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SUJET, DÉLAISSEMENT ET VIOLENCE
Isabel da Silva Kahn MARIN


Mon défi courant est de rechercher et réfléchir sur la violence, symptôme social tellement marquant de nos jours. Le travail d'analyser à partir de la psychanalyse les manifestations sociales, politiques et culturelles a commencé avec Freud et depuis, les apports dans cette direction se sont multipliés. Nous ne pouvons pas nous taire face à ces phénomènes et la théorie psychanalytique nous enseigne aussi comment "la parole refoulée est intimement liée à la violence et à la douleur. On ne parle pas de ce qui fait mal et la violence tait". (Berlinck et Rodriguez, 1987:10). J'ai réfléchi sur se phénomène le raccordant à la question de la subjectivité. Il me semble que la tentative de reniement de prendre à soi la violence fondamentale, qui est condition de la subjectivité, contribue à la formation de pratiques anéantissantes, en tant qu'affirmation ultime de la singularité. Cette tendance se rapporte probablement à l'imaginaire social post-moderne où prévalent les valeurs individuelles astreintes à la réalisation personnelle.

 Dans ce travail je prétends discuter comment ces questions sont intrinsèquement liées a la question du délaissement, situation émotionnelle très significative de l'homme contemporain.
 Il va donc falloir préciser la notion de délaissement que je vais employer. Dans ce travail, en ce qui concerne la situation de délaissement je vais me baser sur les concepts freudiens. Cette situation s'établit quand toute possibilité de symbolisation est abolie et que le sujet se trouve à la merci de ses forces pulsionnelles, donc exposé à un excès d'excitation. Je comprends ce moment comme un sentiment de délaissement face au désir inconnu de l'autre. Je pense aussi que dans la société contemporaine, où prédomine l'idéal d'autonomie, cette question est d'autant plus mise en relief, puisque l'individualisme est le but et que soumettre à l'autre sa propre volonté semble être une innommable violence. "Respecter l'autre"- l'abandoner à ses propres fantaisies ­ est-ce que cela ne porterait pas a un délaissement encore plus grand?

 Dés le début de ma carrière professionnelle la question de la subjectivité est le cerne de mes préoccupations. Les questions qui ont orienté ma dissertation de maîtrise se concentrent sur ce qui peut assurer la formation de la subjectivité,sur quelles conditions sociales doivent s'établir pour garantir ce procès et sur quelles sont les formes de subjectivation que peuvent être pensées au-delà du modèle familial.( 1)
  Réfléchir comment un enfant précocement abandonné pourrait se subjectiver posait un grand défi et des questions importantes sur le délaissement commençaient a prendre forme. Je discutait que le problème de ces enfants n'était pas la perte de la famille, l'absence, la séparation, mais si l'impossibilité de signifier cette situation. C'est quand on empêche ces enfants de parler de leurs histoires et d'exprimer leur douleur qu'on érige une situation de délaissement.

 Si à l'époque je discutait déjà qu'un des aspects compromettants du processus d'identification des enfants institutionnalisés était le manque de la Fonction Paternelle, avec ce que je désignait 'prédominance de l'idéologie de l'amour', cette caractéristique devint plus marquante dans les plus différentes institutions éducationnelles avec lesquelles je continue en contact ­ dès les nourriceries de la classe moyenne, passant par les crèches, jusqu'aux institutions pour enfants et adolescents en situation de risque social.
 La difficulté d'assumer la loi, de se mettre à la place de celui qui frustre, permettre que l'enfant prenne contact avec son histoire douloureuse pour qu'il puisse faire son deuil symbolique et s'organiser entre maintes autres situations que je pourrait énumérer, se constituent en difficultés presque insurmontables dans le travail éducatif. "Comment ne pas être violent avec mon fils pour le faire dormir, puisqu'il fait des scènes terribles et je ne veut pas le chagriner" m'a demandé un père pendant une réunion d'orientation dont le thème était "dilemmes dans l'éducation des fils". 2

Des situations semblables a celle que je viens de citer m'ont portée à la constatation que de nos jours,le lieu de la loi, de la référence et de l'ordre est négligé sous le prétexte du plaisir, de l'amour, du bonheur, de la créativité. Au nom de l'autonomie, les éducateurs face aux enfants, les parents face a leurs fils, et même l'homme face à la femme (et vice-versa) n'assument pas qu'ils doivent proposer, exiger ou revendiquer. Chacun présuppose ce qui est mieux pour soi même. Si l'idéal de l'homme moderne est l'autonomie, il s'avère que nous sommes proches d'atteindre le but. Comme observe Calligaris (1996-I) "en notre temps, les valeurs et les points de repère traditionnels se diluent et, peut-être momentanément, triomphe la poursuite aux images agréables".

