"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google

Définitions deleuziennes


Origine : http://deleuze-guattari.blogspot.fr/

ligne de fuite

Les connections d'un rizhome s'apparentent au dédale d'un labyrinthe. Un fil rouge le traverse et permet de s'y repérer ; on pourrait dire que ce fil rouge se caractérise par une double question, qui finalement n'en forme qu'une : qu'est-ce que l'art ? Et qu'est-ce que la critique d'art ?
Deux questions qui se ramènent à un seul questionnement, dans la mesure où l'art et la critique sont deux moments d'un même processus de création (esthétique).

La critique d'art s'oppose à l'histoire de l'art en tant que cette dernière se préoccupe de classement et d'ordonnancement chronologique selon une lecture historicisante qui fonctionne par connections verticales, tandis que la critique opère par connections latérales. La critique d'art selon une approche deleuzienne s'effectue non par linéarité causale (arborescence ou filiation), mais de manière cartographique (collages multiples) et transhistorique.

Dans un tel contexte, la question à se poser face à une oeuvre d'art n'est pas quelle est le sens (perspective herméneutique) mais comment cela fonctionne.

L'enjeu de la critique étant de repérer les lignes de déterritorialisation (lignes de fuite) qui sont au travail dans une oeuvre. Certaines oeuvres ne déterritorialisent rien (Laethem Saint-Martin, Permeke..). Basquiat ou Harring ont déterritorialisé le graffiti pour le reterritorialiser sur la peinture, d'où la fulgurance..Warhol reterritorialise les étapes du circuit complet de l'industrie - de la production à la consommation.

Dans une structure rhizomique, on est toujours au milieu, jamais au début ou à la fin ; le contenu et la forme d'une oeuvre sont les deux extrémités d'un même bâton, le crtique prend le bâton par le milieu (Daney).

L'art opère par collage d'éléments hétérogènes. Les éléments hétérogènes se rencontrent telles des plaques tectoniques, et l'intensité esthétique naît (éventuellement) dans l'entre deux.

La critique fait fond sur ce entre-deux -, intermezzo (fonction de passeur mais aussi de topographe du critique). Son accompagnement théorique consiste à amplifier et à faire sourdre cette intensité entre la première rencontre avec l'oeuvre où s'active l'émotion brute et la deuxième rencontre nourrie de cette approche connectante et transversale de la critique qui amplifie et cartographie les potentialités de l'oeuvre.
Cette approche transversale opère selon des connections non seulement latérales, mais plates (la recherche de connections "profondes" ne peut déboucher que sur une incompréhension de l'art contemporain : point de vue de la phénoménologie romantique qui conçoit l'approche de l'oeuvre comme la rencontre d'un sujet et d'un objet, dont le sens de ce dernier s'éclairera à partir de la lumière émanant de la conscience du premier). L'approche de l'art contemporain suppose l'abolition de la recherche d'un sujet centré, comme le concevait l'humanisme.

Exemple de collage qui fonctionne : le générique de Raging bull de Scorcese. On y voit De Niro sur un ring (incarnant le boxeur Jack La Motta). Habillé de son peignoir de boxe, on ne peut voir le visage de De Niro. Seul sur le ring, il s'enraîne, s'échauffe. Plan au ralenti. Le ralenti du mouvement filmique transforme les mouvements du corps du boxeur en danse. Ecran de fumée qui cache le public derrière, présence du public signalée par les lueurs de flashes. Les cordes du ring sont les lignes d'une partition musicale, la musique qu'on entend est une musique romantique. Musique, image et ralenti réalisent une intensité (percepts et affects), où l'image mouvement devient une image temps (Pour la bascule image mouvement vers image temps : voir Hichcock. Rencontres de registres sémiotiques différents selon un agencement machinique dont le critique a pour tâche d'en déployer la carte.

