
leur crime par la Bible : ici, l’élite occidentale
(religieuse, politique, juridique, guerrière, philosophique,
littéraire, commerçante, etc.) a toujours prêté
main-forte à ce crime contre l’humanité et aux
dénis d’humanité. Des exceptions existent cependant,
et c’est grâce à ces dernières que nous
pouvons faire la part entre les héritiers d’Hérodote
et les autres. A ce jour, nous ne pouvons pas en dire autant des
négriers orientaux et « Noirs », de leurs élites
et de leurs opinions publiques : ils n’acceptent pas l’histoire
(comme dirait Canetti), ils refusent d’assumer leurs responsabilités,
ils gardent le silence avec toutes sortes d’armes. Dans un
cas comme dans l’autre, les bourreaux musulmans et chrétiens
ont invariablement le même argument « béton »
pour justifier leurs crimes contre l’humanité : le
« Noir » n’existe que pour l’esclavage et
la servitude parce qu’il est « noir », parce qu’il
n’est pas « blanc ». Nous sommes en 2005 et force
est de constater que ceux qui continuent de voir le monde en «
blanc » et « non-blanc », si ce n’est en
« blanc » et « noir » sont légion,
que ce soit au niveau de l’homme de la rue ou parmi les élites
orientales et occidentales. Et pour cause !
Contrairement à Markku Peltola (héros de L’homme
sans passé), les « peuples noirs » ont été
victimes, coup sur coup, d’un génocide prémédité
et très organisé, et de crimes coloniaux à
l’échelle planétaire. Au déni d’humanité
de l’esclavage et des traites négrières a succédé
le déni d’humanité des colonisations : c’est
la terreur blanche qui s’abat de plus belle sur « les
Noirs » déportés massivement aux quatre vents.
Acte 1, l’Afrique, la patrie originelle des « Noirs
» est d’abord saignée à blanc pendant
d’interminables siècles. Acte 2, l’Afrique est
ravagée et dépecée par les « nations
civilisées » à partir de 1885 (officiellement).
Acte 3, en Afrique, aux Amériques, en Europe, en Océanie,
dans les Caraïbes, « les Noirs » se retrouvent
apatrides et, ne sachant pas à quel saint se vouer, se vouent
à tous les saints de toutes les coteries. Disons qu’ils
font avec les moyens du bord pour résister à la condamnation
sans appel aux travaux forcés ad vitam aeternam et pour vivre
avec le deuxième traumatisme auquel ils ont survécu.
En Afrique et hors d’Afrique, plusieurs stratégies
de lutte pour la survie furent inventées et appliquées
avec plus ou moins de bonheur, tels les différents panafricanismes.
Face aux dénis d’humanité que sont l’esclavage,
les traites négrières et les colonisations, il y a
toujours eu des « Noirs » qui ont dit non et qui se
sont opposés avec énergie et fermeté à
leurs bourreaux, quelle que soit leur couleur. Il y a toujours eu
aussi des « Noirs » qui n’avaient d’autres
ambitions que de faire du profit en toute circonstance. De telles
attitudes sont propres à toute l’humanité, qui
est faite de n’importe qui et de n’importe quoi : en
tout lieu et de tout temps, les esclavagistes et les colonialistes
n’ont jamais visé autre chose que le lucre, le maximum
de profit avec la sueur, le sang et les cadavres des autres. De
la sueur, du sang, et des cadavres, l’Afrique et les «
peuples noirs » n’ont jamais cessé d’en
fournir, de force et parfois de gré à l’humanité
« blanche » et assimilée, tout en étant
considérés comme des moins que rien. Ce n’est
pas ce que racontent l’Histoire et les manuels scolaires :
ils sont écrits par les « vainqueurs » que sont
les nations musulmanes et chrétiennes. Que faire ?
Les réponses à cette question ne tomberont pas du
Ciel : on ne peut pas dire que « les Noirs » ont reçu
grand-chose de Lui depuis qu’ils ont été «
découverts » par les autres, non pas les Chinois, mais
les Arabo-Berbères et les Occidentaux. Ce ne sont pas non
plus de ces derniers qu’il faut attendre des réponses
autres que celles dogmatiques de leurs universalismes théologiques
respectifs : Yahvé, Dieu, ou Allah sont l’alpha et
l’oméga de toute réponse, les garants de tout,
sans exception. Pourquoi ne pas poser la question aux Asiatiques,
eux qui se sont gardés de mettre la planète à
feu et à sang alors qu’ils en avaient les moyens bien
avant tout le monde ? Sans doute répondraient-ils aux «
Noirs » que les réponses à cette question se
trouvent en eux-mêmes, et qu’ils les auraient trouvées
s’ils étaient équilibrés et zen ! Voilà
« les Noirs » renvoyés à eux-mêmes
pour trouver des réponses à la question « Que
faire ? ». Et ce n’est pas gagné d’avance
!
Ce n’est pas gagné d’avance car « les
Noirs » qui font quotidiennement la preuve qu’ils sont
les serviles héritiers de leurs « ancêtres domestiqués
» (Fanon, Peau noire, masques blancs) sont légion.
