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Origine : http://nantes.indymedia.org/article/12513
Le Relevé des luttes sociales et des actions collectives
d'insubordination sociale qui affrontent et déplacent le
pouvoir et l'ordre institué, le mouvement des plaques tectoniques
de la sédimentation sociale produisant des fissures, entraînant
des erruptions et générant des tremblements de terre
est la contribution de Raul Zibechi aux hommes et aux femmes de
Bolivie aujourd'hui en fête, et à leurs frères
et soeurs qui, au-delà de ces montagnes andines, nous dédiquons
également à nos propres tâches d'auto-émancipation.
"Disperser le Pouvoir" s'inscrit alors au plus profond
de la tension contemporaine entre autonomie et gouvernabilité,
entre "révolutionarisation" et institutionalisation,
qui est sans doute le point où nous nous trouvons nous qui
nous obstinons à regarder vers l'a-venir, vers le à-faire.
Raquel Gutierez/Luis A. Gomez. Extrait du Prologue de Disperser
le Pouvoir - Les mouvements comme pouvoirs anti-étatiques
(Tinta Limon, Buenos Aires, 2006).
INTRODUCTION
Le cycle de luttes et insurrections dont les peuples qui habitent
la Bolivie ont été les acteurs depuis 2000, est peut-être
la plus profonde "révolution dans la révolution"
depuis le soulèvement zapatiste de 1994. Pour les peuples
du continent, les luttes qui se sont développées en
Bolivie sont une référence incontournable et d'inspiration
pour les défis que nous pose l'émancipation sociale.
De même que le zapatisme, comme nouvelle forme de faire de
la politique n'ayant pas comme référence l'Etat, a
éclairé les années 90, les mouvements boliviens
nous montrent qu'il est possible -et pas seulement désirable-
de construire des pouvoirs non étatiques, autrement dit que
tout pouvoir ne doit pas être un organe séparé
et au-dessus de la société; qu'il est possible de
construire cet autre monde auquel nous aspirons sans passer par
ce cauchemar qui pour tous les libertaires (ici employé au
sens de "libération-émancipation") de tous
les temps, en commencant par Karl Marx, a toujours été
l'Etat.
Depuis 1989, les secteurs populaires et les peuples indigènes
d'Amérique Latine ont pris la tête de révoltes
et insurrections qui ont mis le modèle néolibéral
sur la défensive. Le "Caracazo" (soulèvement
de Caracas) de 1989 et les soulèvements des indigènes
équatoriens depuis 1990 nous ont enseigné qu'il est
possible de résister et de d’engager l'offensive depuis
les bases communautaires des campagnes et des quartiers pauvres
des villes, et ont joué un rôle remarquable dans la
délégitimation du système, dit démocratique,
basé sur les partis politiques.
Le zapatisme depuis 1994, a illuminé le continent et le
monde avec un soulèvement qui ne cherche pas la prise du
pouvoir mais la construction d'un monde nouveau, et montre l'importance
de construire des autonomies (communales, municipales et régionales)
à partir d' "en-bas" et, plus récemment,
cherche à étendre à tout le Méxique
une culture politique qui consiste à écouter, point
de départ pour faire de la politique non institutionnelle
et, toujours, à partir d'en-bas. Avec les Juntas de Buen
Gobierno ("Assemblées" de Bon Gouvernement), les
zapatistes nous enseignent qu'il est possible -au moins sur une
échelle réduite- de construire des formes de pouvoir
non bureaucratiques, sur la base de rotation des représentants,
éloignées des pratiques étatiques.
Le Mouvement Sans Terre du Brésil démontre l'importance
de réaliser une réforme agraire aussi en partant d’en-bas
et non seulement est le plus grand mouvement social du pays mais
maintenant tente de travailler avec les jeunes pauvres des grandes
villes pour effectuer un pas en avant dans la lutte contre le "néolibéralisme
de gauche".
Le Mouvement Piquetero a déplacé le centre des luttes
argentines des petites vers les grandes villes et des travailleurs
vers les chômeurs et les exclus par le néolibéralisme.
L'insurrection populaire des 19 et 20 décembre 2001 suggère
qu'il est possible de lutter et de vaincre sans appareils ni caudillos,
sans avant-garde ni partis dirigeant, et que l'organisation ne doit
pas se construire comme un poids qui pèse sur les secteurs
populaires mais qu'elle peut prendre comme point de départ
ce qui existe déjà dans la vie quotidienne des plus
pauvres, et l'étendre, l'améliorer et l'approfondir.
