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Les enquêtes quantitatives menées sur les violences faites aux femmes
ont montré qu'elles sont toutes soumises à un risque de sous-estimation,
lorsque la collecte n'est pas assez sensible aux risques et aux
souffrances de l'interviewée, les questions inadaptées, le temps
alloué à ce type d'entretien inadéquat... Cette sous-estimation
peut aller jusqu'à diminuer de moitié l'occurrence de la violence.
Selon l'auteure de cette étude, si la responsabilité et l'éthique
du chercheur sont en jeu dans toutes les recherches, celles sur
la violence l'impliquent plus fortement par les désastres qu'il
peut produire chez les enquêtés comme chez les enquêtrices mais
aussi par les conséquences qu'elles peuvent avoir sur l'agenda politique.
A priori, la violence contre les femmes ne pose guère de problèmes
éthiques : tout le monde est contre. Cependant, cette position est
récente : ce n'est que dans les années 1990 et à la suite de l'action
des mouvements féministes, nationaux et internationaux que des conférences
internationales ont reconnu la violence faites aux femmes comme
une atteinte aux droits de l'homme 1 . Les gouvernements signataires
ont affirmé leur détermination à « prévenir et éliminer toutes les
formes de violence contre les femmes et les filles » en prenant
les mesures nécessaires pour la mesurer et l'éradiquer. Ils ont
donné une définition large de la violence, que ce soit à la maison,
dans le travail ou l'espace public, ou par les programmes de planification
familiale coercitifs (Gautier 2000). Dans cette communication, je
n'évoquerai que les violences conjugales, telles qu'elles ont été
repertoriées dans un numéro récent de Population Reports, pour au
moins trois raisons. 1) Les mesures sont les plus nombreuses et
les plus fiables. 2 ) Lors des communications sur ce sujet, il y
a toujours quelqu'un, qu'il soit démographe, juriste ou anthropologue,
qui soulève le problème du relativisme culturel, en prenant l'exemple
d'un village, au Bangladesh ou ailleurs, où une enquête anthropologique
aurait montré que toutes les femmes admettent la légitimité d'être
battues par leur conjoint, et où la question du désir féminin dans
le couple ne se poserait pas. Ce qui m'amènera à questionner la
continuité des représentations depuis le XIXe siècle, lorsque la
femme colonisée était souvent présentée comme offerte tous les désirs
et à rappeler les résultats d'enquêtes quantitatives, ainsi qu'à
réfléchir sur les justifications de l'intervention de l'Etat. 3)
Ces études ont commencé il y a une vingtaine d'années et il est
nécessaire de faire le bilan des nombreuses questions éthiques et
méthodologiques qui se posent. Il faut en effet prendre au sérieux
la sous-estimation, prouvée dans certains cas, de la violence conjugale
par les enquêtes quantitatives (que ce soit au niveau de la collecte,
de la prise en compte de la durée ou de l'interprétation) mais aussi
s'interroger sur la violence subie par les hommes, toutes questions
qui engagent l'éthique et la responsabilité du chercheur.
Ethique et violence
La chair occidentale serait-elle plus sensible ?
Certains chercheurs pensent que la critique de la violence conjugale
n'appartient pas aux traditions de certaines sociétés non-occidentales
et que leur appliquer ce point de vue relève d'une forme d'impérialisme
culturel 2 . En tant qu'historienne de l'esclavage et du colonialisme,
cette position m'évoque furieusement les récits de voyageurs français
aux Antilles qui considéraient doctement que la peau noire était
plus dure et donc moins suceptible de souffrir des coups de fouet.
On sait par ailleurs que certaines sociétés pré-coloniales (Gautier
à paraître), tout comme certaines sociétés actuelles (Sanday 1981),
ne pratiquaient pas la violence contre les femmes et les enfants.
Ainsi, les Iroquoiens 3 condamnaient les punitions infligées par
les Européens aux femmes et aux enfants et considéraient que le
viol marquait d'infamie l'homme assez peu viril pour le commettre.
Les femmes étaient libres de leur corps et de leurs amants (Anderson
1991 ; Leacock 1976; Viau 2000). Or aujourd'hui, les Indiens sont
accusés d'être violents et alcooliques, ce qui ne serait donc pas
lié à leurs « traditions » qui, comme toutes les soi-disant traditions
atemporelles, sont une invention conjointe des notables masculins
colonisateurs et colonisés au XIXe siècle (Hosbawm et Ranger 1983
; Lati 1990; Sudhri 1998; Schmidt 1991), mais à une imposition coloniale
particulièrement réussie. Au XIXe siècle, René Caillé, lui, en route
pour Tombouctou, a rencontré des Associations de femmes allant arrêter
un homme frappant sa femme et cela sans aucune intervention européenne
: dans ce cas la violence conjugale préexistait à l'intervention
coloniale mais elle était régulée, voire empêchée, par les associations
de femmes, qui ne l'acceptaient donc pas (Caillé 1830). Aujourd'hui,
des enquêtes menées dans 13 pays indiquent qu'il n'y a que quatre
pays, dont l'Egypte, où une majorité de répondants des deux sexes
approuvent le fait qu'un homme batte sa femme, même pour ce qui
est le plus mal perçu : la suspiscion d'adultère (Heise et alii.
1999). La violence a alors pour but d'obtenir la soumission de la
femme et sa conformité à un certain rôle : elle marque l'appropriation
du corps et du temps de la femme par sa compagnon, ce que nous appellerons
le sexage, par opposition au patriarcat, soit la domination masculine
plus générale (Guillaumin 1991).Toutefois, des entretiens en profondeur
menés en Egypte donnent une image plus complexe de la situation
: la majorité des femmes du Delta du Nil considère que l'époux ne
dispose pas du droit de battre sa femme, et même des étudiantes
islamiques qui estiment que l'Islam lui donne ce droit refuseraient
qu'ils l'appliquassent à elles-mêmes. Les questions de l'EDS auraient
été comprises comme portant sur les raisons pour lesquelles les
femmes sont battues et non sur la légitimité de ces raisons (Seif
El Dawla et alii 1998 : 91-92).
Tableau 1. L'approbation de la violence conjugale selon les
EDS.
