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Éducation, religions, raison et marché
DANY-ROBERT DUFOUR

Origine : http://www.cndp.fr/archivage/valid/72765/72765-11336-14412.pdf

Pour s’orienter dans les questions d’éducation, nous sommes tenus de partir d’une donnée apparemment triviale, mais néanmoins capitale : si l’homme naissait aussi achevé que les autres animaux, il n’aurait nul besoin d’éducation puisqu’il trouverait en lui-même (dans ses instincts) les moyens de faire face au monde.

Il vivrait alors comme vivent les autres animaux, quasiment prêt à la naissance, après un maternage minimal, à affronter le monde. Or ce n’est pas le cas de L’homme.

L’homme naît notoirement inachevé. On peut mentionner à l’appui de ce constat une série non exhaustive de traits significatifs: il vient au monde avec des cloisons cardiaques non fermées, il se caractérise par l’immaturité post-natale de son système nerveux pyramidal, par l’insuffisance de ses alvéoles pulmonaires, par sa boîte crânienne non fermée, par ses circonvolutions cérébrales à peine développées, par son absence de pouce postérieur opposable, par son absence de système pileux, par son absence de dentition de lait à la naissance, par son développement sexuel en deux temps marqué par une longue période de latence et par son long maternage… Je dirais sans ambages qu’il me semblerait difficile de philosopher sur l’éducation sans partir de cette condition matérielle déterminante, puisqu’elle commande deux conséquences décisives.

La première est d’une grande portée anthropologique: c’est parce que l’homme naît inachevé qu’il lui faut adjoindre à cette nature incomplète un bout de culture.

La seconde a trait à l’histoire: ce bout de culture, qui doit nécessairement être ajouté à la nature incomplète de l’homme, varie selon l’histoire.

LA NÉOTÉNIE, L’ÉDUCATION, LE SOUVERAIN

Aujourd’hui, cette condition organique de l’homme qui détermine des nécessités spirituelles nous a été rendue concevable grâce à la théorie de la prématuration spécifique de l’homme qui s’est progressivement constituée au cours du xxe siècle, de l’anatomiste hollandais Louis Bolk1, son inventeur, au grand biologiste et paléontologue américain récemment disparu, Stephen Jay Gould, bien connu en France par ses travaux de grande diffusion2. Cette théorie qui pose que l’homme naît incomplet, prématuré, est connue sous le nom de néoténie – du grec néo, nouveau, et du verbe tenein, qui réfère à ce qui se prolonge. La néoténie, ce serait donc du nouveau, du pas fini qui se prolonge. D’où l’idée qu’il faut bien achever dans la culture ce qui n’est pas achevé dans la nature.

Cette théorie a été mise à profit par toute une série de penseurs au cours du xxe siècle: Freud (qui construit toute sa théorie sur ce développement sexuel en deux temps), Wallon, Lacan (qui, dès son fameux stade du

miroir et tout au long de son enseignement, fera référence à la prématuration spécifique de l’homme), sans oublier des penseurs aussi différents que Gehlen, Agamben, Lapassade, Lyotard et plus récemment Sloterdijk. On comprend pourquoi: cette théorie de la néoténie permet de penser les rapports entre la nature inachevée de l’homme et la nécessité de la culture et de l’éducation, lesquelles viennent, en quelque sorte, suppléer symboliquement à ce manque originaire.

Cependant, toutes les conséquences de la néoténie de l’homme n’ont pas encore été tirées.

J’ai cru pouvoir montrer dans On achève bien les hommes3 que l’on pouvait utiliser cette théorie issue de l’histoire naturelle pour penser l’obligation où se trouve l’homme de placer, au centre de la culture qu’il doit bien se donner pour survivre, des êtres surnaturels auxquels ce sujet en manque de lui-même doit croire comme s’ils étaient vrais.

C’est là la fonction des récits qui accompagnent l’homme depuis la nuit des temps. L’homme, inaccompli dans sa première nature, ne peut, en effet, pas vivre sans une seconde nature constituée de ces récits qui tiennent par l’institution en leur centre d’une figure divine requérant sa dévotion.

On pourrait même dire que les hommes, ces petits sujets, ont essentiellement passé leur temps à cela: construire tout au long de l’histoire des grands Sujets leur permettant de vivre. Ce qu’en langue lacanienne on appellerait des figures de l’Autre. Il fallait donc construire des grands Sujets pour que le petit sujet en manque de lui-même puisse s’en réclamer. Ce grand Sujet, c’est le souverain. Un souverain qui peut prendre des figures multiples. Par exemple, celle du dieu des monothéismes, celle du souverain des religions politiques, celles du principe des religions séculières. Voilà pourquoi la formation et l’éducation du petit sujet sont nécessairement liées à la religion, entendue au sens des techniques représentationnelles (narratives, picturales, sculpturales, poétiques, musicales…) qui permettent d’élire et d’ériger des grands Sujets.

