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Origine : http://pajol.eu.org/article905.html
Ce texte, où certaines précisions pourront paraître
inutiles à des lecteurs résidant en France, est destiné
à un public étranger. Il a été rédigé
après deux cours donnés devant des étudiants
de l’Université Cà’Foscari de Venise et
de l’Université autonome de Madrid, respectivement
les 2 et 17 décembre 2005. Il est publié en italien
par la revue Giano (Rome) et en espagnol par la revue Mugak (San
Sebastian).
Alain Morice est anthropologue, chercheur au Centre national de
la recherche scientifique (CNRS, France). Merci pour ses précieux
conseils à Bernadette Hétier, vice-présidente
du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre
les peuples (MRAP, France)
Les images des émeutes urbaines survenues en France à
la fin du mois d’octobre 2005 ont été diffusées
sur les télévisions et dans les journaux du monde
entier. Par delà la diversité des réactions,
la presse internationale a fréquemment insisté sur
leur caractère insurrectionnel, tout en soulignant avec sévérité
la faillite de la politique française d’intégration
de ses minorités issues de l’immigration, enfermées
dans des ghettos suburbains, victimes de nombreuses discriminations,
et ainsi en proie à des formes agressives de communautarisme.
Dans certains pays limitrophes où l’immigration est
plus récente, comme l’Italie ou l’Espagne, on
s’est interrogé sur la question de savoir si des émeutes
[1] semblables pourraient y avoir lieu - certains politiciens utilisant
même une telle peur pour agiter des sentiments anti-musulmans,
l’Islam étant supposé avoir sa part de responsabilité
dans ce mouvement.
Les inquiétudes suscitées par ces émeutes
ne sont pas fondement, dans un contexte européen où,
de manière accélérée depuis le Sommet
de Séville de juin 2002, les pays membres de l’Union
européenne (UE) ont opté, à l’instar
de la France, pour un durcissement de leurs politiques migratoires,
diabolisant les migrants « irréguliers », ce
qui renforce inévitablement les discriminations subies par
l’ensemble des populations étrangères ou traitées
comme étrangères. Sans qu’il soit possible de
prévoir quand et sous quelle forme cela se manifestera, on
peut cependant affirmer que dans toutes les situations où
l’on aura laissé s’instaurer structurellement
le mépris des droits, le racisme et la xénophobie
à l’égard de certaines catégories de
personnes, alors les rancoeurs ainsi accumulées seront potentiellement
créatrices de révolte et de désordres publics.
Un des thèmes favoris de l’extrême droite, à
savoir la stigmatisation des allogènes, s’est répandu
d’une telle manière en Europe, y compris dans la problématique
des partis démocratiques, qu’actuellement aucun pays
de l’UE ne peut prétendre se sentir à l’abri.
A propos de quatre « évidences » trompeuses
Cependant, le cas français reste actuellement singulier,
et il a beaucoup étonné à l’extérieur.
La plupart des jugements ont été exprimés de
façon simplificatrice et volontiers idéologique, privilégiant
l’aspect spectaculaire et faisant la part belle aux explications
culturalistes et moralisatrices. Il y a donc un déficit de
connaissance, s’agissant d’émeutiers à
qui les médias n’ont pratiquement pas donné
la parole pendant tous les événements et que peu de
gens peuvent prétendre connaître en profondeur. Toute
interprétation alternative nécessite beaucoup de modestie,
afin d’éviter les clichés généralisateurs
tels que les ont véhiculés les médias. Commençons
par quatre remarques préalables.
1. D’abord, les émeutes d’octobre-novembre 2005
ne constituent ni un phénomène inattendu ni une nouveauté
en France. Les professions en contact avec l’univers des «
banlieues », « cités » et autres «
quartiers difficiles » [2] (éducateurs, travailleurs
sociaux, policiers), ainsi que de nombreux sociologues, ont depuis
longtemps alerté les pouvoirs publics sur la situation explosive
et la violence sporadique qui y règnent. Voici une sélection
de quelques dates qui jalonnent une chronologie vieille de plus
de 25 ans (cette chronologie est directement liée à
la dégradation du climat social dans les « cités
» autour des grandes villes) :
- 1979, Vaulx-en-Velin (banlieue de Lyon) : premières émeutes
avec voitures brûlées, premiers affrontements avec
la police ;
- 1981 et 1983, Les Minguettes (banlieue de Lyon) : les voitures
sont sacrifiées lors de « rodéos », même
scénario avec la police. Le ministre socialiste de l’Intérieur
préconise le « choc salutaire » (emprisonnement
des jeunes mineurs primo-délinquants) et cherche à
retirer à la justice son droit de regard sur les actions
policières. En mars 1983, l’extrême droite propage
l’équation « immigration = délinquance
» et remporte quelques victoires aux élections municipales.
