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Éloge de la diversité sexuelle


« Men are Dumb, I Know, I’ve Been One »

Chantal Maillé*

Certaines idées, jumelées à l’émergence d’un discours critique face à la science et à l’Histoire, ont ouvert la voie à la révision des assises traditionnelles de l’identité. Michel Foucault a révélé le caractère construit de la catégorie homosexuelle, Judith Butler a eu le génie d’écrire que le genre n’est pas réel, qu’il est une frontière qui est patrouillée par des codes politiques très précis, que le sexe est une injonction obligatoire pour que le corps se transforme en signifiant culturel.
Les idées de Butler sont venues déstabiliser les certitudes inscrites dans la construction du sujet hétérosexuel genré, suggérant que genre et hétérosexualité sont des identités performées. Dans un même registre, les notions de genre et de sexualité ont été reconfigurées avec l’émergence des Queer Studies dans les années 1990. Être un homme ou une femme, être gai ou hétérosexuel, voilà qui est trop simple pour quiconque s’inscrit dans l’entreprise déconstructionniste. Michel Dorais participe à ce grand brassage d’idées autour de l’identité en abordant le genre et l’orientation sexuelle, voulant montrer leur caractère relatif, leur construction et donc la possibilité de sortir des catégories identitaires étouffantes qui font présentement office d’étiquettes officielles de la diversité humaine.

On ne naît pas gai, on le devient, tout comme il y a de multiples façons d’être un homme ou une femme. L’identité est une fiction éclatée, conditionnée par une logique binaire en ce qui concerne le sujet de l’identité sexuelle.

Dénonçant les intégrismes identitaires et par le fait même un certain féminisme fonctionnant principalement autour de la construction des différences entre les hommes et les femmes, Dorais dissèque les notions prises pour acquises en ce qui concerne le genre et le sexe. Ainsi, selon Dorais, « que toute femme concentre en elle-même, du seul fait qu’elle soit femme, tous les attributs et tous les aléas historiques de la condition des femmes est, aujourd’hui plus que jamais, une fiction » (p. 61).
Il s’agit ici de se distancer de l’entreprise de construction d’une identité de genre qui assumerait une homogénéité dans l’expérience d’être une femme ou un homme.
Par la suite, Dorais appliquera la même logique à la déconstruction des identités sexuelles, refusant les labels et le déterminisme identitaire à partir des pratiques sexuelles.
Chez Dorais comme chez plusieurs autres qui ont entrepris d’écrire sur la déconstruction des genres, les êtres marginaux et hors-normes agissent comme révélateurs de l’aspect construit des genres en parodiant les caractéristiques les plus grotesques de cette identité; en mettant en lumière le caractère artificiel, affecté et parfois ridicule des archétypes de genre, travestis, drag queens et drag kings font œuvre de critique sociale, ces derniers étant des résistants à l’apartheid du sexe : ils montrent que l’on peut se jouer des identités de sexe et de genre, que ces choses-là ne sont ni tout à fait sérieuses, ni tout à fait permanentes.
Mais si, au contraire, les « trans » et les drags étaient eux-mêmes les intégristes du sexe, définissant la féminité comme une caricature où ongles félins, maquillage et coiffure sont exacerbés selon des figures de féminité teintées de références caricaturales et qui ont peu à voir avec les femmes elles-mêmes?
Bien que les origines du travestisme soient carnavalesques, ce que les drag queens reproduisent, dans leurs codes, c’est une certaine vision de la féminité qui n’est pas sans être teintée de misogynie, comme l’a fait remarquer fort à propos Judith Butler dans Gender Trouble. Le maniérisme des drag queens est une parodie de féminité où l’acte d’être femme signifie des faux ongles, un maquillage décadent, bref, rien à voir avec la féminité d’une madame Blancheville ou celle d’une butch…


* Chantal Maillé est professeure agrégée de Women Studies à l’Institut Simone de Beauvoir de l’Université Concordia. Elle a co-dirigé avec Diane Lamoureux et Micheline de Sève l’ouvrage collectif Malaises identitaires

Printemps-été 2001, Volume 3, Numéro 2 AUTOUR D’UN LIVRE
Michel Dorais Éloge de la diversité sexuelle

Le lien d'origine : http://www.pol.ulaval.ca/argument/