Pays
Femmes |
Négligence
Maison enf |
Sort sans autorisation |
Répond,
désobéit |
Refus
sexe |
Suspiscion
d'adultère |
Aucune
raison |
Egypte |
50.9 |
|
69 |
70 |
(64.21) |
13.6 |
Nicaragua |
18. |
15.3 |
|
6.8 |
|
67.6 |
Inde |
40 |
36.6 |
(33,92
) |
|
|
43,7 |
Kazakhstan |
26.1 |
11.6 |
11.3 |
5.9 |
|
70 |
Zimbabwe |
31.2 |
27.8 |
31.6 |
22.3 |
|
|
Hommes |
|
|
|
|
|
|
Nouvelle Zélande |
1 |
|
1 |
1 |
5 |
|
Palestiniens |
|
|
57 |
28 |
29 |
|
Singapour |
|
|
4 |
5 |
33 |
|
1 si l'épouse a simplement parlé avec d'autres
hommes.
2 L'épouse ne montre pas de respect envers sa belle-famille.
Sources Macro international,
Enquètes démographiques et de santé, Egypte 1995 : 206-211 ;
ENDESA Nicaragua 1998 : 193-205;
NFHC India 1998-99 : 73 (71-79) ;
Kazakhstan 1999 : 37-40
Zimbabwe 1999 : 33-37;
Pour les hommes : Heise et alii ; 1999, tableau 3.
La notion, en particulier que les femmes n'auraient pas idée de se
refuser sexuellement, que le viol conjugal serait une notion occidentale,
renvoie au mythe du « harem colonial » (Allouache) où, de Marco Polo
aux romans coloniaux, en passant par les multiples cartes postales,
les femmes semblent s'offrir à toutes les voluptés. Ainsi, alors que
dans l'esclavage l'utilisation sexuelle des femmes est inscrite dans
leur prix et que dans le sud des futurs Etats-Unis, 60% des femmes
esclaves risquaient entre 15 et 30 ans d'être approchées par un homme
blanc (Gutman et Sutch 1976), selon les colons, ce ne sont pas eux
qui imposent leur volonté : ils ne font que succomber aux avances
des mûlatresses ou Africaines, libertines par nature. Pourtant de
nombreux récits de voyageurs, du XVIIe au XIXe siècle racontent le
prix que des femmes étaient prêtes à payer pour refuser certaines
propositions : le fouet et les tortures, pour elles comme pour leurs
familles (Gautier 1985). Ainsi, pour punir Harriet Jacobs de lui avoir
résisté, son maître sépare son oncle et sa tante qui s'aiment pourtant
tendrement et vend son frère adoré. Les silences et les ellipses des
autobiographies d'esclaves révèlent la longue douleur de ce harcèlement
perpétuel, même derrière des réussites éclatantes, comme celle de
Madame Keckley, ancienne esclave devenue modiste et confidente de
Madame Lincoln (Fleischner 1997) 4 . Ce qui montre assez que, même
dans une situation d'extrême approppriation, les femmes peuvent ressentir
la sexualité comme leur domaine propre, leur « sanctuaire imaginaire
» qu'elles essaient de préserver coûte que coûte (Cornell 1997). Aujourd'hui,
le refus de relations sexuelles constitue le motif le moins accepté
de violence conjugale, d'après les EDS comme d'après des entretiens
en profondeur et des groupes de discussion menés dans 7 pays par des
chercheurs autochtones, même si le droit positif à une sexualité épanouie
est moins affirmé, sauf en Egypte, où il est d'ailleurs conforme aux
principes de la Charia (Petchesky 1998 : 311-313).
Les justifications de l'intervention de l'Etat : utililitarisme
et liberté individuelle
La santé de la population fait désormais partie des fonctions de l'Etat
et tous les gouvernements, quelqu'ils soient et quoiqu'il en soit
dans la réalité, affirment lutter contre la mortalité et pour le bien-être
de leurs ressortissants, ce que Michel Foucault appelle la « bio-politique
». A ce titre la lutte contre la violence conjugale devrait être une
priorité. En effet, celle-ci a un impact énorme sur la santé mentale
et physique des femmes, à la fois à court et à long terme. A court
terme, 40% à 75% des femmes battues seront blessées de ce fait. A
long terme, les femmes qui ont souffert de violence à un moment quelconque
de leur vie sont significativement en plus mauvaise santé que les
autres, et souffrent notamment d'hypertension, de diabète, de maladies
gastro-intestinales et d'asthme. Elles sont plus souvent anxieuses,
dépressives et phobiques, et se suicident plus souvent, que ce soit
aux Etats-Unis, au Nicaragua ou au Pakistan. Les violences conjugales
représentent selon l'OMS 7% de l'ensemble de la morbidité féminine.
Leurs conséquences peuvent être calculées en termes de dépenses pour
la sécurité sociale, en pertes de journées de travail, en temps perdu
pour incapacités physiques ou dépressions. Les femmes violentées ont
plus d'enfants, dans certains pays, car elles ne peuvent éviter les
rapports sexuels ni utiliser une contraception. Enfin, la violence
a un effet négatif sur la santé des enfants élevés dans des familles
où la mère est maltraitée : ils ont un risque plus élevé de mortalité
avant cinq ans que les autres enfants au Nicaragua et en Inde. De
plus, un certain nombre des violence se terminera par la mort de la
femme. De 40% à 70% des homicides de femmes sont commis par des partenaires
intimes, alors que très peu d'hommes sont tués par une femme. Au Moyen
Orient et en Asie du Sud, quelques centaines de meurtre « d'honneur
» de la femme ou de la fille « indigne » auraient lieu chaque année
(Heise 1993).
