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L'implication des hommes dans les combats anti-sexistes
Daniel WELZER-LANG
Ce texte est une retranscription d'une intervention orale
Septembre 2001
Origine :
http://www.traboules.org/pages/textes.html
Contact : traboules @ traboules.org
Tout d'abord, je voudrais remercier les organisatrices d'avoir proposé
ce thème là, je pense que c'est un beau cadeau qu'elles nous font
d'essayer de définir plus précisément un cadre de réflexion à partir
duquel nous pourrions travailler ensemble, entre hommes et femmes,
et ce dans une problématique antisexiste.
En sachant que c'est un problème assez épineux, que l'on a déjà
un lourd passé, et qu'on a un passé de travail ensemble.
Je vais présenter un certain nombre de propositions qui me semblent
pouvoir faire consensus dans une perspective antisexiste entre hommes
et femmes.
J'ai l'impression qu'aujourd'hui, notamment parce que je circule
pas mal en France pour faire des conférences et que je parle encore
un peu des violences faîtes aux femmes, il y a beaucoup de gens,
d'élus ou de fonctionnaires qui aimeraient que l'on accueille les
hommes violents. Mais qui aimeraient aussi que dans cet accueil
là, on puisse évincer ce qu'un magistrat m'a, un jour, qualifié
de "chieuses". Or quand il parlait des "chieuses", il parlait bien
évidemment des féministes qui sont sceptiques et critiques par rapport
à l'accueil des hommes violents.
Je pense qu'il est important que l'on puisse ensemble, se mettre
d'accord sur un certain nombre de principes.
1 - On vit tous et toutes, et on va être d'accord là dessus, dans
une société où les hommes, individuellement et collectivement ont
le pouvoir sur les femmes. C''est le cadre minima qui fait notre
accord. Je vous rappelle qu'en 1991, Nicole Claude Mathieu écrivait
que d'après les statistiques de l'ONU, sur l'ensemble de la planète
deux tiers des heures de travail étaient effectuées par les femmes,
que ces dernières recevaient un dixième du revenu mondial et étaient
propriétaires de moins d'un centième des biens matériels.
2- La violence masculine domestique réfère à la domination dans
le couple et dans la famille. Il s'agit d'un mode central de régulation
des rapports dont la violence masculine domestique est surtout le
symptôme. Par conséquent, il est important de dire que l'on a envie
de supprimer la violence, mais que l'on a surtout envie de supprimer
la domination masculine.
3- Il existe une initiation masculine à l'abri du regard des femmes
(ce que j'ai appelé la Maison-des-hommes), c'est-à-dire que les
hommes sont socialisés entre eux. C'est à l'abri du regard des femmes
qu'ils apprennent comment faire avec les femmes, comment faire avec
leurs femmes. Les hommes, entre eux, sont initiés à un certain nombre
de secrets.
4- Les femmes représentent alors tout à la fois ce qui permet aux
hommes d'obtenir leurs privilèges de genre : les salaires supérieurs
à qualification égale, une ascension professionnelle plus rapide,
notamment quand une femme s'occupe de notre vie domestique à la
maison : qu'elle s'occupe de nous, de nos enfants, de nos parents,
de notre système relationnel.
Par ailleurs, les femmes représentent aujourd'hui ce que l'on peut
qualifier un groupe minoritaire, non pas en nombre, mais du fait
que leur parole est minorisée par l'ensemble de la société. Autrement
dit, les hommes antisexistes doivent pouvoir se battre avec les
femmes en acceptant qu'elles constituent un groupe ou une classe
spécifique.
5- Les socialisations différenciées : nos éducations différentes
font (et Françoise Collin le rappelait hier) que l'on n'a pas forcément
les mêmes mots, les mêmes définitions, les mêmes représentations
d'un certain nombre d'éléments de la vie sociale. On l'a prouvé
dans plusieurs recherches, comme sur le propre et le rangé, on évoquait
hier la sexualité, on pourrait aussi parler de l'érotisme, de la
violence elle-même.