Si l’on devait faire très cavalièrement le bilan, on pourrait dire que l’histoire apparaît comme une suite de soumissions à des grandes figures placées au centre de configurations symbolico-politiques. On pourrait assez aisément en dresser la liste: le sujet, le subjectum (en latin, celui qui «est soumis à», «subordonné à»), fut, dans les sociétés archaïques, soumis au Totem, puis soumis dans le monde grec aux forces de la Physis chantée par le mythos, avant que de l’être à la Cité et à la puissance de la Raison promise par le

logos. Il fut soumis au Cosmos ou aux Esprits dans d’autres mondes. Il fut soumis au Dieu unique dans les monothéismes, sous des modalités concurrentes du fait du christianisme, de l’idée juive de la Loi et de la norme coranique. Il fut soumis au Roi dans la monarchie.

Il fut soumis au Peuple dans la République. Il fut soumis à la Race dans les idéologies raciales, nombreuses, dont le nazisme, promouvant le sujet de la race aryenne, fut une forme particulièrement virulente.

Il fut soumis à la Nation dans les nationalismes.

Il fut soumis au Prolétariat dans le communisme. Soit des fictions différentes, qu’il fallut chaque fois édifier à grand renfort de constructions, de réalisations, voire de mises en scène très exigeantes.

À noter que certaines de ces fictions différentes furent parfois agglutinées en idiosyncrasies locales. Par exemple, certains cultes païens ont été syncrétisés dans les monothéismes (que l’on songe au christianisme de l’Empire romain qui a intégré les anciens saints païens, que l’on songe également au christianisme syncrétique des ex-pays colonisés4).

Quant à la République, d’abord liée à l’émergence des cités républicaines dans l’Europe de la Renaissance, elle a pris la suite et souvent la place des monarchies, et elle a fini par fusionner avec la Nation dans l’édification des États-nations européens. La Race, elle, a souvent rencontré la Nation, comme dans le cas du nazisme, mais pas toujours, comme dans le cas des diasporas. Le Prolétariat a également rencontré la Nation, comme en témoigne la notion soviétique de «Patrie du socialisme».

Il y a donc partout soumission au grand Sujet, mais cela ne veut nullement dire que tous les ensembles que j’ai évoqués soient équivalents.

Bien au contraire: selon la figure de l’Autre élue au centre des systèmes politico-symboliques, toute la vie économique, politique, intellectuelle, artistique, technique change. Toutes les contraintes, les rapports sociaux et l’être-ensemble changent; ce qui reste constant, c’est le commun rapport à la soumission.

L’important à cet égard est que, partout, des textes, des dogmes, des grammaires et tout un champ de savoirs ont dû être mis au point pour soumettre le sujet, c’est-à-dire pour le produire comme tel, pour régir ses manières – éminemment différentes ici et là – de travailler, de parler, de croire, de penser, d’habiter, de manger, de chanter, de conter, d’aimer, de mourir, etc.5. Il apparaît ainsi que ce que nous nommons «éducation» n’est jamais que ce qui fut institutionnellement mis en place au regard du type de soumission à induire pour produire des sujets. C’est pourquoi l’éducation est toujours politique, dans la mesure où elle vise la soumission religieuse au grand Sujet de l’heure et où elle se produit toujours au point décisif où l’histoire naturelle, relayée par une histoire surnaturelle, se convertit en histoire, laquelle constitue le destin spécifique de l’homme. Il est bien évident que cette histoire laisse des marques sur l’éducation: ce qui s’enseigne à un moment renverra aussi, d’une façon critique ou d’une façon laudative, aux périodes passées.

C’est ainsi que des références anciennes (par exemple au logos, à l’État-nation ou à tout autre référence) seront agglutinées aux références en cours, pour constituer le fonds référentiel sur lequel repose, à un moment donné, l’éducation. L’éducation au Moyen Âge, par exemple, tout entière tournée vers le Salut, a largement intégré des éléments de philosophie et de logique rémanents venus de l’Antiquité grecque6.

L’ÉDUCATION À L’HEURE DE LA MODERNITÉ…

On pourrait dire, dans cette mesure, que l’éducation n’est jamais sortie de la religion. Ou mieux: qu’elle n’est jamais sortie d’une religion que pour entrer dans une autre. Cet autre étant, dans le cas de notre histoire récente, celle de la République qui a édifié ses temples (chambres législatives, palais de l’exécutif, écoles, palais de justice…) en marquant à leur fronton sa devise (« Liberté, Égalité, Fraternité»). Temples dans lesquels les lois, le pouvoir, l’éducation, la justice étaient rendues au nom d’un grand Sujet collectif abstrait appelé le Peuple. Le Peuple étant le nouveau souverain – c’est d’ailleurs ainsi qu’il est nommé dans les textes philosophiques de l’époque, le Contrat social de Rousseau par exemple.

