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Défense des Enfants International section française
: http://www.dei-france.org
Un projet de loi dangereux et en trompe l’oeil
Pour DEI-France le texte adopté par le conseil des ministres
du 28 juin 2006 sur la prévention de la délinquance
est très préoccupant par les mesures préconisées,
mais également par l'esprit qu'il développe.
Il est déjà consternant que le gouvernement identifie
les enfants, aux côtés des malades mentaux et des délinquants
sexuels, comme principaux fauteurs d'insécurité, et
les familles comme les seules sources des difficultés que
les enfants délinquants ont à connaître. Il
est tout aussi consternant qu'il entende transformer les maires
en « shérifs », centralisateurs d'informations
sensibles au mépris des exigences du secret professionnel
des travailleurs sociaux. Les élus de proximité jouissent
aujourd'hui de la confiance de la plupart de leurs administrés.
En serait-il encore de même si, à l'encontre de la
majorité d'entre eux toutes tendances confondues, ce projet
de loi devait se concrétiser ? Leurs arbitrages budgétaires
ne doivent-ils pas privilégier les équipements culturels,
sportifs et sociaux sur les caméras de vidéo-surveillance
et la police municipale ?
S'il est exact d'affirmer que le recul de la délinquance
« exige aussi la mise en ¦uvre d¹une politique
de prévention globale et cohérente », il est
faux de prétendre que le texte présenté par
le ministre de l'Intérieur contribue à cette politique
globale et cohérente.
En vérité, DEI-France constate que l'on propose la
répression, l¹éducation musclée et la
psychiatrisation des enfants comme seules stratégies de «
prévention » ! Toutes les expériences jusque
là conduites montrent qu¹aucune des diverses mesures
répressives des libertés fondamentales, couvre-feux
pour mineurs, écoles grillagées, sanctions immédiates,
détentions en centres fermés, ou encore injonctions
de soins infondés, ne se sont révélées
effectivement préventives de la récidive. À
quoi il faut ajouter que la privation de prestations sociales pour
les familles dont un membre se serait rendu coupable d¹une
infraction quelconque réintroduit le principe de la punition
collective, formellement interdite par tous les principes qui fondent
le droit républicain. Sans nier qu'il faille faire preuve
de réactivité et de fermeté face à l'engagement
d'un enfant dans la délinquance, qui peut ignorer désormais
l'inanité de la stratégie développée
par le ministre de l'Intérieur ?
Au passage, il porte gravement atteinte au droit pénal des
mineurs français, atteintes dont il faudra rendre compte
au plan international, notamment devant le Comité des experts
de l¹ONU qui doit entendre le gouvernement français
en 2007 sur les applications de la Convention Internationale sur
les Droits de l'Enfant :
1. il introduit le flagrant délit pour les mineurs en déniant
le temps nécessaire de l'instruction et de l¹éducation
;
2. il permet le recours à la composition pénale dès
13 ans, c'est-à-dire qu'il donne aux parquets le pouvoir
d'injonction sur les mineurs délinquants ;
Et l'on sait que le souci du ministre de l'Intérieur est
d'abaisser la majorité pénale à 16 ans pour
pouvoir appliquer aux 16-18 ans le droit des majeurs.
DEI-France s'interroge sur l'opportunité de cette quatrième
réforme de l'ordonnance du 2 février 1945 sous la
même législature alors que, dans le même temps,
on se targue d'une baisse de la délinquance ! Les législateurs
et les gouvernants de 2002, 2003, 2004 et 2005 auraient-ils été
à ce point défaillants ou la délinquance juvénile
aurait-elle brutalement explosé ? À en croire les
chiffres du ministère de la Justice (Infostat n° 86 de
mars 2006), elle s'est stabilisée sur 2005, voire a légèrement
diminué.
DEI-France observe qu'en vérité la stratégie
développée est une stratégie de camouflage
:
- on camoufle la défaillance policière (taux d'élucidation
très faible des affaires connues) par une prétendue
faiblesse des juridictions ;
- on camoufle la non-réduction de la fracture sociale par
un faux procès fait aux magistrats de l¹enfance ;
- on camoufle les causes réelles des inégalités
et des injustices sociales en faisant porter la responsabilité
de leurs conséquences aux élus locaux, et dans tous
les cas aux familles.
Il est clair qu'au lendemain des événements de l'automne
2005 un rendez-vous avec l'Histoire a été raté.
Les mesures sociales et institutionnelles qui s'imposaient n'ont
pas été prises et le feu couve toujours tant dans
les banlieues que dans certaines zones rurales, comme peuvent en
témoigner tous les acteurs associatifs et institutionnels,
et notamment la police elle-même. Le projet de loi prétend
viser à prévenir de nouveaux accès de violences,
mais ne répond en rien aux problèmes des enfants,
des jeunes et des familles de ces territoires, à l¹égard
desquels les promesses formulées dans la chaleur du moment,
en matière d¹emploi ou de logement notamment, n¹ont
pas été tenues.
DEI-France souhaite que l'examen de ce texte au Parlement soit
l'occasion de décliner réellement les éléments
d'une politique globale et cohérente de prévention
de la délinquance qui passe notamment :
- par un soutien, une écoute sincère et un accompagnement
respectueux des parents dans l'exercice de leurs responsabilités,
en évitant tous les mécanismes de stigmatisation et
de culpabilisation, en tenant compte de la diversité des
situations familiales notamment pour les familles issues de l'immigration
;
- par une aide aux enfants et à leurs familles pour accéder
à des conditions de vie décente, en matière
de santé, logement et éducation ;
- par une aide aux enfants issus de l'immigration à voir
s¹ouvrir de réelles perspectives de promotion dans ce
pays, en luttant enfin efficacement contre toutes les discriminations
dans les accès à la formation, à la culture
et à l¹insertion professionnelle ;
- enfin, par la promotion des droits des enfants selon les exigences
de la Convention Internationale d'où découlera de
leur part une meilleure compréhension des exigences du vivre
ensemble et de la part de tous les citoyens un meilleur respect
de loi.
Paris, le 30 juin 2006
Contacts : 06 70 14 86 31 ; 01 43 01 93 65
mailto: dei ( at ) bernard-defrance.net
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