C'est à dire que pour l'instant on vit dans un monde où du fait
de la domination masculine, les hommes et les femmes ne parlent
pas toujours la même langue. Cela signifie que les hommes doivent
apprendre à écouter les femmes. Hier Françoise Collin énonçait la
disymétrie, et moi je parlais d'asymétrie, je pense que c'est l'ensemble
du social qui est découpé par cette asymétrie là et qu'il est important,
si l'on veut travailler ensemble, de le prendre en compte.
6- La lutte contre le sexisme a comme objectif de supprimer les
hiérarchies créées par notre système de genre qui institue la domination
masculine. Lutter contre les divisions nécessite de prendre en compte
:
- les définitions multiples des faits sociaux : c'est à dire que
non seulement hommes et femmes ne parlent pas la même langue, mais
qu'il existe aussi des différences hiérarchiques inter-générationnelles,
inter-ethniques et post- coloniales, autrement dit, nous vivons
dans un système social dans lequel s'exerce un certain nombre de
dominations. Cela veut donc dire que l'on doit favoriser l'expression
et la prise en compte des paroles, des révoltes, des analyses des
personnes qui sont dominées.
- l'acceptation du fait que nos interactions individuelles et collectives
sont aussi structurées par les rapports sociaux de sexe : Il faut
donc que les hommes quittent la virilité traditionnelle qui fait
par exemple, qu'ils pensent qu'ils ont toujours raison, que quand
une personne crie le plus fort, cette personne a raison.Qu'ils acceptent
de communiquer les secrets dont ils sont dépositaires. Il faut qu'ils
arrêtent de prendre toute la place, et pas seulement au lit ou dans
les conversations, mais dans l'ensemble du social. Et puisque les
rapports sociaux de sexe traversent l'ensemble de la société, cela
veut dire qu'ils sont transversaux aux hommes entre eux; il faut
que les hommes arrêtent la guerre entre hommes.
Il faut qu'ils arrêtent d'être les meilleurs coqs, de se battre
comme des jeunes coqs. Il faut qu'ils acceptent de se dire qu'il
n'y a pas une vérité mais qu'il y a des vérités, et qu'en fonction
de sa position sociale, on va définir sa propre vérité. Si on accepte
que les rapports sociaux de sexe sont transversaux, ça veut dire
que les rapports hommes-hommes sont aussi structurés à l'image hiérarchisée
des rapports hommes-femmes. Je m'explique : globalement les hommes
ont le pouvoir mais tous les hommes n'ont pas le même pouvoir; il
est important si l'on veut lutter contre le virilisme ou la virilité,
que les hommes entre eux fassent des alliances.
Il y en a des garçons dans la salle, ils me diront si je me trompe.
Chaque homme peut avoir le pouvoir sur sa femme, mais aussi chaque
garçonest soumis aux hiérarchies masculines. En définitive, pour
être un homme il ne suffit pas d'avoir une paire de testicules entre
les jambes, il faut aussi montrer sans arrêt et partout qu'on est
un "mec" et qu'on a une « paire de couilles » au sens
social du terme [on m'excusera pour ce langage trivial]. Et les
hommes qui refusent ou qui ne peuvent pas donner les signes redondants
de virilité vont être déclassés et mis à l'extérieur du groupe des
hommes. Il faut que les hommes antisexistes acceptent l'alliance
avec d'autres groupes d'hommes.
Il y a les homosexuels et les bisexuels masculins c'est une chose,
il y a des hommes qui ne montrent pas une sexualité telle qu'elle
devrait être, "normale" comme dit le système social. Mais il n'y
a pas qu'eux. Il y a les faibles, il y a les handicapés, il y a
les hommes les plus fragiles. Je vous rappelle que l'étude que l'on
a faîte sur les prisons pour l'observatoire international des prisons,
montre que dans la prison il y a 95% des détenus qui sont des hommes,
et que c'est aussi l'homophobie qui structure les rapports entre
prisonniers. Les plus jeunes et les plus faibles servent de main
d'œuvre sexuelle et domestique aux plus grands, aux caïds.