Plusieurs meurtres racistes demeurent impunis. En octobre-décembre,
Marche pour l’égalité de Marseille à
Paris, où de jeunes enfants d’immigrés sont
reçus par le président de la République, qui
promet une réforme libérale de la carte de séjour
et le droit de libre association des étrangers. Chacun croit
que « le problème des banlieues est résolu ».
- 1990 (Vaulx), 1991 (Le Val Fourré - grande banlieue de
Paris), 1993 et 1997 (Dammarie-lès-Lys - idem), 1998 (Toulouse)
: émeutes et affrontements avec la police, généralement
déclenchées par la mort de personnes lors de poursuites
ou de contrôles policiers. Dans le cas de Dammarie (1997),
entre autres cas, les policiers auteurs d’un meurtre à
bout portant seront déclarés non coupables par la
justice, en vertu d’une décision qui paraît avoir
été conçue pour exaspérer les populations
;
- depuis 1999 : émeutes chaque année dans un nombre
croissant de villes ; les incendies de voitures deviennent une tradition
(pour aboutir progressivement à un total d’environ
20 000 voitures brûlées en 2004 et 28 000 durant les
neuf premiers mois de 2005).
C’est donc à tort que l’on a pu se dire «
surpris » par les émeutes de l’automne 2005.
Cette fausse ignorance de réalités pourtant anciennes
a servi de support à une culpabilisation des émeutiers
et à l’improvisation de mesures répressives
sans commune mesure, comme si subitement la république était
en danger : la classe politique a pu ainsi faire oublier son aveuglement
devant des réalités sociales aggravées depuis
trois décennies.
2. Cependant, l’impression que ces émeutes étaient
inédites, ressentie surtout par les observateurs éloignés,
provient de la combinaison de deux réalités : d’une
part elles ont fait l’objet d’une couverture médiatique
sans précédent ; d’autre part, elles ont duré
plus longtemps et ont concerné en même temps plus de
villes, même petites, que les émeutes « habituelles
» des années précédentes. D’une
certaine façon, elles n’ont eu d’existence que
par la publicité des médias : quand, après
trois semaines, la police décida de ne plus publier le décompte
quotidien des voitures brûlées, la presse commença
à s’en désintéresser. La médiatisation
à outrance a souvent fonctionné comme un piège
pour les émeutiers, tenus ainsi de se montrer à la
hauteur des sollicitations du voyeurisme ambiant et de continuer
à allumer des feux. Cette instrumentalisation par la mise
en scène spectaculaire est importante à comprendre
car, si d’un côté elle rendait encore plus pesante
l’absence de tout projet politique d’une jeunesse submergée
par sa propre révolte, de l’autre elle mettait en évidence
l’énorme déficit de reconnaissance sociale ressentie
par cette jeunesse.
3. Cette révolte sociale n’a été ni
préparée ni organisée. Dès le début,
la thèse du complot a été avancée par
le ministre de l’Intérieur, M. Sarkozy :selon ce point
de vue, un petit nombre de caïds et trafiquants de drogue,
dans le but de protéger leurs territoires face à l’intrusion
des forces de police, auraient de longue date fomenté les
émeutes en mobilisant une population jeune et désoeuvrée.
Comme preuve d’organisation, les autorités ont été
jusqu’à incriminer l’usage des téléphones
portables et d’Internet, qui permettaient aux émeutiers
de se rassembler rapidement. Notons que la thèse du complot,
qu’aucun fait n’a pu confirmer, a été
démentie le 23 novembre par les propres services de Renseignements
généraux (RG) de ce ministre. Le Syndicat de la magistrature
(composé de la frange la plus à gauche des juges)
a quant à lui contredit la thèse officielle selon
laquelle la majorité des émeutiers étaient
« connus des services de police », selon l’expression
habituellement utilisée pour salir des personnes accusées
sans preuve.
Par contre, la police était manifestement préparée,
puisque dès la première nuit d’émeutes
elle s’est servie de flashballs, jusque là utilisées
seulement par les brigades anti-criminalité. Cependant, il
serait également erroné d’appliquer la thèse
du complot à certains membres de la classe politique, dont
M. Sarkozy lui-même. Certes, d’après les sondages
de popularité effectués à la fin de novembre,
ce dernier semble avoir tiré un certain avantage des événements.
En outre, il a manifestement contribué à les provoquer
par des propos qui ont été, à juste titre,
reçus comme des offenses non seulement par les jeunes mais
par l’ensemble de leur communauté. Le 20 juin 2005,
à la suite d’un meurtre dans une ville de la région
parisienne, il avait déclaré : « Je vais nettoyer
la cité au Karcher [3] ». Le 25 octobre, soit deux
jours avant les émeutes, répondant à une mère
de famille, il avait déclaré devant les caméras
de TV : « Vous en avez assez de cette racaille ? Eh ben je
vais vous en débarrasser. » Le mot « racaille
», qui est très injurieux, résume le mépris
guerrier des autorités devant les enfants de l’immigration.
