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Une lecture de Chronique de la guerre civile d'Eric Hazan
Par Mona Chollet

Origine : http://www.inventaire-invention.com/lectures/chollet_hazan.htm

Eric Hazan, Chronique de la guerre civile, éd. La Fabrique, 12 euros


Entre la station Couronnes et la station Belleville, j'évite autant que possible de prendre le métro. Le charme commence à agir à partir du haut de la rue Jean-Pierre Timbaud, et prend toute sa force lorsqu'on tourne à gauche sur le boulevard de Belleville. L'odeur des olives et des épices vous chatouille les narines lorsque vous passez sur le trottoir. Dans les échoppes s'amoncellent les sacs d'oléagineux et de céréales, les boîtes de thé et de henné, les conserves exotiques, les bouteilles de soda aux étiquettes en arabe, les narguilés, les théières marocaines, les plats à tajine, les cassettes à trois sous. Le plus beau, c'est à l'époque du ramadan, lorsque les étals débordent sur la rue : beignets orange vif dégoulinants de miel, briques de lait fermenté, grandes boîtes de dattes, pain traditionnel, bouquets de coriandre, et les gamins aux yeux brillants accrochés à la main de leur père, de leur mère, dans la cohue des acheteurs qui s'approvisionnent pour le repas de rupture du jeûne… La lumière vive des lampes, dans les boutiques, éclabousse la grisaille hivernale. C'est l'un de mes trajets préférés : lorsque j'ai trop travaillé, flotté trop longtemps dans l'abstraction des idées, et que j'ai besoin de me replonger dans le bain du monde, l'itinéraire est souverain. À chaque fois, c'est un ravissement total : la sensation de dépaysement, violente, tourne la tête et comble les sens. Mais je préfère en général garder pour moi ce bonheur intime, surtout à une époque où il est toujours un peu suspect de trouver un attrait quelconque au voisinage des "métèques" (je ne serais pas une naïve et dangereuse différentialiste, des fois ?...).

Dans Chronique de la guerre civile, à la date du 17 novembre 2002, Eric Hazan note :

« Karine, ma fille, m'appelle, hors d'elle. Elle vient de voir la police boucler le haut de la rue Jean-Pierre Timbaud, du métro Couronnes à la rue Moret, et faire démonter les étals que les commerçants dressent sur le trottoir au moment du ramadan pour vendre des petits pains, des dattes et des pâtisseries. Cette descente, un dimanche après-midi de jeûne, à deux pas de la mosquée de la rue Morand, a électrisé ce quartier toujours bouillonnant. Les policiers hurlaient des menaces et des insultes ("Et plus vite que ça, sinon on les met à la poubelle, vos saloperies…"). »

Mais dans quel monde je vis ?

Eric Hazan, lui, sait parfaitement dans quel monde il vit. Il le regarde dans les yeux, et en absorbe la violence à haute dose. Non seulement il ne semble pas avoir besoin de prendre de temps en temps ses distances avec l'information, comme le commun des mortels soucieux de préserver un minimum ses réserves d'énergie vitale, mais il traque, en plus, tous les renseignements susceptibles de compléter ou d'éclairer différemment l'information mainstream : il les recueille par divers canaux, et les jette avec les autres dans le brasier de sa colère. Dans ce journal, qui court de juillet 2002 à août 2003, il mêle le compte rendu de la rumeur médiatique du monde à ses observations quotidiennes d'arpenteur de la ville (on a affaire à l'auteur de L'invention de Paris, après tout), attentif aux quadrillages policiers et aux nettoyages urbanistiques. Dans certains cas, il leur adjoint quelques réflexions, et, dans d'autres, lorsque la sélection d'un fait, d'une citation, ou leur juxtaposition avec d'autres, suffit amplement à signifier ce qu'ils lui inspirent, il s'abstient de tout commentaire.