Qu’apportent les luttes boliviennes aux peuples latinoaméricains
qui cherchont à créer un monde nouveau? Les "guerres"
de l'eau et du gaz (en 2000 et 2003) partagent avec d'autres luttes
du continent l'inexistence d'avant-garde et d'appareils dirigeants,
la réalisation d'insurrections victorieuses convoquées
et dirigées en dehors de toute institution (syndicale, paysanne
ou partisane) sans un haut et un bas, sans la classique division
entre dirigeants et dirigés. Mais elles partagent aussi avec
d’autres expériences le fait que pour lutter et vaincre,
est suffisant ce qui existe déjà : fondamentalement
les communautés ou ayllus et les communuatés urbaines
de l’eau et les assemblées de quartiers (juntas vecinales).
Le fait que les "organisations" incrustées et immergées
dans la vie quotidienne soient les mêmes "organisations"
qui mènent les luttes et les insurrections est une des nouvelles
caractéristiques des mouvements (qui sont toujours sociaux
et politiques) de notre continent. Il me semble nécessaire
approfondir ce point.
La revolution est la sage-femme de l'histoire. La phrase de Marx
synthétise une conception de la révolution qui a été
enterrée par les marxistes. Cependant Marx a toujours été
fidèle à cette manière de voir le changement
social, selon laquelle l'acte révolutionnaire de donner naissance
au monde nouveau est à peine un bref jalon d'un long procesus
de gestation de ce monde autre.
La révolution aide à la naisssance du monde nouveau
mais ce n'est pas elle qui le crée. Ce monde nouveau existe
deja, à un degré de développement déterminé
et c'est pour cela que, pour continuer à croître, il
a besoin d'être mis à jour par un acte de force : la
révolution. Je sens que ce qui est en train de se passer
dans les territoires des mouvements, ce qui à mon avis est
la formation d'un "monde autre", non seulement nouveau
mais différent à l'actuel, installé sur des
logiques de construction diferentes, est en rapport avec la réflexion
de Marx sur l'expérience de la Commune de Paris. "Les
ouvriers, disait-il, n'ont aucune utopie déjà élaborée
prête à être implantée par décret
du peuple. Ils ne doivent réaliser aucun idéal mais
simplement libérer (dar suelta) les éléments
de la nouvelle société que la vieille société
bourgeoise agonisante porte en son sein" (K. Marx, La guerre
civile en France).
Je voudrais m’arrêter sur ce "libérer",
vu qu’il me semble qu’il contient une clef qui traverse
toute la production théorique de Marx. Le communisme existe
en puissance dans la société capitaliste. Dans le
Manifeste Communiste, cela est très clair quand il analyse
le passage du féodalisme au capitalisme et souligne comment
la société bourgeoise est née des entrailles
de la société féodale. La même chose,
anticipe-t-il, se passera dans la transition capitalisme-communisme.
La nouvelle société n’est pas un lieu où
on va, ce n’est pas quelque chose qui se conquiert et qui
par conséquent est là, dehors, et encore moins quelque
chose qui s’implante. L’image que Marx nous donne du
changement révolutionnaire est celle selon laquelle la puissance-latente
nichée dans le monde des opprimés croît, éclate
comme une fleur, c’est pour cela qu’il utilise l’expression
: "libérer".
Marx n’utilise pas les mots spontanéité ou
spontané –les introduit Kautsky et ensuite Lénine,
dans sa dérive étatico-centriste– ; mais les
adjectifs selbständig (pour soi même, par initiative
propre) ou eigentümlich (propre/inhérent), c’est
à dire ce qui existe pour soi même. Son oeuvre est
traversée par l’idée de l’autoactivité
des ouvriers et par l’utilisation du terme "naturellement"
pour se référer à la forme selon laquelle surgit
cette activité. Il affirmait, au delà de la justesse
ou de l’erreur de l’analyse, que la concentration d’ouvriers
provoquée par le développement du capitalisme crée
les conditions pour leur unité, sur la base de l’autoéducation,
et pariait sur le fait que cette unité érosionerait
la base de la domination de la bourgeoisie : la compétition
entre les ouvriers. On peut voir qu’il cherche à l’intérieur
de la classe autant les faiblesses qui l’oppriment que les
puissances qui la libèrent.