La société contemporaine, règne du narcissisme, est donc réglée par des critères esthétiques, beaucoup plus que par des critères étiques. Calligaris signale que l'homme post moderne tient exclusivement a sa satisfaction personnelle qui lui sera assurée s'il parvient a assumer l'image propagée par les moyens de communications comme idéale. Il suffit donc de posséder les objets qui l'approchent de l'idéal social proposé. Pour posséder ces objets la loi de la conquête, de l'effort, de l'esprit communautaire, de la construction d'un projet commun n'est pas valable. Pour le jeune tout est valide pour obtenir ce qu'il veut. Ainsi, on arrive à comprendre la difficulté de l'adulte de prendre la place de la loi, de la référence, de celui qui frustre ou contrarie comme j'ai dit auparavant. L'adulte s'allie aux médias et promet au jeune accès à la consommation des objets de désir, en se montrant plutôt un séducteur qu'un représentant de l'autorité.

Comment donc, réfléchir sur le drame de la subjectivation? Probablement ça sera une catastrophe subjective de se voir privé de l'objet du désir, ou mieux encore, du fétiche, du talisman qui confère le pouvoir de se situer, de se maintenir dans le discours collectif (Jerusalinski, 1994). Tuer est aussi valable, s'il s'agit de posséder le nécessaire, abattre l'objet qui frustre, imposer le .Moi. "Privés de l'objet dont nous avions besoin pour être quelqu'un, nous risquons d'être personne. Cela suffit pour décharger une arme à feu" (Calligaris, 1996:31). Ainsi, nous arrivons à la violence en tant qu'emploi désiré de l'agressivité, avec des buts destructifs; une expérience d'excès qui vise l'anéantissement de l'autre, attaque au sujet, attaque au social. Désormais, il ne s'agit plus de violence primaire ou fondamentale.

Sans doute la question de la violence a centré les inquiétudes de notre société et les médias indiquent les indices croissants du niveau de violence.

Est-ce que le ci-dessus exposé nous donnera une explication du phénomène?

Voilà l'énigme que je propose discuter. Comment se fait-il que si ce que plus épouvante l'homme est de s'arroger la violence ­ étant obligé de réprimer, frustrer, assumant la place de la loi et de l'ordre (rappelons-nous du père mentionné auparavant) - plus considérables sont les manifestations de violence de notre société? Ce qui parait mouvoir tout le monde est seulement la quête du plaisir, passant à l'action en quête de la réalisation de n'importe quel désir. Je pense que plus on essaye de nier la violence ­ la présence de l'autre dans la relation avec chacun, en osant assumer et déterminer la place que celui-là occupe face au désir de cet autre ­ plus on abondonne les sujets à leur propres élans, à l'illusion d'être omnipotents. Sûrement la réaction omnipotente est une réponse possible face à la situation de délaissement à laquelle est soumis l'homme contemporain. Pour cet individu, l'idée de soumission à l'autre est insupportable. Les liens sociaux sont rompus. Etre seul finit par devenir le modèle idéal de maturité.

Mais, revenons à la discussion sur la violence fondamentale et la difficulté de l'assumer.

Dés Freud la psychanalyse signale, d'autre part, que la violence, en tant que fondatrice de la civilisation, détermine la subjectivité. L'homme de la culture est héritier et complice d'un crime, fait qui tendra a être nié et perpétué par l'humanité entière. Les vicissitudes du complexe d'Oedipe reprennent, dans la constitution de la subjectivité de chacun, cette contradiction . Amour à la mère, haine au père, qui est une entrave a cet amour, suppression du désir d'assassiner le père par crainte de castration, soumission à l'autre pour préserver la subjectivité ­ dans ce paradigme classique de la psychanalyse nous avons déjà les éléments qui portent à la réflexion sur la violence en tant qu'élément constitutif de la subjectivité.

