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Origine : http://www.contretemps.eu/sites/default/files/Contretemps07.pdf
Comme son nom l’indique et comme le bon sens l’affirme
spontanément, l’anarchisme n’est pas une idéologie
unifiée. Au contraire d’autres grands ou petits mouvements
politiques ou religieux, il ne dispose pas d’instances centralisées
ou faisant autorité, capables de définir et d’imposer
une unité idéologique. Tout ça pour souligner
que je ne suis délégué par personne et que
ce que je vais dire maintenant ne prétend en rien représenter
l’anarchisme en tant que mouvement collectif, ni les anarchistes
en tant qu’individus, même si j’espère
bien que beaucoup d’entre eux ont des conceptions libertaires
proches des miennes. Les considérations que je vais développer
sont donc des considérations strictement personnelles. Mais
comme on peut facilement s’en douter, ça n’a
évidemment rien de particulier, et n’importe quel autre
anarchiste parlant à ma place aurait été (si
on peut dire) dans la même situation.
Cette brève présentation des rapports entre l’anarchisme
et Deleuze prendra essentiellement un aspect historique, sans trop
rentrer dans les détails, en espérant que la plupart
d’entre vous connaissent l’essentiel de cette histoire.
Historiquement, on peut dire que l’anarchisme a connu trois
grandes périodes de développement ou d’épanouissement.
Ce découpage en trois périodes est en partie rétrospectif.
Il dépend plus particulièrement de la troisième,
la plus récente donc, celle à laquelle la pensée
de Deleuze participe, que je traiterai en dernier, mais qui paradoxalement
est en grande partie à l’origine de tout ce que je
vais vous dire.
La naissance de l’anarchisme
La première période de l’anarchisme est évidemment
celle de son apparition comme courant de philosophie politique.
Elle est liée à la situation explosive de l’Europe
au milieu du XIXe siècle et plus particulièrement
aux événements et aux mouvements révolutionnaires
de 1848. Au cours de cette période, en gros du début
des années 1840 à la création de la Première
Internationale, l’anarchisme n’existe pas comme mouvement
politique effectif, identifiable dans des organisations ou des groupes
se réclamant de lui. Sa forme est principalement philosophique
et journalistique, mais une philosophie et un journalisme qui sont
intimement mêlés à l’ébullition
théorique et politique d’alors, et qui expriment les
nombreux mouvements et les aspirations à une transformation
radicale de ce qui est, de la plupart des pays européens.
La théorie anarchiste se cristallise ou prend forme en quelques
années, de la brochure de Proudhon, Qu’est-ce que la
propriété ? publiée en 1840, à son livre
posthume De la Capacité politique des classes ouvrières,
publié en 1865, au moment même où se constitue
la Première Internationale, en passant par L’Unique
et sa Propriété de Stirner, en 1845, les premiers
textes de Bakounine, ceux de Joseph Déjacques, d’Ernest
Coeuderoy, mais aussi l’oeuvre et les conceptions artistiques
de Gustave Courbet par exemple.
Tous ces personnages ont pu se lire et se sont lus, se sont rencontrés
parfois, c’est le cas de Proudhon et de Bakounine au cours
des années 1840, mais ils ne se sont jamais concertés.
Ils n’ont jamais essayé de constituer un groupe politique
ou de pensée. Ils ont pu s’influencer les uns les autres,
et Proudhon, par le nombre de ses livres, et surtout la force de
sa pensée, occupe sans aucun doute une place prééminente
dans l’apparition de la philosophie politique anarchiste.
Mais, – et on n’en attendait pas moins d’eux –,
aucun de ces auteurs n’est le maître ou le théoricien
des autres. Chacun élabore l’essentiel de sa pensée
à partir de lui-même, sans d’abord se préoccuper
des autres, à partir de ce qu’il vit et du monde où
il vit, dans une étrange unité, où c’est
toute une dimension de l’époque et de ses possibles
qui s’exprime spontanément dans leurs écrits.
Ce qu’a montré le renouveau de la pensée libertaire
de ces trente dernières années, sur lequel je vais
revenir, c’est la grande richesse de cette philosophie anarchiste
apparue au milieu du XIXe siècle, une richesse et une originalité,
longtemps masquées par la victoire ultérieure du marxisme
et, surtout, le mépris de classe que Marx témoigna
vis-à-vis de cette pensée aux antipodes d’une
grande partie de ses propres conceptions, et qui menaçait
directement ses ambitions hégémoniques 1.