Agissant en la circonstance comme pompier pyromane, M. Sarkozy a
depuis longtemps estimé que le thème de l’insécurité
lui était électoralement profitable. En outre la police,
sous son règne comme ministre de l’Intérieur,
n’hésite pas à user de termes insultants comme
« macaques » pour parler des jeunes des « cités
», et se sent protégée dans son arrogance et
ses abus de pouvoir. Mais cela ne suffit pas pour réduire
une révolte sociale aussi inévitable à l’effet
d’une simple manipulation.
4. Sauf exception, les personnes qui ont participé activement
à ce mouvement ne sont pas des immigrés : ce sont
de jeunes enfants d’immigrés, de nationalité
française pour la plupart. L’amalgame entre les immigrés
et leurs enfants est en France une des armes favorites de la politique
de stigmatisation des minorités. Lors des émeutes,
M. Sarkozy a annoncé qu’on expulserait les étrangers
qui y avaient participé, mais il n’a réussi
à en faire arrêter que sept, et la justice a pour l’instant
désavoué les mesures d’expulsion les frappant.
Mais en traitant implicitement les émeutiers d’«
étrangers », le ministre a sciemment ouvert la voie
aux propos les plus belliqueux. C’est ainsi que le polémiste
ultra-réactionnaire et raciste Finkielkrault a déclaré
qu’il s’agit d’une « révolte à
caractère ethnico-religieux » et que si ces jeunes
ne se considèrent pas comme français et trouvent à
se plaindre de la situation économique, ils n’ont qu’à
aller dans les « pays d’où ils viennent »
(rappelons qu’il s’agit de Français nés
en France) : « Personne ne les retient ici. » Même
l’extrême droite la plus radicale n’avait jamais
publiquement préconisé le bannissement des minorités
dans le pays d’origine de leurs parents, ce qui n’a
pas empêché M. Sarkozy de louanger M. Finkielkrault,
voyant en lui « un intellectuel qui fait honneur à
l’intelligence française ».
Les événements ; les réactions : actes
et discours
Les émeutes ont commencé le 27 octobre à Clichy-sous-Bois,
près de Paris, quand trois jeunes, pour échapper à
un contrôle de police, escaladent dans l’affolement
les hauts murs d’un transformateur à haute tension
pour y chercher refuge : deux d’entre eux périront
électrocutés, le troisième est gravement brûlé
et hospitalisé. Tout de suite, comme toujours en pareil cas,
une mécanique de calomnie-désinformation est mise
en marche par les autorités et relayée par les médias
: selon la version officielle, la patrouille de police avait été
appelée parce qu’on leur lui avait signalé que
ces jeunes se livraient à un cambriolage sur un chantier
de construction. Cette version sera démentie ensuite par
le procureur et par le jeune survivant, mais le mensonge subsistera.
Nous avons là de nos jours un facteur déterminant
dans le déclenchement des émeutes urbaines en France
: consécutivement à un décès par mort
violente causé directement ou indirectement par la police,
seule la parole de la police est donnée pour vérité
et transmise comme telle par les médias. Du côté
des victimes, l’institutionnalisation du mensonge officiel
tend à écarter toute idée de dialogue démocratique,
de justice et de réparation, et ainsi à déclencher
un processus de réactions violentes.
Pendant cinq nuits, Clichy sera le site d’une agitation (incendies
de voitures et de bâtiments, attaques de transports publics,
destructions diverses, affrontements avec la police) qui se répandra
d’abord dans tout le département environnant de la
Seine-Saint-Denis, puis dans de nombreuses villes de France à
partir du 2 novembre. La nuit du 7 novembre présentera le
bilan le plus lourd, avec 1 410 voitures brûlées et
400 arrestations environ. Le 8 novembre, le gouvernement décrète
l’état d’urgence, qui sera prorogé pour
trois mois par une loi du 18 novembre, alors que la situation est
redevenue « normale » selon la police (moins de 100
voitures brûlées la nuit précédente).
Les réactions du gouvernement sont conditionnées
par la compétition entre M. Sarkozy et le premier Ministre
M. de Villepin, tous deux probables candidats du parti de la droite
à l’élection présidentielle de 2007.
Tandis que le premier ajustait son discours sur celui de l’extrême
droite, le second a déclaré le 3 novembre : «
La priorité est le rétablissement de l’ordre
public car ces violences sont inacceptables, mais je veux aussi
nouer un dialogue pour trouver des solutions adaptées, pour
donner une place à chacun », avouant ainsi en quelques
mots que les émeutes trouvent leur origine dans l’incompréhension
et l’injustice sociales. De fait, les politiciens ont produit
un discours mêlé :
- de fermeté : « les actes de vandalisme seront punis
sévèrement » ;
- et de compréhension : « nous devons trouver des solutions
aux problèmes des banlieues ».
