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Le secteur financier face aux conséquences du changement climatique
08/10/2002 sur planete.info
par Programme des Nations Unies pour l'Environnement

Origine : http://www.notre-planete.info/actualites/actu_124_secteur_financier_consequences_changement_climatique.php


Les pertes dues aux catastrophes naturelles semblent doubler tous les dix ans et ont totalisé un billion de dollars ces 15 dernières années. Les pertes annuelles atteindront près de 150 milliards de dollars dans les dix ans à venir, si rien ne vient infléchir les tendances actuelles.

Les énormes pertes économiques dues aux inondations dévastatrices de l'été dernier en Europe centrale correspondent aux phénomènes météorologiques de plus en plus graves que les scientifiques prévoient comme conséquence du changement de climat lié aux activités humaines. Cette année également, la saison des moussons n'a pas eu lieu en Asie, des feux de forêts géants ont ravagé des régions des Etats-Unis et un autre El Nino se profile dans le Pacifique.

Des membres de l'Initiative du PNUE (Programme des Nations Unies pour l'Environnement) pour les institutions financières - partenariat unique en son genre entre le PNUE et 295 banques et compagnies d'assurance et d'investissement - affirment que les conséquences économiques des catastrophes naturelles induites par le changement climatique pourraient ruiner les marchés boursiers et les places financières du monde.

"La fréquence de plus en plus rapprochée des épisodes climatiques violents, associée à des coûts sociaux importants et à la menace d'une instabilité sociale, pourrait exercer des pressions considérables sur les assureurs, les réassureurs et les banques, au point d'écorner leur rentabilité, voire de les acculer à la faillite", indique le rapport Climate Change and the Financial Services Industry (Le changement climatique et le secteur des services financiers).

Le marché de l'immobilier, avec des prêts pour l'achat d'habitations et d'immeubles consentis pour des durées relativement longues, pourrait devenir particulièrement vulnérable par suite de phénomènes météorologiques extrêmes. Les particuliers propriétaires de leur habitation et les investisseurs dans l'immobilier pourraient voir leurs assurances résiliées avec un court préavis et se retrouver brutalement sans couverture.

L'action gouvernementale nécessaire pour endiguer le problème passera inévitable par une réduction des émissions des principales sources de gaz à effet de serre liées au réchauffement de la planète. Il faudra réduire la consommation des énergies fossiles, comme le charbon et le pétrole, et améliorer leur utilisation.

Selon le rapport, les gestionnaires d'actif, notamment les caisses de retraite qui sont lentes à apprécier la menace du changement climatique, risquent de voir la valeur de leurs investissements dans les sociétés d'énergie ou d'électricité décliner à mesure que les investisseurs prennent conscience des risques associés aux industries produisant de grandes quantités de carbone.

Pourtant, des possibilités se dessinent pour les services financiers de réduire les risques ou de s'en protéger, voire de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à la déstabilisation du climat et des systèmes météorologiques de la Terre.

Le rapport indique que le marché annuel des permis d'émission des gaz à effet de serre, auquel ont donné naissance les accords internationaux sur la réduction des émissions, pourrait représenter jusqu'à deux billions de dollars d'ici 2012. Celui du financement des énergies propres pourrait, selon certaines estimations, atteindre 1,9 billion de dollars d'ici 2020.

En attendant, avec plus de 26 billions de dollars d'actifs à gérer, le secteur financier pourrait, en se mobilisant, "exercer une influence majeure sur le développement économique futur… et par conséquent sur les émissions mondiales de gaz à effet de serre", dans son propre intérêt et celui de la société tout entière.


Mais une étude des principales institutions financières réalisée pour le rapport montre que la plupart des acteurs financiers "ne sont pas conscients du problème du changement climatique" ou ont opté pour une politique attentiste.

Ces comportements sont consécutifs aux désaccords persistants à propos du Protocole de Kyoto, traité international conçu pour faire face à la menace du réchauffement climatique, auxquels s'ajoutent des questions pratiques comme le manque d'information sur les émissions et les retards dans la mise au point de la réglementation des nouveaux marchés d'émissions de gaz à effet de serre.

Par conséquent, seule une poignée de sociétés s'intéresse au problème, parmi lesquelles beaucoup de réassureurs qui ressentent déjà les effets économiques de l'augmentation du nombre de sinistres d'origine climatique.