Je ne peux évidemment pas vous résumer en quelques
phrases cette philosophie politique qui naît au milieu du
XI Xe siècle et que Deleuze permet de comprendre. Je ne dirai
qu’une seule chose, son originalité et sa richesse
peuvent être immédiatement saisies dans l’étrange
référence qu’elle se donne: l’anarchie.
Comme aujourd’hui (moins j’espère), l’anarchie
a toujours été une notion négative, synonyme
de chaos et de pagaille. Avec Proudhon, Déjacques, Coeuderoy,
Courbet, Bakounine et beaucoup d’autres, la notion d’anarchie
acquiert une signification positive. Contrairement à ce que
l’on croit souvent, la référence positive de
ces auteurs à l’idée d’anarchie, n’est
pas d’abord une provocation.
Mais il est également une autre erreur que l’on commet
souvent et qui, d’une autre façon, cherche à
désamorcer la bombe théorique et pratique que constitue
le concept d’anarchie. En acceptant du bout des lèvres
de sortir la notion d’anarchie du mépris réprobateur
qui l’entoure, les sciences politiques veulent bien accepter
d’en faire une sorte de notion constitutionnelle utopique,
à côté de beaucoup d’autres beaucoup plus
réalistes, la monarchie, l’oligarchie, la dictature,
la démocratie par exemple. L’anarchie, ce serait un
système politique utopique qui se caractériserait
par l’absence de gouvernement, un système politique
qui (pourquoi pas, si des gens veulent y croire et tenter d’en
convaincre les autres?), pourrait arriver un jour, peut-être,
dans un avenir aussi lointain que le jugement dernier. Ce qu’il
faut bien voir, et ce que le renouveau libertaire de ces trente
dernières années permet de constater, c’est
que dans la philosophie politique qui naît sous ce nom au
milieu du XI Xe siècle, l’anarchie n’est ni une
provocation, ni une vague et utopique notion de sciences politiques.
L’anarchie n’est pas non plus un idéal, une
société parfaite que les rêveurs a u raient
dans la tête, au temps où l’on rêve (quand
on est jeune donc) une belle idée, irréalisable bien
sûr, comme toutes les idées parfaites. Une idée
vers laquelle on se contenterait de tendre, et dont la réalisation
s’éloignerait (de nos croyances) au fur et à
mesure que l’on devient vieux, comme deux droites parallèles
certes appelées à se rejoindre, mais à l’infini,
sur une ligne d’horizon qui, comme toutes les lignes d’horizon,
recule sans cesse.
C’est pourquoi, et pour éviter tout malentendu et
toute discussion oiseuse, il faut bien voir qu’à la
lumière des analyses de Deleuze, l’anarchie n’est
pas un idéal lointain, mais une réalité présente
dès maintenant parmi nous. Cette réalité, cette
anarchie présente dont se réclame l’anarchisme,
a deux visages ou deux significations.
La notion d’anarchie renvoie tout d’abord à
son sens à la fois le plus ordinaire, celui de pagaille et
de chaos, mais aussi le plus savant, celui d’absence de principe
premier (an-arkhé). L’anarchie c’est le multiple,
la multiplicité infinie et la transformation incessante des
êtres, le fait que le monde porte une multitude infinie de
points de vue en perpétuel changement, de modes d’être
et de possibles qui s’entrechoquent et se détruisent
en aveugles, dans le bruit et la fureur des interactions des choses
et de la vie, qui exigent des mises en ordre oppressives et coercitives
où certains dévorent, exploitent et asservissent les
autres, se dressent au-dessus des autres, à la manière
du Capital, de l’État et de la Religion, en provoquant
de nouvelles révoltes et de nouveaux combats, le plus souvent
tout aussi aveugles et désespérés. Bref, l’anarchie
dans sa première dimension, c’est cette histoire pleine
de bruits et de fureurs, racontée par des fous à des
idiots (ou l’inverse) dont parle Shakespeare, l’histoire
que chacun vit tous les jours, qu’il constate sans cesse autour
de lui et que la mise en ordre de la science, des livres d’histoire,
des cartes d’identité ou des consolations religieuses,
malgré leurs mensonges et leurs simplifications, ne parvient
jamais à masquer complètement.
Mais la notion d’anarchie, si réaliste dans le pessimisme
de ce qu’elle dit, possède également une seconde
signification intimement liée à la première,
que l’on ne peut pas séparer d’elle. Et c’est
là que résident l’originalité et le coup
de génie des premiers théoriciens de l’anarchisme.