Cette division entre hommes existe dans l'ensemble du social.Je
ne crois pas à des hommes qui se réclament d'un combat antisexiste,
qui sont d'une part chaleureux et bienveillants avec les femmes,
et d'autre part qui continuent les mêmes rapports de pouvoir entre
hommes. Il y aussi les hommes qui refusent la virilité, on en parlera
plus tard on a jamais été très nombreux ! C'est vrai et alors !
Il doit y avoir des alliances entre hommes antisexistes, avec les
hommes les plus radicaux, ceux qui depuis des dizaines d'années
se battent contre la virilité obligatoire et se battent à côté des
féministes. Je pense qu'aujourd'hui le masculin traditionnel, le
masculin viril est relativement déstabilisé de l'extérieur par des
femmes. Il faut que les hommes antisexistes acceptent de le déstructurer
de l'intérieur. Quand je dis qu'ils doivent révèler leurs secrets,
c'est pour dire qu'ils doivent dire comment on les a éduqués, qu'ils
disent comment on leur a appris à faire, qu'ils dénoncent les collusions
et les collaborations qu'on essaie de leur imposer sur le dos des
femmes. Moi je crois beaucoup au rapprochement entre les hommes
antisexistes et les structures pour femmes violentées. Pour que
les hommes, même progressistes se rendent compte des effets concrets
de la domination masculine.
8- Je pense que la période que l'on vit aujourd'hui est une période
un peu particulière. Il y a maintenant quatorze ans — on se
rappelait cela hier avec Framboise — on rêvait d'une
rencontre où il y aurait les gens qui accueillent les hommes violents
et les gens qui accueillent les femmes battues. On pourrait tous
et toutes ensemble cheminer dans un combat commun. Aujourd'hui on
y arrive.
Cela signifie donc qu'il y a un tournant à ne pas rater, que l'on
vit une période où il faut travailler ensemble pour que le combat
antisexiste entre hommes et femmes puisse avancer. Il y a des choses
qu'on ne veut plus vivre : la domination, la violence faîte aux
femmes, les violences que les hommes exercent sur d'autres hommes,
les violences que les anciennes générations exercent sur les nouvelles,
etc. etc. ... Je crois que l'on est capable aujourd'hui de faire
une liste assez simple de ce que l'on ne veut plus vivre. Maintenant
il faut être aussi réaliste : on ne sait pas ce que l'on veut vivre
après. Non seulement on ne sait pas ce que l'on veut vivre après
mais en plus il y a plein d'interrogations ! On a repris au niveau
du réseau européen des hommes proféministes le mot d'ordre du lobby
européen des femmes qui dit : pour un nouveau contrat homme-femme.
On parlera tout à l'heure par exemple du divorce et de la garde
des enfants dans un couple parental qui se sépare, il est clair
qu'il faut aujourd'hui se mettre autour d'une table et discuter.
D'autant plus que les quelques expériences sur lesquelles on appuie
notre discours et nos réflexions sont issues de nos expériences.
Moi je fais partie d'une génération de garçon qui ne s'est pas marié.
On était contre le mariage, on pensait que le mariage c'était l'enfermement
des femmes et que c'était un mariage bourgeois. Je fais partie d'une
génération qui a essayé autant que faire se peut d'avoir des débats
collectifs sur l'éducation des enfants. Et quand je regarde ces
pères divorcés, ces mouvements en général assez réactionnaires et
pour certains très fascisants, nous dire que la justice est sexiste
car elle ne donne jamais la garde aux pères, ça veut dire qu'il
faut réfléchir, qu'il faut essayer de quitter la morale. Ce n'est
pas parce que l'on est des hommes que l'on est des salauds, ce n'est
pas parce que les femmes sont des femmes qu'elles sont des bonnes
femmes, justes etc.. Il faut réfléchir à comment nous pouvons avancer
ensemble dans la disparition d'un système qui a quand même vingt
siècles d'existence. Certes, on est toujours très pressé au niveau
de sa vie individuelle, et 13 ou 14 ans c'est beaucoup, mais au
niveau d'une échelle historique ce n'est pas tant que ça ! Et on
traverse cette période là où il faut mettre en place des discussions
communes sur une base antisexiste claire entre hommes et femmes.