On sait aussi, que bien avant de se représenter sous cet forme ­ amour à la mère, haine au père ­ l'infans est violenté par le discours de la mère que ira estamper l'existence d'un monde en confrontation avec sa psyché; reconnaître un espace outre du sien. "Psyché et monde se retrouvent et naissent l'un avec l'autre, l'un pour l'autre; il sont le résultat d'un état de rencontre que nous avons dit être coextensif à l'état d'existant. L'inévitable violence imposée a l'objet psychique par le discours théorique, s'ensuit de son besoin de dissocier les effets de cette rencontre" (Aulagnier, 1975:33).

Manoel Berlinck aussi a débattu comment a lieu le processus de subjétivation en fonction d'une immuno-déficience psychique, c'est-à-dire dans "l'échec" de l'appareil psychique de faire face aux agressions continues contre un premier état d'équilibre, "au sentiment océanique, sentiment primaire dont le contenu idéationnel approprié serait précisément celui de l'illimité et celui du lien avec l'univers" (Freud, 1930:77).

Donc, sous l'optique freudienne le Moi apparaît comme une forme de se défendre, de maîtriser les agressions provenantes soit des pulsions internes, soit de l'extérieur, de cet adulte qui au moment de prendre soin de cet être fragile, délaissé qui est le nouveau né humain, le violente en lui donnant justement ce dont il a besoin. "Nous irons désigner violence primaire l'action psychique par laquelle on impose a la psyché d'un autre un choix, une pensée ou action motivés par le désir de celui qui l'impose mais qui sont, toutefois, appuyés sur un objet que pour l'autre corresponds à la catégorie du nécessaire" (Aulagnier, 1975:38).

Il est intéressant de souligner certains points que Freud reprends dans Malaise dans la Civilisation où il décrit clairement l'embarras qu'est pour le bébé différencier entre les sources d' excitation originaires de ses propres organes corporels, de celles qui surviennent des soins de sa mère et surtout les sensations entraînées par son éloignement (de la mère).

A ce moment la notion d'extériorité commencera a s'ébaucher: la reconnaissance des excitations et l'expérience de l'approchement/éloignement , représentée par le sein maternel qui est nécessaire pour soulager ce déséquilibre. Dans la même mesure que cet autre extérieur (mère) est source de satisfaction des besoins, il menace, puisqu'il rompt le sentiment d'unicité. "Un autre stimulant pour le dégagement du Moi par rapport à la masse générale de sensations, c'est à dire la reconnaissance d'un extérieur est déclenchée par les fréquentes, multiples et inévitables sensations de souffrance ou de déplaisir, dont l'éloignement et dont la fuite sont imposés par le principe du plaisir. Il surgit alors une tendance a abstraire le Moi de tout ce qui pourrait être la source de tel déplaisir et de le projeter en dehors pour vivre un Moi pur en quête du plaisir, qui soufre la confrontation avec un "extérieur" étrange et menaçant " (pg.76).

J'inclus ces citations qu'en vérité énoncent des faits aujourd'hui plus que connus en Psychanalyse, mais que servent de base pour la discussion sur quoi, en fait, constitue la subjectivité. Donc, le Moi, est une construction nécessaire pour mener à but la gestion de toutes les tensions que les exigences extérieures et intérieures comportent. Freud va aussi discuter comment le Moi s'érige a partir des relations objectales vécues, c'est à dire un bricolage d'identifications, en tâchant d'éviter l'anxiété, cette "perturbation économique provoquée par l'accumulation d'un tas de stimulus qui doivent être éliminés"(Freud, 1926:136). Au fond, c'est une manière de traiter la peur provoquée par l'absence de la figure protectrice et de l'amour (la mère par exemple), assurance pour le soulagement de la tension. Une organisation a été mise en place pour faire face au délaissement.Depuis "Pour introduire le narcissisme", Freud va élaborer ces idées, soit recréer dans le Moi une relation qui répète le lien idéal mère/bébé et les idéaux parentaux.