Il s'agit de repérer dans l'oeuvre les petites variations, la dimension créatrice se joue au niveau moléculaire (par opposition au niveau molaire, qui configure les grandes entités, les grands symboles). Dans le monde contemporain, monde réticulaire (en réseau et en rhizome) et synergique, l'artiste qui se situe au niveau molaire (celui des figures massives : opposition Bien/Mal, masculin/féminin...) se condamne le plus souvent à une oeuvre qui ne décolle ni ne déterritorialise rien.
De même, le critique qui déploie son analyse à ce niveau débouche sur le moralisme ou l'idéologie mais ne peut appréhender la dimension esthétique et créative de l'oeuvre.

Le plan moléculaire est de l'ordre du minimal : les petites variations chromatiques de Mondrian qui font que ses toiles ne sont en aucun cas une combinatoire de formes géométriques, mais des séries d'intensités chaque fois différentes qui font vibrer l'espace.

Dans mille plateaux, Deleuze définit trois catégories de synthèse (non hégelienne, non dialectique) :
1) la synthèse connective (si, alors)
2) la synthèse disjonctive (coupure/flux)
3) la synthèse conjonctive (et). Certains artistes opèrent les trois synthèses (Warhol).

Art contemporain et critique deleuzienne implique l'éclipse du sujet, au profit d'agencements machiniques et d'agencements collectifs d'énonciation (concept produit à la faveur de la rencontre G.D. /F.Guattari).

L'art échappe à la mort, en tant qu'il crée des percepts et des affects singuliers (qui ne sont ni des perceptions ni des états affectifs, mais des qualités "objectives", des niveaux d'être, non dépendants des objets qui les expriment, ni des sujets qui les éprouvent).

http://deleuze-guattari.blogspot.fr/2008/01/deleuzesterckx-0701-et-14012008-ceci-ne.html


machine de guerre

Retour sur la ligne de fuite.

Deleuze - Guattari en dénombrent trois catégories : ligne de fuite négative (qui s'annihile dès son commencement : le verrouillage oedipien de la situation), ligne de fuite relative (se déroule selon une segmentarisation pour retomber au fond d'un trou : le sujet centré et ses trous noirs), ligne de fuite positive absolue : creuset de la création artistique (c'est-à-dire une ligne de déterritorialisation, à l'instar d'un fluide continu, comme celui d'une musique, c'est-à-dire processus a-signifiant : processus hors sens, hors représentation et pourtant trouvant un frayage dans l'entre-deux des représentations,- espace lisse qui ne peut exister sans espace strié : pas de ligne nomade sans ligne sédentaire).

La déterritorialisation transforme la terre en paysage, une tête en visage, comme la ritournelle hélicoïdale qui nous propulse dans le cosmos (la ritournelle circulaire, quant à elle, meuble notre environnement). Un territoire est toujours fabriqué (de l'ordre de l'artefact, alors qu'un milieu est naturel).

Le régime schizo est, pour Deleuze-Guattari, le meilleur pacte que l'on puisse passer avec le socius.
Il opère sur le niveau moléculaire, niveau où se frayent les lignes de déterritorialisation.

Le sujet de l'art contemporain est un sujet larvaire, celui-ci s'édifie selon un plan d'immanence (conceptuel) et un plan de consistance (sensoriel) qui culminent dans un corps sans organe (CSO) ; le CSO est un corps construit en rupture avec le formatage des représentations dominantes (molaires). Le CSO se construit notamment dans la création artistique (dans un texte de Beckett ou d'Artaud, une toile de Klee ou Picasso, dans la voix de la Callas ou de Sarah Vaughan).

http://deleuze-guattari.blogspot.fr/2008/02/deleuzesterckx-18022008.html


micropolitique

CSO et dispositif figural

La psychanalyse freudienne méconnait les agencements collectifs d'énonciation. L'exemple du petit Hans est éloquent : Freud en propose de suite une interprétation familialiste, rabattant la situation sur des bouclages oedipiens. Rappelons-nous aussi la correspondance entre Freud et Jung, plus précisément le moment où ce dernier lui parle d'un rêve concernant un ossuaire, et Freud de ramener l'interprétation à la mort individuelle, incapable qu'il est de penser en termes de multiplicité. Lacan, quant à lui, est toujours tenant de la transcendance du code (du signifiant), néanmoins son intérêt pour les psychoses, son écriture comme flux schizo, font pressentir qu'à côté de l'impérialisme des signifiants-maîtres s'annoncent des zones d'indiscernabilité, à l'intersection du RSI, lorsqu'il construit son objet a en tant que réel. Déjà dans le stade du miroir, le sujet n'est pas dans la nostalgie de l'unité moïque, mais il opère par agencement de fragments (Schéma L).