Maintenus en esclavage pendant plusieurs siècles, des «
Noirs » gardent consciemment et inconsciemment la mentalité
d’esclave, la mentalité de sous-homme. Dressés
à « la férocité blanche » (Plumelle-Uribe),
certains « Noirs » sont devenus plus féroces
que leurs maîtres « Blancs » ou « Arabes
», pendant que par opportunisme ou par lâcheté,
d’autres n’ont pour seul souci que de tirer leur épingle
du jeu, individuellement. Et par tous les moyens : ils forment le
gros du bataillon. Bien sûr, c’est en tant qu’individu
que Markku Peltola a bénéficié de la main tendue
de la bénévole de l’Armée du Salut, et
nous sommes innombrables, nous « les Noirs », à
devoir, à titre individuel, notre salut à des mains
tendues, rarement noires ou basanées d’ailleurs : là
n’est pas le problème. Il se trouve qu’au titre
de communauté singulière ayant été victime
d’un génocide, c’est la main tendue de la «
communauté internationale » que les Juifs ont saisi
au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Dans un registre similaire,
les Japonais ont mis à profit le Plan Marshall pour se refaire
une santé après avoir reçu deux bombes atomiques
sur leurs têtes. Mais des « Noirs » en tant que
communauté singulière, stigmatisée et victime
d’ethnocide et de génocide, qu’en est-il ? Combien
sont-ils, « les Noirs » qui ne jurent que par les livres
sacrés (Coran, Bible) qui ont servi à légitimer
et à légaliser le génocide et les dénis
d’humanité dont ils ont été victimes
? Légion. Combien sont-ils, « les Noirs » qui
n’ont d’autres fantasmes que ceux de leurs « anciens
» maîtres ? Légion. Ils sont combien, les «
Nègres gréco-latins » (Sartre) qui, domestiqués
à l’école de leurs maîtres, ne savent
qu’obéir au doigt et à l’œil et faire
le beau, tel un cabot ? Légion. En bleu de travail, en boubou
folklorique, en costume trois pièces, ou en redingote d’académicien,
des « Noirs » de service ont toujours joué des
coudes pour accéder à la chambre de bonne des «
maîtres ».
Il y a plus de deux mille ans, Sima Qian (145-86 av. J.-C.) le
premier historien chinois affirmait avec assurance que « Ceux
qui n’oublient pas le passé sont maîtres de l’avenir
». Quand on sait avec quels soins de maniaques les «
vainqueurs » écrivent l’Histoire, quand on sait
avec quelle hargne de cerbères les « vainqueurs »
contrôlent l’Histoire, quand on connaît l’outrancière
partialité avec laquelle on enseigne l’Histoire aux
enfants (les travaux de l’historien Marc Ferro sur ces points
sont salutaires), on prend aisément la mesure de la détermination
des « vainqueurs » à rester toujours les maîtres.
Mais « les Noirs », ces « vaincus » de l’Histoire
qui se plaignent d’être les mal-aimés de l’humanité,
qui se lamentent d’être les grands perdants de l’Histoire,
qui se désolent de n’avoir pas les moyens de se faire
respecter, eux qui s’adonnent de génération
en génération aux « mimétismes nauséabonds
» (Fanon) de leurs maîtres orientaux et occidentaux,
prendront-ils en compte un jour les sages paroles de Sima Qiang
?
L’ensemble des questions élaborées ci-dessus
sont d’une actualité brûlante (surtout en France,
et sans jeu de mots) et nécessitent des réponses mûries
et urgentes, des réponses claires et pratiques. Les pages
qui suivent ne sont ni un remède miracle, ni un programme
politique, ni un recueil de leçons (de morale, d’histoire,
de propagande...). Elles espèrent sortir des individus du
conditionnement idéologique (qui est partout), réveiller
des consciences individuelles de leur léthargie intellectuelle,
amener tous les acteurs de l’Histoire humaine à regarder
par deux fois les vérités officielles et à
rendre à César ce qui est à César, aux
« Noirs » ce qui est aux « Noirs ». L’Egypte
des pharaons a eu son heure de gloire, la Chine ancienne a eu son
heure de gloire, Athènes a eu son heure de gloire, tout comme
Rome, Paris... Comme on le dit, la roue tourne, ce que l’économiste
italien Arturo Labriola exprimait en ces termes : « La plus
sûre loi de l’histoire, la plus constante, la seule
invariable, est que nul peuple ne réussit à garder
indéfiniment la suprématie (...). Une civilisation
comme l’occidentale - dont toute la mentalité est conquête
- est une organisation permanente de la guerre, d’où
une double menace sur elle : ou par l’abandon de l’esprit
de guerre ou par la généralisation de la guerre. Tout
cela est possible, et tout cela est arrivé. (...) Aucun type
de civilisation n’a posé autant de conditions d’un
arrêt possible de son développement comme celui que
nous pouvons appeler capitaliste, occidental ou anglo-saxon. Mais
l’élément tragique de la situation est que,
pour triompher, il a supprimé toutes les autres espèces
de civilisation, dans tous les continents, civilisations qui maintenant
ne sont plus qu’un souvenir archéologique. Ceci pourrait
poser le problème d’une finale déchéance
de l’humanité » (3).
A bon entendeur, salut !
Notes
(1) A. Kaurismäki, L’homme sans passé, 2002,
Grand Prix du Jury, Prix d’interprétation féminine
pour Kati Outinen, Festival de Cannes 2002.
(2) G. Guenin, L’épopée coloniale de la France
racontée par les contemporains, Paris, Larose, 1932, p. 102.
(3) A. Labriola, Crépuscule de la civilisation. L’Occident
et les peuples de couleur, Paris, Mignonet, 1932, pp. 17-18.
|
|