La lutte contre les violences conjugales peut ainsi être justifiée
par des considérations utilitaristes, liées aux faits que la majorité
des individus sont contre ou qu'elles représentent un risque sanitaire
majeur. Cependant, ces arguments instrumentalisent les femmes et ne
font pas de leur liberté un objectif aussi fondamental que l'est celle
des hommes (Cornell 1997). Pourtant, la liberté individuelle représente
actuellement à la fois une valeur essentielle, qui intervient dans
toute évaluation des sociétés, et le produit de l'organisation sociale
(Sen 1997). Ainsi, même si les femmes acceptaient cette violence,
cela proviendrait des distorsions produites lorsque les caractéristiques
mentales du plaisir ou du désir s'adaptent à des situations d'inégalité
persistante. Une telle défense du statut quo ne peut subsister quand
on fait de la liberté individuelle une responsabilité sociale. D'autant
qu'à contrario, les violences, même conjugales, ne proviennent pas
seulement ni même principalement d'une agressivité de quelques hommes,
et encore moins d'une agressivité masculine innée, puisque ces violences
varient fortement dans le temps et l'espace et peuvent même être complétement
absentes, mais du fait que l'Etat accepte dans la sphère privée des
actes qu'il réprouverait dans la sphère publique. La représentation
de la femme comme propriété de l'homme est présente dans des codes
pénaux, qui n'admettent pas le viol marital. Elle l'est parfois d'une
façon exacerbée : au Paraguay ou en Haïti, le meurtre de la femme
reste impuni si son adultère est prouvé et celui-ci représente une
circonstance atténuante pour l'homme au Venezuela et pour les deux
sexes au Mexique et au Nicaragua (Bolis 1993 : 241 ; CRLP 1999 et
2000). L'Etat construit alors les femmes comme citoyens de seconde
zone, n'ayant pas les mêmes droits à la liberté, à la sécurité et
à l'intégrité physique que les autres membres de la société (Cook
1997).
Des considérations éthiques doivent également être présentes dans
la méthodologie de ces enquêtes. En effet, répondre à des questions
sur les violences peut induire des conséquences graves pour les femmes
- que ce soit en rappel de souvenirs humiliants et douloureux ou en
risque de réprésailles - ou parce qu'une sous-estimation pourrait
réduire la volonté interventionniste de l'Etat. Méthodologie et éthique
sont donc indissociables. Ethique et méthodologie
Les enquêtes quantitatives sous-estiment-elles les violences
conjugales ?
De grandes enquêtes quantitatives ont été menées depuis 1982 dans
de nombreux pays : 39 pays (dont 29 en développement), selon un rapport
récent et exhaustif5 de Population reports (Heise et alii, 1999).
Ces enquêtes montrent à la fois la forte prévalence de la violence
physique par « un partenaire intime » et sa variabilité. Au cours
de leur vie, ce sont de 10 à 58% des femmes qui ont subi des violences
physiques par un « partenaire intime ». Dans leur relation actuelle,
20 % des Colombiennes, Thaïlandaises de Bangkok et Chiliennes ont
été battues pour le tiers de Bangladaises et femmes de l'Uttar Pradesh
ainsi que 41% des Ougandaises et des Kenyanes. Au cours de douze derniers
mois, la prévalence varie de 1.5% aux Etats-Unis6 à 19% au Bangladesh
et 37% parmi les Palestiniens en Israël. Les violences physiques sont
souvent liées également à des abus psychologiques et elles s'accompagnent
dans un quart à la demi des cas de violences sexuelles. D'après l'OMS,
c'est de 10 à 15% des femmes qui reconnaissent avoir été violées par
un partenaire intime 7 .
Malgré ces chiffres énormes, on ne craint pas le sur-enregistrement
mais le sous-enregistrement. Les violences sont en effet un sujet
tabou : elles n'avaient jamais été évoquées par 68% des Bangladaises,
la moitié des Egyptiennes, un tiers des Cambodgiennes, Chiliennes,
Nicaraguayennes et des Anglaises, 22% des Canadiennes. Seules 15%
des Chiliennes et Nicaraguayennes pour 1% des Cambodgiennes avaient
contacté la police (Heise 1999, tableau 3). L'humiliation peut être
trop forte, la douleur trop facilement réveillée, mais les femmes
peuvent aussi craindre la réaction de l'autre : elles peuvent être
blâmées, leur honneur terni, elles peuvent avoir honte ou peur de
représailles par l'agresseur. Il faut être en confiance et avoir sa
sécurité assurée pour pouvoir parler, ce qui n'est pas toujours assuré.
Aussi, certaines enquêtes quantitatives peuvent indiquer des niveaux
de violence plus faibles que d'autres enquêtes, notamment lorsque
peu de questions la concernent. En Afrique du Sud, l'EDS indique des
niveaux de violence inférieurs de moitié à ceux d'autres enquêtes,
ce qui conduit les auteurs du rapport final à s'inquiéter d'un possible
sous-enregistrement. Au Nicaragua, les réponses sur la violence subie
au cours de la vie par un partenaire sont significativement plus élevées
au Léon (52%) et surtout à Managua (69%) par rapport à l'enquête EDS
(28%) menée sur un échantillon représentatif au niveau national (Ellsberg,
Heise, Pena, Agurto, Winkvits, 2001). Cette sous-estimation peut être
liée à des biais liés à l'échantillonnage, au questionnaire et à la
collecte.
On peut se demander quelle population interroger, de quel âge et quelle
durée de prise en compte de l'événement. Certaines enquêtes ont porté
sur des effectifs réduits, obtenus de façon non probabiliste, mais
la plupart portent sur des échantillons obtenus de manière probabiliste
et souvent importants, dont 54% sont représentatifs au niveau national.
Ce sont les seules retenues dans le tableau n°1 en annexe. Elles ont
interrogé des femmes, sauf deux d'entre elles qui demandaient aux
hommes quelle violence ils exerçaient sur leurs partenaires. En Thaïlande,
20% des 619 hommes de 15 à 49 ans ont reconnu avoir été violents physiquement
au cours d'une relation. En Nouvelle-Zélande, ce sont 21% des 18 ans
et plus qui avouent l'avoir été au cours des douze derniers mois 8
. Que vaut cette cette auto-évaluation ? Des chercheurs québecois,
Yvan Lussier et Marie-France Lafontaine, ont interrogé au cours de
l'hiver 1999-2000 316 couples francophones hétérosexuels vivant maritalement
depuis au moins 6 mois et âgés de plus de 18 ans. Ils leur ont demandé
s'ils avaient été victimes et auteurs de 78 formes de violence, regroupés
en 3 grands groupes : psychologique, physique et sexuelle. Les déclarations
des hommes et des femmes sur les violences subies et imposées concordent
très généralement, particulièrement pour les violences psychologiques
et sexuelles. Pour la violence physique, les femmes surestiment les
actes de violence qu'elles commettent tandis que les hommes les sous-estiment
de 3.5, soit un tiers de la violence subie : ce qui montre que, dans
ce cas du moins, leurs déclarations ne sont pas équivalentes.