Alors sur les violences : je discutais tout à l'heure avec les garçons
qui interviendront tout à l'heure et qui accueillent des hommes
violents. Il y a aujourd'hui 7,8,9,10 groupes qui d'une manière
ou d'une autre, disent qu'ils accueillent les hommes violents. C'est
bien, parce que l'on va commencer à pouvoir quitter les quelques
éléments pris à l'unité qu'on avait ces dernières années, on va
pouvoir évaluer, réfléchir, on va pouvoir travailler ensemble à
l'amélioration de l'accueil. On va pouvoir discuter de la définition
de l'objectif de l'accueil des hommes violents. Qu'ils arrêtent
juste de frapper leurs bonnes femmes, non ! On est tous et toutes
d'accord là dessus. Mais quel est l'objectif réel, où l'on peut
aller en huit ou quatorze semaines ? Il va falloir définir des objectifs
communs, mais en même temps il faudra définir des manières de faire.
Je pense que sur ce point, on peut s'aider de la plate-forme commune
des centres de femmes victimes de violences au Québec. Je vous rappelle
la situation dans les années 90 : il y avait une structure qui ressemblait
à la fédération, c'est-à-dire féministe militante et quelques programmes
pour hommes violents qui avaient été mis en place, notamment par
des hommes qui venaient du groupe d'hommes antisexistes québécois.
Et puis ces structures étaient en train de se battre sur les crédits.
Je crois qu'il faut que les hommes affirment qu'ils ne veulent pas
rapter le crédit des femmes pour accueillir les hommes violents
mais que par contre, il faut se battre ensemble entre hommes et
femmes pour avoir des crédits conséquents par rapport à une problématique
centrale des rapports hommes-femmes. C'est important parce que je
me souviens à Rime les seuls crédits que l'on a pu avoir ce sont
les crédits des droits des femmes et comme par hasard on avait des
crédits des droits des femmes environ une semaine ou quinze jours
avant l'émission de télévision que l'on faisait en commun avec la
Ministre !
Il faut ensemble trouver des lignes budgétaires, et pour améliorer
l'accueil des femmes victimes de violences, et pour améliorer l'accueil
des hommes violents dans une perspective antisexiste. Mais ça peut
vouloir dire aussi qu'au niveau d'un groupement national sur l'accueil
des hommes violents, il y ait parfois des débats un peu compliqués.
Si l'on accepte que les rapports entre hommes et femmes sont des
rapports de domination cela implique que l'on accepte l'expertise
et le leadership des femmes, et plus particulièrement des féministes,
sur l'accueil des hommes violents.
Je ne pense pas qu'il existe un seul féminisme, je pense qu'il y
a des féminismes. Je suis contre les systèmes totalitaires et je
me méfie toujours des jeunes garçons qui découvrent le féminisme
par leur copine et qui viennent nous dire que leur féminisme est
juste parce que leur copine leur a dit ça à l'opposé d'autres féministes.
Je crois qu'il faut dans la transmission inter-générationnelle que
nous les garçons puissions expliquer qu'il y a plusieurs manières
d'être antisexiste.
Il est clair que l'antisexisme des jeunes des quartiers est différent
de l'antisexisme des profs de fac, et des jeunes étudiants blanc-blanc
qui font des études supérieures. Autrement dit, la position antisexiste
va aussi se croiser avec d'autres positions sociales dans lesquelles
on vit tous les jours.
Mais accepter l'expertise et le leadership des femmes et du féminisme
dans l'accueil des hommes violents ça veut dire créer une concertation
permanente au niveau des conseils d'administration, au niveau des
structures de soutien. Cela veut dire que lorsque l'on accueille
des hommes violents quelque part, on accepte de débattre avec les
structures proches qui accueillent les femmes victimes de violence.
