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On achève bien les hommes : de quelques conséquences actuelles et futures de la mort de Dieu
Dany-Robert Dufour
Présentation et note de lecture

Origine :http://www.mollat.fr/front/process/model_interieur.asp?body=search/detailbook.asp&ean=9782207256619&origine=nonsearch

«D'où vient cet extraordinaire besoin de croyance qu'on retrouve toujours et partout chez les hommes ?
L'auteur s'interroge en examinant ces figures historiques du divin qui vont du Totem au Peuple et au Prolétariat en passant par la Physis des Grecs et bien sûr, le Dieu des monothéismes. Il trouve une raison dans le « réel » à cette propension irrésistible à s'aliéner à l'Autre.

L'homme, en effet, est un être inachevé. De ce manque dans sa nature, évoqué par tant de penseurs de Platon à Lacan, la science apporte aujourd'hui la confirmation avec la théorie de la néoténie, qui montre que l'homme, à la naissance, est un prématuré. Voilà pourquoi, pour opérer sa subjectivation, il a besoin d'inventer des êtres surnaturels auxquels il veut croire comme s'ils existaient vraiment. Mais que se passe-t-il quand, comme aujourd'hui, on assiste à la « mort de Dieu », annoncée par Nietzsche il y a un siècle. L'être humain, s'il n'est plus aliéné à un Autre, est-il désormais condamné à la surenchère désespérée et désespérante des fondamentalismes, à la dépression face à un monde désymbolisé ou encore à la tentation de se recréer, mieux achevé, avec l'appui des technosciences ?

Sommes-nous ainsi en marche, au milieu du chaos religieux et de la déprime galopante, vers une post-humanité ? L'espèce humaine est-elle même radicalement menacée ? Des questions cruciales qu'on ne saurait examiner sans parcourir des champs de connaissance très divers : l'anthropologie, l'histoire, la philosophie politique, mais aussi l'esthétique et la psychanalyse.»


origine : http://www.ombres-blanches.fr/pub/rdv/detail.php?id_message=308

On achève bien les hommes

Rencontre avec Dany-Robert Dufour autour de son livre On achève bien les hommes (Denoel). Présentée et animée par Jean-Antoine Loiseau.

Dany-Robert Dufour, philosophe, professeur en sciences de l’éducation à l’université Paris-VIII, directeur de programme au Collège international de philosophie, enseigne régulièrement à l’étranger, en particulier au Brésil et au Mexique. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Les Mystères de la trinité (Gallimard, 1990), Folie et démocratie (Gallimard, 1996), Lettres sur la nature humaine (Calmann-Lévy, 1999). Et, en 2003 chez Denoël, de L’Art de réduire les têtes.

D’où vient cet extraordinaire besoin de croyance qu’on retrouve toujours et partout chez les hommes ? L’auteur s’interroge en examinant ces figures historiques du divin qui vont du Totem au Peuple et au Prolétariat en passant par la Physis des Grecs et bien sûr, le Dieu des monothéismes. Il trouve une raison dans le « réel » à cette propension irrésistible à s’aliéner à l’Autre. L’homme, en effet, est un être inachevé. De ce manque dans sa nature, évoqué par tant de penseurs de Platon à Lacan, la science apporte aujourd’hui la confirmation avec la théorie de la néoténie, qui montre que l’homme, à la naissance, est un prématuré. Voilà pourquoi, pour opérer sa subjectivation, il a besoin d’inventer des êtres surnaturels auxquels il veut croire comme s’ils existaient vraiment.

Mais que se passe-t-il quand, comme aujourd’hui, on assiste à la « mort de Dieu », annoncée par Nietzsche il y a un siècle. L’être humain, s’il n’est plus aliéné à un Autre, est-il désormais condamné à la surenchère désespérée et désespérante des fondamentalismes, à la dépression face à un monde désymbolisé ou encore à la tentation de se recréer, mieux achevé, avec l’appui des technosciences ? Sommes-nous ainsi en marche, au milieu du chaos religieux et de la déprime galopante, vers une post-humanité ? L’espèce humaine est-elle même radicalement menacée ? Des questions cruciales qu’on ne saurait examiner sans parcourir des champs de connaissance très divers : l’anthropologie, l’histoire, la philosophie politique, mais aussi l’esthétique et la psychanalyse.

15 avril 2005


origine : http://mælko.typepad.com/cad/2005/03/la_mort_de_dieu.html

La mort de Dieu

Le Temps, 26 mars 2005

La permanence du sentiment religieux chez l'homme à travers les siècles est une donnée que le philosophe ne peut ignorer. Il s'agit d'une vérité anthropologique.