Tableau 1. Violence conjugale au Québec, 1999.
|
VI |
CTI |
MES |
AGR |
ESS |
EURS |
|
Psycho |
Physique |
Sexuel |
psycho |
physique |
sexuel |
Femmes |
61.9 |
11.6 |
17.3 |
69.3 |
13.8 |
7 |
Hommes |
64.5 |
10.1 |
8.1 |
64.7 |
8.1 |
17.1 |
Sources : Lussier Yvan et Lafontaine Marie-France, "Amour et violence
": incompatibles, direz-vous ? " cité par Allard Marie"Amour et violence
", La presse, Montréal, 25.10.2000, B1-B3.
Certaines enquêtes portent sur la population féminine générale et
d'autres sur les femmes en union, actuelles ou pas. Les premières
sous-estiment par nature la violence subie par un partenaire : ce
qui explique pourquoi les auteures du numéro spécial de Population
Reports ont recalculé les taux de violences par rapport aux femmes
en union. Il n'empêche qu'il est nécessaire de faire également des
enquêtes sur l'ensemble des femmes, car la violence conjugale est
loin d'être la seule dont souffrent les femmes. Ainsi, 6.3% des Africaines
du Sud ont été maltraitées au cours de l'année par leur partenaire
contre 3.7% par un non-partenaire (Macro international 1998 : 23).
Par ailleurs, l'âge des enquêtées n'est pas indifférent au résultat.
15 des enquêtes s'adressent aux 15-49 ans ou approchants, dans la
lignée des enquêtes sur la fécondité, alors que 8 visent les 15 ou
18 ans et plus, 6 les 20-59 ans ou les 14-75 ans, comme en Turquie.
Il n'y a effectivement pas de raison logique, hors de convenance,
pour limiter les enquêtes sur les violences à des groupes d'âge reproductif,
car la violence ne cesse pas alors. Cependant, elle varie en intensité
selon l'âge : les jeunes sont plus suceptibles de la subir que les
femmes plus âgées (même si elle peut avoir des conséquences tout aussi
graves, par exemple en hospitalisation). Par exemple au Canada, environ
5 % des femmes de moins de 25 ans ont déclaré au moins un incident
de violence dans une union en cours pendant la période de 12 mois
précédant l'enquête, comparativement à 1 % des femmes de 45 ans et
plus. Par ailleurs, le risque d'oubli au cours de la vie augmente
avec l'âge, bien qu'on puisse penser qu'il touche moins les actes
les plus graves qui sont généralement les seuls investigués sur cette
durée. En conséquence, l'analyse de populations d'âges différents
peut conduire à des variations : ainsi des projections sur les chiffres
français indiquent que la moyenne des violences physiques exercé par
le conjoint augmenterait de 12% si l'analyse portait sur les 15-44
ans par rapport à des 20-74 ans et les violences sexuelles de 30%.
9 Il paraît donc préférable de comparer des populations d'âge comparables,
voire des taux par âges. Cependant, dans les enquêtes citées par Population
Reports, la sous-estimation liée à ce facteur n'est pas établie en
comparant les violences subies là où elles n'étaient demandées qu'aux
femmes de 15-49 ans 10 par rapport aux groupes plus étendus ou sans
borne (par exemple : 15-60 ans ou 15 ans et plus). En effet, le niveau
médian de violence au cours des douze derniers mois est plus fort
et plus dispersé pour le groupe « 15 ans et + » par rapport au groupe
« 15-49 ans », alors que c'est l'inverse pour la violence subie au
cours de la vie (cf graphique 1). Ce qui peut être lié à un effet
de sélection : la population des « 15 ou 18 ans et plus » est plus
souvent utilisée dans le cadre d'enquêtes spécifiques sur la violence
qui la mesure mieux que des enquêtes plus larges.
La question de la durée de collecte (un an, 5 ans, au cours d'une
relation, au cours de la vie ) de l'événement est également importante.
La mémoire de l'événement peut faiblir, surtout pour les formes les
plus mineures de violences. La contextualisation en terme familial,
professionnel ou géographique, est également plus facile sur un an.
Cependant, dans les contextes de faible violence cela peut conduire
à minorer la violence subie par les femmes. D'autant que, ce peut
être très frustrant pour les victimes de violences graves de ne pas
pouvoir les évoquer, qui a des conséquences graves qui perdurent dans
le temps, et dont l'occultation perturberait l'analyse. De plus, dans
les situations de forte mobilité conjugale, le maintien d'une limite
d'un an peut conduire à une sous-estimation. C'est sans doute pourquoi
Statistique Canada a mené sa dernière enquête, en 1999, sur cinq ans.
Elle arrive à 8% de violence conjugale sur cinq ans mais 3% sur l'année,
comme lors de la précédente enquête de 1993 (Pottie Bunge et Locke
2000). Certains ont jugé que le risque d'oubli était plus grand sur
cette durée. Dans la mesure où elle ne permet guère de comparer et
qu'elle n'apporte pas grand chose, son utilité paraît réduite. Il
peut cependant être utile d'élargir la durée d'un an. Ainsi aux Antilles
françaises, si la divortialité est équivalente à celle de la métropole,
les ruptures des autres formes d'union sont plus fréquentes, ce qui
a pour conséquence que la proportion de femmes en union est plus faible,
elle baisse notamment plus vite avec l'âge de la femme. Aussi, dans
le cadre de l'adaptation de l'enquête nationale sur les violences
envers les femmes 11 , avons-nous enlevé le filtre sur la durée en
union, pour conserver les unions rompues depuis plus d'un an de même
que les renseignements sur l'ex-conjoint au-delà de cette limite.