Cela ne veut pas dire que l'on ne va pas s'engueuler ; cela ne veut
pas dire que l'on va toujours être d'accord. On sait, les mouvements
des femmes nous l'ont appris et les hommes antisexistes l'ont aussi
découvert, que même sur des positions de politiques communes nous
restons des individu-e-s avec nos hauts et nos bas. Cela signifie
que l'on accepte que la question est d'abord une question politique,
et que l'on refuse un discours émergent qui est un discours de professionnalité
soit disant apolitique. Et ce discours émergent, ce discours apolitique,
on ne le voit pas seulement émerger par rapport à l'accueil des
hommes violents. Si j'ai bien compris, quand je me balade un peu
partout en France, j'entends des femmes qui accueillent des femmes
victimes de violence qui disent : "je ne suis pas féministe, je
suis travailleuse sociale". Je pense que le débat antisexiste doit
aussi remettre en cause cette pseudo neutralité, sous couvert de
scientificité, du personnel chargé de s'occuper d'autres personnes.
Au même titre que moi qui suis un garçon ait plein de points communs
avec les garçons, y compris avec les hommes violents que je vais
accueillir, ou que je peux accueillir. Je pense qu'il faut que l'on
remette dans nos interactions de l'altérité. On est face aujourd'hui,
à un travail social français structuré sur la hiérarchie et le pouvoir.
On a intérêt dans les combats anti-sexistes à remettre de l'altérité
y compris au niveau de nos pratiques professionnalisées.
Ensuite ça veut dire que l'on respecte l'autonomie du mouvement
des femmes. En 1995, à Québec au colloque mondial de la francophonie
féministe - le prochain se déroule à Toulouse en septembre 2002
- on s'est réunit pendant une journée entière : des universitaires
en grande partie, des mouvements communautaires québécois, des femmes
féministes avec la diversité que cela peut représenter, et puis
des hommes qui s'appelaient hommes anti-sexistes, anti-patriarcaux,
anti-homophobies masculinistes, etc, etc... Et puis la question
s'est posée de savoir comment on allait s'appeler, puisque maintenant
on était plus de cinq ! Il est vrai qu'au départ, globalement dans
ce type de colloque, il y avait quatre, cinq mecs, on s'aimait bien,
on mangeait ensemble et les termes employés ne posaient pas trop
de problèmes. Aujourd'hui on voit arriver plein de nouveaux mouvements,
je pense à Mixité, à Prochoix, je pense à des collectifs anti-sexistes
du mouvement anar; on voit arriver plein de garçons qui veulent
évidemment vivre une vie égalitaire avec leur copine, et puisqu'il
y a de plus en plus de garçons qui se réclament du mouvement antisexiste.
Les mots ont leur importance. En 1995, on s'est dit qu'une des manières
les plus correctes aujourd'hui pour respecter l'autonomie du mouvement
des femmes, et avoir en même temps une réflexion antisexiste, c'était
de laisser le terme féministe aux femmes, et puis se méfier des
garçons qui arrivent avec l'étendard féministe. Les femmes sont
libres de dire que ce garçon là a une approche féministe des choses.
Mais c'est là que l'on a proposé d'avoir une bannière unifiée qui
serait le terme proféministe, autrement dit les hommes antisexistes,
antipatriarcaux, qui se battent contre l'homophobie, qui se battent
à côté des féministes, se battent à côté des femmes parce qu'ils
restent des hommes et ce n'est surtout pas en niant notre appartenance
de genre qu'on fera avancer les choses. L'intérêt ce n'est pas que
je parle comme une femme, elles parlent très bien d'elles, nul besoin
que les hommes les imitent sur ce point là.L'intérêt est que je
parle en tant que garçon étant d'accord sur la lutte des femmes
et avec la lutte des femmes ; et que je mène cette lutte là y compris
chez les garçons, chez les dominants. Alors soyons réalistes, on
a lancé un certain nombre de propositions, on a mené la campagne
du ruban blanc en Europe, on a créé le réseau européen des hommes
proféministes, on a organisé des rencontres européennes anti-sexistes.
La dernière à Toulouse on devait être une trentaine, donc on n'est
pas des milliers ! En plus, le fait d'être peu nombreux a eu des
effets pervers: il a fallu tout à la fois faire des recherches,
être porte-drapeaux, étendard, porte-parole, intervenant, etc...
