Mon défi courant est de rechercher et réfléchir sur la violence,
symptôme social tellement marquant de nos jours. Le travail d'analyser
à partir de la psychanalyse les manifestations sociales, politiques
et culturelles a commencé avec Freud et depuis, les apports dans cette
direction se sont multipliés. Nous ne pouvons pas nous taire face à
ces phénomènes et la théorie psychanalytique nous enseigne aussi comment
"la parole refoulée est intimement liée à la violence et à la douleur.
On ne parle pas de ce qui fait mal et la violence tait". (Berlinck et
Rodriguez, 1987:10). J'ai réfléchi sur se phénomène le raccordant à
la question de la subjectivité. Il me semble que la tentative de reniement
de prendre à soi la violence fondamentale, qui est condition de la subjectivité,
contribue à la formation de pratiques anéantissantes, en tant qu'affirmation
ultime de la singularité. Cette tendance se rapporte probablement à
l'imaginaire social post-moderne où prévalent les valeurs individuelles
astreintes à la réalisation personnelle.
Dans ce travail je prétends discuter comment ces questions sont intrinsèquement
liées a la question du délaissement, situation émotionnelle très significative
de l'homme contemporain.
Il va donc falloir préciser la notion de délaissement que je vais employer.
Dans ce travail, en ce qui concerne la situation de délaissement je vais
me baser sur les concepts freudiens. Cette situation s'établit quand toute
possibilité de symbolisation est abolie et que le sujet se trouve à la
merci de ses forces pulsionnelles, donc exposé à un excès d'excitation.
Je comprends ce moment comme un sentiment de délaissement face au désir
inconnu de l'autre. Je pense aussi que dans la société contemporaine,
où prédomine l'idéal d'autonomie, cette question est d'autant plus mise
en relief, puisque l'individualisme est le but et que soumettre à l'autre
sa propre volonté semble être une innommable violence. "Respecter l'autre"-
l'abandoner à ses propres fantaisies est-ce que cela ne porterait pas
a un délaissement encore plus grand?
Dés le début de ma carrière professionnelle la question de la subjectivité
est le cerne de mes préoccupations. Les questions qui ont orienté ma dissertation
de maîtrise se concentrent sur ce qui peut assurer la formation de la
subjectivité,sur quelles conditions sociales doivent s'établir pour garantir
ce procès et sur quelles sont les formes de subjectivation que peuvent
être pensées au-delà du modèle familial.( 1)
Réfléchir comment un enfant précocement abandonné pourrait se subjectiver
posait un grand défi et des questions importantes sur le délaissement
commençaient a prendre forme. Je discutait que le problème de ces enfants
n'était pas la perte de la famille, l'absence, la séparation, mais
si l'impossibilité de signifier cette situation. C'est quand on empêche
ces enfants de parler de leurs histoires et d'exprimer leur douleur qu'on
érige une situation de délaissement.
Si à l'époque je discutait déjà qu'un des aspects compromettants du processus
d'identification des enfants institutionnalisés était le manque de la
Fonction Paternelle, avec ce que je désignait 'prédominance de l'idéologie
de l'amour', cette caractéristique devint plus marquante dans les plus
différentes institutions éducationnelles avec lesquelles je continue en
contact dès les nourriceries de la classe moyenne, passant par les crèches,
jusqu'aux institutions pour enfants et adolescents en situation de risque
social.
La difficulté d'assumer la loi, de se mettre à la place de celui qui
frustre, permettre que l'enfant prenne contact avec son histoire douloureuse
pour qu'il puisse faire son deuil symbolique et s'organiser entre maintes
autres situations que je pourrait énumérer, se constituent en difficultés
presque insurmontables dans le travail éducatif. "Comment ne pas être
violent avec mon fils pour le faire dormir, puisqu'il fait des scènes
terribles et je ne veut pas le chagriner" m'a demandé un père pendant
une réunion d'orientation dont le thème était "dilemmes dans l'éducation
des fils". 2
Des situations semblables a celle que je viens de citer m'ont
portée à la constatation que de nos jours,le lieu de la loi, de la référence
et de l'ordre est négligé sous le prétexte du plaisir, de l'amour, du
bonheur, de la créativité. Au nom de l'autonomie, les éducateurs face
aux enfants, les parents face a leurs fils, et même l'homme face à la
femme (et vice-versa) n'assument pas qu'ils doivent proposer, exiger
ou revendiquer. Chacun présuppose ce qui est mieux pour soi même. Si
l'idéal de l'homme moderne est l'autonomie, il s'avère que nous sommes
proches d'atteindre le but. Comme observe Calligaris (1996-I) "en notre
temps, les valeurs et les points de repère traditionnels se diluent
et, peut-être momentanément, triomphe la poursuite aux images agréables".