Si cette forme républicaine a longtemps triomphé dans l’éducation, c’est qu’elle a présenté une supériorité par rapport aux autres formes en permettant un dépassement décisif, une sortie hors des référentiels strictement religieux. Cette supériorité est due à ce que cette forme n’a plus fonctionné en se référant à une origine transcendante qui faisait autorité, mais à un principe transcendantal mis au point à l’époque des Lumières. Je fais très précisément référence ici à la refondation kantienne de la métaphysique impliquant le passage de la transcendance au transcendantal.

Ce passage est décisif: ce n’est plus au nom de la foi ou du roi que l’on a enseigné, mais au nom de la Raison.

Autrement dit, avec les Lumières, l’espace et le temps de la pensée sont sortis des déterminations locales, c’est-àdire du temps immémorial du mythe, du temps chronique et rural des travaux et des jours, du temps référentiel de la manifestation de Dieu aux hommes, du temps historique de la succession des règnes.Avec les Lumières, nous sommes entrés dans tous les temps à la fois7.

C’est bien sûr avec Kant qu’est advenue cette sortie de la pensée hors de son conditionnement par les temporalités locales. Ce qui se marque par le fait que, chez Kant, l’accès à l’universel passe par un cosmopolitisme généralisé.

Au point que, pour Kant, cette façon de philosopher devait mener à «un État cosmopolite universel où toutes les dispositions originaires de l’espèce humaine seraient développées ». Kant voyait même dans l’établissement de cet «État cosmopolite universel» un «plan caché de la nature» à l’égard de l’homme8. La Raison, chez Kant, est donc une arène indéfiniment scandée de temps successifs. C’est fondamentalement cet

affrontement de ce que l’on a bientôt appelé des «idéologies » distinctes (cf. Destutt de Tracy au tout début du XIXe siècle) qui a caractérisé la modernité et qui a laissé la raison sans repos tout en l’instituant, ainsi que l’établit Kant, comme «loi pratique universelle», loi morale qui pousse le sujet à l’obligation de l’imagination transcendantale, c’est-à-dire à l’obligation de la critique. Le pas décisif et génial des Lumières fut en somme de jouer de toutes les anciennes soumissions pour les transformer en liberté critique.

La forme discursive critique vient de ce que toutes les définitions du grand Sujet peuvent se trouver dans la modernité qui, dès lors, ne peut plus fonctionner que comme un espace ouvert à des références multiples, voire contradictoires, où les repères sont en constant déplacement.

Plus même, cette circulation dans les références a créé en son centre un vide, un appel d’air pourrait-on dire, où le Je transcendantal a été appelé à se constituer par-delà le point où il était requis dans les métaphysiques classiques.

Ce qui est apparu, c’est donc un lieu vide, non rempli a priori par des vérités religieuses. La raison a été dès lors définissable comme ce qui ne s’atteignait jamais vraiment, puisqu’elle n’avait pour seule loi que de se quitter dès l’instant qu’elle croyait se saisir: «dans ce qu’on appelle l’âme, écrit Kant dans la Critique de la Raison pure, tout est dans un perpétuel écoulement, excepté peut-être, si l’on y tient absolument, le Ich qui n’est si simple que parce que cette représentation est vide de contenu9». Il s’agit donc, pour Kant, non seulement de sortir des anciennes assignations métaphysiques du Je, mais aussi de la conception, chère à Descartes, du Je comme substance pensante, pour en faire une pure fonction logique appelée à révolutionner le monde.

La modernité correspond donc à la fin de l’unité des esprits assemblés autour d’un seul grand Sujet. Elle a impliqué la coexistence, non pacifique, de plusieurs grands Sujets – telle est l’idée capitale du cosmopolitisme kantien. Seule cette lutte incessante dans les références fut susceptible de créer le terrain favorable au dépassement des métaphysiques classiques.

Cette dynamique n’a pas été sans effets sur l’organisation du monde, puisqu’elle a fini par déterminer la recherche d’un mode de vie articulant le changement permanent dans tous les domaines: philosophique, esthétique, scientifique, technique, politique… Et, de fait, depuis lors, rien n’a résisté à ce mode de vie

conquérant, promis à détruire toutes les anciennes valeurs fixes, les anciens rites et habitus sociaux des sociétés unicentrées, fûtce au prix de laisser place à un sentiment d’instabilité, de crise permanente, de tensions dans la subjectivité, de récurrent «malaise dans la civilisation».