Dans son extralucidité, il relève certains détails, certaines déclarations à côté desquels le lecteur était passé, et qui le laissent stupéfait. J'en cite quelques-uns, parce qu'ils méritent qu'on leur fasse la plus large publicité possible. Dans le catalogue des publications de l'Université de Yale, l'ouvrage d'un professeur qui analyse les moyens d'action pour éradiquer le terrorisme, moyens qui seraient efficaces « si nous n'étions pas limités par des considérations légales, morales et humanitaires ». Un éditorial de Libération qui « rappelle », après que le gouvernement russe a massacré par négligence les spectateurs retenus en otages dans un théâtre moscovite par un commando tchétchène, qu'« en Russie la vie humaine n'a absolument pas la même valeur qu'en Occident ». La firme israélienne qui a mis au point le barbelé de deux mètres de haut encerclant les villages palestiniens et qui l'a breveté sous le nom de Concentrine. Israël qui, en décembre 2002, à l'ONU, vote en faveur du protocole de la convention « contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants », jusqu'à ce que la radio israélienne annonce que ce vote était dû à une « erreur humaine ». La résurgence, signalée par le quotidien Haaretz, des livres négationnistes et des cassettes de chants nazis dans certaines librairies russes d'Israël, « conséquence de la loi du retour étendue pour des raisons démographiques à quiconque n'est pas arabe », et dont le gouvernement ne veut rien savoir…

Oui, Eric Hazan, éditeur, à La Fabrique, d'Amira Hass, Ilan Pappé ou Michel Warschawski, militant convaincu des droits des Palestiniens, porte une attention particulière à Israël. Contrairement à ceux qui plaident pour deux Etats séparés, il défend le projet d'un Etat qui s'étendrait du Jourdain à la Méditerranée, et où tous, juifs, Arabes, juifs arabes, Russes, bédouins, travailleurs asiatiques…, seraient égaux en droits (« pas réaliste ? Le réalisme, on en voit chaque jour les effets »), car il estime qu'un Etat palestinien réellement indépendant serait géopolitiquement impossible. Mais Israël et la Palestine ne sont à ses yeux que l'épicentre de la « guerre civile mondiale ». Depuis bientôt trois ans, on entend dire et répéter de façon incantatoire qu'il faut à tout prix éviter d'« importer en France le conflit israélo-palestinien » – ceux qui le répètent étant le plus souvent ceux qui, par ailleurs, mettent le plus de zèle à l'importer, comme Roger Cukierman, l'actuel président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), qui s'était distingué en déclarant au lendemain du 21 avril 2002 que le vote Le Pen était « un message aux musulmans leur indiquant de se tenir tranquilles », et qui s'était vanté d'avoir conseillé à Ariel Sharon « de mettre en place un ministère de la propagande, comme Goebbels ». C'est le même qui a récemment obtenu l'annulation d'une rencontre entre des lycéens d'une banlieue de Nice et Leïla Shahid, déléguée générale de la Palestine en France, connue pour son discours responsable et apaisant : dans une tribune de Libération (23 mars 2004), il a eu l'impudence de justifier les pressions exercées par le Crif par le fait qu'il ne lui semblait « pas opportun d'inviter quelqu'un qui soit partie prenante d'un conflit armé » (des fois qu'elle serait venue avec sa kalachnikov) *.

Mais je m'emporte – la rage compulsive et désordonnée d'Eric Hazan est contagieuse. En somme, il dynamite tous ces discours hypocrites : « importer le conflit » ? Mais le conflit, à ses yeux, est déjà là, il est partout. Il est passé, le temps des affrontements bipolaires ou interétatiques : voici venu celui de l'affrontement, dans le monde entier, entre les gouvernements et les peuples ou les minorités qu'ils occupent ou qu'ils oppriment. La thèse peut se défendre, mais j'ai quand même l'impression (peut-être parce que je n'ai pas sa lucidité douloureuse, peut-être parce que je suis mal informée, peut-être parce que je suis naïve) qu'en voyant partout à l'œuvre les mêmes mécanismes, Hazan occulte quelques différences non négligeables d'intensité et de contexte. À parler d'« épuration ethnique » à propos du XVIIIe arrondissement de Paris, on court le risque d'oublier ce que « épuration ethnique » a pu signifier en Bosnie. On a assez protesté contre l'irresponsabilité d'un Finkielkraut parlant d'une « année de cristal » à propos des incidents antijuifs en France pour ne pas reproduire ses outrances ! Que les beaux principes, en Occident, restent lettre morte, que les institutions démocratiques soient pour une large part une illusion, sans doute. Mais, à les traiter par-dessus la jambe, on s'interdit aussi de s'en emparer pour tenter de leur redonner un contenu.

