Origine : http://www.notre-planete.info/actualites/actu_124_secteur_financier_consequences_changement_climatique.php
Les pertes dues aux catastrophes naturelles semblent doubler tous
les dix ans et ont totalisé un billion de dollars ces 15
dernières années. Les pertes annuelles atteindront
près de 150 milliards de dollars dans les dix ans à
venir, si rien ne vient infléchir les tendances actuelles.
Les énormes pertes économiques dues aux inondations
dévastatrices de l'été dernier en Europe centrale
correspondent aux phénomènes météorologiques
de plus en plus graves que les scientifiques prévoient comme
conséquence du changement de climat lié aux activités
humaines. Cette année également, la saison des moussons
n'a pas eu lieu en Asie, des feux de forêts géants
ont ravagé des régions des Etats-Unis et un autre
El Nino se profile dans le Pacifique.
Des membres de l'Initiative du PNUE (Programme des Nations Unies
pour l'Environnement) pour les institutions financières -
partenariat unique en son genre entre le PNUE et 295 banques et
compagnies d'assurance et d'investissement - affirment que les conséquences
économiques des catastrophes naturelles induites par le changement
climatique pourraient ruiner les marchés boursiers et les
places financières du monde.
"La fréquence de plus en plus rapprochée des
épisodes climatiques violents, associée à des
coûts sociaux importants et à la menace d'une instabilité
sociale, pourrait exercer des pressions considérables sur
les assureurs, les réassureurs et les banques, au point d'écorner
leur rentabilité, voire de les acculer à la faillite",
indique le rapport Climate Change and the Financial Services Industry
(Le changement climatique et le secteur des services financiers).
Le marché de l'immobilier, avec des prêts pour l'achat
d'habitations et d'immeubles consentis pour des durées relativement
longues, pourrait devenir particulièrement vulnérable
par suite de phénomènes météorologiques
extrêmes. Les particuliers propriétaires de leur habitation
et les investisseurs dans l'immobilier pourraient voir leurs assurances
résiliées avec un court préavis et se retrouver
brutalement sans couverture.
L'action gouvernementale nécessaire pour endiguer le problème
passera inévitable par une réduction des émissions
des principales sources de gaz à effet de serre liées
au réchauffement de la planète. Il faudra réduire
la consommation des énergies fossiles, comme le charbon et
le pétrole, et améliorer leur utilisation.
Selon le rapport, les gestionnaires d'actif, notamment les caisses
de retraite qui sont lentes à apprécier la menace
du changement climatique, risquent de voir la valeur de leurs investissements
dans les sociétés d'énergie ou d'électricité
décliner à mesure que les investisseurs prennent conscience
des risques associés aux industries produisant de grandes
quantités de carbone.
Pourtant, des possibilités se dessinent pour les services
financiers de réduire les risques ou de s'en protéger,
voire de contribuer à la réduction des émissions
de gaz à effet de serre liées à la déstabilisation
du climat et des systèmes météorologiques de
la Terre.
Le rapport indique que le marché annuel des permis d'émission
des gaz à effet de serre, auquel ont donné naissance
les accords internationaux sur la réduction des émissions,
pourrait représenter jusqu'à deux billions de dollars
d'ici 2012. Celui du financement des énergies propres pourrait,
selon certaines estimations, atteindre 1,9 billion de dollars d'ici
2020.
En attendant, avec plus de 26 billions de dollars d'actifs à
gérer, le secteur financier pourrait, en se mobilisant, "exercer
une influence majeure sur le développement économique
futur… et par conséquent sur les émissions mondiales
de gaz à effet de serre", dans son propre intérêt
et celui de la société tout entière.
Mais une étude des principales institutions financières
réalisée pour le rapport montre que la plupart des
acteurs financiers "ne sont pas conscients du problème
du changement climatique" ou ont opté pour une politique
attentiste.
Ces comportements sont consécutifs aux désaccords
persistants à propos du Protocole de Kyoto, traité
international conçu pour faire face à la menace du
réchauffement climatique, auxquels s'ajoutent des questions
pratiques comme le manque d'information sur les émissions
et les retards dans la mise au point de la réglementation
des nouveaux marchés d'émissions de gaz à effet
de serre.
Par conséquent, seule une poignée de sociétés
s'intéresse au problème, parmi lesquelles beaucoup
de réassureurs qui ressentent déjà les effets
économiques de l'augmentation du nombre de sinistres d'origine
climatique.
Klaus Toepfer, Directeur exécutif du PNUE, déclarait
aujourd'hui à l'occasion de la sortie du rapport : "
Ce rapport est un appel à se réveiller lancé
à la communauté financière mondiale. Il met
en avant les risques réels et les dangers économiques
auxquels l'expose le changement climatique en partie induit par
l'homme. Il montre aussi que l'industrie peut changer les choses
en exploitant les nouveaux instruments et mécanismes de marché
rendus possibles par le Protocole de Kyoto, mais aussi en imaginant
ses propres solutions."