Comment prendrait suite ce processus quand l'idéal parental est celui du bonheur, de l'image idéale du bébé sans angoisses qui les réassurent en tant que bons parents? Probablement il leur sera insupportable de s'apercevoir comme porte-parole du monde extérieur qui prive, en rappelands que le paradis n'existe pas. En produisant cette rupture, interprétant des besoins ils finissent par provoquer l'angoisse dans leur bébé ,ce qui est condition de la formation du psychisme. S'il est insupportable prendre la place de "méchant", de laid, il est possible que ces parents se taisent, abandonnant le bébé à ses propres fantasmes. Pensons au père qui ne voulait pas frustrer son fils et le faire dormir. L'excitation de cet enfant incontrôlé demandait une intervention,qui en dernier cas serait faite par la police appelée par les voisins.

Finalement ,quand Freud a partir de "Au delà du Principe de Plaisir" développe l'idée de la Pulsion de Mort, qui avec Eros fonctionne comme essor propulsant de l'appareil psychique, en disant que "les deux instincts seraient conservateurs dans le sens le plus strict du mot, puisque ils s'engagent dans le rétablissement d'un état de choses mis en désarroi par le surgissement de la vie"(Freud, 1923, pg.53), nous avons tous les concepts qui ont un apport pour l'analyse que se suis en train d'entreprendre. Le besoin de l'autre comme pourvoyeur face au délaissement provoqué par la nature ­ Eros assemblant les individus isolés,les familles, les races etc. ­ la civilisation nécessaire. Le déséquilibre provoqué par la "voix" de l'autre qui répond aux besoins et donc pointe vers la fragilité et qui en marquant une extériorité, rompt le sentiment océanique, mobilisant la Pulsion de Mort que veut le silence, qui se manifeste dans la destruction, brisant les liens.

Voici la dynamique de lutte de l'espèce humaine pour la vie, c'est où se constitue chaque sujet humain. "Ces réunions des hommes doivent être libidineusement entrelacées. La nécessité, les avantages du travail en commun, par eux -mêmes, ne les maintiendrons pas unies. Mais l'instinct d'agression propre à l'homme, l'hostilité de chacun contre tous et de tous contre chacun, s'oppose a ce programme de civilisation. Cet instinct agressif s'ensuit et est le principal représentant de l'Instinct de Mort que nous découvrons côte à côte avec Eros et qui partage avec ce dernier la domination du monde. C'est cette bataille de Cyclopes que nos nounous tâchent d'amoindrir avec leur berceuses sur le ciel"(1930: 126).

Comme nous le savons, le plus intéressant est que Freud ira discuter et découvrir comment la civilisation s'organisera pour inhiber cette agressivité qui se dresse contre elle. Nous irons donc, une fois de plus voir par le concept du Surmoi, comment le Moi s'organise et se modifie pour, suivant les principes de la civilisation ­ nouvelle violence ­ assouvir les impulses de ses aspects primitifs ­ le Ça s'unissant a son principe, soit, celui du plaisir, pour réduire la tension. "La civilisation donc, réussit a maîtriser le dangereux désir d'agression de l'individu, l'affaiblissant et dressant autour de lui un agent pour le soigner telle une garnison dans une ville conquise"(pg.127)

On aperçoit ainsi comment chaque sujet se découvre dans son rapport avec l'autre, quand il est énoncé par ses parents, quand il est illusionné et frustré continuellement dans son désir de complétude et d'être un (fusion à la mère). L'infans découvre que la mère aimée n'est pas seulement au service de ses besoins pulsionnels, puisqu'elle le prive, le violente, en interprétant ses manques, quand elle énonce sa carence, en le rappelant sa dissociation avec le monde. Piera Aulagnier avec son concept de violence primaire nomme bien ce procès.

Je dois en plus citer le travail de Conrad Stein ­ Les Érinnyes d'une Mère ­ essai sur la haine, où cet auteur ira reprendre de forme assez originale la question de la violence fondamentale comme constituant même de la subjectivité. Il analyse le moment fondant de la naissance d'un bébé et la coupure de la relation mère/bébé symbolisé par le nombril qui comporte la question: ce nombril est celui de la Mère ou celui de l'Enfant? Le statut du sujet exige qu'il y en ait deux , voilà le drame. L'illusion n'est-elle pas l 'unité? "La haine naît avec l'objet, et l'ombre de l'objet est tombé sur le Moi", de là la dépréciation de soi". C'est Freud évoqué para Stein. Il continue: "Dés le jour de ma naissance, la haine de ma mère est retombée sur moi, je me hais, Ou, en termes plus élégants je suis poursuivi par les Érinnyes d'une mère (Stein 1988:47). () En d'autres termes, la haine est le résultat de l'omnipotence hypothétiquement perdue, de l'omnipotence inhérente a cette enfance préhistorique à la quelle Freud a concédé une place d'honneur"(pg.63).