En effet, le conserver aurait réduit les descriptions de relations
de couple et particulièrement de celles qui ont le plus grand risque
d'avoir connu des violences. 12 En fait, les deux durées semblent
nécessaires, d'autant qu'elles donnent des résultats fort différents
: en moyenne, sur 29 pays, un quart des femmes auraient subi au moins
un épisode de violence sur la vie pour 11% dans l'année. De plus,
les violences dans l'année et au cours de la vie ne sont pas forcément
corrélées 13 : ainsi seules l'Inde et le Egypte sont toujours dans
la catégorie la plus élevée et l'Australie dans la catégorie la plus
basse (cf graphique 1 en annexe).
TABLEAU 2. LES VIOLENCES AU COURS DES DOUZE DERNIERS MOIS DE LA RELATION
OU DE LA VIE PAR CONTINENT.
Continent |
12 mois |
N |
Ecart-type |
Vie ou relat |
N |
Ecart-type |
Afrique |
6 |
1 |
|
32 |
5 |
18,3 |
AL |
12,5 |
2 |
6,3 |
19,5 |
6 |
7,6 |
Asie |
22,6 |
5 |
16,6 |
26,8 |
10 |
12,8 |
Nord
|
5,8 |
9 |
5,9 |
20,8 |
7 |
9 |
Total |
11,5 |
17 |
12,2 |
24,7 |
28 |
12,4 |
S ource : Heise et alii., 1999, tableau 3. Voir tableau 1 en
annexe. A regarder les résultats sur l'année les pays développés
et l'Afrique du Sud 14 connaissent une situation appréciable, où
la violence semble ne toucher « que » 6% des femmes (mais chaque
vie saccagée est un scandale et il y a peu de délits pour lesquels
on accepterait une aussi forte prévalence), alors que sur la durée
de la relation ou de la vie on atteint des niveaux beaucoup plus
élevés. En moyenne, sur les 28 enquêtes un quart des femems ontsont
touchées : de 19.5% des Latino-Américaines à 32% des Africaines.
En Suisse, le taux de violence passe de 6% sur l'année 1994 à 21%
sur la vie et au Canada en 1993 de 3% à 29%. Le divorce et l'autonomie
économique permettent aux femmes de ne pas rester dans une relation
violente, mais pas d'y échapper totalement. Ainsi, en France comme
au Canada, les femmes divorcées ou séparées ont connu un niveau
nettement plus élevé de violence conjugale (d'un tiers pour les
Françaises). Il est donc essentiel de mesurer adéquatement cette
violence. Dans le questionnaire français, par exemple, on ne prend
en compte que les violences physiques depuis les 18 ans et les violences
sexuelles au cours de la vie, en ne demandant que le premier et
le dernier agresseur lorsqu'il y en a eu plusieurs. Ces limites
ont été instituées parce que plusieurs enquêtes ont mesuré les violences
subies par les adolescentes, et pour ne pas dépasser une durée raisonnable
(le passage du questionnaire dure déjà 45 minutes). Il semblerait
que peu de femmes aient subi plusieurs agressions sexuelles par
des personnes différentes, néanmoins certaines populations peuvent
être particulièrement suceptibles de l'être. Une question plus ouverte
aurait donc été intéressante pour mener des actions plus spécifiques
et paraît encore plus nécessaire dans des contextes plus violents
15 .
Le questionnaire joue un rôle important dans la non-prise en compte
de certaines violences. Au départ, les questions étaient vagues
du type : « Avez-vous subi de la violence », ce qui renvoyait à
des définitions à prirori de ce qui constitue la violence, qui peut
ne pas inclure la violence entre conjoints. On ne sais pas alors
le type de violence exercée et quelle est la gravité des mauvais
traitements. Depuis les questions sont au contraire très précises
et comportementales, du type « Avez-vous été giflée ? », ce qui
accroit à la fois les réponses positives et la comparabilité de
celles-ci. La différence peut être énorme : ainsi, 14% des Nicaraguayennes
ont répondu avoir subi de la violence à une question générale alors
qu'elles sont le double à répondre positivement à des questions
plus spécifiques et plus détaillées (Ellsberg, Heise, Pena, Agurto,
Winkvits, 2001 : 9). Les formulations des questions sont souvent
différentes, en partie parce qu'elles sont plus ou moins détaillées
selon les enquêtes, comme le montre les 21 questions françaises
comparées aux 10 questions canadiennes et aux 3 questions de l'enquête
indienne (annexe 7). Mais aussi parce que certains actes sont regroupés
ou séparés selon les enquêtes. Ainsi, gifler ou frapper relève d'une
question dans l'enquête française et de deux dans l'enquête canadienne
de 1999.
La collecte peut conduire à des résultats fort différentes selon
la prise en compte des impératifs de sécurité de l'enquêtée. Les
explications possibles des différences observées au Nicaragua entre
trois enquêtes ont été testées à travers des analyses de régression
logistique multivariées portant sur ces trois enquêtes séparément
puis ensemble ainsi que par des analyses de discussion de groupes
d'enquêteurs et de superviseurs. Les différences les plus importantes
viennent des procédures de sécurisation des interviewées. Ainsi,
les entretiens menés en présence d'une tierce personne indiquent
une proportion d'actes de violence nettement plus faible, parce
que les victimes peuvent craindre des représailles. Or, dans l'EDS
un tiers des entretiens étaient dans ce cas. Même en cas d'enquête
par téléphone, où la tierce personne n'entend pas les questions
(encore que les téléphones à haut-parleur se répandent), l'insécurité
résultante peut conduire à ne pas évoquer ces actes. Par ailleurs,
dans l'EDS les questions venaient tout à fait à la fin d'un long
questionnaire qui n'était pas centré sur la violence, alors que
les enquêtrices sentaient une pression des superviseurs pour faire
le maximum de questionnaires, ce qui n'a sans doute pas permis de
créer les conditions de confiance nécessaires à ce type d'entretien16.
Enfin, les enquêtrices de l'EDS n'avaient pas eu le soutien psychologique
nécessaire pour aborder des entretiens aussi chargés d'émotion,
ce qui s'est traduit par un abandon très important préjudiciable
à la bonne formation des enquêtrices. Elles peuvent alors être trop
perturbées pour trouver l'attitude de soutien compatissant nécessaire.