Que disent-ils ? Ils disent que cette anarchie première et
réaliste de ce qui est, des choses et des êtres, cette
affirmation première du multiple aux dépens de l’un,
de la transformation incessante aux dépens de l’identique,
du désordre aux dépens de l’ordre, est justement
la condition et la chance non seulement d’une émancipation
des êtres humains, mais de l’affirmation d’un
monde libéré des mutilations et des pertes de possibles
qu’entraîne le hasard des heurts et des associations
destructives ou oppressives. Comme Spinoza avait déjà
pu l’affirmer et le pressentir, l’anarchie du réel
offre la possibilité de construire, de façon volontaire,
un monde pluraliste où les êtres, en s’associant
sans jamais renoncer à leur autonomie première, auraient
la possibilité de se libérer de l’exploitation
et de la servitude, de libérer et d’exprimer le maximum
de la puissance et des possibles que eux, les autres et le monde
portent en eux-mêmes. C’est ça l’anarchie,
une réalité présente à deux visages
où la fin est entièrement inclue dans les moyens (on
va y revenir), où tout se joue au moment où l’on
parle et où l’on agit, à l’intérieur
des modes d’association et de recomposition émancipatrices
des forces constitutives de ce qui est.
Je m’excuse de m’être un peu éloigné
de ma présentation historique et je reviens à la première
période de l’anarchisme, celle de son apparition. À
la lumière de Deleuze et du renouveau libertaire de ces trente
dernières années, et en résumé, on peut
dire que l’anarchie de Proudhon, de Déjacques, de Coeuderoy
ou de Bakounine, c’est principalement deux choses, d’égale
importance et qui vont toujours ensemble :
1°) L’anarchie est un concept philosophique, un concept
philosophique majeur dont seul le caractère radicalement
explosif, au regard d’un grand nombre d’autres concepts,
peut expliquer le dédain ou l’ignorance dont il fait
l’objet dans le champ philosophique. Ce concept, avec Deleuze
et à la suite d’Antonin Artaud, on peut, non le définir
bien sûr, mais le caractériser ainsi : « l’anarchie,
cette étrange unité qui ne se dit que du multiple
».
2°) Mais l’anarchie n’est pas seulement un concept
philosophique majeur.
Comme tous les vrais concepts philosophiques c’est également
une idée pratique, une conception pratique de la vie et des
relations entre les choses et les êtres humains, qui naît
tout autant de la pratique que de la philosophie ; ou, pour être
plus précis, qui naît surtout de la pratique, la philosophie
n’étant qu’une dimension et une pratique particulières,
certes importantes, mais parmi d’autres. Comment peut-on définir
cette idée pratique de l’anarchie ? En quelques mots,
on pourrait dire que si sur le terrain philosophique, l’anarchie
est cette étrange unité qui ne se dit que du multiple,
l’idée pratique de l’anarchie c’est, dès
maintenant, la mise en oeuvre de ce concept d’anarchie, c’est
l’apparition de mouvements révolutionnaires et émancipateurs
fondés sur la multiplicité, l’autonomie et le
fédéralisme des forces émancipatrices associées,
la « libre association de forces libres » dont parle
Bakounine.
L’anarchisme et les mouvements ouvriers
J’en arrive maintenant à la seconde période
de développement et d’épanouissement du mouvement
anarchiste, une période que l’on pourrait qualifier
de pratique justement, où le concept philosophique d’anarchie
s’est étroitement associé à l’idée
pratique d’anarchie. Cette seconde période s’ouvre
à Londres avec la création de la Première Internationale
en 1864, et se termine très précisément à
Barcelone, en mai 1937, lorsque l’État républicain
espagnol et l’Internationale communiste écrasent le
mouvement révolutionnaire. Cette seconde période de
l’anarchisme dure donc un peu plus de soixante-dix ans, une
période assez longue, trois ou quatre générations
environ, surtout si on la compare à la période d’hégémonie
du communisme qui devait lui succéder et qui ne s’étend,
au maximum, que sur une cinquantaine d’années. Quelles
sont les principales caractéristiques de cette seconde période
de l’anarchisme ? On peut principalement en distinguer quatre.