La société contemporaine, règne du narcissisme, est donc réglée
par des critères esthétiques, beaucoup plus que par des critères étiques.
Calligaris signale que l'homme post moderne tient exclusivement a sa
satisfaction personnelle qui lui sera assurée s'il parvient a assumer
l'image propagée par les moyens de communications comme idéale. Il suffit
donc de posséder les objets qui l'approchent de l'idéal social proposé.
Pour posséder ces objets la loi de la conquête, de l'effort, de l'esprit
communautaire, de la construction d'un projet commun n'est pas valable.
Pour le jeune tout est valide pour obtenir ce qu'il veut. Ainsi, on
arrive à comprendre la difficulté de l'adulte de prendre la place de
la loi, de la référence, de celui qui frustre ou contrarie comme j'ai
dit auparavant. L'adulte s'allie aux médias et promet au jeune accès
à la consommation des objets de désir, en se montrant plutôt un séducteur
qu'un représentant de l'autorité.
Comment donc, réfléchir sur le drame de la subjectivation?
Probablement ça sera une catastrophe subjective de se voir privé de
l'objet du désir, ou mieux encore, du fétiche, du talisman qui confère
le pouvoir de se situer, de se maintenir dans le discours collectif
(Jerusalinski, 1994). Tuer est aussi valable, s'il s'agit de posséder
le nécessaire, abattre l'objet qui frustre, imposer le .Moi. "Privés
de l'objet dont nous avions besoin pour être quelqu'un, nous risquons
d'être personne. Cela suffit pour décharger une arme à feu" (Calligaris,
1996:31). Ainsi, nous arrivons à la violence en tant qu'emploi désiré
de l'agressivité, avec des buts destructifs; une expérience d'excès
qui vise l'anéantissement de l'autre, attaque au sujet, attaque au social.
Désormais, il ne s'agit plus de violence primaire ou fondamentale.
Sans doute la question de la violence a centré les inquiétudes
de notre société et les médias indiquent les indices croissants du niveau
de violence.
Est-ce que le ci-dessus exposé nous donnera une explication
du phénomène?
Voilà l'énigme que je propose discuter. Comment se fait-il
que si ce que plus épouvante l'homme est de s'arroger la violence
étant obligé de réprimer, frustrer, assumant la place de la loi et de
l'ordre (rappelons-nous du père mentionné auparavant) - plus considérables
sont les manifestations de violence de notre société? Ce qui parait
mouvoir tout le monde est seulement la quête du plaisir, passant à l'action
en quête de la réalisation de n'importe quel désir. Je pense que plus
on essaye de nier la violence la présence de l'autre dans la relation
avec chacun, en osant assumer et déterminer la place que celui-là occupe
face au désir de cet autre plus on abondonne les sujets à leur propres
élans, à l'illusion d'être omnipotents. Sûrement la réaction omnipotente
est une réponse possible face à la situation de délaissement à laquelle
est soumis l'homme contemporain. Pour cet individu, l'idée de soumission
à l'autre est insupportable. Les liens sociaux sont rompus. Etre seul
finit par devenir le modèle idéal de maturité.
Mais, revenons à la discussion sur la violence fondamentale
et la difficulté de l'assumer.
Dés Freud la psychanalyse signale, d'autre part, que la violence,
en tant que fondatrice de la civilisation, détermine la subjectivité.
L'homme de la culture est héritier et complice d'un crime, fait qui
tendra a être nié et perpétué par l'humanité entière. Les vicissitudes
du complexe d'Oedipe reprennent, dans la constitution de la subjectivité
de chacun, cette contradiction . Amour à la mère, haine au père, qui
est une entrave a cet amour, suppression du désir d'assassiner le père
par crainte de castration, soumission à l'autre pour préserver la subjectivité
dans ce paradigme classique de la psychanalyse nous avons déjà les
éléments qui portent à la réflexion sur la violence en tant qu'élément
constitutif de la subjectivité.
