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Christophe Dejours - psychiatre, professeur au CNAM et directeur
du Laboratoire de Psychologie du Travail - n'en est pas à
son premier essai autour de ce thème dont il est un éminent
spécialiste.
Outil d'émancipation structurant ou source d'aliénation
pathogène ? Pour ses bénéficiaires comme pour
ses victimes, Dejours estime que le travail est devenu un laboratoire
d'expérimentation et d'apprentissage de l'iniquité.
Ici, il a choisi d'étudier la souffrance muette de ceux qui
triment, ainsi que celle des chômeurs et des exclus.
Pourquoi, comment souffre-t-on quand on travaille (et quand on
ne travaille plus) ? Quelles sont nos limites ? Entre ce qu'on inflige
à soi-même et ce qu'on inflige à autrui pour
résister et exister dans une société qui se
prétend en état de "guerre économique"
permanente, l'auteur s'interroge sur notre tolérance croissante
à la souffrance et à l'injustice. Pourquoi cette banalisation
générale depuis une trentaine d'années ? C'est
franchement inquiétant.
Au risque de déranger, Christophe Dejours va très
loin et n'hésite pas à faire des parallèles
avec les travaux d'Hannah Arendt (Eichmann à Jérusalem)
: comment de "braves gens" font mine d'ignorer l'exercice
du mal et finissent même par y collaborer, en dépit
de leur sens moral ?
La résignation, le déni ou la bêtise n'expliquent
pas tout.
Comment se forme l'acceptation collective d'un dispositif d'injustice
et d'asservissement ?
Peu à peu, le processus de la banalisation du mal nous est
brillamment dévoilé...
Et de conclure que tout système fondé sur la domination,
qu'il soit nazi ou néolibéral, ne peut se nourrir
que de peurs et de mensonges (au passage, Christophe Dejours égratigne
les valeurs viriles : il y a de saines vérités qu'il
faut accepter d'entendre).
Passionnant, troublant, cet ouvrage nous rappelle que nous sommes
tous responsables.
Sophie HANCART
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