Pratiquement, du côté gouvernemental, ce seront surtout
les discours et les actes de fermeté qui domineront (mais
il est vrai que la tendance à criminaliser les mouvements
sociaux est actuellement devenue générale). Tandis
que M. Sarkozy s’emploie à mettre de l’huile
sur le feu en répétant à plusieurs reprises
le mot « racaille », la machine judiciaire et répressive
se met en marche.
1. Une justice expéditive et d’une sévérité
disproportionnée :
- les émeutiers présumés qui sont capturés
sont traduits devant la justice en comparution immédiate,
ce qui limite les droits de la défense ;
- une circulaire invite les parquets à « se mobiliser
» et à utiliser toutes les qualifications possibles
pour poursuivre les infractions : délit d’outrage,
provocation à la rébellion, association de malfaiteurs,
crimes en bande organisée ;
- un nombre important de mineurs sont emprisonnés (environ
100) ;
- les peines d’emprisonnement prononcées sont à
la fois nombreuses, souvent excessives et prononcées sans
le bénéfice du sursis, et en outre (signe d’une
justice « pour l’exemple », qui plus est arbitraire
et bâclée) très variables d’un tribunal
à l’autre et d’une région de France à
l’autre, en fonction du contexte local.
2. L’état d’urgence est instauré :
- prorogé jusqu’au 21 février 2006, l’état
d’urgence est une mesure exceptionnelle, privative de libertés
et ouvrant une voie légale à l’arbitraire administratif
;
- il permet notamment l’instauration du couvre-feu, l’interdiction
des rassemblements, l’assignation à résidence
des personnes tenues pour dangereuses, les perquisitions nocturnes
à domicile, la limitation du droit de la presse (le tout
hors du contrôle de la justice). Mais pour le moment, il n’a
servi qu’à décréter le couvre-feu dans
certaines communes et à interdire une manifestation de protestation
contre... l’état d’urgence ;
- une loi d’avril 1955 institue un état d’urgence,
notamment « en cas de péril imminent résultant
d’atteintes graves à l’ordre public ».
Elle a été utilisée à plusieurs reprises
pour la répression des mouvements d’indépendance,
algérien (1955, 1958, 1961) puis néo-calédonien
(1984). C’est sous le régime de l’état
d’urgence que plusieurs centaines de manifestants Algériens
furent massacrés à Paris par la police lors de la
nuit du 17 octobre 1961 : ce meurtre collectif sera très
longtemps nié par les pouvoirs publics ;
- la problématique de l’état d’urgence
est donc fortement chargée symboliquement : aux yeux des
minorités et des démocrates, elle est à la
fois synonyme de répression coloniale, de mensonge et d’impunité
; aux enfants d’immigrés venus des anciennes colonies,
elle rappelle leurs origines et la soumission violente qui fut imposée
à leurs parents. Comme par ailleurs son instauration n’a
eu aucune utilité véritable en 2005 [4], on peut penser
que cette loi d’exception a été mobilisée
sciemment pour empoisonner une situation idéologique devenue
délétère depuis quelques années, et
prenant la forme d’un affrontement social de plus en plus
ethnicisé.
3. Durcissement de la politique anti-migrations. Dans le cadre
de la stratégie de l’amalgame minorités-étrangers,
et profitant de la situation, le gouvernement a annoncé son
plan de durcissement du contrôle de l’immigration en
France, qui vise à rendre plus difficiles le regroupement
familial, les mariages hors du territoire français et l’obtention
du statut d’étudiant étranger ; le délai
imposé aux conjoints avant de pouvoir demander la nationalité
française doit être porté à 4 ans ; par
contre, le délai de recours pour les demandeurs d’asile
déboutés sera réduit à 15 jours, transformant
ainsi la procédure de détermination du statut du réfugié
en véritable loterie perdante.
Parallèlement, le gouvernement annonce un ensemble de décisions
supposées résoudre les problèmes sociaux des
banlieues, en particulier sur deux fronts : occuper les jeunes désoeuvrés
; lutter contre les discriminations. « L’année
2006 sera l’année de l’égalité
des chances, comme grande cause nationale, afin que chacun trouve
sa véritable place dans notre République »,
a déclaré le Premier ministre le 1er décembre
2005. Comme la plupart de celles qui ont été annoncées
depuis une vingtaine d’années, ces mesures ont soit
une simple fonction incantatoire (et, notamment en ce qui concerne
l’accès des jeunes à de véritables emplois,
elles ne seront suivies d’aucune mise en oeuvre efficace)
; soit pour conséquence d’offrir des ressources supplémentaires
à la précarisation et la flexibilisation du travail
dans le cadre de la politique ultra-libérale actuelle. Certaines
d’entre elles vont même, si on les applique, renforcer
la discrimination et la ségrégation que l’on
prétend combattre. Parmi ces annonces, citons celles-ci :
- possibilité de mettre les enfants en apprentissage dès
l’âge de 14 ans (fin de la scolarité obligatoire
jusqu’à 16 ans) ;
- augmentation du nombre de « zones franches » où,
sous couvert de petites entreprises (filiales ou sous-traitantes),
les grandes entreprises pourront à la fois bénéficier
d’une remise d’impôt sur 50% des sommes investies
et d’une déréglementation du droit du travail
;
- renforcement du pouvoir des élus locaux en matière
de politiques sociales (mais aussi de lutte contre la délinquance),
ce qui accroît la sensibilité de ces politiques aux
anticipations électorales des politiciens.