Des enquêtes ont commencé à poser également la question de la violence
subie par les hommes. Pour des chercheurs Nord-Américains, en effet,
la violence est une caractéristique de certains couples, qui peut
être mesurée sur une échelle de conflictualité, alors que pour d'autres
chercheurs et pour les féministes la violence est un moyen pour
des hommes de défendre leur pouvoir.
Violence patriarcale ou parité dans la violence ?
Deux enquêtes canadiennes permettent de mieux cerner cette question.
Après une enquête menée en 1993 seulement auprès des femmes, Statistique
Canada a inclus en 1999 dix questions sur la violence conjugale
lors de l'Enquête sociale générale sur les victimes d'actes criminels.
Cette enquête téléphonique par échantillon vise la population hors
établissement de 15 ans et plus dans les dix provinces. 25 874 personnes
ont été interrogées, dont plus de 16 702 vivaient en couple. Selon
les auteurs du rapport : « Les données révèlent qu'environ 8% des
femmes et 7% des hommes qui étaient mariés ou qui vivaient en union
libre au cours des cinq années précédentes ont été victimes au moins
une fois d'une forme quelconque de violence de la part de leur partenaire.
Ces chiffres représentent à peu près 690 000 femmes et 549 000 hommes...
Les femmes se trouvant dans une union marquée par la violence étaient
beaucoup plus suceptibles que les hommes de signaler des formes
de violence que l'on pourrait considérer comme plus graves. Par
exemple, les femmes étaient plus de deux fois plus suceptibles que
les hommes de dire qu'elles avaient été battues, et cinq fois plus
suceptibles de dire que leur conjoint avaient tenté de les étrangler.
Par contre, les hommes étaient plus suceptibles que les femmes de
mentionner que leur conjointe les avaient giflés, qu'elle leur avait
lancé quelque chose, qu'elle leur avait donné des coupes de pied,
qu'elle les avait mordus ou qu'elle leur avait donné des coups de
poing. En outre, les femmes faisant partie d'une union violente
était presque cinq fois plus suceptibles que les hommes de craindre
pour leur vie, trois fois plus suceptibles que les hommes d'avoir
été physiquement blessées par l'agression et cinq fois plus suceptibles
de nécessiter des soins médicaux ».
Cette enquête a suscité de fortes réactions. D'un côté, certains
journalistes et lecteurs ont salué l'avénement de « la parité dans
la violence ». Certes, les femmes en pâtissent plus que les hommes
mais cela ne serait lié finalement qu'à la plus grande force physique
masculine. Un lecteur conclut qu'il serait nécessaire de rediriger
les fonds d'action sociale vers ce groupe occulté : les hommes victimes
de sévices conjugaux. L'enjeu est de taille car si les taux de violence
n'ont pas bougé de 1993 à 1999, en revanche le nombre d'homicides
et blessures graves a diminué, ce qui est imputable en partie à
à l'amélioration de la conjoncture économique et au vieillissement
de la population, mais aussi à l'action déterminée de la police
et de la justice et à l'existence de refuges pour les femmes victimes
de sévices. De l'autre côté, des associations féministes ont critiqué
une recherche qui appelle « victime » un homme qui essaie d'étrangler
sa femme et « violente » celle-ci lorsqu'elle le mord pour essayer
de se dégager. Il y a tout un travail méthodologique à mener pour
différencier la violence de réponse à la violence active. Ce qui
ne veut pas dire évidemment que les hommes ont toujours le monopole
de la violence: au Québec 8% des femmes seraient violents physiqement
sans que leur conjoint le soit (Lussier et Lafontaine 2000).
TABLEAU 3. violences conjugales au Canada, 2000
Agressions subies |
Femmes |
% |
Hommes |
% |
menaces, lancé des objets |
30 |
3.6 |
87 |
1 |
Poussé, bousculé, giflé |
240 |
2.9 |
135 |
1.6 |
Coups de pieds, frappé, mordu |
78 |
0.9 |
233 |
2.8 |
Battu, étranglé, menacé avec une arme,
Contraint à certaines pratiques sexuelles |
300 |
3.6 |
88 |
1 |
Calculé à partir du tableau de l'annexe A3, p58, Violence conjugale
au Canada en 2000, Ottawa, Statistique Canada, réponses de 8356
femmes en couple et 8346 hommes en couple.
Calculé à partir du tableau de l'annexe A3, p58, Violence conjugale
au Canada en 2000, Ottawa, Statistique Canada, réponses de 8356 femmes
en couple et 8346 hommes en couple.
Il semble cependant que le fait de ne donner des chiffres par rapport
à la population générale que pour l'ensemble de la violence, qu'elle
soit « légère » ou « grave » et cela avec les meilleures intentions
du monde : ne pas hiérarchiser les violences, conduit à occulter les
différences très réelles dans les violences subies par les deux sexes.
Les commentaires de la presse, toujours pressée, auraient sans doute
été très différents si Statistique Canada avait publié que 3.6% des
femmes avaient été battues, étranglées, menacées avec un arme ou un
couteau ou forcées à avoir des rapports sexuels pour 1% des hommes,
ou encore que 324 300 Canadiennes et 71 370 Canadiens ont craint pour
leur vie au cours d'une altercation conjugale. Or c'est cela que le
public perçoit comme de la violence et pas le fait d'être poussé,
bousculé, giflé comme l'ont été 1% des femmes et 2.8% des hommes,
dont pour 35% des femmes et 46% des hommes une seule fois en cinq
ans. Il serait sans doute plus approprié de calculer un indicateur
de violence conjugale qui tienne compte de la gravité des faits et
de la répétition d'actes qui une fois ne sont pas forcément une «
atteinte à l'intégrité physique de l'autre » (surtout en cinq ans
et s'ils sont réciproques), mais qui le sont sans aucun doute s'ils
sont graves et s'ils sont répétés, voire habituels. On pourrait éventuellement,
comme Yvan Lussier et Marie-France Lafontaine différencier la violence
selon quelle est patriarcale ou commune. La violence patriarcale prend
racine dans les traditions voulant que l'homme a le droit de contrôler
sa femme. Elle se caractérise par son caractère répétitif, alors que
la violence commune est une réponse intermittente des conjoints à
des conflits et peu fréquente. Les Français violents interrogés par
Welzer-Lang avaient conscience qu'ils frappaient pour obtenir quelque
chose (de l'obéissance, des relations sexuelles), alors que les femmes
avaient l'impression qu'ils avaient eu un « coup de colère ». Comme
Nicole-Claude Mathieu le notait déjà, les opprimées ne sont pas toujours
conscientes des stratégies des oppresseurs.