Première caractéristique de cette seconde
période :
L’anarchisme s’identifie principalement aux mouvements
ouvriers. Ce qui veut dire que cette identification ne va pas forcément
de soi. Par ce qui le constitue et par son projet, l’anarchisme
est toujours du côté des mouvements émancipateurs,
du refus de l’exploitation ou de l’oppression des uns
par les autres (capitalisme, colonialisme, sexisme, etc.) quelles
qu’elles soient. Mais, contrairement à ce que la transposition
des représentations religieuses dans le champ social et politique
a voulu nous faire croire, l’émancipation n’est
pas toujours du côté d’une réalité
ouvrière hypostasiée, une réalité qui,
comme toute chose, change sans cesse et qui peut même disparaître
sans que le projet anarchiste perde ses raisons de se déployer.
C’est ici que l’on peut saisir une première différence
radicale entre le marxisme et l’anarchisme, une différence
que Deleuze après Proudhon, Bakounine et d’autres permettent
de comprendre ; une différence qu’il faudrait discuter
mais que je n’ai pas le temps de développer. Pour ceux
qui voudraient en savoir plus, je les renvoie au dernier numéro
de la revue Réfractions intitulé Fédéralismes
et autonomies (au pluriel), et plus particulièrement à
l’article de Marianne Enckel intitulé : « Fédéralisme
et autonomie chez les anarchistes ».
Seconde caractéristique de cette deuxième
période du mouvement anarchiste :
Les formes d’existence que revêtent ces mouvements ouvriers
libertaires, les conditions et les bases professionnelles et sociologiques
à partir desquelles ils se développent sont extrêmement
diverses suivant les pays et les régions, depuis la fédération
jurassienne de la Première Internationale, avec ses très
sérieux et cultivés ouvriers horlogers du Jura Suisse,
jusqu’aux syndicats CNT des ouvriers agricoles analphabètes
d’Andalousie en passant par les si originaux IWW des États-Unis,
et bien d’autres formes encore que je ne peux pas détailler.
Troisième caractéristique :
Ces mouvements ouvriers libertaires de la seconde période
de l’anarchisme n’apparaissent pas partout et ils touchent
peu les pays les plus industrialisés. On les trouve principalement
et durablement dans les pays latins, en France, en Espagne et en
Italie, dans la plupart des pays d’Amérique Latine,
au Brésil, au Chili, en Argentine, en Uruguay, au Mexique,
etc., avec quelques exceptions notables, en Suède par exemple
avec la SAC, aux USA avec les IWW, en Bulgarie, et également,
beaucoup plus brièvement, et seulement dans les périodes
révolutionnaires, en Russie en 1905 et 1917 ou en Allemagne
au lendemain de la Première Guerre mondiale.
Quatrième caractéristique qui découle
des trois autres :
Si l’anarchisme s’est massivement identifié
à un grand nombre de luttes et de mouvements ouvriers, il
n’a toujours été qu’une dimension ou une
des manifestations minoritaires de ces mouvements, l’expression
de ce dont les conditions de la vie ouvrière étaient
porteuses, à un moment donné, comme potentialités
et comme perspectives émancipatrices. Même en Espagne
où l’anarcho-syndicalisme a été particulièrement
puissant, il a dû coexister avec le réformisme de l’UGT
socialiste.
En d’autres termes, cette quatrième caractéristique
de la seconde période de l’anarchisme, si nettement
liée à l’histoire émancipatrice des mouvements
ouvriers, illustre la première: en montrant que le projet
émancipateur de l’anarchisme ne s’identifie pas
à la seule histoire ouvrière, à la seule condition
ouvrière, qu’il tient beaucoup aux circonstances et
non à une croyance fataliste ou déterministe, à
la fois scientiste et religieuse, dans le caractère inéluctablement
révolutionnaire de la lutte des classes et de la classe ouvrière.
En d’autres termes, comme l’anarchisme l’a soutenu
dès le départ et comme le montrent deux cents ans
de capitalisme, la classe ouvrière ou « les classes
ouvrières s » dirait Proudhon, ne sont pas révolutionnaires
par essence ou par détermination structurelle et historique.
C’est plutôt l’inverse (dans l’hypothèse
où, sur ce terrain, le déterminisme aurait un sens.
Sous des formes diverses, les mouvements ouvriers ont montré
historiquement qu’ils étaient profondément réformistes.