…PUIS DE LA POST-MODERNITÉ

Certes, cette forme républicaine de l’éducation a été marquée par d’incessantes luttes sociales pour son appropriation et n’a certainement jamais été entièrement démocratique. Mais elle a néanmoins fonctionné au nom du Peuple souverain en se fondant sur le principe de raison.Or c’est cette forme qui est aujourd’hui entrée en crise. Une crise dont on ne saurait rendre compte en s’en tenant aux problématiques sociologiques qui ont longtemps prévalu dans le champ de l’éducation. Celles-ci ont eu en effet trop tendance à croire que, si les objectifs démocratiques d’accès de tous au savoir n’étaient pas entièrement satisfaits, alors le système devait être condamné dans ses finalités et ses valeurs.

Cette impasse sur une véritable étude des finalités et des valeurs de la forme républicaine a alors fini par générer une très dommageable erreur de perspective: les sociologies de la reproduction en sont venues à dénoncer la forme républicaine au nom de la démocratie.

On commence à prendre, en sociologie même, la mesure de ce fourvoiement: ces sociologies de la reproduction et ses dérivés n’ont tout simplement pas vu qu’elles fourbissaient des armes que d’autres forces, très intéressées à détruire les finalités et les valeurs de l’école républicaine, allaient bientôt utiliser10.

De là découle la nécessité de sortir des problématiques étroitement sociologiques et de reprendre l’analyse sur de nouvelles bases, en l’occurrence philosophiques.

Tout d’abord, il faut noter que cette crise résulte, sinon entièrement du moins en partie, du fait que la modernité a fini par s’attaquer à ses propres fondements – ce qui a commandé le passage à une nouvelle période que l’on pourrait qualifier de surmoderne (si l’on pense que nous vivons une prolongation inédite et « renversante» de la modernité) ou de post-moderne (si l’on pense qu’une rupture avec la modernité a eu lieu).

L’ÉCOLE DANS LA TOURMENTE

Cette mutation, que je dirais post-moderne pour simplifier, affecte profondément toutes les institutions, et particulièrement l’école. Ce qui y est mis en question, c’est la supériorité du modèle de l’école laïque et républicaine sur les autres types d’école.

Longtemps on a pu considérer que ce qui subsistait en guise d’interrogations religieuses relevait de phénomènes hors du champ de compétence de l’école laïque qui ne pouvait s’engager que sur la transmission de principes rationnels, en laissant à d’autres le soin d’ajouter à ces principes l’éventuel supplément d’âme dont ils pouvaient manquer. Ce qui déterminait un partage du travail entre l’éducation à la raison donnée par l’école républicaine et l’éducation religieuse que les communautés concernées étaient seules susceptibles d’assurer lorsqu’elles le désiraient.

La fin des grands récits Or ce qui caractérise la post-modernité, c’est, selon Lyotard, inventeur de cette notion à la fin des années 1970, la fin de grands récits11, de toutes les formes de sotériologies (visant le salut), qu’elles se présentent comme récits de rachat religieux ou d’émancipation politique, sociétale ou individuelle… Bien sûr, ce serait une double chute qu’il faudrait ici entendre.

En effet, la fin de chacun des grands récits transcendants (par exemple celui de l’Église catholique et celui de la téléologie marxiste) ne peut qu’entraîner la fin de la concurrence organisée entre les grands récits qui avait précisément permis de faire surgir la raison. Cette fin de grands récits s’explique en grande partie par ce que d’autres auteurs ont appelé la «sortie de la religion».

Je fais référence ici à un fait construit par une théorie puissante, qui n’a cessé de s’affermir au cours du xxe siècle.

J’en marque, à des fins de repérage, les deux temps principaux.

À l’origine, on trouve les travaux pionniers de Max Weber qui renvoient au constat du «désenchantement du monde [Entzauberung]», c’est-à-dire à «l’élimination (progressive) de la magie en tant que technique de salut12». À l’arrivée, on trouve les travaux de Marcel Gauchet qui établissent «l’épuisement [historique] du règne de l’invisible13 », autrement dit la sortie progressive de la religion, notamment depuis l’avènement du christianisme, qui s’est révélé, de par son dynamisme même, comme «la religion de la sortie de la religion».

Je ne développerai pas ici davantage cette thèse à laquelle je souscris. Pour l’énoncer à ma façon en des termes qui scandent clairement les grands moments de sortie de la religion depuis le début de la période moderne qui nous intéresse ici, c’est-à-dire depuis la Renaissance, je dirai que, depuis Machiavel, nous n’avons plus besoin de Dieu pour faire de la politique, c’est-à-dire pour faire fonctionner nos sociétés. Depuis Newton, nous n’avons plus besoin de postuler Dieu pour que l’univers physique tienne. Depuis Kant, nous n’avons plus besoin de poser Dieu pour disposer d’une métaphysique.Depuis Darwin, nous n’avons plus besoin de Dieu pour expliquer l’apparition de l’homme.

Depuis Freud, nous n’avons plus besoin de Dieu pour rendre compte de nos rêves et de nos passions. Depuis Nietzsche, nous n’avons plus besoin de Dieu, tout court.