Rappelons, pour situer cet ensemble d’actes et de déclarations
d’intentions dans un contexte, qu’elles ont été
prises dans un climat devenu très affectif, où tous
les enjeux sociaux majeurs ont subi une forte ethnicisation. Les
mesures gouvernementales suivent ou accompagnent des déclarations
parfois violentes ou haineuses à l’encontre des immigrés
et de leurs enfants, principalement ceux issus du continent africain.
Proférées parfois par des personnes renommées
et répercutées avec complaisance par les médias,
certaines paroles ont tour à tour incriminé leur mentalité
arriérée, leur refus d’apprendre ou de se servir
de la langue française, leur polygamie (cause que les enfants
ne seraient pas assez surveillés), leurs moeurs, leur parasitisme
et en conclusion leur incapacité à s’intégrer
à la République française. La presse est allée
jusqu’à divulguer sans le critiquer un pseudo «
sondage » d’opinion, effectué en novembre par
un organisme sous tutelle du gouvernement, selon lequel presque
2 (« vrais ») Français sur 3 estiment que certains
comportements « justifient une réaction raciste »
- ce qui en termes clairs signifie que le racisme est considéré
en haut lieu comme une idéologie « juste ».
En résumé de ce survol des événements
d’octobre-novembre 2005, il est malheureusement possible de
prédire que rien n’est terminé. Compte tenu,
d’une part, des réactions essentiellement répressives
et électoralistes adoptées par la majorité
de la classe politique et par les médias et, d’autre
part, de la croissante ethnicisation des positions en présence,
cela risque de se reproduire sous des formes aggravées et
de plus en plus désespérées si la révolte
sociale qui couve en permanence ne débouche pas sur une proposition
politique alternative viable.
Interprétation : la révolte d’une population
qui n’existe pas
Genèse : la « deuxième génération,
conséquence non prévue de l’utilitarisme migratoire.
La première explication des actuelles révoltes sociales
urbaines actuelles est à chercher du côté de
la politique de la France en matière migratoire. Cette politique
est caractérisée par le cynisme, l’opportunisme,
le déni du droit et le mépris des personnes. Quand
elle a commencé à produire des réactions et
des mouvements de révolte, dès lors la réponse
a été l’incompréhension et la répression,
et le climat s’est durci jusqu’à prendre la forme
actuelle d’un conflit à forte connotation ethnique.
Contrairement à d’autres pays européens, notamment
ceux du pourtour méditerranéen, la France est un très
vieux pays d’immigration : elle a depuis plus de 150 ans importé
des travailleurs étrangers à intervalles réguliers
pour les faire contribuer à la production, aux opérations
militaires et à la natalité. Même aujourd’hui,
alors que depuis plus de trente ans toute nouvelle immigration permanente
de travail est officiellement interdite, il entre chaque année
un nombre d’étrangers qui paraît relativement
stable. Une grande partie d’entre eux, contraints de se maintenir
clandestinement sur le territoire français, sont harcelés
par l’administration mais plus ou moins tolérés,
car ils rendent de grands services à moindre coût aux
employeurs de certains secteurs économiques, comme la construction
et l’agriculture.
En juillet 1974, quand il est mis fin à l’introduction
massive de main-d’oeuvre immigrée dans le secteur officiel,
qui avait été la règle depuis la Libération
de 1945, cette décision est prise, disent les autorités,
à cause de la crise économique, qui limite l’emploi
industriel et minier. Mais elle intervient surtout dans un contexte
où les travailleurs immigrés sont de plus en plus
combatifs et mènent des luttes assez dures, notamment sur
la question du logement ; la revendication d’une vraie citoyenneté
apparaît, tandis qu’en face les agressions racistes
se sont multipliées. Deux mythologies sont mises en question
: d’abord celle de l’immigré soumis et docile,
prêt à endurer toutes les épreuves et les vexations
pour nourrir sa famille restée au village et pour accumuler
une épargne qu’il fera fructifier au pays ; ensuite,
celle des « oiseaux de passage », selon laquelle, précisément,
le migrant ne restera pas en France et retournera rapidement dans
son pays - à cette époque-là, significativement,
les xénophobes disaient souvent aux travailleurs arabes :
« Si tu n’es pas content, tu n’as qu’à
retourner chez toi ! » En particulier, les hommes jeunes et
venus seuls, considérés comme des personnes de passage
et sans importance, étaient entassés dans des «
foyers » souvent insalubres et précaires.