La vie la plus puissante est dans le non organique, le CSO. Ce dernier s'érige sur le sujet larvaire. Le CSO est une image du corps antérieur à l'individuation, une corporéité, non pas un concept abstrait.

Le CSO n'est pas l'organisme, c'est une autre organisation du corps qui touche d'abord à l'intensité avant le sens. Face à l'oeuvre d'art, la question devient : qu'est-ce que cela intensifie et non qu'est-ce que ça représente. Le CSO est de l'ordre de la singularité, il n'est pas produit par le formatage, il faut se le fabriquer soi-même (on se rapproche du pré-individuel de Simondon). Le nain dans le Tambour de G.Grass ou la chèvre de Picasso relèvent du CSO. Dans un tableau animé par le CSO, les lignes y sont plus fortes que les formes, l'enjeu véritable du tableau étant les devenirs (non les formes) : qu'est-ce que ça intensifie en immanence ? L'artiste s'approche alors du chaos pour en ramener des nouveaux percepts. L'art trace des lignes de vie pour composer les nouveaux percepts, et cela, selon un dispositif multilinéaire fait de turbulences, de noeuds, de fulgurances, de lignes hétérogènes et méta-stables (Simondon), c'est-à- dire au bord de la stabilité, ouvrant sur des bifurcations possibles, des seuils, des chaos, des "catastrophes" (René Thom). Le CSO en littérature fait balbutier le langage (pas la parole), il tire tout le langage vers sa limite, en un devenir animal, où il "bégaie". Dans une telle perspective, ce ne sont plus les formes ni les figures qui sont en jeu , mais un figural (Lyotard). Ce dernier est ce qui hésite entre l'apparaître et le dis-paraître (une diaphanie dans l'épiphanie).

Le figural est un champ de forces non de formes. Un grand peintre dresse la cartographie du dispositif figural. La cartographie permet de mettre le dispositif pictural au clair (mais pas selon la logique du calque, qui reproduit et représente) : Vermeer, Dubuffet, Pollock sont de grands cartographes. La transparence de la cartographie donne le diagramme, au sens où "le tableau est le diagramme d'une idée" (Duchamp). Une oeuvre de Dubuffet est une texturologie, une mise en réseau, un diagramme où la visibilité et l'énonciation s'associent.

Chaque grand peintre a sa "marque de fabrique" : son invariant structural qui se repère dans le fonctionnement immanent de ses tableaux, une manière singulière de moduler le rapport entre le chaos et la matière, de compatibiliser les incoordonnables (qui fait, par exemple, qu'un tableau de Rembrandt est un homme émergeant des ténèbres et rattrapé par elles constamment).
Pour élaborer son CSO, l'artiste opère en immanence, connecté à son inconscient ; l'artiste qui tente de prendre une position de surplomb, pour "maîtriser" la situation, opère avec du préconscient (cas de Breton et de certains surréalistes), et rate le CSO.

Dans le monde1 (tribal), le diagramme aide à survivre (par la magie, les ritualisations).
Dans le monde2 (Empire), le diagramme est assigné à la jouissance de la représentation (narrative et figurative).
Dans le monde3 (capitalistique), le diagramme contribue à percevoir : les percepts sont un mixte de sensations et de savoir.

http://deleuze-guattari.blogspot.fr/2008/03/deleuzesterckx-10032008.html


corps sans organe

Deleuze a croisé le chemin du structuralisme en intégrant le schème de séréalité à son approche (différences et répétition), mais il s'en est écarté radicalement en réfutant le formalisme linguistique.