On sait aussi, que bien avant de se représenter sous cet forme
amour à la mère, haine au père l'infans est violenté par le discours
de la mère que ira estamper l'existence d'un monde en confrontation
avec sa psyché; reconnaître un espace outre du sien. "Psyché et monde
se retrouvent et naissent l'un avec l'autre, l'un pour l'autre; il sont
le résultat d'un état de rencontre que nous avons dit être coextensif
à l'état d'existant. L'inévitable violence imposée a l'objet psychique
par le discours théorique, s'ensuit de son besoin de dissocier les effets
de cette rencontre" (Aulagnier, 1975:33).
Manoel Berlinck aussi a débattu comment a lieu le processus
de subjétivation en fonction d'une immuno-déficience psychique, c'est-à-dire
dans "l'échec" de l'appareil psychique de faire face aux agressions
continues contre un premier état d'équilibre, "au sentiment océanique,
sentiment primaire dont le contenu idéationnel approprié serait précisément
celui de l'illimité et celui du lien avec l'univers" (Freud, 1930:77).
Donc, sous l'optique freudienne le Moi apparaît comme une forme
de se défendre, de maîtriser les agressions provenantes soit des pulsions
internes, soit de l'extérieur, de cet adulte qui au moment de prendre
soin de cet être fragile, délaissé qui est le nouveau né humain, le
violente en lui donnant justement ce dont il a besoin. "Nous irons désigner
violence primaire l'action psychique par laquelle on impose a la psyché
d'un autre un choix, une pensée ou action motivés par le désir de celui
qui l'impose mais qui sont, toutefois, appuyés sur un objet que
pour l'autre corresponds à la catégorie du nécessaire" (Aulagnier, 1975:38).
Il est intéressant de souligner certains points que Freud reprends
dans Malaise dans la Civilisation où il décrit clairement l'embarras
qu'est pour le bébé différencier entre les sources d' excitation originaires
de ses propres organes corporels, de celles qui surviennent des soins
de sa mère et surtout les sensations entraînées par son éloignement
(de la mère).
A ce moment la notion d'extériorité commencera a s'ébaucher:
la reconnaissance des excitations et l'expérience de l'approchement/éloignement
, représentée par le sein maternel qui est nécessaire pour soulager
ce déséquilibre. Dans la même mesure que cet autre extérieur (mère)
est source de satisfaction des besoins, il menace, puisqu'il rompt le
sentiment d'unicité. "Un autre stimulant pour le dégagement du Moi par
rapport à la masse générale de sensations, c'est à dire la reconnaissance
d'un extérieur est déclenchée par les fréquentes, multiples et inévitables
sensations de souffrance ou de déplaisir, dont l'éloignement et dont
la fuite sont imposés par le principe du plaisir. Il surgit alors une
tendance a abstraire le Moi de tout ce qui pourrait être la source de
tel déplaisir et de le projeter en dehors pour vivre un Moi pur en quête
du plaisir, qui soufre la confrontation avec un "extérieur" étrange
et menaçant " (pg.76).
J'inclus ces citations qu'en vérité énoncent des faits aujourd'hui
plus que connus en Psychanalyse, mais que servent de base pour la discussion
sur quoi, en fait, constitue la subjectivité. Donc, le Moi, est une
construction nécessaire pour mener à but la gestion de toutes les tensions
que les exigences extérieures et intérieures comportent. Freud va aussi
discuter comment le Moi s'érige a partir des relations objectales vécues,
c'est à dire un bricolage d'identifications, en tâchant d'éviter l'anxiété,
cette "perturbation économique provoquée par l'accumulation d'un tas
de stimulus qui doivent être éliminés"(Freud, 1926:136). Au fond, c'est
une manière de traiter la peur provoquée par l'absence de la figure
protectrice et de l'amour (la mère par exemple), assurance pour le soulagement
de la tension. Une organisation a été mise en place pour faire face
au délaissement.Depuis "Pour introduire le narcissisme", Freud
va élaborer ces idées, soit recréer dans le Moi une relation qui répète
le lien idéal mère/bébé et les idéaux parentaux.