Le marché, aussi puissant que Dieu En fait, il s’est agi à tous ces moments d’une sortie relative de la religion, car s’ils ont bien scandé la sortie de la religion monothéiste, ils n’ont pas évité, bien au contraire, des temps d’entrée dans les religions politiques et séculières qui s’y sont substituées. Et c’était heureux puisque, dans cette mesure, l’arène de la raison, comme lieu d’affrontement d’idéologies distinctes, pouvait être maintenue.

Or, si l’on peut effectivement affirmer que l’on sort aujourd’hui de toutes les religions

(transcendantes, politiques, séculières…), c’est surtout parce qu’il existe un autre principe qui ruine tous les autres.

Son surgissement, se produisant dans le sillage du libéralisme politique d’un John Locke, est exactement contemporain de la découverte des Lumières ayant réussi le tour de force de transfigurer les anciennes soumissions en possible autonomie de la raison. Il renvoie à la découverte, faite par l’utilitarisme en général et par Adam Smith en particulier, d’un processus qui permet de se passer de toutes les formes de la providence indexée sur le divin. Cette théorie dit que chacun doit être libre de poursuivre ses intérêts égoïstes afin que, de la sorte, l’intérêt collectif de la société soit servi ; le «miracle» se produisant grâce à la «main invisible» du marché qui, régulant tout, remplace ainsi la divine Providence dans ses oeuvres14. À cet «esprit caché» (autre métaphore à valeur religieuse d’Adam Smith), présent comme tel toujours et partout, régulant tout, transformant les vices privés en vertu publique et transfigurant la pauvreté en richesse, il serait vain et présomptueux, voire dangereux, de vouloir échapper. On voit bien le fond religieux qui inspire cette providence: s’il faut s’y accorder, c’est parce qu’elle peut conférer la richesse infinie! C’est cette idée que l’on retrouve, portée à de nouvelles conséquences, dans l’actuel dogme ultralibéral. On assiste depuis deux siècles à la montée en puissance de cette forme de providence, à la fois totalement immanente et déterminant une nouvelle transcendance, qui défait les unes après les autres les anciennes figures du divin qui s’y confrontent.

Il suffirait, en somme, pour que tout aille bien, que l’on accepte enfin de se soumettre à cette force qui, pour être incoercible, représente un degré supérieur de régulation, une forme ultime et enfin vraie de rationalité. Bref, le Marché serait puissant comme Dieu, mais il aurait l’avantage sur lui d’être vrai – ce serait même la seule réalité dans le monde de fiction et de surnature du néotène. Il faudrait donc laisser libre cours au Marché et à ses lois, étant entendu par là que sa loi principale, c’est de n’en suivre aucune, sinon celle de la maximisation des gains visés par des joueurs spontanément calculateurs et rationnels produisant, à leur insu, ou par surcroît, un accroissement général de la Richesse.

L’émergence du « réseau » Ce triomphe du marché s’est considérablement développé depuis les années 1980 (il vaut de rappeler la concomitance de l’apparition du concept de post-modernité et du développement de l’ultralibéralisme) et n’est pas sans conséquences sur l’éducation. En effet, lorsque nous étions encore dans un idéal critique, l’autonomie tant convoitée ne pouvait apparaître que comme un horizon lointain impliquant d’en passer par les nombreux après-coups des processus ascétiques et propédeutiques de formation par des maîtres enseignant cette dialectique contraignante de l’imagination transcendantale.

Dès lors que nous sommes passés sous la juridiction absolue du marché, ce n’est plus le mode ascétique et propédeutique qui prévaut, c’est la recherche du coup gagnant dans l’échange. Chaque joueur étant alors considéré comme un sujet d’emblée autonome (un acteur) cherchant une maximisation de son gain, comme s’il suivait spontanément un calcul rationnel. Le maître, en forçant à réfléchir à long terme, est ainsi apparu comme celui qui peut empêcher la réalisation immédiate du gain. Le mode ascétique et propédeutique est alors remplacé par le mode communicationnel, informationnel et connexionniste.

Ce n’est pas un hasard que le concept de réseau ait émergé à cette époque: le réseau se caractérisant par sa seule horizontalité.

Deleuze, à cette époque, a été l’un des premiers à repérer (de façon enthousiaste) le fonctionnement du réseau – pour lui le «rhizome15 ». Dans le réseau-rhizome, tout se

passe en temps réel et en positivités. Rien ne manque, il suffit seulement pour un individu normalement pourvu de machines productives et/ou désirantes d’en brancher certaines dans le réseau pour que le «miracle» se produise, c’est-à-dire que «ça marche16».

