Origine : http://www.chass.utoronto.ca/french/as-sa/ASSA-No2/JF3.html
Fisette, Jean : « Pour une pragmatique du signe linguistique
»
Bref, c'est le troisième, l'absent qui confère une
existence symbolique à leur relation. En dehors de la présence
symbolique de ce « Il » troisième, « Je
» et « Tu » seraient condamnés à
se redonner à l'infini un même tour de parole, à
répéter les mêmes phrases sans aucun gain, aucune
croissance. Comme dans une mauvaise pièce de théâtre
où rien d'autre ne se passe que du bavardage, où absolument
rien d'autre ne survient que la présence de deux figures.
La télévision nous en donne trop fréquemment
l'exemple.
Il n'y a aucune raison d'imaginer que la situation ne pourrait
pas être la même en ce qui concerne le signe linguistique.
D'autant plus que la triade des pronoms « Je - Tu - Il »
représente certainement un fondement du langage tout aussi
essentiel que le signe que construit la théorie.
Le « troisième » comme fondement du
symbolique
Danny-Robert Dufour (1990 : 59), à qui
j'emprunte cette problématique des pronoms le formule de
façon on ne peut plus claire : « [...] pour être
un, il faut être deux, mais quand on est deux, on est tout
de suite trois [...] ». Le troisième, c'est le «
Il » c'est le présent - absent, c'est l'étrangeté,
l'altérité ; puis c'est aussi le fondement du symbolique.
Le symbolique repose sur l'ambiguïté de la présence
- absence.
Je crois que ce dont il est question ici, c'est de la concurrence
entre des modèles de formalisation logique ; je pourrais
formuler ceci par une question : un modèle binaire (comme
SA - SÉ ou « Je - Tu ») est-il suffisant pour
rendre compte de la formation du symbolique ? Je crois que de la
même façon que le couple « Je - Tu » ne
peut accéder à une existence symbolique qu'en se situant
par rapport au « Il », le présent - absent, le
signe ne peut lui aussi accéder au symbolique qu'en regard
d'un troisième terme qui porte cette même ambiguïté
de la présence - absence.
Dany-Robert Dufour donne cet exemple de la relation amoureuse
qui resterait non représentable en dehors du fameux triangle
amoureux. Plus précisément, le triangle amoureux permet
de jouer des relations entre paires. C'est d'ailleurs là
une situation que l'on rencontre régulièrement dans
la vie courante où des relations entre paires (binaires)
viennent se substituer à des relations multilatérales...
C'est-à-dire qu'il y a toujours une troisième personne
qui risque d'être l'objet d'une exclusion. Une expression
populaire saisit cette situation d'une façon à la
fois juste et colorée : « jouer à la chaise
musicale ! ». Ce glissement constant entre des relations binaire
et ternaire est purement et simplement logique avant d'être
psychologique. C'est que le ternaire contient toujours une certaine
part d'incertitude alors qu'à l'inverse, la formalisation
binaire présente toujours une certitude quelque peu factice.
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