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Compte-rendu de l’atelier L’intérêt de la déconstruction en sciences humaines
27 avril 2008
PATCHWORK DE NOTES SUR LA DECONSTRUCTION DERRIDIENNE

Origine : http://lgbti.un-e.org/spip.php?article30

Annonce de l’atelier

PATCHWORK DE NOTES SUR LA DECONSTRUCTION DERRIDIENNE

Trouble dans les mathématiques...

Depuis Descartes et jusqu’au XIXème siècle, le paradigme de la science était positiviste, la recherche de la Vérité. Or au début du XXème siècle, le paradoxe de l’infini va bouleverser les fondements des Mathématiques.
Certains mathématiciens vont tenter alors avec la notion d’axiome de refonder les mathématiques. Mais d’autres vont montrer dans les années 30 que quelque soit l’axiome, il y aura toujours du non-démontrable. Ainsi les mathématiques ne sont pas fondées ce qui remet en question également les autres sciences qui prennent les mathématiques comme modèle scientifique. Toute approche scientifique aurait des postulats métaphysiques.


...et dans le langage

D’abord on peut rappeler qu’on peut considérer la logique comme un langage abstrait, un « langage pur » ou que le langage peut être réduit à de la logique.
Dans les années 20 le structuralisme russe va essayer de sortir de l’impasse des mathématiques. On ne va plus s’intéresser au problème entre vérité et démontrabilité, entre réalité et langage mais seulement au langage.
Les sciences humaines et sociales vont emprunter le concept de structure. Selon Levi-Strauss la structure est une totalité, un principe régulateur qui va expliquer les relations des éléments entre eux. Le structuralisme ne va pas s’intéresser à l’origine des structures. Par exemple on peut considérer la perception comme logique mais elle ne traduisant pas la réalité. Popper nous rappelle que l’expérience ne prouve pas que quelque chose un jour ne sera pas faux. La méthodes expérimentale ne prouve que l’erreur. Il n’y a donc pas de vérité scientifique.

Derrida élève de Foucault, qui a grandi dans le structuralisme, va critiquer l’idée de structure :« si on admet l’idée de structure, il faut admettre qu’il y a structuralité de la structure ». Derrida s’attaque donc à ce qu’on peut appeler un deuxième positivisme, celui qui pense qu’on peut à partir du langage ou de la logique construire une connaissance.

Derrida considère qu’on ne peut pas construire sur le langage. Pour cela il s’appuie sur la sémiotique qui montre que pour construire le sens d’un texte on va utiliser toute l’encyclopédie du lecteur. Or dans une encyclopédie, chaque terme renvoie à un autre terme à l’infini. Derrida utilise le terme de "différance" écrite avec un A pour montrer que la différence entre les termes est active puisque chaque terme renvoie, rappelle toujours un autre terme.

Derrida pense que chaque fois qu’on veut arrêter un sens, qu’on cherche une définition, cela relève d’une métaphysique. Par exemple lorsque on parle d’une chaise, lorsque cherche à la définir, on suppose qu’il y aurait un sens qui viendrait de l’objet, qu’il y aurait une connaissance comme dévoilement de l’essence de la chaise.

Derrida critique l’idée de prétendre dégager une nature ou une structure figée d’un phénomène à partir du langage. Ainsi pour Derrida on ne peut pas construire sur le langage, on ne peut que déconstruire, défaire le langage.


Déconstruire le langage des sciences humaines

Derrida nous propose pour défaire le langage scientifique d’abord d’identifier qui nomment. Derrida reprend l’idée nietzchéenne que la volonté de puissance des savant se retrouve dans les catégories scientifiques produites. Ensuite de repérer quels types de concept, de définitions sont retenus, d’où elles viennent alors qu’on ne peut pas arrêter le sens du fait de son fonctionnement encyclopédique.