Le livre, parfois, donne l'impression d'une écriture trop hâtive, brouillonne. Il arrive qu'on reste sur sa faim, parce que Hazan fait référence à un précédent historique de façon trop elliptique pour que le lecteur qui n'a pas sa culture y comprenne quoi que ce soit. Quand il creuse la réflexion, on est tantôt sceptique – les scandales alimentaires ne sont-ils vraiment qu'une ruse pour répandre l'angoisse et ainsi mieux contrôler la population ? –, tantôt séduit, et, dans ce dernier cas, on regrette qu'il privilégie la stricte consignation des faits et ne s'attelle pas à une analyse construite et approfondie de ce qu'ils lui inspirent. Il jette sur le papier toutes ses indignations, prend la mouche à la moindre connerie imprimée, sans qu'on voie toujours le rapport, par exemple, entre les remaniements dans l'édition française, les idioties péremptoires de Josyane Savigneau dans Le Monde des Livres, et la guerre civile mondiale – mais on lui pardonne, parce que, par ailleurs, il dénonce à raison les excès de compartimentation qui stérilisent le sens.

On lui pardonne surtout parce que sa colère fait écho à la nôtre, et réussit même à l'outrepasser. Colère de voir désormais le racisme le plus cru s'exprimer sans complexes dans les pages des grands quotidiens, ou sous les couvertures de vénérables et prestigieuses maisons d'édition parisiennes. Colère de voir des peuples, le peuple palestinien, le peuple tchétchène, souffrir et sombrer sous nos yeux impuissants, sans que cela n'émeuve plus désormais qui que ce soit en haut lieu – colère et douleur épouvantables, récemment, en voyant à la télévision un Palestinien sangloter, assis sur une pierre, tandis qu'on arrachait ses oliviers pour les besoins de la construction de ce mur de séparation inhumain et insensé. Colère de constater, lors de la récente visite du président israélien à Paris, que c'était la France qui avait des compte à rendre, la grande affaire étant de savoir si elle était, oui ou non, un pays « antisémite » – ce terme intemporel qui, en occultant l'origine très précise des tensions communautaires actuelles, à savoir l'oppression des Palestiniens et le sentiment d'injustice qu'elle suscite, interdit aussi de leur trouver des remèdes.

À propos de ceux qui portent une responsabilité écrasante dans ce black out , Hazan écrit : « Les "intellectuels" juifs français qui ont accès libre aux médias font l'impossible pour bloquer toute critique d'un gouvernement dont ils connaissent les crimes aussi bien que moi. » Et il se souvient avec nostalgie du temps – en 1948 – où Hannah Arendt et Albert Einstein protestaient contre la visite aux Etats-Unis de Menahem Begin. Il serait mal venu, cependant, de lui faire remarquer que, non seulement les « intellectuels communautaires » ne sont pas les seuls fauteurs du black out, lequel ne peut exister que parce qu'il convient à l'air du temps occidental, mais que nombre d'intellectuels juifs font eux aussi tout leur possible pour qu'il soit levé. Hazan est en effet lui-même en première ligne de ceux pour qui le souvenir de la Shoah confère le devoir moral de prendre la défense des boucs émissaires ou des persécutés du moment. Il semble indéfectiblement habité par ce « sentiment de l'humanité » dont il emprunte la notion à Kant. Rapportant la scène de la rue Jean-Pierre Timbaud, il ajoute : « Je me souviens – simple association d'idées – d'un vieil ami de mon père racontant qu'en 1938, à Vienne, les SS l'avaient obligé à nettoyer le trottoir devant sa librairie avec une brosse à dents. » On devine, à lire ce genre de rapprochements, qu'Eric Hazan n'a pas que des amis, dans la vie. William Goldnadel, le président de l'association Avocats sans frontières, qui avait déjà fait parler de lui, en 2002, en intentant à Daniel Mermet un procès pour « antisémitisme » suite à des reportages en Palestine, vient de l'attaquer pour « incitation à la haine » après la publication par La Fabrique de L'Industrie de l'Holocauste de Norman Finkelstein.