L'homme est un «néotène». Cette donnée anthropologique, introduite il y a environ un siècle, exprime le fait que l'homme, contrairement aux animaux, naît prématuré et inachevé dans la nature: cloisons cardiaques non fermées à la naissance, immaturité postnatale du système nerveux pyramidal, insuffisance des alvéoles pulmonaires, boîte crânienne non fermée, absence de système pileux et de dentition de lait, etc. Cette prématuration implique notamment un allongement considérable de la période de maternage. Dès la naissance, l'homme se trouve donc dans un état de non-finition. De plus, il n'occupe pas de place particulière dans la hiérarchie des espèces. L'homme n'est pas fait pour vivre en plaine plutôt qu'en montagne, il n'est pas spécialement adapté à la course ou à l'escalade des arbres, il n'est pas finalisé pour manger du poisson plutôt que de la viande, il est inadapté à tout milieu et à tout environnement. Il éprouve donc le besoin de s'achever ailleurs, dans la culture. Pour survivre et se rendre le monde habitable, il a recours à des prothèses, comme la technique ou la fiction. Son besoin de croyances tient à cette nécessité d'un achèvement dans la culture.

L'homme est un animal politique et il a besoin de construire une figure centrale pour organiser et assumer sa grégarité. En clair: à l'instar des animaux, il a besoin d'un mâle dominant. Cependant, il ne peut trouver cette figure dominante parmi ses semblables. Il va donc l'inventer, par la parole et l'imaginaire. Cette figure, le Grand Sujet, a pris différentes formes au cours de l'histoire: le Totem, la Physis des Grecs, le Dieu des monothéismes, le Prolétariat, etc. L'homme est un être profondément religieux parce qu'il a besoin de ce détour symbolique pour se construire. Son manque au niveau de la nature l'oblige à créer une surnature, et à croire à cette chimère.

Les systèmes politiques que les hommes se sont donnés au cours des âges ne peuvent pas jouer la figure du mâle dominant. Il y a bien sûr des mâles dominants parmi les hommes, mais eux-mêmes ont besoin d'un Grand Sujet, et donc du religieux, pour fonder leur légitimité. C'est la raison pour laquelle la monarchie s'est inscrite dans le droit divin. Observez les démocraties: depuis la fin de la guerre 39-45, elles sont marquées par l'absence de transcendance et de Grand Sujet. Ce déficit engendre le délitement des cadres symboliques et une crise de la légitimité politique. Il a aussi des conséquences sur l'individu. Du moment que l'homme n'est plus le sujet d'un Grand Sujet, il doit se construire tout seul. Mais comment y parvenir sans passer par la figure d'un Autre symbolique? Enfin, ce déficit est aussi à l'origine des fondamentalismes religieux. Toutes les figures du Grand Sujet s'étant effondrées, il faut les reconstruire, plus grandes et plus omnipotentes.

Une fête comme Pâques est indispensable au néotène pour affirmer l'existence du Grand Sujet. Le cadre éclaté de nos démocraties et la disparition des fêtes religieuses impliquent une perte des repères. Par exemple, le fait que l'on cache la mort dans les sociétés d'aujourd'hui induit des bouleversements dans la maturité des individus.

La mort de Dieu a libéré l'homme de toutes ses inhibitions. La sortie de la religion a été trop rapide, et les individus se retrouvent sans cadre symbolique. Ce qui fait craindre des retours de sauvagerie. Le climat actuel de levée des interdits et d'accroissement de la tolérance révèle que perdure un véritable projet post-nazi de sacrification de l'humain. L'endommagement du cadre symbolique laisse craindre que plus rien ne pourra s'opposer aux manipulations visant à transformer l'humain, et que le champ sera libre pour les apprentis sorciers. L'achèvement de l'homme ne sera plus pris en charge par des procédés symboliques, mais par des moyens réels.

L'homme n'a pas les moyens de vivre sans une forme de transcendance. Nous sommes sortis des cadres monothéistes, et nous avons besoin d'une nouvelle souveraineté qui serait faite d'un certain nombre de lois. Une transcendance laïque, en somme, qui serait compatible avec l'athéisme et la croyance. Il y a une autonomie possible pour l'homme mais c'est un processus extrêmement long et difficile, qui demande toute une vie. L'accès à une nouvelle condition subjective enfin libérée des idoles est loin de se présenter automatiquement avec la chute des Grands Sujets. ¦ D'après les propos de Dany-Robert Dufour, philosophe, recueillis par Patricia Briel, à l'occasion de la publication de son livre On achève bien les hommes. De quelques conséquences actuelles et futures de la mort de Dieu, Denoël

samedi, 26 mars 2005

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