Je soutiens que l'idée de "libérer" et
les concepts de "auto-activité" et "auto-organisation"
appartiennent à une même conception du monde et du
changement social : celle qui soutient que les procesus se produisent
naturellement, autrement dit, par soi-même. Cela veut dire
: par leurs propres dynamiques internes.
La dynamique interne des luttes sociales tisse des relations sociales
parmi les oprimés, qui leur permettent en première
instance d'assurer la survie, autant matérielle que spirituelle.
Avec le temps et le déclin du système dominant, sur
la base de ces relations, croit un monde nouveau, c'est à
dire différent au monde hégémonique. A tel
point que, à un moment, la société présente
la forme d'un océan de relations sociales "nouvelles"
et quelques îles de relations sociales "vieilles",
qui sont fondamentalement les relations étatiques.
L'histoire du XX° siècle est remplie d'accouchements
de mondes qui incarnent des relations sociales "vieilles".
C'est un fait dramatique qui a apporté des conséquences
néfastes. En general les révolutions n'ont pas donné
naissance à des mondes nouveaux mais au contraire les révolutionnaires
ont tenté de construire le nouveau monde à partir
d'appareils étatiques. Bien qu'une bonne partie des révolutions
aient amélioré les conditions de vie des populations,
un succès sûrement important, elles n'ont pas été
capables de créer des mondes nouveaux. Au delà de
la meilleure volonté des révolutionnaires, ce qui
est certain c'est que les Etats ne sont pas les instruments adéquats
pour créer des relations sociales émancipatoires.
C'est un thème ouvert au débat, sur lequel il commence
à exister une abondante littérature.
Depuis ce point de vue, la chose la plus révolutionnaire
que nous pouvons faire est de nous engager à créer
de nouvelles relations sociales à l'intérieur de nos
territoires, des relations qui naissent dans la lutte, se soutiennent
et se propagent grâce à elle.
******
En Bolivie, comme dans dans d'autres pays du continent, s'ouvre
à partir du 22 janvier 2006, une nouvelle conjoncture qui
représente un défi inédit pour les mouvements.
Dans plusieurs pays, l'arrivée au gouvernement de forces
progressistes a réussi à affaiblir les mouvements
au travers de la cooptation de plusieurs secteurs et de l'isolement
d'autres. Nous ne pouvons pas ne pas nous arrêter sur ces
expériences mais au contraire extraire de celles-ci des enseignements
pour éviter la désarticulation des secteurs en lutte.
En ce moment, dans tout le continent prend forme une période
marquée par l’accès au gouvernement de forces
de gauche ou progressistes, ce qui constitue un défi inédit
pour les mouvements. Le type de relation que ces mouvements vont
lier avec ces gouvernements va déterminer des évènements
décisifs dans les prochaines années : il peut se produire
une relégitimation des Etats et du modèle néolibéral,
avec des changements minimes ou, au contraire, surgir de nouvelles
et plus puissantes avancées des forces qui luttent pour construire
un autre monde.
La conjoncture n’affecte pas la puissance. Elle conditionne
son expansion, sa multiplication, sa prolifération ; mais
la puissance reste intacte, ou non, en fonction d’autres variables
qui n’ont pas de relation stricte avec la conjoncture. Parmi
ces variables, peut être la plus décisive est la manière
selon laquelle les personnes qui intègrent les mouvements
entrent en relation avec leurs puissances : si elles se connectent
avec elles, les cultivent, les approfondissent ou, au contraire,
les convertissent en moyens pour obtenir des fins.
Ceux qui signalent les limites des mouvements sont nombreux. On
nous dit que les mouvements sont bons pour affaiblir ou renverser
des gouvernements, pour mobiliser la société, pour
délégitimer le modèle néolibéral
; mais il leur manque l’ "autre moitié",
la capacité d’avoir une stratégie, d’être
exécutifs, d’atteindre le pouvoir étatique pour
réaliser leur programme.