Jamais dupe des mises en scène médiatiques, Hazan ne se laisse pas le moins du monde impressionner par le terrorisme intellectuel qu'impose la radicalisation idéologique de l'Occident après le 11 septembre 2001. Son jugement me paraît même parfois un peu rapide, par exemple quand il note, au moment des manifestations contre la guerre en Irak du printemps 2003 : « À Paris, ceux qui soutiennent le gouvernement israélien s'inquiètent du succès des manifestations contre la guerre. Ils ont entrepris une manœuvre d'intimidation à partir d'une bizarre altercation lors des manifestations de samedi dernier : les organisations "de gauche" sont sommées de "faire le ménage dans leurs rangs", d'éliminer les antisémites, les islamistes, etc. Et le plus fort, c'est qu'au lieu de dénoncer la manœuvre, les bureaucrates s'inclinent : ils disent oui, oui, on va le faire. » Que le refus français de la guerre en Irak ait fortement contrarié les partisans de l'écrasement des Palestiniens, c'est certain. Il me semble cependant me souvenir que cette fameuse agression antisémite n'en était pas moins réelle. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que la façon dont la campagne médiatique qui a suivi a fait rejaillir sur l'ensemble du mouvement anti-guerre l'opprobre de l'antisémitisme était proprement écœurante. Et que cette agression a fait bien plus de bruit que n'en feront jamais les « ratonnades » des extrémistes juifs, dont tout le monde se fout éperdument. Lors du passage à tabac de passants qui avaient pour seul tort d'être arabes, lors d'une manifestation du Crif en avril 2002 (sans parler du coup de couteau donné à un policier), on se souvient que le seul commentaire de M. Cukierman, sur France 2, avait été : « Si ces jeunes veulent se battre, je préférerais qu'ils aillent se battre en Israël. » Cet encouragement explicite à aller casser de l'Arabe là où c'est vraiment utile, ces propos honteusement racistes et belliqueux, auraient dû susciter un tollé. Au lieu de ça : rien. À d'autres occasions, on ne peut qu'abonder sans réserve dans le sens de Hazan, par exemple lorsqu'il note, à propos des débats sur la « laïcité » (20 mai 2003) : « La "laïcité", invoquée aux meetings du Crif, prônée par Laurent Fabius comme par Alain Madelin, devient chaque jour un peu plus une arme de la propagande anti-arabe. »

Au passage, on peut considérer ce livre comme un hommage à Internet et aux possibilités qu'il offre tant de consulter facilement la presse étrangère que de faire circuler une information alternative et de contourner les médias officiels lorsqu'ils s'avèrent – et il ne fait aucun doute que c'est le cas aujourd'hui – partiaux ou déficients sur certains sujets. Hazan reproduit les analyses, diffusées sur le réseau, du militant israélien Uri Avnery, celles du Centre d'information alternative de Jérusalem fondé par Michel Warschawski, ou encore le récit, diffusé par e-mail, d'une Israélienne (en fait, une coopérante belge enseignant à Gaza) qui a été témoin de la destruction de la maison d'une famille palestinienne, avec les enfants cherchant au milieu des décombres leurs livres et leurs cahiers, parce que les examens ont commencé, et les corps des chèvres et des animaux écrasés avec le reste. Elle termine par ces mots : « Quand on vous dit à la radio ou à la TV ou dans vos journaux que, après une période d'accalmie, les attentats ont recommencé, vous devez savoir que l'accalmie, ici, en Palestine, c'est la mort, les destructions, les vexations quotidiennes. Le terrorisme, c'est l'occupation et son cortège répressif. Le terrorisme, c'est l'assassinat journalier d'un peuple et de son avenir. Et c'est ça aussi le sabotage de toutes les feuilles de route qu'on se plaira à imaginer. »