Comment prendrait suite ce processus quand l'idéal parental
est celui du bonheur, de l'image idéale du bébé sans angoisses qui les
réassurent en tant que bons parents? Probablement il leur sera insupportable
de s'apercevoir comme porte-parole du monde extérieur qui prive, en
rappelands que le paradis n'existe pas. En produisant cette rupture,
interprétant des besoins ils finissent par provoquer l'angoisse dans
leur bébé ,ce qui est condition de la formation du psychisme. S'il est
insupportable prendre la place de "méchant", de laid, il est possible
que ces parents se taisent, abandonnant le bébé à ses propres fantasmes.
Pensons au père qui ne voulait pas frustrer son fils et le faire dormir.
L'excitation de cet enfant incontrôlé demandait une intervention,qui
en dernier cas serait faite par la police appelée par les voisins.
Finalement ,quand Freud a partir de "Au delà du Principe de
Plaisir" développe l'idée de la Pulsion de Mort, qui avec Eros fonctionne
comme essor propulsant de l'appareil psychique, en disant que "les deux
instincts seraient conservateurs dans le sens le plus strict du mot,
puisque ils s'engagent dans le rétablissement d'un état de choses mis
en désarroi par le surgissement de la vie"(Freud, 1923, pg.53), nous
avons tous les concepts qui ont un apport pour l'analyse que se suis
en train d'entreprendre. Le besoin de l'autre comme pourvoyeur face
au délaissement provoqué par la nature Eros assemblant les individus
isolés,les familles, les races etc. la civilisation nécessaire. Le
déséquilibre provoqué par la "voix" de l'autre qui répond aux besoins
et donc pointe vers la fragilité et qui en marquant une extériorité,
rompt le sentiment océanique, mobilisant la Pulsion de Mort que veut
le silence, qui se manifeste dans la destruction, brisant les liens.
Voici la dynamique de lutte de l'espèce humaine pour la vie,
c'est où se constitue chaque sujet humain. "Ces réunions des hommes
doivent être libidineusement entrelacées. La nécessité, les avantages
du travail en commun, par eux -mêmes, ne les maintiendrons pas unies.
Mais l'instinct d'agression propre à l'homme, l'hostilité de chacun
contre tous et de tous contre chacun, s'oppose a ce programme de civilisation.
Cet instinct agressif s'ensuit et est le principal représentant de l'Instinct
de Mort que nous découvrons côte à côte avec Eros et qui partage avec
ce dernier la domination du monde. C'est cette bataille de Cyclopes
que nos nounous tâchent d'amoindrir avec leur berceuses sur le ciel"(1930:
126).
Comme nous le savons, le plus intéressant est que Freud ira
discuter et découvrir comment la civilisation s'organisera pour inhiber
cette agressivité qui se dresse contre elle. Nous irons donc, une fois
de plus voir par le concept du Surmoi, comment le Moi s'organise et
se modifie pour, suivant les principes de la civilisation nouvelle
violence assouvir les impulses de ses aspects primitifs le Ça s'unissant
a son principe, soit, celui du plaisir, pour réduire la tension. "La
civilisation donc, réussit a maîtriser le dangereux désir d'agression
de l'individu, l'affaiblissant et dressant autour de lui un agent pour
le soigner telle une garnison dans une ville conquise"(pg.127)
On aperçoit ainsi comment chaque sujet se découvre dans son
rapport avec l'autre, quand il est énoncé par ses parents, quand il
est illusionné et frustré continuellement dans son désir de complétude
et d'être un (fusion à la mère). L'infans découvre que la mère aimée
n'est pas seulement au service de ses besoins pulsionnels, puisqu'elle
le prive, le violente, en interprétant ses manques, quand elle énonce
sa carence, en le rappelant sa dissociation avec le monde. Piera Aulagnier
avec son concept de violence primaire nomme bien ce procès.
Je dois en plus citer le travail de Conrad Stein Les Érinnyes
d'une Mère essai sur la haine, où cet auteur ira reprendre de
forme assez originale la question de la violence fondamentale comme
constituant même de la subjectivité. Il analyse le moment fondant de
la naissance d'un bébé et la coupure de la relation mère/bébé symbolisé
par le nombril qui comporte la question: ce nombril est celui de la
Mère ou celui de l'Enfant? Le statut du sujet exige qu'il y en ait deux
, voilà le drame. L'illusion n'est-elle pas l 'unité? "La haine naît
avec l'objet, et l'ombre de l'objet est tombé sur le Moi", de là la
dépréciation de soi". C'est Freud évoqué para Stein. Il continue: "Dés
le jour de ma naissance, la haine de ma mère est retombée sur moi, je
me hais, Ou, en termes plus élégants je suis poursuivi par les Érinnyes
d'une mère (Stein 1988:47). () En d'autres termes, la haine est le résultat
de l'omnipotence hypothétiquement perdue, de l'omnipotence inhérente
a cette enfance préhistorique à la quelle Freud a concédé une place
d'honneur"(pg.63).