Ce qui disparaît dans le réseau-rhizome, c’est l’idée même de tiers tel qu’il fonctionnait dans les ensembles symboliques, c’est-à-dire l’un qui permettait qu’un ensemble homogène se constitue. Tout, dans le réseau, se trouve au même plan, il n’existe que des interrelations mettant en rapport des acteurs. Il n’y a plus d’extériorité, que de l’intériorité. Plus de transcendance, que de l’immanence. Le ternaire a cédé la place à la relation duelle. Plus aucun acteur n’a de comptes à rendre à un tiers, le savoir, chacun est pris dans un ensemble de relations purement duelles ouvrant vers une psychologisation générale des rapports (déjà, dans l’entreprise, on ne parle plus de conflits du travail, mais de «harcèlement»; de même que, dans la société, chacun est appelé à se penser comme une «victime» en puissance, appelée à être soutenue psychologiquement).

Le maître escamoté ? Ce changement de paradigme est porteur d’effets considérables dans tous les domaines de la société et notamment dans l’éducation. En cela notamment: celui qui est prié de sortir de la relation éducative, c’est tout simplement le maître, désormais dénoncé dans sa prétention à produire de l’après-coup chez un élève.

Désormais, les deux de la relation éducative doivent jouer à parfaite égalité. Le maître est donc sommé de rengainer «son» savoir, celui à l’aide duquel il cherchait à instituer l’enfant en élève, il est prié de «se mettre au service» de l’enfant ou de l’adolescent qui est d’emblée reconnu comme autonome.

Ce changement se marque dans la langue même, puisque l’on parlera de moins en moins de «maître» ou d’«instituteur » (celui qui institue), et de plus en plus d’«animateur», d’«accompagnateur de savoir», voire de «coach». De même, on parlera de moins en moins d’«élève» et de plus en plus d’«enfant» ou d’«adolescent». Le dénivelé entre le maître et l’élève qui, faut-il le rappeler, n’était institué que pour être appelé à disparaître, est désormais dénoncé comme relation de pouvoir insupportable entre deux égaux, c’est-à-dire entre deux égos.

Ce qui est remarquable ici, c’est que le marché a parfaitement su utiliser la «critique libertaire17» des années 60 pour parvenir à ses fins. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que ce «changement d’esprit» soit apparu en même temps et dans les mêmes termes dans l’entreprise et dans l’école18. Comme les hommes politiques dénonçant le «trop d’État» et annonçant leur sabordage, le seul maître tolérable est désormais celui qui en appelle ouvertement à sa propre disparition et à la promotion de l’animation, de l’autoformation, de l’autodidaxie, de l’enseignement à distance, du grappillage «autonome» des «informations» (sur le Net par exemple), de la «validation de l’expérience19».On ne saurait contester la valeur d’adjuvants à la formation de ces pratiques, mais on est en droit de s’interroger sur ce qui reste de l’institution éducative lorsque ces adjuvants en viennent à remplacer la formation elle-même.

Il est bien évident que cette disparition de tout tiers et cette duellisation des rapports ne vont pas sans poser de nouveaux problèmes. C’est là où, avec le recul, il conviendrait peut-être de tempérer l’optimisme de Deleuze pour le réseau-rhizome. Il se réjouissait en effet de ce que, dans le rhizome, les questions «où allez-vous? d’où partez-vous? où voulez-vous en venir?» soient devenues «inutiles». Or il semblerait bien en effet que priver l’homme des questions de l’origine, du fondement, de l’élément premier, loin d’amener un allégement ontologique, puisse porter gravement atteinte au souci très hégélien du désir d’infini en l’homme et conduire chaque individu à se confronter aux affres (qui ne vont certainement pas sans nouvelles jouissances) de l’autofondation. C’est là, sans doute,

où se repère la limite fondamentale de l’économie de marché dans sa prétention à prendre en charge la formation des sujets.

Le Marché et… la religion Mais, comme le dit l’adage aristotélicien, la nature (ici humaine) a horreur du vide. Les questions d’origine et de fins que le Marché laisse béantes sont appelées à se trouver combler par ce qui peut le mieux y satisfaire. Par des valeurs sûres, la meilleure étant encore Dieu, dans tous ses états. La remontée du religieux sous des formes apparemment traditionnelles, observée depuis vingt ans, correspond à la nécessité de contrebalancer ce vide symbolique laissé béant dans la formation des hommes. C’est déjà ce qui s’observe aux États-Unis, où les Églises les plus activistes cherchent (souvent victorieusement) à intervenir directement dans les programmes scolaires20. Cela est cohérent avec des phénomènes récents de nouvelle religiosité observés dans différents endroits du monde. Que l’on pense aux récentes lamentations de masse et au regain de ferveur provoqués par la mort du pape Jean- Paul II, ou aux manifestations enfiévrées de croyance vues dans le pays le plus puissant du monde, l’Amérique, à l’occasion de la dernière élection présidentielle; ou encore aux multiples formes du fondamentalisme et de l’intégrisme religieux (partout dans le monde, chez les musulmans, les chrétiens, les juifs, les hindous…). Le vide symbolique laissé par le Marché est appelé à se remplir avec des valeurs certifiées par la tradition – et s’il n’existe plus de communautés traditionnelles pouvant donner cette certification, on se contentera de l’apparence d’authentique, du «faux authentique» en somme, comme s’emploient à le fournir le New Age bouddhico-zen, les néoévangélismes, les intégrismes ou les fondamentalismes.