Klaus Toepfer, Directeur exécutif du PNUE, déclarait aujourd'hui à l'occasion de la sortie du rapport : " Ce rapport est un appel à se réveiller lancé à la communauté financière mondiale. Il met en avant les risques réels et les dangers économiques auxquels l'expose le changement climatique en partie induit par l'homme. Il montre aussi que l'industrie peut changer les choses en exploitant les nouveaux instruments et mécanismes de marché rendus possibles par le Protocole de Kyoto, mais aussi en imaginant ses propres solutions."
"Le rapport explique également que ces institutions, avec la puissance financière dont elles disposent, pourraient inciter les marchés et les esprits à créer un monde plus propre, plus sain et moins vulnérable, dans l'intérêt de l'économie mondiale et celui de tous les hommes", a-t-il ajouté.

La sortie du rapport et de ses analyses, préparés avec le soutien d'un groupe constitué des plus grandes banques, compagnies d'assurance et de réassurance dans le monde, a été annoncée le 08/10/2002 lors de la conférence sur les gaz à effet de serre organisée à Zurich (Suisse). Ses conclusions seront également présentées aux gouvernements participant au prochain cycle de négociations sur le changement climatique qui devrait débuter à New Delhi (Inde) du 23 octobre au 1er novembre.

John H. Fitzpatrick, directeur financier et membre du conseil d'administration de Swiss Re, a déclaré : " Tandis que l'industrie émettrice doit prendre en compte la nécessité de réduire ses émissions de carbone à l'avenir, le secteur financier dont nous faisons partie a l'obligation d'aider à la recherche de solutions à ces problèmes en mettant à contribution sa propre expertise en matière d'investissement et d'affaires. Après tout, le changement climatique et les réductions substantielles d'émissions - comme tout autre enjeu stratégique mondial - deviennent en fin de compte des questions financières. Très vite, les problèmes associés aux catastrophes environnementales se mesurent en termes d'argent. Notre industrie doit montrer la voie en élaborant des solutions financières et des techniques de limitation des risques pour aider nos clients à atteindre leurs objectifs globaux de réduction d'émissions

Le rapport propose un programme d'action pour mobiliser le secteur des services financiers et le pousser à agir plus directement face à la menace de changement climatique. Ce programme a aussi pour but d'aider les gouvernements à créer les conditions qui permettront au secteur de mettre en place rapidement et efficacement de nouveaux marchés et activités en rapport avec les défis que pose le changement climatique.

- Le programme recommande notamment de pousser les assureurs et réassureurs à prendre davantage en compte les risques liés aux phénomènes climatiques dans les polices d'assurance, et à instaurer des partenariats public/privé dans les domaines à risques élevés, afin de maintenir la couverture.

- Les banques commerciales devraient estimer pleinement le coût des risques liés au changement climatique dans leurs contrats de prêt et assortir d'incitations les projets qui encouragent l'efficacité énergétique ou les combustibles plus propres.

- Les organismes qui gèrent des actifs, comme les caisses de retraite, devraient exiger des entreprises dans lesquelles ils investissent de meilleures informations sur leurs émissions de carbone et leur exposition aux gaz à effet de serre.

- Les comptables, actuaires, analystes, organismes de notation et autres prestataires de services devraient aider leurs clients institutionnels à mieux comprendre les menaces et les opportunités du changement climatique. Les marchés des permis d'émission de gaz à effet de serre ont besoin de méthodes comptables normalisées pour fonctionner ; c'est un domaine dans lequel les professions libérales et leurs organisations professionnelles peuvent aider.

- Les gouvernements, quant à eux, sont invités à adopter un programme global à long terme pour maintenir les gaz à effet de serre à des niveaux sécuritaires. Ceci est crucial car le Protocole de Kyoto prendra fin en 2012, mais le dioxyde de carbone, le méthane et les autres gaz à effet de serre peuvent subsister dans l'atmosphère pendant des dizaines d'années.
A l'échelle nationale, les gouvernements devraient aussi adopter diverses mesures, notamment s'engager de façon claire sur la façon d'atteindre les objectifs de réduction des gaz à effet de serre, instituer des incitations économiques favorisant les investissements dans les programmes d'énergie propre, la recherche et le développement d'énergies propres.
Il est également demandé aux gouvernements de travailler avec les autorités de contrôle des marchés boursiers pour faire mieux comprendre les impacts du réchauffement planétaire sur les entreprises cotées en Bourse et les nouvelles émissions.


En conclusion, le rapport demande qu'un effort important soit fait pour mobiliser le secteur financier sur cette question et il recommande que de nouvelles techniques et méthodes financières soient développées pour aider les investisseurs et les institutions finançant des projets à faire entrer en ligne de compte le changement climatique dans l'estimation de leurs actifs.

Auteur Programme des Nations Unies pour l'Environnement