Sur ce point, il y a deux formes de faire de la politique : sur
la base des limites ou sur la base des puissances. Opérer
depuis les limites suppose mettre au centre ce que nous ne pouvons
faire, cela implique notre installation dans l’incapacité,
comme nous mettre dans un trou duquel "quelqu’un"
va nous en sortir, c’est du moins ce que nous aspirons. S’installer
dans les limitations c’est mettre au premier plan ce que les
mouvements se sont vus incapables de faire. Cette attitude a plusieurs
lectures possibles : parier directement sur l’Etat, que ce
soit en établissant des alliances avec le gouvernement ou
en essayant de l’atteindre par différentes voies, ou
bien se soumettre à l’Etat-gouvernement ; à
l’extrème sont ceux qui optent pour "articuler"
les divers mouvements, pour les doter de cohérence et de
capacité pour influer dans le programme politique et ainsi
rendre plus effective la mobilisation-pression. Il s’agit,
comme on peut le voir, de deux versions du même projet : le
sujet des changements n’est plus la société
mobilisée et devient l’Etat ou le parti-organisation
ou diverses formes de combinaison entre les deux. Pour ceux qui
s’engagent dans cette direction, "la conjoncture est
tout".
En effet la conjoncture est quantité alors que la puissance
est qualité. Mais l’une ne peut se changer en l’autre.
Il est naturel que depuis le regard "étatico-centriste"
surgisse alors la question sur l’utilité de la puissance.
Comme l’émancipation, la puissance n’est pas
utile, ne peut se métamorphoser en valeur d’échange
sur l’autel du marché politique. Pire encore, elle
n’a d’intérêt, de valeur d’usage
disons, que pour ceux qui la vivent, qui la sentent, la pratiquent.
Pour cela, la puissance émancipatoire n’a pas l’habitude
de se manifester dans les grandes lithurgies avec lesquelles la
gauche politique et sociale croît être en train de promouvoir
les changements. Et cela vaut autant pour les congrès partisans
que pour les forums sociaux.
Pour aggraver les choses, il n’est pas possible, ni convenable,
de "la définir". Nous pouvons seulement la reconnaître,
comme cet hic hodus, hic salta de Marx. Parce que ce que nous appelons
puissance est en rapport avec les vécus humains, avec les
relations que hommes et femmes en mouvement établissent entre
eux et avec les autres. Relations qui, individuellement ou collectivement,
se composent dans la douleur. "La puissance se forme dans la
douleur" dit Negri (Antonio Negri, Job, la force de l’esclave).
Plus encore, il affirme que "tous les grands sujets collectifs
se forment à partir de la douleur, au moins ceux qui luttent
contre l’expropriation du temps de la vie que décrète
le pouvoir" ; mais il n’est pas possible de conter la
douleur, de la transmettre, seulement de la partager : parce qu’elle
"déborde la logique, le rationnel, le langage",
elle est alors "une clef qui ouvre la porte de la communauté"
(Negri, idem).
En ce sens nous pouvons affirmer, maintenant oui, que la puissance
est capable de changer les gens, de nous changer tous et chacun
de nous. Mais seulement dans la mesure où nous participons
de ces relations en mouvement, pas tant dans les mouvements que
dans les institutions. Ce ne sont pas les manifestations et les
marches rituelles qui changent les gens, bien qu’il est certain
que, dans quelques occasions, les actions de rue peuvent incarner
les puissances du changement. Quelque chose de cet ordre a eu lieu
les 19 et 20 décembre 2001 en Argentine, et dans les mémorables
journées de la Guerre de l’Eau et d’octobre 2003
en Bolivie.
Le sous-commandant insurgé Marcos nous rappelle que "en-bas,
apprendre c’est croître". Mais il prévient
que "les récoltes d’en-bas ne sont jamais immédiates"
(Rebeldia n°24). Le zapatisme prévient de cette manière
deux choses : l’importance d’apprendre de manière
collective, faire de l’apprentissage un axe décisif
des mouvements ; et manier les temps d’un autre mode, en fonction
des temps intérieurs et non de ceux du système. Mais
cela suppose d’éradiquer l’instrumentalisation
des moyens en fonction des fins. Il n’existe pas la moindre
différence entre fins et moyens ; la fin est dans les moyens
comme le signale Marcos.
Dans les expériences les plus riches on devine une tension
pour dépasser les limites. Si cette tension qui tend
à déborder est la puissance des mouvements, il semble
évident que la conjoncture ne l’affecte pas. A ce stade,
dans cette tension, se dissolvent le dehors et le dedans. La tension
vers la limite (émancipation) n’a pas de limites, de
limitations, sauf celles de la propre tension. C’est pour
cela que la puissance ne se réalise jamais, ne se matérialise
pas en chose, c’est toujours un devenir inachevé. Autonome,
en tant que tension vers, parce qu’elle ne dépend que
d’elle même. La puissance se diffuse dans la mesure
où se composent et se créent des relations –qui
sont des manifestations de la puissance– d’émancipation.