Enfin Derrida reprend le concept de performativité d’Austin. « Quand dire, c’est faire ». Quand on parle on fait plein d’autres choses qui relèvent de l’acte d’énonciation et qui transforme le message. Pour Derrida, ce qu’on fait est aussi important que ce qu’on dit. Verrouiller le langage dans des définitions et verrouiller des discours participent d’une recherche pour retrouver et imposer une essence (exemple l’invention de l’ homosexualité). Pour Levinas il y a violence quand on utilise le verbe être. On peut s’interroger alors sur la violence dans nos discours quand on utilise des concepts scientifiques ?

La déconstruction derridienne renvoie donc entre autre à trois questions : qui nomment dans les sciences humaines ? Quels types de discours sont tenus ? Qu’est-ce qu’on fait en tenant ces discours ?

Nous avons évoqués quelques pistes de réflexion où ce concept de déconstruction peut être utile :

La mémoire : nous avons évoqué le fait que la mémoire est toujours reconstruite tel que l’a suggéré Freud.

Le moi : Le concept de déconstruction permet de rappeler que l’identité est multiple, conflictuelle, et qu’on ne peut pas arrêter une définition de son être. « Je suis ceci, cela » Il y a quelque chose d’incarcerant dans le fait de dire je suis. Mon identité est toujours à venir. Ce qui fait dire à Deleuze que les marginaux ou les fous ne sont pas assez clandestins.

Le pouvoir : Il n’y a pas de langage sans rapport de pouvoir, un langage sans verbe être ne serait plus un langage, on ne peut faire qu’une recherche critique sur le pouvoir dans les sciences. Par exemple, le concept de culture : culture est un mot polysémique dans les sciences humaines. Chacun, chacune l’emploie selon sa propre définition, en clôture le sens en fonction de son intérêt, définitions qui masquent des rapports de pouvoir. La déconstruction permet de débusquer ces rapports. Par exemple : le rapport nature/culture chez Levi-Strauss avec le mythe du bon sauvage.

La critique de Derrida des sciences, son invitation à défaire le langage invite à chercher, à réfléchir aux autres possibilités de connaissances que le langage. Par exemple, les sensations ? La sensibilité ? L’art ?

Autre exemple, le concept de structure : Derrida distingue deux structures, une fluide et l’autre fixe dont on peut retracer les capitons : Le travail du savant serait de bloquer la structure. Pour Derrida son travail critique a pour objectif au contraire de déconstruire la structure de la structure. Deleuze propose de retourner à des structures fluides, de changer les relations entre individus ou éléments de la structure pour s’opposer à cette fixité.

La biologie, la chimie : Sont évoqués les travaux de féministes qui ont montré que même en biologie, le choix des définitions du genre des concepts n’est pas neutre (par exemple le choix du genre des hormones). Le concept de déconstruction permettrait de montrer les rapports de pouvoir genrés dans l’acte d’énonciation du genre d’un concept, d’une notion.

La méthode scientifique : Feyerabend critique les critères de la philosophie des sciences : « La Science ne vaut pas mieux que la sorcellerie. » Le monde scientifique est élitiste et conservateur. Il défend un anarchisme épistémologique, dire tout et son contraire selon ses caprices. Il propose juste de mesurer les pratiques induites par les sciences, par la magie, par les églises...

Le finalisme : La théorie du dessein intelligent est cohérente avec elle même mais pas le créationnisme. Le finalisme est une tendance en science, est-il dépassable ? Les désirs du progrès scientifique ne conduisent-ils pas à se penser comme au sommet de quelque chose ? Quelles structures sociales y a-t-il derrière le finalisme ? Quels sont les freins qui nous empêchent de sortir des représentations finalistes ?

Les Institutions universitaires :Si tu t’auto-analyses, si tu te mets à nu, tu te fragilises par rapport à l’Université et par rapport aux stratégies de reconnaissance. La déconstruction Derridienne sert à ta réflexion non pas comme une méthodologie mais comme un outil d’analyse des situations institutionnelles qu’on produit.

Déconstruire, ca nous fait popper !