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Origine : http://www.wasadugu.org/PrSalaPrixSenatJuin2005.htm
"Ainsi donc l'approximation historique devient science et
le Sénat, que présidait une fois Gaston Monnerville,
se pâme d'admiration et ceint de ses lauriers le front de
l'écrivain.
Ainsi donc la loi Taubira a un effet néfaste : elle permet
à chacun de savoir ce que "crime contre l'humanité"
veut dire et autorise chacun à se livrer à l'ignominie,
à l'indécence, à l'immoralité de la
comparaison...
Ainsi donc, comme autrefois ailleurs et ici dans une période
bien précise de l'histoire d'ici et d'ailleurs, il faudra
désormais à ceux qui osent, à ceux qui ont
le front de se prétendre "descendants d'esclaves"
exhiber les quatre quartiers de leur ascendance, voire même
tout leur arbre généalogique pour avoir droit... non
à la justice, non à la réparation, non aux
regrets, pas même à l'insultante compassion, mais tout
simplement à la parole.
Ainsi donc on peut écrire une "histoire" linéaire
et foisonnante à la fois de l'esclavage, du jour où
Yahvé condamnait Canaan, du jour où les fils de Jacob
(que Yahvé nomma Israël) vendaient en esclave leur frère
Joseph jusqu'à ce matin, en noyant par cette curieuse méthode
la traite négrière de signe chrétien dans l'infinitude
océanique des épisodes de l'aliénation de soi
au bénéfice d'autrui.
Ainsi donc on peut garnir de chiffres et de pourcentages l'histoire
des captivités intra-africaines en octroyant égale
valeur aux rarissimes témoignages écrits habilement
mêlés aux données, ô combien crédibles,
des traditions orales.
Ainsi donc Pétré-Grenouilleau peut faire oeuvre d'"historien"
en racontant les traites sans se préoccuper sérieusement
de l'idéologie convenant à chacune d'elles. Comme
si les notions d'"homme", de "liberté",
d'"esclavage", de "citoyenneté", de "peuple"
étaient les mêmes dans tous les continents depuis Hésiode
et Esdras jusqu'à Montesquieu et les Lumières et,
tant qu'à faire, jusqu'à la "Déclaration
des droits de l'homme et du citoyen" avant hier et à
la "Déclaration universelle des droits de l'homme"
juste hier soir.
Et c'est ainsi que l'historien à qui on s'empresse de tendre
papier, micros et caméras peut réussir cette merveille
de raconter la traite négrière de signe chrétien
sans aucunement évoquer ni le tragiquement exemplaire Code
Noir ni les avatars juridiques européens de ce chef d'oeuvre
juridique, voulu par l'immense Colbert et le Roi Soleil, célébré
et remis en honneur dans un torrent de sang par Napoléon.
La même idéologie, celle des Lumières, qui célèbre
la libération de l'homme, qui combine inextricablement humanité
et citoyenneté, qui dit la grandeur des peuples et qui condamne
l'esclavage gréco-romain, propose "des règlements
à faire" pour "mieux tenir les esclaves" (Montesquieu),
insinue de faire travailler "en musique" les esclaves
pour que, oubliant leur douleur, ils oublient leur condition (Diderot)
.
Et le Sénat se pâme.
Et par sa stupide pâmoison, le Sénat foule aux pieds
la dignité, l'humanité de tous et chacun des descendants
de ces esclaves-là.
Quand le pouvoir législatif prévarique, la voie est
ouverte à tous les excès, à tous les désordres.
Sénateurs, nos élus, honte à vous!
Sénateurs, nos élus, prenez garde! Les descendants
d'esclaves sont légion. Et ils ne sont pas seuls".
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