De sorte qu’il n’est pas impossible que nous allions, dans cette phase de la mondialisation, vers une formule du type «le marché + la religion» qui aurait bien sûr de grands effets sur l’éducation, puisque ce serait, après la chute de la raison critique, la nouvelle recette gagnante qu’il s’agirait de mettre en oeuvre pour former les individus.

C’est d’ailleurs cette formule qui fut dernièrement inaugurée aux États-Unis, lors de la dernière élection présidentielle.

Elle est probablement appelée à se décliner diversement dans le monde – avec des formes de droite et des formes de gauche.

VERS UNE NOUVELLE FORME D’ÉMANCIPATION ?

Si cette formule venait à triompher, il y aurait sûrement quelques soucis à se faire quant à la suite de l’aventure historique dans laquelle est lancé l’homme. Déjà au xxe siècle, l’abîme fut frôlé lorsque les religions politiques qui se sont déchaînées – notamment, le stalinisme agissant au nom du Prolétariat et le nazisme agissant au nom de la Race – ont visé à la fabrication d’un homme nouveau.Aujourd’hui, on ne sait pas encore assez que l’ultralibéralisme, agissant au nom de cette nouvelle providence, le Marché, pourrait lui aussi ne rien vouloir d’autre que la fabrication d’un nouvel homme nouveau. Ce qui implique rien de moins que de détruire méthodiquement le système d’éducation mis en place par les Lumières et d’en mettre un autre en place – ce qui me semble déjà en cours sous deux modes différents: le minage incessant de l’ancienne institution, sous des modalités que j’ai déjà mentionnées, et la mise place d’alternatives à l’éducation s’appuyant sur la vidéo, la télévision et la publicité qui ne procèdent plus, comme dans les idéologies précédentes, par de rédhibitoires programmes de rééducation et de coercition, mais se présentent sous l’air avenant d’une série d’entertainments, comme si tout cela était doux, voulu, désiré. J’ai essayé de montrer ailleurs quelle violence se cachait en fait derrière ce paravent soft, car ce sont les modalités de subjectivation et de socialisation des individus qui se trouvent profondément transformées – même (et surtout) si l’on ajoute à cela, en guise de supplément d’âme, une pincée de religion dûment relookée21.

Mais rien n’est jamais définitivement perdu. Si la période ouvre à de nouveaux dangers, elle ouvre aussi à un espoir, peut-être mince mais raisonnable, que certains sauront à coup sûr saisir. On pourrait imaginer que soit mise à profit ce qu’en termes nietzschéens on appellerait la chute des idoles – certes, cette dernière est davantage provoquée par la déterritorialisation opérée par la marchandise que par un programme d’émancipation cohérent, mais l’opportunité existe néanmoins. Ce serait l’occasion de chercher une nouvelle forme de souveraineté à la mesure de ce monde globalisé.

Une souveraineté fondée sur des valeurs communes et sur un véritable programme d’autonomie – à noter que «valeurs communes » et «autonomie» ne sont nullement des termes incompatibles, puisque, dans autonomie, il y a le nomos, la loi, qu’il s’agirait d’intégrer sous des modalités nouvelles.

Je ne parle pas ici de la caricature d’autonomie proclamée par l’ultralibéralisme qui démantèle aujourd’hui toutes les institutions, dont l’école, et qui ne vise qu’à laisser chacun isolé face à la marchandise, en proie à de nouveaux symptômes22. Je parle d’un véritable projet d’autonomie tel qu’il est porté depuis les origines par la philosophie. Certes, il s’agit là d’un programme extraordinairement exigeant, puisque sa visée est d’essayer enfin de penser par soi-même, mais il reste à espérer que nous saurons saisir cette ténue mais formidable chance historique..

DANY-ROBERT DUFOUR est professeur en sciences de l’éducation à l’université de Paris VIII (équipe Paidéia) et directeur de programme au Collège international de philosophie.

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Notes :

1 Louis Bolk,Das Problem der Menschwerdung [1926], «La genèse de l’homme», in Arguments, 1960, trad. J.-C. Keppy (avec une présentation de Louis Bolk par Georges Lapassade); et «Le problème de la genèse humaine»,Revue française de psychanalyse, mars-avril 1961, trad. nouvelle de F. Gantheret et G. Lapassade.