Même chose avec Freud. Deleuze a frayé le sillage de la psychanalyse via le désir et l'inconscient, mais il donne à ces deux concepts une portée radicalement différente.
Pour Deleuze le désir n'est pas affaire de manque, mais de débordement ("comme une coupe trop pleine" pour paraphraser Nietzsche), induisant des lignes de fuite ou de déterritorialisation.

L'inconscient, quant à lui n'est pas une scène où l'Oedipe se déploierait, mais une usine à produire, à agencer machiniquement, non pas la triade père-mère-enfant, mais des peuples, des meutes, des continents, des séismes, des composantes géographiques, géologiques et ethnographiques plutôt que d'étroites petites généalogies familiales. Ce que Deleuze et Guattari reprochent avec violence à la psychanalyse, c'est son familialisme étriqué. Face à la complexité du réel, la consigne deleuzienne serait : ne cherchez pas la racine (celle de l'arbre), mais suivez le canal (du rhizome) ! Face à l'oeuvre d'art, ne cherchez pas ce que ça représente, ni à quoi ça ressemble, mais suivez les connexions et les coupures de flux, les variations et les oppositions infinitésimales (le S/Z de Barthes), plutôt que les gros symboles et leurs antinomies (le beau/le laid, le sens/le non-sens..)

La psychanalyse s'est centrée sur un désir en représentation (théatralisation de la problématique oedipienne), et a développé une compétence pointue quant au profil névrotique (qui a toujours affaire au sujet centré, au manque, à une indépassable structure familiale). La schizo-analyse (Deleuze/Guattari) dessine une autre carte psychique, qui traverse Artaud, Beckett, Thelenious Monk, Buster Keaton.. Qui peut dans certains cas se parer des allures de la froideur (Klee, Mondrian) ou de l'inexpressivité (du visage) chez Keaton, mais qui dans tous les cas rompt le principe de linéarité en travaillant sur les séries divergentes : Mallarmé en poésie, Godard (cinéaste par excellence qui travaille sur les séries et les coupures, agençant des dispositifs visuels et sonores discontinus, culminant vers ce que Deleuze nomme l'image-temps (par opposition à l'image-mouvement).

Notez au passage que la machine désirante n'est en rien une mécanique, mais un assemblage d'éléments hétérogènes (cf. l'art contemporain), tandis que la mécanique vise la continuité en vue de l'acomplissement de certaines fonctions. Le premier grand peintre machinique fut sans doute Turner (vers 1840), peintre des volutes de fumées et des tempêtes chaosmiques, dans un mouvement brownien de molécules.

http://deleuze-guattari.blogspot.fr/2008/01/deleuzesterckx-28012008.html


régime de signes

L'objet a , objet cause du désir. Il est la case vide du structuralisme, ce "rien", ce vide qui circule entre les signes et qui permet à ceux-ci de circuler également.

Lacan le situait à l'intersection du symbolique, de l'imaginaire et du réel. Pas de réel sans les signes, mais pas de signes sans case vide du réel. Pas de ligne moléculaire sans plan molaire ou plan de la représentation.

http://deleuze-guattari.blogspot.fr/2008/02/lentre-deux-signe.html


cristal de temps

Espace lisse, chaos, et plis

Le monde de Vermeer est spiralé et irradiant, un monde non angulé. La musicienne de Vermeer est figurale, en tant qu'elle arrache la figure au figuratif. Vermeer, contemporain de Leibniz, peint un tableau monadique ; la monade s'apparente à une maison avec un étage inférieur enténébré, obscur, et en haut un étage de lumière, le passage entre les deux étages c'est la musique et la femme qui le réalisent : d'où la musicienne. Tableau traversé par des lignes de déterritorialisation, où le dedans de la maison est ouvert sur le dehors, le grand large, et où l'intérieur est visité par la lumière, la fulgurance du cosmos, matérialisé par la carte du monde au mur, tout grand tableau étant la cartographie et le diagramme d'un état-moment d'univers, qui s'apparente à un pli dans le réel. Le pli chez Vermeer défait le côté anguleux de l'instrument pour le lier à la rotondité de la perle.