Or, l'on n'est pas bon partout, et c'est bien dans la mesure où
le nombre de garçons se multipliera, qu'on pourra se répartir les
différentes fonctions.
Je pense que l'on vit une période historique particulière. Cela
vaut la peine de marquer un acte fort. Il est intéressant de profiter
de cette université d'été, ou d'autres occasions, pour que l'on
puisse ensemble entre hommes et femmes, affirmer la prégnance de
la problématique des violences faîtes aux femmes par les hommes,
la nécessité de donner les moyens pour que les femmes soient accueillies,
et en même temps la nécessité que les auteurs de violences soient
aussi accueillis dans une problématique antisexiste.
Autrement dit je pense qu'il est temps de prendre une initiative
- laquelle je n'en sais rien encore aujourd'hui. Mais de plus en
plus de femmes ne supportent plus les violences qu'elles subissent
et on sait qu'elles partent de plus en plus vite. On remarque très
bien à l'université à quel point on a sous-estimé l' influence des
études féministes. Lorsque dans un cours de première année de sociologie,
dans un cours obligatoire de sociologie générale, on définit ce
que sont le sexisme, le proféminisme, le féminisme, les violences
faîtes aux femmes, l'homophobie, ça a un effet certain. Notamment
quand une étudiante prend une claque de son copain. A la deuxième
ou la troisième, elle a tendance à réfléchir vite.. Dans la mesure
où les femmes réagissent plus vite qu'avant, les mecs ne sont pas
bêtes, ils changent. Et quand il sera impossible d'avoir une boniche
à la maison parce qu'on ne trouvera aucune personne disponible,
à moins de faire comme les légionnaires de Castelnaudary et faire
venir des femmes du Brésil - ils changeront d'autant plus.
La libéralisation c'est çela aussi. Il y a un besoin urgent qu'on
parle des hommes et aux hommes. On voit beaucoup de tentatives dans
les médias et autour. Si nous ne prenons pas d'initiative centrale
en terme d'antisexisme aujourd'hui, d'autres les prendront à notre
place, et j'ai peur que l'antisexisme n'appartienne alors à ce monde
des "chieuses" dont je parlais au départ.
La question des violences et de la domination est compliquée pour
les garçons parce qu'on est confronté individuellement au fait qu'on
naît et qu'on reste un dominant. Et que l'on est éduqué avec des
schémas violents dans la tête. J'avais proposé un texte pour ces
universités écrit pour les Motivé-e-s de Toulouse. Ce texte a été
écrit pour les diversités d'été (Indien). Il s'appelle "Déviriliser
le politique, la politique". Il essaie d'expliciter comment le virilisme
traverse nos pratiques. Il est disponible sur le site des motivé-e-s
(www.motive-e-s.org).
Nous avons vécu une expérience extraordinaire de campagne électorale
avec les Motivé-e-s, notamment parce que la question post-coloniale
(ce que certains appellent l'immigration) et la question du féminisme
sont devenues deux pôles centraux de la campagne. Ce n'était pas
seulement l'histoire des bonnes femmes et des quelques hommes qui
sont autour, mais c'est l'ensemble des problématiques qui a été
réfléchi à travers ces questions là. Quand on commence à avoir des
jeunes qui viennent des histoires post-coloniales et migratoires
réfléchir avec leurs mots à eux sur ce qu'est le virilisme, ce qu'est
l'homophobie, ce que sont les violences faîtes aux femmes, on change
de nature et d'échelle de débats. A ce moment là cela peut aller
très vite. On a besoin, nous les hommes, d'insuffler un nouveau
type de débat dans les rapports entre hommes. Autrement dit de reprendre
bien évidemment les critiques qui sont faîtes sur la domination
mais aussi d'aller creuser comment le virilisme s'insinue dans l'ensemble
des interactions quotidiennes que l'on peut avoir au niveau du privé
mais aussi au niveau du public, et dans les luttes sociales individuelles
et collectives.
Je pense que l'appel que l'on pourrait avoir à mener ensemble, celui
des combats antisexistes contre les violences faîtes aux femmes,
s'inscrit dans cette même dynamique.
Je vous remercie.
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