C’est la seule chose que nous pouvons appeler pouvoir, et
elle dépend seulement et uniquement d’elle même.
Renforcer, intensifier, c’est alors approfondir la trame de
relations en essayant d’éviter qu’elles se cristallisent
dans des formes de domination.
******
Mais le procesus aymara non seulement est un des composants des
luttes continentales sinon qu’il apporte quelque chose de
substanciel : la construction de pouvoirs non étatiques.
Par cela j’entend pouvoirs non séparés, non
divisés de la société, pouvoirs qui ne forment
pas un cadre à part, ni pour prendre des décisions,
ni pour lutter, ni pour résoudre des conflits internes. Si
l’Etat c’est le monopole de la contrainte physique décidée
et exercée par un corps séparé de la société
(bureaucratie civile et militaire), dans le monde aymara cette capacité
apparait distribuée et disperse dans tout le corps social
et soumise, en dernière instance, aux assemblées dans
la campagne et dans la ville.
La capacité de construire des pouvoirs non étatiques,
non centralisés mais dispersés, relie le procesus
aymara avec le zapatiste (Juntas de Bien Gobierno) et les deux représentent,
au delà de leurs différences et de leur particularité,
un apport essentiel à l’émancipation. On peut
dire qu’au Chiapas la construction de ces pouvoirs se réalise
sur un mode explicite, tandis que dans l’altiplano les cartels
aymara et autres formes de pouvoirs communaux sont implicites –en
grande mesure pour l’inexistence d’un contrôle
territorial explicite–, mais dans le fonds battent des tensions
et des recherchent similaires.
Les pouvoirs aymaras non étatiques naissent de territoires
dans lesquels fonctionnnent des machines communautaires. Autrement
dit, des mécanismes sociaux qui sont "dé-territorialisés"
et "dé-communalisés" pour être utilisés
par la société en mouvement comme formes non étatiques
de mobilisation et de création d’espaces collectifs
dans lesquels –au delà des discours– fonctionne
le "commander en obéissant". Ceux-ci sont les mécanismes
qui ont permis à la société aymara, et à
d’autres secteurs sociaux de Bolivie, de déployer de
puissantes mobilisations qui ont renversé deux présidents
et ont vaincu le projet néolibéral sans créer
de structure étatiques. Ce n’est pas le moment de penser
à ce qui va se passer dans les prochaines années.
Le meilleur scénario, le plus désirable, c’est
que le nouveau gouvernement soit porteur et porte-parole de changements
sans affaiblir les mouvements et que ceux-ci continuent d’être
les acteurs décisifs. Cependant d’autres expériences
comme celle de l’Argentine –où une bonne partie
des mouvements ont été cooptés par le gouvernement
progressiste de Nestor Kirchner– doivent nous alerter sur
la séduction que représente l’Etat aux mains
de personnes prochent des mouvements.
Pour ceux qui visent l’émancipation, les défis
centraux et décisifs ne sont pas en haut mais en bas. Pour
cela il n’est pas valide d’imputer des fautes ou des
erreurs, encore moins des "trahisons" aux gouvernants
(1). Prendre soin de la puissance comme le feu sacré des
mouvements est une tâche quotidienne de toutes celles et de
tous ceux qui sommes engagé(e)s à créer un
monde nouveau. Que batte dans le coeur des peuples, un coeur forgé
dans la sociabilité populaire, sans hiérarchies ni
caudillos, que fleurisse grâce à la force de la fraternité,
la force motrice de tout changement : la trame basique et la lumière
basique de la vie.
1- Sur cette même idée, voir "Bolivie : responsabilité
des leaders ou responsabilité collective ?",
http://amerikenlutte.free.fr/index.php?option=com_conte...id=50
* Raúl Zibechi, journaliste, écrit dans l’hebdomadaire
uruguayen Brecha, le journal méxicain La Jornada et la revue
italienne Carta. Il a publié Généalogie de
la révolte (2003), (disponible en francais aux editions CNT-RP)
sur les luttes argentines de la dernière décennie,
Le regard horizontal-mouvements sociaux et émancipation (1999)
et Les ruisseaux quand ils baissent- les défis du zapatisme
(1995). Ces livres ont aussi été édités
en Italie, Equateur et Espagne. Il collabore avec le groupe HIJOS
d’Uruguay et avec des médias alternatifs de plusieurs
pays.
Traduction : http://amerikenlutte.free.fr
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