Ce pli ou nappé de l'oeuvre est la musique du tableau, son espace lisse (l'espace strié étant la figure et le narratif).

Le CSO se construit dans l'espace lisse du tableau (Chez Beuys, l'espace lisse se travaille par l'usage du feutre). Il est aussi agencement machinique, d'où sa remise en question du sujet. Keith Haring travaille la question du sujet, non plus un sujet centré mais sujet pluriel devenant réticulé. Pour ce faire, Haring opère par cablages (Bacon, lui, travaille
par coupe et cogne), il reterritorialise la surface du monde 1 (inscription sur le corps de la Terre)
sur la surface abstraite du capital (monde 3). Les grands artistes plient et déplient les surfaces pour créer des lignes de déterritorialisation.

Ces créations de devenirs mettent en jeu le désir de l'artiste. Ce désir se décompose en trois strates (Lyotard) : 1. la belle image, 2. la bonne forme, 3. la pulsation de l'inconscient. Dans certains cas, la pulsation de l'inconscient est forte au point de pulvériser les deux autres strates (Pollock).

http://deleuze-guattari.blogspot.fr/2008/03/deleuzesterckx-17032008.html


Schizo-analyse et créativité

La schizoïdie est à entendre ici en tant que processus qui attesterait l'exercice d'une énergie psychique libre.
A la différence de la schizophrénie où le sujet est aliéné, le schizoïde est capable de faire de sa division subjective une force de création.

La schizo-analyse n'oppose pas profondeur et surface, elle récuse la représentation de l'inconscient en tant que chose enfuie en une profondeur. L'inconscient en tant qu'il se manifeste à travers son objet cause du désir (l'objet a de Lacan), n'est jamais caché mais toujours sous nos yeux en perpétuel décalage. Il est mouvement sur une surface, se repérant par positions et déplacements dont on peut faire la cartographie.

Le névrosé, quant à lui, n'en finit pas de ressasser son épuisant, mais néanmoins inépuisable, roman familial.
L'art ne s'ancre pas dans cette théatralisation névrotique toujours en quête de représentation, il s'alimente du versant schizoïde : la peinture contemporaine en offre un exemple patent, en tant que ses oeuvres sont auto-référentielles, construisant un réel qui n'a rien à voir avec la représentation de la réalité.

http://deleuze-guattari.blogspot.fr/2008/01/schizo-analyse-et-crativit.html


agencement collectif

Le devenir deleuzien de la psychanalyse.

Les trois mondes décrits par Deleuze-Guattari (celui des Barbares, celui du Despote, celui du Capitalisme) sont à envisager selon un mode SYNCHRONE et non pas chronologique. Ils correspondent à trois surfaces d'inscription (Terre, Corps du Despote, Abstraction du Capital). Viennent s'y articuler trois types de synthèse : 1. de production (pulsionnelle), d'enregistrement (par le concept), et de consommation (retournement du sujet sur les deux autres synthèses pour en jouir ; à ce stade, on a affaire à un sujet larvaire). Ces trois synthèses se réalisent pleinement chez Warhol et Pollock. Le sujet larvaire aura à s'édifier via un plan de consistance et d'immanence. Comment se bricole-t-on un plan de consistance ?

L'art offre une réponse.

Il y a lieu d'être attentif à la manière dont se négocie le molaire et le moléculaire dans un agencement. Le moléculaire opère par franchissement de seuil, et par approximation, et micro différences ; le moléculaire par opposition massive : bien/mal, M/F, beau/laid..
Faire droit au moléculaire, c'est aussi être attentif aux lignes de lumière qui imposent leurs conditions aux figures et au forme. Dans le plan d'immanence, sur la ligne moléculaire, on n'est pas en représentation, comme Oedipe sur sa scène (théatrale). Le plan moléculaire de la Joconde trace un jeu d'ellipses (sourire, regard) ; une approche molaire (herméneutique) cherchera plutôt à déchiffrer l'énigme (signification) du sourire de Mona Lisa.