A ce moment je crois important reprendre l'articulation de
la question du délaissement a celle de la violence dans la formation
de la subjectivité. Pour cela je vais user les apports de Luiz Hanns.
Une remarque intéressante est que dans son "Dictionnaire Commenté sur
l'allemand de Freud", il ne travaille pas spécifiquement le terme Hilflosigkeit,
employé par Freud pour décrire l'état de délaissement. Ce mot apparaît
dans son glossaire allemand- portugais mais est remis au terme Reiz
excitation, stimulation. La note Reiz, d'autre part, mérite une longue
analyse. Il faut mettre en relief que, dans son étymologie, le verbe
Reizen "'dérive du verbe Reien dont le sens originel était de faire
une raie, égratignure - rainure . Aujourd'hui Reien signifie déchirer,
séparer avec violence" (Hanns, 1996 pg.222). C'est dans ses commentaires
sur le terme Reiz que l'auteur ira mettre en relief la question du délaissement.
"En Freud, l'idée que l'excès de Reize soit vécu par le sujet comme
une chose assujettissante qui l'emmène à l'état de délaissement est
bien ancienne (Hilflosigkeit). Ce mot est chargé d'intensité et exprime
un état proche au désespoir et au trauma. Cet état est semblable a celui
vécu par le bébé, qui, par ses propres forces, n'est pas capable de
se dégager de l'excès d'excitation par la voie de la satisfaction, succombant
a l'Angst" (Hanns, pg.228).
Ainsi, je pense qu'il soit inévitable que l'adulte (la mère) soutienne
cette condition qui lui est paradoxalement placée. Au même temps qu'elle
est le représentant de la coupure, de l'égratignure dans le sentiment
océanique, s'associant au sentiment de délaissement suscité dans le bébé,
c'est elle qui peut, en soignant ses besoins en les interprétant, soulager
la tension pulsionnelle. Mais sûrement, par conséquent, l'adulte doit
être capable de tolérer d'être vu comme "violent", comme représentant
de la haine (rappelons nous de Stein). Ici apparemment nous entrons en
contradiction avec l'imaginaire contemporain.
Pour faire face à l'accès de rage d'un petit enfant quand frustré
dans sa quête pour trouver le sein, par exemple, ou même quand il semble
ne pas vouloir dormir et tarde pour se mettre à l'aise, être capable
de le bercer et ne pas imaginer qu'il a besoin de plus de stimulation
et excitation, requiert une énorme tranquillité dans la confrontation
avec la haine. Comme nous signale Calligaris: "Le bonheur que nous voulons
(adultes) contempler en eux (enfants), est la caricature de nos rêveries.
Nous les voulons paradoxalement libres de nous, tout comme nous rêvons
d'être libres de nos parents et possesseurs d'objets, puisque nous attribuons
aux objets une valeur de talisman". L'auteur continue disant: "il ne
serait en outre pas étrange que ces enfants, puissent soudain, devenir
aussi meurtriers et cruels que nous. Car les "adultes en miniature"
pour être heureux doivent garder de l'enfance justement l'exemption
des embarras qui nous rendent si peu aimables à nos yeux; le poids du
devoir et de la dette vis-à-vis les générations précédentes, l'hésitation
du jugement moral, la rigueur de la loi. Bref, nous voulons qu'ils soient
des nains en vacance ,sans loi. E que peut-être ils vont finir par devenir".
(Calligaris, 1996, pg.17) (III)
Je pense donc, que si nous ne sommes pas capables d'assumer
notre propre violence, réactivée a chaque expérience de rapport avec
l'autre, en découvrant la distance, la fissure, le Raiz que paradoxalement
est imposé par tout rapport significatif, nous irons nous rendre à nous
mêmes et à l'autre au délaissement. En outre, nous serons dans l'imminence
de devenir responsables pour la violence anéantissante, dans le sens
de passer à l'action pour satisfaire les besoins à travers d'une décharge
immédiate.