A ce moment je crois important reprendre l'articulation de la question du délaissement a celle de la violence dans la formation de la subjectivité. Pour cela je vais user les apports de Luiz Hanns. Une remarque intéressante est que dans son "Dictionnaire Commenté sur l'allemand de Freud", il ne travaille pas spécifiquement le terme Hilflosigkeit, employé par Freud pour décrire l'état de délaissement. Ce mot apparaît dans son glossaire allemand- portugais mais est remis au terme Reiz ­ excitation, stimulation. La note Reiz, d'autre part, mérite une longue analyse. Il faut mettre en relief que, dans son étymologie, le verbe Reizen "'dérive du verbe Reien dont le sens originel était de faire une raie, égratignure - rainure . Aujourd'hui Reien signifie déchirer, séparer avec violence" (Hanns, 1996 pg.222). C'est dans ses commentaires sur le terme Reiz que l'auteur ira mettre en relief la question du délaissement. "En Freud, l'idée que l'excès de Reize soit vécu par le sujet comme une chose assujettissante qui l'emmène à l'état de délaissement est bien ancienne (Hilflosigkeit). Ce mot est chargé d'intensité et exprime un état proche au désespoir et au trauma. Cet état est semblable a celui vécu par le bébé, qui, par ses propres forces, n'est pas capable de se dégager de l'excès d'excitation par la voie de la satisfaction, succombant a l'Angst" (Hanns, pg.228).

Ainsi, je pense qu'il soit inévitable que l'adulte (la mère) soutienne cette condition qui lui est paradoxalement placée. Au même temps qu'elle est le représentant de la coupure, de l'égratignure dans le sentiment océanique, s'associant au sentiment de délaissement suscité dans le bébé, c'est elle qui peut, en soignant ses besoins en les interprétant, soulager la tension pulsionnelle. Mais sûrement, par conséquent, l'adulte doit être capable de tolérer d'être vu comme "violent", comme représentant de la haine (rappelons nous de Stein). Ici apparemment nous entrons en contradiction avec l'imaginaire contemporain.

Pour faire face à l'accès de rage d'un petit enfant quand frustré dans sa quête pour trouver le sein, par exemple, ou même quand il semble ne pas vouloir dormir et tarde pour se mettre à l'aise, être capable de le bercer et ne pas imaginer qu'il a besoin de plus de stimulation et excitation, requiert une énorme tranquillité dans la confrontation avec la haine. Comme nous signale Calligaris: "Le bonheur que nous voulons (adultes) contempler en eux (enfants), est la caricature de nos rêveries. Nous les voulons paradoxalement libres de nous, tout comme nous rêvons d'être libres de nos parents et possesseurs d'objets, puisque nous attribuons aux objets une valeur de talisman". L'auteur continue disant: "il ne serait en outre pas étrange que ces enfants, puissent soudain, devenir aussi meurtriers et cruels que nous. Car les "adultes en miniature" pour être heureux doivent garder de l'enfance justement l'exemption des embarras qui nous rendent si peu aimables à nos yeux; le poids du devoir et de la dette vis-à-vis les générations précédentes, l'hésitation du jugement moral, la rigueur de la loi. Bref, nous voulons qu'ils soient des nains en vacance ,sans loi. E que peut-être ils vont finir par devenir". (Calligaris, 1996, pg.17) (III)

Je pense donc, que si nous ne sommes pas capables d'assumer notre propre violence, réactivée a chaque expérience de rapport avec l'autre, en découvrant la distance, la fissure, le Raiz que paradoxalement est imposé par tout rapport significatif, nous irons nous rendre à nous mêmes et à l'autre au délaissement. En outre, nous serons dans l'imminence de devenir responsables pour la violence anéantissante, dans le sens de passer à l'action pour satisfaire les besoins à travers d'une décharge immédiate.