En 2001, lorsqu'il avait commis son anathème contre Internet (L'inquiétante extase, Mille et une nuits), Alain Finkielkraut avait déclaré au magazine Transfert (juin 2001) : « Internet, c'est le lieu de la démocratie totale, où tous les discours sont possibles [ce qui, pour lui, est le comble de l'horreur]. Sur Internet, aucune sélection ne doit empêcher les discours de se produire et de se répandre. Or, si l'on considère que tous les discours sont égaux, il faut suspendre la différence entre le vrai et le faux : pas du point de vue de l'idéologie, mais de celui des faits. (…) Internet, c'est la fin du monde commun. (…) À l'avenir, Internet vous permettra de vous détourner des informations personnellement gênantes, de celles qui brutalisent vos convictions, et d'aller partager vos certitudes avec ceux dont vous serez persuadés qu'ils pensent comme vous. Pour ses partisans, Internet serait un recours contre le filtrage abusif de l'information. Je crois au contraire qu'il sera un recours contre les vérités qu'on ne veut pas voir. » Ce qu'il faut comprendre de toute cela, apparemment, c'est qu'Internet contrarie le rêve d'Alain Finkielkraut d'un discours unique, diffusé par les médias classiques : le rôle qu'il y joue de par sa notoriété lui permet en effet d'en évacuer autant qu'il le peut les « informations personnellement gênantes, celles qui brutalisent ses convictions », en les remplaçant par ses fantasmes – notamment au sujet du conflit israélo-palestinien. Il fait partie de ces « nouveaux réactionnaires » qui, comme l'écrit joliment Hazan, « patrouillent dans les médias comme une escouade de CRS dans une cité de banlieue ». Mais, comme l'éradication de toute information contrariante n'est pas complètement possible, notre grand défenseur du « monde commun » intervient aussi désormais, comble de l'ironie, sur une radio communautaire : même pas besoin d'Internet, en définitive, pour « partager nos certitudes avec ceux dont on est persuadé qu'ils pensent comme nous » ! On ne dénonce pas assez ce média diabolique et désocialisant qu'est la radio ! Il affirme ouvertement trouver certains charmes à ce communautarisme dont tout le pays, par ailleurs, traque avec angoisse et suspicion la moindre trace chez les Arabes ; il s'en expliquait dans une interview au Figaro Magazine (31 octobre 2003) : « Pour la première fois de ma vie, j'éprouve la nécessité d'être dans un milieu juif pour m'exprimer totalement et pour réfléchir impartialement, sans complaisance [sans blague !] à ce qui se passe au Moyen-Orient. D'où mon intervention hebdomadaire sur une radio juive. Ce n'était pas mon destin. J'ai vu naître les radios juives avec méfiance. Je ne voulais pas accélérer, mais retarder, au contraire, la transformation de la nation en société multiculturelle, et j'entendais bien préserver ma liberté d'esprit de toute pression communautaire. Mais le monde commun est devenu un tribunal. » Un « tribunal », ou simplement un lieu où circulent trop de « vérités qu'il ne veut pas voir » ?

Au final, à voir l'hystérie et la partialité grandissantes qui gagnent les médias classiques, il est assez singulier de constater que cet Internet tant décrié par les professionnels de la communication devient le lieu où l'on peut, justement, dénicher et faire circuler une information véritablement plurielle, plus équilibrée et plus pondérée. Et un outil providentiel pour un intellectuel résolument non-communautariste comme Eric Hazan, alors même que seuls ses homologues communautaristes – à l'exemple, aussi, d'Alexandre Adler, qui, en novembre 2003, sur Proche-Orient.info, qualifiait Rony Brauman de « traître juif », et revendiquait haut et fort « une part de fidélité aux siens et de fanatisme » (sic) – ont désormais droit de cité dans les « grands » médias, pourtant censés être au service de l'intérêt général. Enorme paradoxe, non ?


Eric Hazan, intellectuel anticommunautariste, une lecture de Chronique de la guerre civile, d'Eric Hazan. Par Mona Chollet

* Quand le Crif ne parvient pas à faire annuler les rencontres avec Leïla Shahid, il organise leur sabotage, comme récemment à Toulouse – lire sur

http://www.toulouse-palestine.org/doc/bulletin/040318.html#3

2004 w w w . i n v e n t a i r e - i n v e n t i o n . c o m