"Le rapport explique également que ces institutions,
avec la puissance financière dont elles disposent, pourraient
inciter les marchés et les esprits à créer
un monde plus propre, plus sain et moins vulnérable, dans
l'intérêt de l'économie mondiale et celui de
tous les hommes", a-t-il ajouté.
La sortie du rapport et de ses analyses, préparés
avec le soutien d'un groupe constitué des plus grandes banques,
compagnies d'assurance et de réassurance dans le monde, a
été annoncée le 08/10/2002 lors de la conférence
sur les gaz à effet de serre organisée à Zurich
(Suisse). Ses conclusions seront également présentées
aux gouvernements participant au prochain cycle de négociations
sur le changement climatique qui devrait débuter à
New Delhi (Inde) du 23 octobre au 1er novembre.
John H. Fitzpatrick, directeur financier et membre du conseil d'administration
de Swiss Re, a déclaré : " Tandis que l'industrie
émettrice doit prendre en compte la nécessité
de réduire ses émissions de carbone à l'avenir,
le secteur financier dont nous faisons partie a l'obligation d'aider
à la recherche de solutions à ces problèmes
en mettant à contribution sa propre expertise en matière
d'investissement et d'affaires. Après tout, le changement
climatique et les réductions substantielles d'émissions
- comme tout autre enjeu stratégique mondial - deviennent
en fin de compte des questions financières. Très vite,
les problèmes associés aux catastrophes environnementales
se mesurent en termes d'argent. Notre industrie doit montrer la
voie en élaborant des solutions financières et des
techniques de limitation des risques pour aider nos clients à
atteindre leurs objectifs globaux de réduction d'émissions
Le rapport propose un programme d'action pour mobiliser le secteur
des services financiers et le pousser à agir plus directement
face à la menace de changement climatique. Ce programme a
aussi pour but d'aider les gouvernements à créer les
conditions qui permettront au secteur de mettre en place rapidement
et efficacement de nouveaux marchés et activités en
rapport avec les défis que pose le changement climatique.
- Le programme recommande notamment de pousser les assureurs et
réassureurs à prendre davantage en compte les risques
liés aux phénomènes climatiques dans les polices
d'assurance, et à instaurer des partenariats public/privé
dans les domaines à risques élevés, afin de
maintenir la couverture.
- Les banques commerciales devraient estimer pleinement le coût
des risques liés au changement climatique dans leurs contrats
de prêt et assortir d'incitations les projets qui encouragent
l'efficacité énergétique ou les combustibles
plus propres.
- Les organismes qui gèrent des actifs, comme les caisses
de retraite, devraient exiger des entreprises dans lesquelles ils
investissent de meilleures informations sur leurs émissions
de carbone et leur exposition aux gaz à effet de serre.
- Les comptables, actuaires, analystes, organismes de notation et
autres prestataires de services devraient aider leurs clients institutionnels
à mieux comprendre les menaces et les opportunités
du changement climatique. Les marchés des permis d'émission
de gaz à effet de serre ont besoin de méthodes comptables
normalisées pour fonctionner ; c'est un domaine dans lequel
les professions libérales et leurs organisations professionnelles
peuvent aider.
- Les gouvernements, quant à eux, sont invités à
adopter un programme global à long terme pour maintenir les
gaz à effet de serre à des niveaux sécuritaires.
Ceci est crucial car le Protocole de Kyoto prendra fin en 2012,
mais le dioxyde de carbone, le méthane et les autres gaz
à effet de serre peuvent subsister dans l'atmosphère
pendant des dizaines d'années.
A l'échelle nationale, les gouvernements devraient aussi
adopter diverses mesures, notamment s'engager de façon claire
sur la façon d'atteindre les objectifs de réduction
des gaz à effet de serre, instituer des incitations économiques
favorisant les investissements dans les programmes d'énergie
propre, la recherche et le développement d'énergies
propres.
Il est également demandé aux gouvernements de travailler
avec les autorités de contrôle des marchés boursiers
pour faire mieux comprendre les impacts du réchauffement
planétaire sur les entreprises cotées en Bourse et
les nouvelles émissions.
En conclusion, le rapport demande qu'un effort important soit fait
pour mobiliser le secteur financier sur cette question et il recommande
que de nouvelles techniques et méthodes financières
soient développées pour aider les investisseurs et
les institutions finançant des projets à faire entrer
en ligne de compte le changement climatique dans l'estimation de
leurs actifs.
Auteur Programme des Nations Unies pour l'Environnement
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