Conclusion
Les enquêtes quantitatives sur les violences commises par un partenaire
intime ont permis de confirmer l'importance de la violence envers
les femmes et le fait qu'elles ne l'acceptent pas. Ce qui d'ailleurs
n'est guère étonnant : même les esclaves fuyaient un maître trop violent,
on ne voit pas pourquoi les femmes l'admettraient plus. La mise en
oeuvre de ces enquêtes quantitatives a montré qu'elles sont toutes
soumises à un risque de sous-estimation, lorsque la collecte n'est
pas assez sensible aux risques et aux souffrances de l'interviewée
qui a subi des violences, ou que l'enquêtrice ne prend pas le temps
nécessaire et ne manifeste pas d'empathie, ce qui peut être lié à
une mauvaise organisation, lorsque le questionnaire est trop limitatif
quant à la durée prise en compte. Cependant, ces enquêtes peuvent
également être soumises à des risques différents selon leur nature.
Ainsi, les enquêtes portant sur d'autres sujets que la violence peuvent
ne pas poser des questions assez précises et objectives ou ne pas
laisser le temps nécessaire à la remémoration de souvenirs enfouis
parce que trop perturbateurs. Cette sous-estimation peut être aller
jusqu'à diminuer de moitié l'occurence de la violence par rapport
des enquêtes où toutes les précautions de confidentialité et de sécurité
ont été prises et où les questions portent sur des actes précis et
non sur la violence en soi. En revanche, dans les enquêtes spécifiquement
sur la violence, il peut y avoir un effet de brouillage et de confusion
où des actes fort différents sont assimilés, ce qui peut avoir des
effets nocifs sur la détermination des politiques. Cependant, ces
enquêtes peuvent également être soumises à des risques différents
selon leur nature. Ainsi, les enquêtes portant sur d'autres sujets
que la violence peuvent ne pas poser des questions assez précises
et objectives ou ne pas laisser le temps nécessaire à la remémoration
de souvenirs enfouis parce que trop perturbateurs. Cette sous-estimation
peut être aller jusqu'à diminuer de moitié l'occurence de la violence
par rapport des enquêtes où toutes les précautions de confidentialité
et de sécurité ont été prises et où les questions portent sur des
actes précis et non sur la violence en soi. En revanche, dans les
enquêtes spécifiquement sur la violence, il peut y avoir un effet
de brouillage et de confusion où des actes fort différents sont assimilés,
ce qui peut avoir des effets nocifs sur la détermination des politiques.
De plus dans les contexte où la violence est relativement faible sur
l'année (bien que plus importante que tout autre délit grave), il
est essentiel de mesurer adéquatement la violence au cours de la vie
qui reste partout très élevée puisqu'elle touche en moyenne le quart
des femmes. Car, si la responsabilité et l'éthique du chercheur sont
en jeu dans toutes les recherches, celles sur la violence l'impliquent
plus fortement par les désastres qu'il peut produire chez les enquêtés
comme chez les enquêtrices mais aussi par les conséquences qu'elles
peuvent avoir sur l'agenda politique.
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Annexes Tableau
1. 29 enquêtes sur les violences physiques par un partenaire intime
au cours des 12 derniers mois ou de la relation ou de la vie ayant
des échantillons probabilistes; calculé sur les femmes en union (sauf
pour la Bolivie, les Etats-Unis et les Pays-Bas).
Tableau 2.
Abus physique par un partenaire dans l'année par âge
|
15-9 |
20-24 |
25-29 |
30-34 |
35-39 |
40-44 |
45-49 |
moy |
Afrique Sud 1998 |
7.3 |
7.9 |
6 |
7.4 |
6.5 |
4 |
3.5 |
6.3 |
Nicaragua 98 |
10.9 |
9.8 |
8.9 |
9.3 |
6.1 |
7.7 |
3.9 |
8.3 |
Canada 99 |
5 |
(5) |
3 |
(3) |
2 |
(2) |
1 |
3 |
France 2000 |
|
3.9 |
2.5 |
(2.5) |
2.5 |
(2.5) |
2.2 |
2.5 |
Macro International , 1998, South African Demographic and
Health Studies, Zimbabwe, Calverton. ENDESA Nicaragua 1998, Calverton,
Macro internationalé: 196. Il s'agit de la violence physique sévère
: il faut rajouter 3.7 pour la violence légère et
3.9 pour la violence sexuelle actuelle. Canada : Pottie Bunge Valerie;
Locke Daisy, 2000, La violence familiale au Canada : un profil
statistique, Ottawa, Statistique Canada, n° 85-224-XIE ; France
: Jaspard Maryse, op. cit. p.2.
Tableau 3.
Abus physique et sexuel par un partenaire au cours de la vie
|
15-9 |
20-24 |
25-29 |
30-34 |
35-39 |
40-44 |
45-49 |
moy |
Afrique Sud 1998 |
11.9 |
14.7 |
12 |
14.9 |
12.8 |
10.3 |
9.7 |
12.5 |
Nicaragua 98 |
24.5 |
24.6 |
27.6 |
28.9 |
29.1 |
29.4 |
27.6 |
27.6 |
Canada 99 |
5 |
(5) |
3 |
(3) |
2 |
(2) |
1 |
|
Macro International , 1998, South African Demographic and
Health Studies, Zimbabwe, Calverton; Nicaragua ENDESA 1998, Calverton,
Macro international: 196; Egypt DHS 1995, Calverton, Macro international
: 77; beaten or physically mistreated since age 15.; Canada : Pottie
Bunge Valerie; Locke Daisy, 2000, La violence familiale au Canada
: un profil statistique, Ottawa, Statistique Canada, n°85-224-XIE.