Ce réformisme a été massivement soit apolitique
et sans perspective émancipatrice, comme en Amérique
du Nord, soit mis en forme d’abord par le socialisme et la
social-démocratie, comme le montrent les exemples anglais
et allemand, là où les classes ouvrières étaient
les plus nombreuses et les plus modernes. Mais, paradoxe apparent
que seuls les faux-semblants de l’idéologie et des
représentations partisanes nous empêchent trop souvent
de voir, ce réformisme a été également
massivement mis en forme et utilisé par le communisme au
cours des décennies suivantes, du milieu des années
1920 à sa disparition à la fin des années 1970,
lorsque la révolution et le désir d’émancipation,
en désertant les réalités et les luttes sociales
immédiates, se sont réfugiés dans le mythe
sans grandes conséquences pratiques pour la vie ouvrière
du reste du monde, d’une révolution russe mythifiée
et justifiant l’existence d’un État oppressif,
exploiteur et totalitaire.
Cette seconde période de développement et de déploiement
du projet anarchiste a pris fin un peu partout dans le monde au
début de l’entre-deux guerres, pour un grand nombre
de raisons, mais principalement parce que le capitalisme a peu à
peu étendu à tous les pays de la planète l’intégration
de la classe ouvrière dans son système, cette intégration
qui avait commencé en Angleterre dès la Première
Internationale, là où le capitalisme était
le plus développé. En d’autres termes, la brèche
ouverte dans l’histoire par les débuts du capitalisme
et de l’industrialisation, s’est refermée dans
l’entre-deux guerres, et le mouvement anarchiste ouvrier a
disparu à son tour, dans la mesure même où l’anarchisme
est entièrement lié, dans sa dimension pratique, à
l’ouverture de failles et de brèches dans la trame
serrée de l’ordre existant et de sa reproduction.
Avant de passer à la troisième et dernière
période de développement du pro j e t libertaire et
pour préparer ce que je vais dire à ce sujet, je voudrais
faire une ultime remarque sur le rapport que la seconde période
a entretenu avec la première, le rapport entre l’idée
pratique d’anarchie mise en oeuvre au sein des mouvements
ouvriers libertaires, et le concept philosophique d’anarchie
élaborée au cours de la première période,
par Proudhon, Bakounine, Coeuderoy, Déjacques et quelques
autres. C’est seulement après coup, grâce aux
analyses de Deleuze principalement, que l’on perçoit
avec autant d’évidence le rapport d’homologie
qui lie les théories de Proudhon ou de Bakounine aux mouvements
ouvriers libertaires qui ont suivi. Mais, dans la réalité,
les choses ne se sont hélas pas passées comme ça.
Les mouvements ouvriers libertaires, la pratique ouvrière
libertaire se sont certes donnés leur propre expression théorique,
une expression particulièrement intéressante. Je vous
renvoie ici, et pour le seul exemple français, aux textes
de Pelloutier, Pouget ou Griffuelhes entre autres. Ces élaborations
théoriques nées de la pratique ouvrière doivent
beaucoup à la diffusion des idées anarchistes de la
période antérieure, que les militants syndicalistes
révolutionnaires et anarcho-syndicalistes connaissaient en
partie ou indirectement. Mais, globalement, et pour des raisons
indépendantes de la volonté des acteurs de l’époque,
la pensée de Proudhon ou de Bakounine est demeurée
en grande partie inexploitée, invisible ou imperceptible
(et pas seulement aux ouvriers révolutionnaires, les plus
intéressés). Les groupements anarchistes proprement
dits, les plus à même de connaître les textes
de Proudhon ou de Bakounine, ont fait ce qu’ils ont pu, mais
ils ne sont pas parvenus à mettre à jour la force
et la logique subversives de ces textes, à mettre à
jour l’homologie que cette pensée pouvait entretenir
avec les mouvements ouvriers libertaires. Ces textes, ils ont cessé
peu à peu de les lire, parce qu’ils étaient
devenus illisibles (pour un grand nombre de raisons). Ils les ont
délaissés, trop souvent au profit d’un bricolage
idéologique faisant appel au bon sens, à l’humanisme
ambiant et, surtout, à un rationalisme étroit aux
antipodes de la force et du caractère subversif de la pensée
de Proudhon, de Bakounine ou de Stirner.
Le renouveau de la pensée libertaire
J’en arrive enfin à la troisième période.
Celle-ci correspond en gros au dernier tiers du XXe siècle.
Elle a pas mal de points communs avec la période qui a vu
naître l’anarchisme comme projet émancipateur,
celle des événements, non de mai 1968, mais de 1848.