"Violence blanche"(Marin, 1996) c'est comme j'ai désigné la tendance de l'institution pour jeunes abandonnés de se montrer sous un aspect séducteur, où le jeune peut faire ce qu'il veut, où n'existent pas des règles claires de convivance, où il n'est pas obligé de prendre part en aucune activité, où on ferme les yeux pour la consommation et trafic de drogues, etc. Dans ce même ouvrage je discute comment le jeune abandonné n'a pas l'opportunité de s'organiser, puisque l'espace institutionnel ne s'organise pas en lois, à partir desquelles il pourrait se référencer et dénoncer ce qui lui manque, être écouté et apprendre a chercher des solutions au coeur des principes établis par l'ordre social. Je pense que précisément dans la tentative de se montrer parfaite, avec des éducateurs qui ne veulent pas prendre la place de "méchants" l'institution tâche justement de nier son origine, qui est d'être le déchet de la violence que la société tâche d'exclure: enfants qui ont été maltraités par les parents, qui sont a chaque jours violentés par les conditions socio-économiques du pays(Brésil). L'institution finit, donc, par produire une autre violence qui est celle d'abandonner les jeunes a leur propres impulses, nouvel délaissement.

Ainsi se développe le paradoxe contemporain. L'idéal du bonheur concrétisé dans une société de consommation, où on suppose que la possession des objets assurerait l'image idéalisée qui est celle de la satisfaction totale, au même temps que la demande d'objets est toujours croissante. Nous pouvons penser que les exigences pulsionnelles deviennent toujours plus grandes. Sans parler de la libération sexuelle que cette même société a mis en route et qui s'agrège aussi a une éventuelle possibilité de satisfaction pleine (jouissance) puisque les barrières de la répression semblent diluées. D'autre part, nous faisons face a une demande inlassable de satisfaction, étant donné que les critères de renonce pulsionnelle au nom des valeurs traditionnelles ont été abolis en fonction d'images agréables, comme nous avons déjà vu. D'autre part, nous avons au Brésil des conditions socio-économiques (qu'ici sont considérées mais ne sont pas l'objet d'analyse) qui empêchent, et fortement, les possibilités de combler cette demande.

Entre ces deux pôles, nous avons, comme j'ai tâché d'analyser dans ce travail, des sujets qui ont une énorme difficulté de faire face au compromis vis-à-vis de l'autre qui les placerait dans une situation de rupture, de représentants de la haine/violence.

Interpréter les nécessités de l'autre, chercher des formes possibles de les satisfaire, aller à la rencontre des règles sociales, implique déjà en énoncer le manque, a rappeler la catastrophe de la perte de la stabilité. C'est assumer la violence primordiale qui permet la relation avec l'autre de forme créative et pas fusionnée, massifiée, comme on le fait souvent, au nom de l'amour et du bonheur. C'est la condition pour l'apparition du sujet. J'ai prétendu montrer comment si cela ne se fait pas , on expose le sujet a un délaissement insupportable quand donc, il lui reste seulement à la recherche du soulagement de la tension pulsionnelle, de détruire l'autre, l'annihiler ­ être violent.
 
Maintenant il faut faire mention à Winnicott (1987) qui voit, dans le geste antisocial, le dernier cri d'espoir pour le sujet qui revendique du Social ce qui lui a été promis. C'est toutefois la dénonce d'une imposture. C'est la recherche d'un monde bon qui a été perdu, brusquement rompu. La société contemporaine promet que pour être quelqu'un il faut toujours avoir plus. Pour pouvoir devenir un Homme, il faut "respecter et aimer son prochain", qui signale toujours avec une exigence en plus, une nouvelle promesse, un produit a être consommé.
Notes
1 "La Place de l'Autre, ou la Conquête de l'Identité dans l'Espace Institutionnel des Mineurs Dépourvus", publié sous le titre FEBEM, Família e Identidade. São Paulo,Escuta, 1988
2 L'enfant en question a un an et demi, n'arrive pas a s'endormir, fait un scandale jusqu'à l'aube, a tel point que le voisinage se plaint.
BIBLIOGRAPHIE
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--------------- Mal Estar na Civilização (1930)-Vol.XXI,pp73-148
--------------- Novas conferências introdutórias sobre a Psicanálise (1933)-Vol.XXII,pp63-112
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