2 Stephen Jay Gould, Darwin et les grandes énigmes de la vie, Paris, Pygmalion, 1979; et Le Pouce du Panda, Paris, Grasset, 1982.

D.-R. Dufour, On achève bien les hommes, Paris, Denoël, 2005.

4 Cf. R. Bastide, Religions africaines du Brésil, Paris, PUF, 1960.

5 Il faut évoquer ici les travaux de Claude Lefort, qui portent à la fois sur ce qui particularise les sociétés et sur ce qui permet la transformation d’une signification sociale en une autre. Cf. C. Lefort, Les Formes de l’histoire, essai d’anthropologie politique, Paris, Gallimard, 1978.

6 Sur ces effets de rémanence d’une époque à l’autre, voir par exemple l’excellent Raison et Éducation de B. Jolibert, Paris, Klicksieck, 1987.

7 Sur ce point, voir les leçons sur Kant de Deleuze dans Critique et Clinique, Paris, Minuit, 1993 (et ma critique dans L’Art de réduire les têtes, Paris, Denoël, 2003, p. 60).

8 Cf. Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique [1784], « Huitième proposition ».

9 KANT, Critique de la Raison pure, Paris, PUF, 1965, trad. Tremesaygues et Pacaud, p. 308.

10 Sur l’intégration des schémas hyper-critiques des années 60 dans de nouvelles logiques d’asservissement, voir l’ouvrage de Luc Boltanski et Ève Chiapello, Le Nouvel Esprit du capitalisme, Paris, Gallimard, 1999.

11 J.-F. Lyotard, La Condition post-moderne, Paris, Minuit, 1979.

12 Max Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme [1905], Paris, Plon, 1964, p. 134.

13 Marcel Gauchet, Le Désenchantement du monde, Paris, Gallimard, 1985, p. II.

14 « [L’individu] ne pense qu’à se donner personnellement une plus grande sûreté; et en dirigeant cette industrie de manière que son produit ait le plus de valeur possible, il ne pense qu’à son propre gain; en cela, comme dans beaucoup d’autres cas, il est conduit par une main invisible à remplir une fin qui n’entre nullement dans ses intentions; et ce n’est pas toujours ce qu’il y a de plus mal pour la société, que cette fin n’entre pour rien dans ses intentions.

Tout en ne cherchant que son intérêt personnel, il travaille souvent d’une manière bien plus efficace pour l’intérêt de la société que s’il avait réellement pour but d’y travailler » (souligné par nous), in Adam Smith,Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations (1776), IV, 2.

15 «Un rhizome ne commence et n’aboutit pas, il est toujours au milieu, entre les choses, inter-être […]. Le rhizome est alliance, uniquement alliance.» On trouvera un véritable traité du «rhizome» dans Deleuze et Guattari,Mille Plateaux.

Capitalisme et schizophrénie, «Introduction: rhizome», Paris, Minuit, 1980, p. 9-37.

16 Les principes du réseau sont fort simples, mais profondément subversifs dans leur utilitarisme et leur immanentisme mêmes. Je les présente dans mon livre L’Art de réduire les têtes, op. cit.,p. 100 et sq.

17 Je reprends le mot utilisé par Boltanski et Chiapello dans Le Nouvel Esprit du capitalisme, op. cit.

18 Cf. l’excellente analyse de Jean-Pierre Le Goff dans La Barbarie douce. La modernisation aveugle des entreprises et de l’école, Paris, La Découverte, 1999.

19 Je fais allusion à la mise en place dans les universités de la «VAE» (validation des acquis de l’expérience) qui, moyennant un service payant, permet de valider sous conditions une expérience en évitant ainsi le passage par les filières universitaires en vue d’obtenir un diplôme, ce qui laisse supposer qu’une expérience (si riche soit-elle) peut valoir une formation.

Et vice-versa : qu’une formation peut valoir une expérience.

20 Par exemple au Kansas, dans cet État de l’Amérique profonde, les dix membres du Kansas State Board of Education ont décidé le mercredi 11 août 1999, par six voix contre quatre, de supprimer toute référence à la théorie darwinienne de l’évolution des espèces dans les programmes des examens scolaires des écoles publiques à la suite de la victoire des églises conservatrices, puissantes et organisées dans la région, défendant la thèse du créationnisme contre celle de l’évolutionnisme. À noter que, depuis 1999, de nombreux autres États ont suivi le Kansas.

21 D.-R. DUFOUR, « Le rôle de la télévision dans les nouvelles formes de socialisation et de subjectivation », numéro spécial du Débat consacré à «L’enfant problème», Paris, Gallimard, 2004.

22 Je me permets de renvoyer sur ce point à l’un de mes livres récents (Dany-Robert Dufour, L’Art de réduire les têtes, op. cit., p. 107 et sq).