On y retrouve le caractère international, le caractère
diffus et multiforme du milieu du XI Xe siècle. On y retrouve
surtout un phénomène commun : le développement
d’une pensée philosophique émancipatrice extrêmement
riche et puissante, sans lien direct avec des mouvements ou des
organisations politiques ou sociales particulières, mais
capables de dire ou d’exprimer ce qui c’est passé
alors, les possibles qui sont apparus pendant deux décennies
environ dans la plupart des pays du monde. Et c’est ici que
j’en arrive à Deleuze. En quoi des philosophes comme
Deleuze ou Foucault peuvent-ils s’identifier au projet anarchiste,
prendre sens dans ce projet, l’ouvrir historiquement à
la totalité de ce qu’il fut et, du même coup,
aux immenses perspectives de l’ave n i r? J ’ a u rais
du mal à répondre en quelques minutes à cette
vaste question. Mais pour donner une petite idée de cette
réponse, je demanderai aux vieux comme aux jeunes de revenir
par la pensée, trente ou quarante ans en arrière.
Au moment où un peu partout dans le monde, renaissaient les
espérances révolutionnaires, au cours des années
1960 et 1970 du siècle passé, la pensée révolutionnaire
était entièrement dominée par le marxisme,
plusieurs sortes de marxismes : le marxisme rudimentaire, autoritaire,
réformiste et pontifiant des appareils communistes inféodés
à l’État russe; le marxisme entêté,
mais à mon avis pas moins rudimentaire, des opposants ou
des dissidents trotskystes ou ultra- gauche ; mais surtout le marxisme
savant, à la mode et pas moins pontifiant cette fois, des
normaliens de la rue d’Ulm qui, à la suite d’Althusser,
et Pékin remplaçant Moscou, devait quelque temps imposer
son terrorisme théorique à l’ensemble de l’extrême
gauche. Par honnêteté et par souci d’équilibre
et de justice, je ne manquerai évidemment pas d’indiquer
que si la pensée anarchiste bénéficiait au
même moment de l’immense appel d’air des événements,
elle touchait sans doute elle aussi, de son côté, le
fond d’une longue décadence théorique qui obligeait
les militants les plus actifs à chercher du côté
du marxisme les moyens de répondre à l’appel
des événements. C’est dans ce contexte qu’il
faut situer l’événement Deleuze et quelques
autres philosophes.
Avec Deleuze et Foucault principalement, surgit dans le contexte
émancipateur des années 1960 et 1970 une pensée
qui n’est pas nouvelle, comme on va le voir, mais qui revêt
alors tous les traits d’une nouveauté radicale.
En transformant la formule de Pelloutier face à la social-démocratie,
on p o u r rait caractériser l’originalité de
cette pensée de la façon suivante : pas moins révolutionnaire
que la scolastique et l’immense vulgate marxistes, c’est
le moins qu’on puisse dire, cette pensée, en se référant
principalement à Nietzsche, rompait radicalement avec les
représentations issues de Marx et du marxisme qui, pendant
près de cinquante ans, s’étaient imposées
à l’ensemble des mouvements révolutionnaires
; elle redonnait vie à une espérance émancipatrice
qui, un peu partout dans le monde, était morte avec le premier
conflit mondial et la seconde révolution industrielle.
Il est vrai que le lien entre l’anarchisme et le nietzschéisme
de gauche dont parle Michel Onfray2, ne date pas des années
1960 et 1970. Dès le début du XXe siècle, dès
les premières parutions des livres de Nietzsche, un grand
nombre d’anarchistes se sont reconnus dans cet auteur, et
cette reconnaissance n’est pas unilatérale. On sait
maintenant que Nietzsche avait lu Stirner et ses amis les plus perspicaces,
comme Overbeck, n’ont pas manqué de remarquer comment,
malgré son antisocialisme et son antianarchisme affirmés,
Nietzsche était proche de Proudhon. Je vous renvoie ici à
la traduction récente du petit livre d’Overbeck, Souvenirs
sur Nietzsche (Alia). La rencontre entre l’anarchisme et Nietzsche
est donc ancienne, mais elle a surtout été visible
dans la dimension dite individualiste de l’anarchisme (Georges
Palante par exemple, étudié par Onfray), beaucoup
moins dans la dimension sociale ou collective, ou alors de façon
beaucoup plus diffuse et implicite, dans la mesure il est vrai où
un grand nombre des militants ouvriers, anarcho-syndicalistes ou
syndicalistes révolutionnaires, étaient aussi des
individualistes et, pour certain d’entre eux, des grands lecteurs
de Nietzsche.