Ce que ni les planificateurs, ni les employeurs, ni les politiciens
n’avaient prévu, c’est que, en dépit de
leurs mauvaises conditions d’existence et de travail, et malgré
un fort racisme ambiant, un grand nombre (peut-être la majorité)
de ces étrangers allaient non seulement rester en France,
mais y créer une famille. Paradoxalement surtout après
son interdiction, l’immigration de travail est aussi devenue
une immigration de peuplement. Mais simultanément, ces travailleurs
immigrés de la génération d’avant 1974
subiront de plein fouet les effets de la restructuration économique
et seront massivement chassés des emplois industriels : ils
participeront en première ligne au processus de précarisation
et de flexibilisation des emplois, souvent en alternance avec le
chômage ou le travail non déclaré. Leurs enfants,
quant à eux, n’auront aucune place assignée
dans le nouveau dispositif économique : pratiquement, ils
se trouveront exclus du marché du travail encore plus que
leurs parents. Ces enfants de l’immigration feront irruption
sur la scène sociale et politique au début des années
1980. Au-delà de leur Marche pour l’égalité
de 1983, ils seront montrés globalement du doigt, par un
racisme croissant, comme rebelles, incapables de se discipliner
au travail scolaire ou professionnel, délinquants et dangereux
pour l’ordre de la société « française
». Désormais, c’est principalement sur eux que
la traditionnelle stigmatisation de l’étranger va se
reporter. On prend l’habitude de les nommer « deuxième
génération » (d’immigrés), alors
qu’ils sont nés en France, et ainsi de les désigner
par leurs origines : c’est la mise en place d’un véritable
stigmate héréditaire que, indirectement, l’utilitarisme
migratoire a créé.
L’« intégration républicaine
» : derrière les discriminations de fait, un slogan
de mépris et de répression des minorités
A partir des années 1980, soucieux en paroles de «
maîtriser les flux migratoires », les gouvernements
successifs se fixeront une double ligne de conduite dans le cadre
de la politique de fermeture des frontières commune à
l’ensemble de l’Union européenne : d’un
côté, « lutter contre l’immigration clandestine
» pour, de l’autre côté « intégrer
les étrangers qui sont sur place », et en principe
leur assurer une complète égalité de traitement.
L’« intégration » sera désormais
au centre des discours et, dans la pratique, ce mot sera surtout
synonyme de « devoir de s’adapter à la société
française ». Mais les efforts de cette société
pour donner une place aux étrangers et à leur descendance,
en toute égalité, resteront lettre morte, si bien
que l’intégration elle-même fonctionnera comme
une mythologie, principalement utilisée comme prétexte
pour réprimer les particularismes des minorités, jugés
dangereux pour l’unité de la République.
Qui plus est, par un malentendu qui dérive directement de
l’amalgame entre les immigrés et leurs enfants, le
mot « intégration » sera, stupidement et irrationnellement,
invoqué comme un objectif visant aussi ces enfants, qui ne
sont pas des migrants et qui, en tant qu’ils sont français,
n’ont pas plus de raison de se faire « intégrer
» que les autres Français dont les parents sont nés
en France. C’est en 1991 qu’un rapport officiel a défini
le « modèle français d’intégration
», à la suite d’une affaire qui avait amené
les autorités à interdire en 1989 le port du voile
islamique dans les écoles. Qualifié ultérieurement
de « républicain », ce modèle s’est
rapidement orienté vers une logique de suspicion à
l’égard des particularismes religieux (musulmans surtout)
et linguistiques : tout comportement pouvant évoquer le multiculturalisme
américain est condamné comme « communautariste
» et jugé dangereux pour l’unité nationale.
En 2003, une loi impose aux étrangers qui veulent résider
en France la signature d’un « contrat d’intégration
» qui leur enjoint entre autres, de façon discriminatoire,
de « respecter les lois et les valeurs de la République
» et, peu après, un rapport officiel présente
la non-maîtrise du français comme facteur de délinquance.
En outre, depuis les attentats de New York du 11 septembre 2001,
la religion musulmane est assimilée à un danger, tandis
que précisément, faute d’être acceptés
dans leur société de naissance, de nombreux jeunes
se tournent vers une pratique plus assidue de l’islam. L’injonction
d’intégration républicaine a ainsi acquis un
contenu essentiellement répressif.