Passer du sujet larvaire au Corps Sans Organe (CSO), requiert d'être en immanence, où le temps est le présent. Les manières de rater le plan d'immanence : se retrouver télé-commandé (paradigme du fascisme), chercher l'origine (le passé), chercher des raccourcis (drogues, compulsion sexuelle, obsession de l'orgasme à tout prix). L'art, le virtuel ont trait au réel ; l'art est une manière de se bricoler un plan d'immanence. Dans le plan d'immanence se situe le désir, non pas comme manque mais comme débordement : le désir coule dans un agencement. On ne désire pas un objet, une femme..mais un ensemble, le paysage enveloppé à l'intérieur d'une femme..Le désir, selon Deleuze-Guattari, est affaire de production non de représentation. Le désir est géopolitique, il nous fait délirer non pas une petite histoire de famille, mais des géographies, des races, des peuples, il est une construction cosmique en multiplicités. Désir (het verlang), est de sidera, ce qui provient des étoiles..le désir est agencement collectif d'énonciation.

Le désir n'est-il pas devenu un concept-molaire lui même, dans la mesure où sa polysémie en vient à en faire un écran qui barre la route au mouvement de la pensée plus qu'il ne l'ouvre ? Les concepts-molaires fonctionneraient comme des concepts-écran, des slogans, des images massives, indexés au discours médiatico-publicitaire, perdant leur statut d'outil d'analyse et de compréhension (?).

Néanmoins, chez D/G il y a lieu d'acter que le désir est du côté du réel, des processus a-signifiants. Chez Lacan, où la théorie du Signifiant domine le jeu (le je), il se pense et penche davantage du côté du symbolique. Toutefois, Lacan créa le concept d'objet a, ce dernier fait droit au réel en tant qu'il se situe à l'intersection RSI (réel, symbolique, imaginaire). Non objet du désir, situé devant le sujet, mais objet cause du désir, le sujet est "causé" par lui : l'objet ne vient donc pas complémenter un manque, mais le creuser davantage. L'analyse lacanienne opère un vidage de la jouissance, une destitution des idéaux indexés au signifiant-maître auquel le sujet s'était identifié. Le réel, chez Lacan, est le non significantisable, ce qui reste comme en excès, hors langage mais noué à lui, dès lors que l'objet a révèle (tel un révélateur photographique) sa valeur de semblant.

La prise lacanienne est logocentrique, trop sans doute pour épouser une approche de l'art qui requiert d'accorder la priorité aux devenirs-moléculaires. L'art est avant tout affaire de percepts, qui se signalent selon des fulgurances, issues de la rencontre entre deux éléments hétérogènes : "la bagarre d'Austerlitz" (mot-valise de M.Duchamp), d'une différence de potentiel entre deux termes, entre deux séries divergentes (devenir-cochon de Wim Delvoye), ou encore d'un déclenchement entre le réel et le virtuel (La fontaine de Duchamp).

La question de la temporalité est centrale dans la critique d'art. Le devenir s'inscrit dans le présent ; la chronologie est une composante académique et non critique. L'isochronie de la photographie dès le XIX (Muybridge) annonce la révolution cinématographique de l'image-temps (qui supplante l'image-mouvement) : dans Psycho, c'est le montage des plans qui découpe J.Leigh sous la douche, pas la lame du couteau ; image-temps qui est le temps indéfini de l'évènement : Aîon vs Chronos, temps du déroulement chronologique de l'image-mouvement. Le cinéma non plus comme narration qui épouse le schème sensori-moteur, mais comme outil d'exploration du réel, qui peut prendre les voies de l'exploration du cerveau comme chez Resnais ou chez Kubrick.

http://deleuze-guattari.blogspot.fr/2008/03/deleuzesterck-03032008.html