Avec le nietzschéisme de gauche des années 1960 et
1970, celui de Foucault et surtout celui de Deleuze, la proximité
entre Nietzsche et la pensée et le projet libertaire apparaît
enfin dans toute son ampleur, dans toutes ses dimensions, individuelles,
collectives et historiques. En effet, la lecture deleuzienne de
Nietzsche ne se contente pas de donner sens à soixante-dix
ans de mouvements ouvriers libertaires multiformes. Elle ne se contente
pas de faire comprendre la richesse, la radicalité et l’originalité
d’une expérience émancipatrice réduite
à presque rien par l’historiographie d’alors.
Elle permet tout à coup, et sans doute pour la première
fois, de comprendre la richesse, la radicalité révolutionnaire
et l’originalité de la philosophie et du projet anarchiste.
Grâce à Deleuze et au nietzschéisme de gauche,
la pensée de Proudhon et de Bakounine devient enfin perceptible,
de la même manière que le nietzschéisme de gauche,
apparemment si invraisemblable, trouve lui-même dans la tradition
libertaire, dans la pensée libertaire les raisons et les
justifications des intuitions de Deleuze. Invisible jusqu’ici,
la pensée anarchiste trouve dans la lecture deleuzienne de
Nietzsche la possibilité de dire et de déployer sa
puissance théorique et émancipatrice. Inquiétante,
parfois récupérée et effectivement récupérable
par l’extrême droite, la pensée de Nietzsche
trouve dans la pensée anarchiste la possibilité de
mettre à jour tout ce dont elle est elle-même porteuse
comme puissance émancipatrice. Bref, grâce à
Deleuze, on assiste à ce que le fédéralisme
libertaire, après Spinoza, appelle une bonne rencontre, une
bonne association, c’est-à-dire une association qui
révèle ce dont les êtres associés sont
porteurs comme puissance émancipatrice.
Comment expliquer cette bonne rencontre? Le hasard n’est
pas absent de cet événement, le hasard qui tient à
l’anarchie du réel, cette anarchie que le mouvement
libertaire s’efforce de transformer en ce que Proudhon appelait
l’anarchie positive, c’est-à-dire l’art
des bonnes rencontres et des bonnes associations entre forces émancipatrices,
l’art de composer un mouvement où les êtres et
les forces qui luttent pour leur liberté, le plus souvent
de façons extrêmement différentes, au lieu de
s’ignorer ou de s’entre-détruire dans des combats
aveugles et sans fin, parviennent au contraire à libérer
toute la puissance émancipatrice dont ils sont porteurs.
Mais cette bonne rencontre entre Nietzsche et le projet libertaire,
sur l’unique mais important terrain de la philosophie ne tient
évidemment pas au seul hasard. Elle tient à la nature
de l’un et de l’autre, à l’affinité
entre ce qu’ils sont ou ce qu’ils peuvent. Elle tient
surtout à une histoire et un possible caché beaucoup
plus vaste, que cette rencontre entre Nietzsche et la pensée
libertaire contribue également à mettre à jour,
à rendre évident. Je n’ai pas le temps de développer.
Mais il me semble possible d’indiquer rapidement ceci.
Entre autres, grâce à la philosophie de Deleuze, l’anarchisme
qui est né au milieu du XIXe siècle, quelque part
en Europe et principalement dans la condition ouvrière, s’inscrit
dans un possible historique, théorique et pratique d’une
beaucoup plus grande ampleur, dont on peut suivre la trace sur une
période beaucoup plus longue que la brève histoire
des mouvements ouvriers, et qui traverse l’ensemble des traditions,
des civilisations et des expérimentations humaines. Sur le
plan de la seule philosophie occidentale, on le retrouve de Spinoza
à Deleuze, en passant par Leibniz, Nietzsche, Tarde, Simondon
et Whitehead. Sur le plan beaucoup plus important et beaucoup plus
large des pratiques et des expérimentations humaines, on
peut également suivre son histoire, des assemblées
de citoyens athéniens, rameurs sur les galères à
la fin de la guerre du Péloponèse que nous raconte
Thucydide, aux conseils ouvriers hongrois de 1956, en passant par
les esclaves révoltés de Spartacus, les turbans jaunes
et les sourcils rouges du taoïsme chinois, les hussistes tchéques
du XVe siècle ou encore les communards de 1871, les makhnovistes
de 1920, les anarcho-syndicalistes espagnols de 1936, mais aussi,
plus tragiquement encore, les sonderkommandos révoltés
d’Auschwitz et de Treblinka, ou encore, d’une tout autre
façon et dans un tout autre contexte, les minuscules, les
invisibles et les innombrables luttes ouvrières et paysannes,
ces « brèches » apparemment insignifiantes et
imperceptibles que Michelle Perrot qualifie si justement «
d’échappées belles ».
