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Date: Tue, 28 Jan 2003
To: <multitudes-infos@samizdat.net>
Subject: [multitudes-infos] Un aperçu du site des Pénélopes/un
texte interessant:Lesbiennes féministes : des propositions
politiques
Ce mail a surtout pour but de rappeller l'existence et l'intérêt
du site féministe des Penelopes, remanié complètement
il y a plusieurs mois et qui est d'une trés grande richesse.
Je n'avais pas encore eu le temps de le signaler
http://www.penelopes.org
J'en ai extrait un article du dossier du mois. Il n'y a aucune intention
de lancer une controverse.
G.D.
Lesbiennes féministes : des propositions politiques
Si les luttes féministes ont aidé les lesbiennes à
sortir de l'invisibilité, les analyses des lesbiennes ont considérablement
enrichi celles des féministes. Comme toutes les femmes, elles
subissent la domination masculine dans la sphère publique. Et
dans la sphère privée ? Le système patriarcal
est si fortement construit, qu'il s'infiltre au c¦ur de toutes
les relations humaines les violences domestiques dans les couples
lesbiens en témoignent. Il n'est plus de saison de renvoyer dos
à dos deux sexes « naturellement » opposés,
mais de dénoncer ce système lui-même, non plus dans
les cercles réduits des mouvements lesbiens et/ou féministes,
mais aussi au sein des mouvements sociaux mixtes.
Les féministes l'ont toujours affirmé et l'affirment
encore : le privé est politique. Les choix sexuels aussi,
donc. Etape n° 1 : obtenir la reconnaissance du droit
absolu pour chaque individu-e, quel que soit son propre sexe, d'aimer
les hommes, les femmes ou les deux. Le libre choix de son orientation
sexuelle (dans les limites du consentement mutuel entre adultes) n'est
pas un droit universellement reconnu. Les homosexuel-les doivent encore,
dans de nombreux pays, s'imposer la clandestinité pour préserver
leur liberté, voire leur vie (Dossier Migrantes, nos concitoyennes
du monde). En France, selon la loi, cette étape a été
franchie.
L'homophobie, toutefois, subsiste. Pour se déclarer homosexuel-le,
dans sa famille, dans son travail, parfois même dans son cercle
amical, il faut encore une bonne dose de courage. On reste « différent-e »,
pas conforme, un peu suspect-e, objet de curiosité si ce n'est
plus de désapprobation ou de répulsion.
Gays, lesbiennes, même combat ?
Les discriminations homophobes valent pour les gays comme pour les lesbiennes.Cela
signifie t'il que les uns et les autres ont ce même et unique
fléau à combattre, l'homophobie ? Pas si simple.
Car il reste une différence de taille : les gays sont des
hommes, et les lesbiennes des femmes. Les premiers appartiennent au
groupe dominant, les secondes au groupe dominé. Le fait d'appartenir
à un groupe discriminé n'empêche pas forcément
les gays d'être sexistes. Ils n'identifient pas tous l'homophobie
comme un avatar de la tyrannie patriarcale, qui n'admet pas la moindre
fausse note dans l'ordonnance des rapports sociaux de sexe (Pourquoi
les gays ne peuvent-ils être les alliés objectifs des lesbiennes ?,
Michèle Causse).
La sororité/fraternité entre lesbiennes et gays, espoir
et pratique des années 1970, a récemment montré
ses limites, avec « l'affaire » du Centre d'Archives
et de Documentation Homosexuel de Paris (CADHP). Aux lesbiennes qui
protestaient contre leur très faible représentation dans
le projet, on opposa d'obscures « raisons historiques »
(Quelques-uns des faits qui ont mené à la discrimination
officielle des lesbiennes du CADHP, Marie-Jo Bonnet). Là est
bien le problème : l'Histoire, en général,
« oublie » les femmes, parce qu'elle est écrite
par les hommes. De quelles femmes trouve-t-on mention dans les livres
d'Histoire ? De celles, peu nombreuses, qui se sont distinguées
dans un domaine réservé aux hommes, des guerrières
essentiellement. Et surtout, des muses, des courtisanes, des conseillères
de l'ombre, de celles qui ont soutenu un compagnon illustre. Seule,
une femme n'a pas vraiment d'existence ; une femme remarquable
n'est pas une « vraie » femme. Là où
il n'y a pas d'homme, ne se joue rien d'important.
La plus grande tolérance envers les couples de femmes ne peut
être considérée comme bienveillante : le macho
homophobe se rassure en se persuadant qu'en l'absence de pénis,
deux femmes ne font pas « vraiment » l'amour ensemble.
Sauf à servir d'accessoire aux fantasmes masculins, le couple
lesbien est purement et simplement nié. Marie-Jo Bonnet l'exprime
dans La relation entre femmes, un lien impensable : « Nous
avons donc hérité d'un ordre symbolique qui a totalement
exclu le sacré de la relation femme/femme en la maintenant au
niveau pré-symbolique et hors du divin. On le sait, c'est la
relation Père/Fils qui est au c¦ur du divin dans la religion
chrétienne. La République s'est coulée dans le
moule religieux, ce qui explique probablement pourquoi les femmes ont
tant de mal à s'intégrer dans le système des représentations
politiques en dépit d'une législation égalitaire
censée leur donner un poids équivalent à celui
des hommes.