Par ailleurs, l’idéal d’intégration cache
de moins en moins bien l’inégalité dans les
faits. Comme la société française a fini par
l’admettre à la fin des années 1990, les enfants
de l’immigration subissent un ensemble de discriminations
dans les domaines clés de la vie : habitat, éducation,
emploi, loisirs. En particulier, aujourd’hui, la discrimination
du marché du travail est tellement forte que, si un jeune
qui répond à une offre d’emploi est domicilié
dans un « quartier difficile » (de ceux où l’on
brûle des voitures, par exemple), possède un nom arabe,
ou est issu d’une filière scolaire jugée non
noble, il n’a pratiquement aucune chance d’être
embauché. Comme la preuve est difficile à apporter
et comme la loi n’est presque pas appliquée, cette
situation perdure. Deux autres discriminations sont également
très mal ressenties : d’une part, l’interdiction
(illégale mais fréquente) qui leur est faite de fréquenter
certaines discothèques ; d’autre part, les contrôles
de police « au faciès » (également interdits)
dont ils sont sans arrêt victimes dans la rue et dans les
transports collectifs, en raison de leur apparence physique qui
en fait des suspects. A juste titre, tout cela est vécu comme
un racisme omniprésent : de ce point de vue, les émeutes
urbaines sont une réponse désordonnée à
ce désordre toléré par la société
dominante du pays.
Les minorités issues de l’immigration sont ainsi à
la fois invitées à s’intégrer et constamment
rappelées à leur condition inférieure : c’est
ce que certains appellent une « injonction paradoxale »,
et il s’agit d’une manière de traiter les personnes
qui est source de grande instabilité psychique, pouvant entraîner
des réactions s’assimilant à la folie. En somme,
il s’est instauré pour ces minorités une distorsion
structurelle et durable entre le réel (ségrégation,
discriminations, exclusion) et l’imaginaire (égalité
de droits et des chances), ce qui fait que l’intégration
républicaine fonctionne comme un discours vide de sens, qui
s’ajoute aux injustices. Les gouvernements successifs, quelle
que soit leur couleur politique, n’ont aucune excuse pour
n’avoir pas voulu voir cette distorsion se développer
sous leurs yeux. Quand, quelques années avant 2000, la ministre
socialiste Aubry a lancé un vaste programme de lutte contre
les discriminations, il était déjà trop tard,
et de surcroît aucune volonté politique réelle
n’est venue confirmer ses intentions. Rappelons que, malgré
des promesses électorales faites il y a presque 25 ans, les
étrangers (hors UE) résidant en France n’ont
toujours pas le droit de voter.
De la disqualification à la haine
Cependant, un constat aussi désolant existe dans de nombreuses
régions du monde, selon des variantes plus ou moins proches
de l’ancien système sud-africain de l’apartheid.
Après les émeutes, beaucoup de commentateurs ont évoqué
la question sociale, le chômage, la ségrégation,
l’exclusion etc. C’est vrai, mais cela ne suffit pas
toujours à déclencher la violence. En France, un facteur
qui a sans doute contribué notablement à créer
une situation structurellement explosive est la mise en place d’un
face à face permanent entre les jeunes et la police, conformément
à l’orientation répressive des politiques sociales.
Il semble que les pouvoirs publics, et même de nombreux spécialistes,
aient complètement négligé les risques insurrectionnels
contenus dans ces innombrables contrôles sans motif, exercés
sélectivement contre une jeunesse repérée par
la couleur de sa peau ou la plantation de ses cheveux, dans les
lieux publics, sur son propre territoire, devant tout le monde,
et cela par des hommes armés d’engins pouvant donner
la mort. Lors des nombreux incidents consécutifs à
ces provocations, se terminant parfois par la mort d’un jeune,
les policiers ont pour consigne de se déclarer menacés
par des délinquants dangereux, et seule leur parole est jugée
digne de foi. Cette injustice est peut-être reçue comme
aussi grave que toutes les autres : contre celle d’un policier,
la parole d’un jeune enfant d’immigré ne vaut
rien, - ce qui revient à dire que la société
décrète que, quoi qu’il se soit passé,
c’est un menteur. Telle est, non par hasard, la genèse
de l’émeute du 27 octobre 2005 (et de beaucoup d’autres
auparavant) : ayant envoyé deux jeunes à la mort,
des policiers les traitent de délinquants ; implicitement,
le survivant est montré comme un menteur, quand il explique
que, contrôlés sans arrêt, ils ont tous trois
pris la fuite dès qu’ils ont aperçu une patrouille
de police.