Tableau 4.
Violence sexuelle par un partenaire dans l'année
|
15-9 |
20-24 |
25-29 |
30-34 |
35-39 |
40-44 |
45-49 |
moy |
France 2000 |
|
1.2 |
0.9 |
0.9 |
1 |
1 |
(0.6) |
|
Jaspard Maryse et équipe ENVEFF, op. cit. p.2.
7.1. Les 21 actes répertoriés par l'ENVEFF.
1 empécher les relations
sociales |
|
2 dévaloriser ce
qu'on fait |
12 insultes, injures
|
3 critiquer coiffure,
habillement |
13 lancement d'objet,
empoignade |
4 critiquer l'apparence
physique |
14 coups |
5 imposer des comportements
|
15 enfermement, mise
à la porte, abandon sur la route |
6 critiquer les opinions
|
16 menace de se suicider
|
7 dénigrer devant
autrui |
17 menace de mort
|
8 refuser de parler
|
18 menace avec arme
|
9 empêcher l'accès
à l'argent |
19 tentative de meurtre
|
10. menace sur enfant
|
20 rapport sexuel
forcé |
11. violence sur
enfant ou séparation forcée |
21 autre sexualité
contrainte |
Jaspard Maryse et l'équipe ENVEFF, 2001, "Nommer et compter les
violences envers les femmes : une première enquête nationale en
France", Populations et sociétés, n°364, janvier :1-4.
7.2. Les 10 questions posées par Statistique Canada en 1999
:
A-t-il (elle) menacé de vous frapper avec son poing ou tout autre
objet qui aurait pu vous blesser ?
Vous a-t-il (elle) lancé quelque chose qui aurait pu vous blesser
?
Vous a-t-il (elle) poussé (e), empoigné (e) ou bousculé (e) d'une
façon qui aurait pu vous blesser ?
Vous-a-t-il (elle) giflé ?
Vous a-t-il (elle) donné des coups de pied, mordu (e) ou donné un
coup de poing ?
Vous a-t-il (elle) frappé (e) avec un objet qui aurait pu vous blesser
?
Vous a-t-il (elle) battue (e) ?
A-t-il (elle) tenté de vous étrangler ?
A-t-il (elle) utilisé ou menacé d'utiliser une arme à feu ou un
couteau contre vous ?
Vous a-t-il (elle) forcé (e) à vous livrer à une activité sexuelle
non désirée, en vous menaçant, en vous immobilisant ou en vous brutalisant
d'uen façon quelconque ?
« Violence familiale », Le quotidien 25 juillet 2000 (http://www.statcan.ca/Daily/Français/00725/q000725.htm).
7.3. Questions de l'EDS indienne 1999
Since you completed 15 years of age, have you been beaten or mistreated
physically by any person ?
Who has beaten you or mistreated you physically ? : 13 possibilités,
dont le mari.
How often have you been beaten or mistreated physically in the last
12 months : once, a few times, many times or not at all ?
MACRO INTERNATIONAL, 2000, National family Family Health Studies,
India1998-99, Calverton : 420-421.
NOTES
1 En effet, les mouvements pour les droits de l'homme se sont constitués
contre l'ingérence de l'Etat et ont eu quelque mal à devoir admettre
qu'ils devaient s'immiscer dans la vie privée.
2 Pourtant, malgré leur opposition de façade à certaines pratiques,
qui servait à donner une image dégradante des colonisés et à justifier
« le sauvetage de la race » vis-à-vis des opinions publiques européennes,
les colonisateurs d'hier et d'aujourd'hui n'ont jamais envoyé nulle
armée protéger les femmes, à la différence des champs de pétrole ou
autres propriétés menacées.
3 L'ethnonyme « Iroquoien » désigne la famille linguistique dont font
partie, entre autres, les Iroquois, les Hurons, les Cherokees. L'ethnonyme
« Iroquois » ne réfère qu'à une alliance fédérative entre cinq de
ses nations, les peuples de la Maison-longue, créée vers 1560 et élargie
à 6 au XVIIIe s.
4 Si les récit autobiographiques d'esclaves américains étaient écrits
en termes régligieux et pour une audience puritaine, on ne peut en
dire autant des Antilles où la présence missionnaire était fort rare
(Gauiter 1985).
5 Surtout pour les enquêtes anglophones ou orchestrées par Macro international.
6 Mais le taux est calculé sur toutes les femmes et pas seulement
celles en union, ce qui le fait baisser mécaniquement.
7 www.who.org/frh-wld/vaw/infopack.
8 La définition de la violence utilisée n'est pas explicitée; nous
reviendrons plus loin sur ce problème.
9 Calculé à partir de Jaspard et l'enquête ENVEFF 2000 : 2.
10 42% des enquêtes étudiées portent sur des groupes d'âge proches
des âges reproductifs (annexe 1).
11 Adaptation réalisée par Arlette Gautier, avec l'aide de Véronique
Helenon, Nadine Lefaucheur, Stéphanie Mulot et Mylenn Zobda dans le
cadre de l'Enveff-Antilles, dirigée par Myriam Cottias.
12 Ainsi, au Canada, les concubinages sont nettement plus violents
que les mariages.
13 La corrélation n'est d'ailleurs que de .678 avec une signification
de .022.
14 Où il y a d'après les responsables de l'EDS un net sous-enregistrement.
15 Ainsi l'enquête sur la sexualité aux Antilles-Guyane a mesuré un
niveau de premiers rapports forcés deux fois plus élevés aux Antilles
et trois fois en Guyane (Communication de Michel Giraud à Schoelcher
le 9 juin 2000), ce qu'ont confirmé des entretiens préliminaires.
16 Lors de l'écoute de l'enquête nationale française sur les violences
envers les femmes, il m'est ainsi arrivé d'entendre une enquêtrice
passer à toute allure à travers le questionnaire : il aurait fallu
que l'enquêtée soit vraiment déterminée à parler pour qu'elle puisse
le faire !
Le lien d'origine http://www.penelopes.org/archives/pages/docu/violence/malmesure12.htm
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