"Violence blanche"(Marin, 1996) c'est comme j'ai désigné la
tendance de l'institution pour jeunes abandonnés de se montrer sous
un aspect séducteur, où le jeune peut faire ce qu'il veut, où n'existent
pas des règles claires de convivance, où il n'est pas obligé de prendre
part en aucune activité, où on ferme les yeux pour la consommation et
trafic de drogues, etc. Dans ce même ouvrage je discute comment le jeune
abandonné n'a pas l'opportunité de s'organiser, puisque l'espace institutionnel
ne s'organise pas en lois, à partir desquelles il pourrait se référencer
et dénoncer ce qui lui manque, être écouté et apprendre a chercher des
solutions au coeur des principes établis par l'ordre social. Je pense
que précisément dans la tentative de se montrer parfaite, avec des éducateurs
qui ne veulent pas prendre la place de "méchants" l'institution tâche
justement de nier son origine, qui est d'être le déchet de la violence
que la société tâche d'exclure: enfants qui ont été maltraités par les
parents, qui sont a chaque jours violentés par les conditions socio-économiques
du pays(Brésil). L'institution finit, donc, par produire une autre violence
qui est celle d'abandonner les jeunes a leur propres impulses, nouvel
délaissement.
Ainsi se développe le paradoxe contemporain. L'idéal du bonheur
concrétisé dans une société de consommation, où on suppose que la possession
des objets assurerait l'image idéalisée qui est celle de la satisfaction
totale, au même temps que la demande d'objets est toujours croissante.
Nous pouvons penser que les exigences pulsionnelles deviennent toujours
plus grandes. Sans parler de la libération sexuelle que cette même société
a mis en route et qui s'agrège aussi a une éventuelle possibilité de satisfaction
pleine (jouissance) puisque les barrières de la répression semblent diluées.
D'autre part, nous faisons face a une demande inlassable de satisfaction,
étant donné que les critères de renonce pulsionnelle au nom des valeurs
traditionnelles ont été abolis en fonction d'images agréables, comme nous
avons déjà vu. D'autre part, nous avons au Brésil des conditions socio-économiques
(qu'ici sont considérées mais ne sont pas l'objet d'analyse) qui empêchent,
et fortement, les possibilités de combler cette demande.
Entre ces deux pôles, nous avons, comme j'ai tâché d'analyser
dans ce travail, des sujets qui ont une énorme difficulté de faire face
au compromis vis-à-vis de l'autre qui les placerait dans une situation
de rupture, de représentants de la haine/violence.
Interpréter les nécessités de l'autre, chercher des formes possibles
de les satisfaire, aller à la rencontre des règles sociales, implique
déjà en énoncer le manque, a rappeler la catastrophe de la perte de la
stabilité. C'est assumer la violence primordiale qui permet la relation
avec l'autre de forme créative et pas fusionnée, massifiée, comme on le
fait souvent, au nom de l'amour et du bonheur. C'est la condition pour
l'apparition du sujet. J'ai prétendu montrer comment si cela
ne se fait pas , on expose le sujet a un délaissement insupportable quand
donc, il lui reste seulement à la recherche du soulagement de la tension
pulsionnelle, de détruire l'autre, l'annihiler être violent.
Maintenant il faut faire mention à Winnicott (1987) qui voit, dans le
geste antisocial, le dernier cri d'espoir pour le sujet qui revendique
du Social ce qui lui a été promis. C'est toutefois la dénonce d'une imposture.
C'est la recherche d'un monde bon qui a été perdu, brusquement rompu.
La société contemporaine promet que pour être quelqu'un il faut toujours
avoir plus. Pour pouvoir devenir un Homme, il faut "respecter et aimer
son prochain", qui signale toujours avec une exigence en plus, une nouvelle
promesse, un produit a être consommé.
Notes
1 "La Place de l'Autre, ou la Conquête de l'Identité dans l'Espace Institutionnel
des Mineurs Dépourvus", publié sous le titre FEBEM, Família e Identidade.
São Paulo,Escuta, 1988
2 L'enfant en question a un an et demi, n'arrive pas a s'endormir, fait
un scandale jusqu'à l'aube, a tel point que le voisinage se plaint.
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Le lien d'origine : http://www.psychanalyse.refer.org/
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