Enfin, pour comprendre les comportements apparemment irrationnels
des émeutiers, comme brûler les voitures des habitants
de leur cité, incendier des écoles, attaquer des autobus,
il conviendrait de regarder du côté des processus psychiques
qui sont déclenchés par le face à face avec
la police : des phénomènes tels que l’humiliation,
le soupçon, la peur, la honte, montreraient sans doute comment
la disqualification permanente, délibérée,
gratuite et parfois sadique, de toute une jeunesse, vient se superposer
inutilement à l’inégalité et au séparatisme
quotidiens qu’elle subit en raison de ses origines. Pour justifier
ces contrôles, est souvent invoqué le fait que certains
d’entre eux sont des « caïds », voleurs ou
trafiquants, en laissant ainsi se développer la condamnation
d’un groupe social tout entier, qui plus est repéré
par son appartenance ethnique. C’est sans doute pourquoi l’on
a pu remarquer que les émeutes ont impliqué des jeunes
en nombre important, bien au-delà des délinquants
habituels, et rencontré de la sympathie chez les non participants,
notamment les jeunes filles, voire les parents.
Outre qu’en allumant des feux, les émeutiers sont
manifestement, sur le terrain qu’on leur laisse, à
la recherche d’une reconnaissance qui leur est refusée,
tous les comportements de manque de respect à soi-même
sont, avant toute autre interprétation, la contrepartie de
l’irrespect permanent dont ils sont victimes. Certains sociologues,
eux-mêmes enfants de l’immigration comme A. Sayad, A.
Boubeker, S. Bouamama, ont analysé avec finesse quelles contraintes
pèsent sur les stratégies des minorités face
à la domination. En s’inspirant de leurs travaux, on
peut classer ces stratégies réactives très
diverses autour de deux pôles : le retour du stigmate et la
dissociation. Par retour du stigmate, il faut entendre tous les
comportements et raisonnements qui reprennent à leur façon
les marques stigmatisantes dont on est l’objet, de sorte que
celles-ci paraissent devenir des caractères revendiqués.
Ce retour peut être chargé d’un contenu désespérant,
comme dans le cas de ces jeunes qui, par des comportements hyper
bruyants et désinvoltes (que les sociologues progouvernementaux
appellent « incivils »), cherchent à ressembler
à l’image négative que la société
se donne d’eux : c’est ainsi que l’injure «
racaille » lancée par M. Sarkozy est depuis plusieurs
années utilisée à usage interne par les jeunes,
comme « nègre » aux Etats-Unis. Parfois, il s’agit
d’un mécanisme d’identification voulu comme positif,
comme c’est le cas pour le port du foulard islamique, qui
s’est répandu chez les jeunes filles musulmanes comme
emblème d’appartenance à un groupe qui se sait
rejeté, quittant par là sa stricte signification religieuse.
Bien sûr, par un cercle vicieux, les partisans du stigmate
y voient la confirmation de leur théorie. A l’opposé,
la dissociation s’analyse comme un ensemble d’efforts
plus ou moins organisés et viables, pour se démarquer
de l’image négative. On a souvent dit que, suivant
ce modèle, la génération des immigrés
avait déployé beaucoup d’énergie pour
s’insérer dans la société française
en restant silencieuse et inaperçue, et en valorisant des
valeurs telles que l’honorabilité. Ce constat est sans
doute trop général et exagéré, mais
c’est précisément ce que reprochent certains
jeunes à leurs parents, en les accusant d’avoir cédé
à une injonction de déloyauté vis-à-vis
de leurs origines ou de leurs traditions. Cependant, la dissociation
peut prendre la forme plus pathologique de la haine de soi-même
quand, faute de trouver une porte de sortie honorable pour contester
la stigmatisation, toute une jeunesse se voit renvoyée sans
arrêt à une image d’elle-même qu’elle
ne supporte plus. Il y a là quelques clés pour interpréter
les émeutes qui, en deçà des condamnations
morales et du constat, certes navrant, de l’absence de perspectives
politiques, nous incite à voir que la répétition
de ces révoltes désigne à sa façon un
terrible déficit de respect et de reconnaissance sociale
de tout un groupe, risquant ainsi d’être rejeté
dans une ethnicité sans issue : est-ce le but ?
31 décembre 2005
Alain Morice
Notes
[1] Le mot « émeute », sommossa en italien,
n’a pas d’équivalent exact en espagnol - motín
étant plus proche du français mutinerie, qui désigne
une révolte à bord d’un bateau ou dans une prison.
Quoique les Français l’utilisent parfois de façon
péjorative, sa définition est grosso modo conforme
à la morphologie des événements, à savoir
un « soulèvement populaire, généralement
spontané et non organisé » (Dictionnaire Le
Robert).
[2] Les mots « banlieues », « cités »
et « quartiers » désignent couramment, par euphémisme
et par métonymie, les jeunes personnes issues de l’immigration,
plus particulièrement arabe et négro-africaine. Aucun
de ces termes n’est très satisfaisant, et notons simplement
que les espaces visés sont en général de véritables
villes.
[3] Karcher® est le nom d’une marque de machines à
nettoyer sous haute pression.
[4] Postérieurement à la rédaction de ce texte,
l’état d’urgence a été levé
par anticipation le 4 janvier 2006. Son application n’avait
pas empêché l’incendie de plus de 400 voitures
lors de la nuit du Nouvel an.
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