Aujourd'hui, la mixité se définit par deux aspects :
la relation homme/homme (les institutions masculines d'autrefois n'ont
jamais été dénoncées comme non-mixtes),
et la relation homme/femme. La relation femme/femme reste, quant à
elle, un fait isolé, clandestin, et ne dépassant pas le
cadre de l'expérience intersubjective. On continue aujourd'hui
à dévaloriser le mouvement associatif féministe
et lesbien quand il agit dans des structures non mixtes, sans se rendre
compte qu'on délégitime ainsi la relation femme/femme
comme vecteur de socialisation des femmes. »
L'angélisme féminin mis à mal
Conséquence logique : à partir du moment où
elles se politisent, les lesbiennes remettent plus radicalement en cause
l'ordre établi. S'intégrer, peut-être, mais pas
dans n'importe quelle société. La revendication d'un mariage
homosexuel est davantage portée par des hommes car pour les femmes,
le mariage est associé à l'interdépendance ;
il est le « garde-fou » qui retient la réalisation
de chacun-e dans les limites de ce que la société tolère,
un carcan, un symbole d'oppression(Contre le mariage gay ou le recyclage
des vieilles institutions, Séverine Dusollier).
Gays et lesbiennes se retrouvent en revanche dans la revendication de
pouvoir élever des enfants s'ils le désirent. Après
des décennies d'autorité paternelle sans limites ni partage
(encore en vigueur dans de nombreuses régions du monde), les
diktats de la psychanalyse freudienne ont pris la relève pour
imposer un modèle de famille hors lequel l'enfant ne connaîtrait
point de salut. Culpabilisés, tous les « hors-normes » !
L'inceste n'est toujours pas inscrit comme un délit, mais grandir
avec un couple du même sexe, aussi aimant soit-il, reste considéré
comme un facteur de grave déséquilibre. Dans cette lutte-là,
familles monoparentales et homosexuel-les sont véritablement
des alliés objectifs : il serait bon de s'en souvenir (Pour
la reconnaissance légale de l'homo-lesboparentalité, Coordination
lesbienne en France).
Les discriminations dont il est l'objet donnent t'elles au couple lesbien
une solidarité sans failles ? Non. Les violences entre lesbiennes
existent, mal connues et donc mal prises en compte et en charge (Violences
in lesbian relationships, Constance Ohms). Les femmes, disent les machos
des deux sexes, sont volontiers « perfides » entre
elles. Qu'elles puissent se montrer violentes n'est jamais évoqué,
car ce serait réfuter la légendaire douceur féminine,
le fondement de cette non moins légendaire force secrète,
qui leur permet d'affronter toutes les difficultés. « Si
la violence domestique masculine est d'ordinaire le fait des hommes,
c'est avant tout parce qu'il y a une quasi-parfaite adéquation
entre sexe et genre, mais avant d'être le fait d'hommes, la violence
domestique est masculine, écrit Vanessa Watremez dans Elargissement
du cadre d'analyse féministe de la
violence domestique masculine. Ainsi, bien loin de mettre en question
la violence masculine domestique, la mise en évidence de la violence
dans les relations lesbiennes met en lumière la logique même
du système : la violence est masculine, quel que soit le
sexe biologique de la personne ; et les rapports sociaux de sexe
ne sont pas des rapports figés et immuables mais des rapports
construits. Cette perspective permet de déconstruire la naturalité
des sexes. Ne pas rendre compte de la violence dans les relations lesbiennes,
c'est soutenir la naturalité de la violence des hommes. C'est
occulter le système qui la construit et la soutient. »
Une radicalisé assumée
Dans les joyeuses années 1970, la non-mixité était
revendiquée comme absolument indispensable à l'éclosion
d'une parole libératrice et instrument de libération.
Les lesbiennes,pour lesquelles la non-mixité faisaient partie
du quotidien, ont aidé les autres femmes à imposer cette
revendication sans se laisser intimider par les tentatives de culpabilisation.
Mais les premières avancées réalisées, la
non-mixité devint synonyme de sectarisme. Les groupes lesbiens,
forcément non-mixtes, s'en trouvèrent marginalisés.
Il serait urgent de resserrer le lien féministes/lesbiennes,
de mettre en pratique cette solidarité qui a présidé
aux brillants débuts du mouvement des femmes (Eros et politique,
Marie-Jo Bonnet). Avant de porter ensemble analyses, propositions, alternatives
au système patriarcal au sein des mouvements sociaux en en lutte
contre la mondialisation néo-libérale Appel à la
création d'un réseau international LGBT anti-globalisation.
Dominique Foufelle - décembre 2002
Teste diffusé sur la liste M u l t i t u d e s - i n f o s
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Liste transnationale de la revue "Multitudes"
Site Web de la revue multitudes : http://www.samizdat.net/multitudes