Questions en conclusion
En guise de conclusion, je ne voudrais pas éviter de dire
quelques mots sur les conséquences pratiques de ce rapide
survol historique, et plus particulièrement sur ce qui me
semble avoir été au centre de nos discussions sur
les rapports entre anarchisme et marxisme. De nombreux points ont
été abordés.
Mais ce n’est sans doute pas seulement par hasard que la
discussion s’est plus particulièrement crispée
autour de la vieille question des rapports entre la fin et les moyens.
Cette question peut, à juste titre, sembler banale, éculée
et inutile. Et si elle surgit parfois dans les discussions et les
affrontements entre libertaires et marxistes, c’est le plus
souvent de façon annexe ou secondaire, alors que, théoriquement,
elle est au coeur de leur différend.
D’un côté, on aurait les marxistes purs et durs
qui, à la suite de Lénine (mais aussi de plusieurs
millénaires de totalitarisme religieux et politique, et du
bon sens qui va avec) considèrent que la fin justifie les
moyens puisque cette fin est incluse dans le devenir (providentiel
ou scientifique) du monde et de l’histoire (on n’accouche
pas sans douleur ; on ne produit pas sans effort. On ne gagne pas
le ciel sans souffrances et sans expier ses fautes in lacrymarum
valle ; on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs; la
révolution n’est pas un dîner de gala, etc.).
De l’autre, on aurait les libertaires les plus idéalistes,
des âmes sensibles (des « belles âmes »),
mais aussi pinailleurs et plus ou moins caractériels, qui,
sans souci des contraintes du moment, exigeraient, plus ou moins
véhémentement, qu’on se préoccupe davantage
des formes d’organisation et des moyens employés, qu’on
fasse quand même « un peu attention », etc. Entre
les deux, on aurait une espèce de compromis où il
s’agirait de ne pas oublier la fin, avec ses exigences parfois
cruelles et très souvent contradictoires (il faut savoir
souffrir ou faire souffrir les autres pour que le bonheur des générations
futures puisse naître un jour, faire parfois le contraire
du but poursuivi, au nom des mystères de la dialectique,
etc.), mais en laissant malgré tout un peu de place à
un souci éthique, au respect des règles, au fonctionnement
démocratique. Et c’est dans cet entre-deux que marxistes
et libertaires pourraient se rencontrer, avec, plus particulièrement,
les trotskystes d’un côté qui, par leur histoire,
n’ignorent rien du cynisme, de la violence et du mensonge
dont le marxisme est capable, et de l’autre, des libertaires
réalistes, soucieux d’efficacité et qui, dans
le désert apparent de la pensée anarchiste, espèrent
trouver dans ce même marxisme la théorie et la stratégie
qui leur manquent, une théorie et une stratégie qu’ils
pensent pouvoir imprégner malgré tout d’esprit
et de garde-fous libertaires.
Je crains que, faute d’aller au fond des choses, ce compromis
ou cette alliance soit particulièrement illusoire. Outre
le fait qu’ils sont tous des êtres humains ( avec le
plus souvent deux bras et deux jambes, mais sous la forme multiple
d’hommes et de femmes, de jeunes et de vieux, de grands et
de petits, de fonctionnaires et de salariés du privé,
etc.), les trotskystes et les libertaires (et bien d’autres
encore avec eux, avec d’autres étiquettes ou pas d’étiquette
du tout) ont un point commun essentiel : ils se battent tous pour
un changement radical de l’ord re des choses, souvent côte
à côte et dans des conditions qui les rendent très
proches, qui commandent non seulement l’action en commun,
mais la forme et la subjectivité de cette action et de ces
expériences communes.
Ce lien entre trotskystes et libertaires, c’est déjà
beaucoup. Mais il ne doit pas masquer la divergence ou le fossé
théorique qui les séparent, une divergence et un fossé
qui n’ont rien d’abstraits, qui engagent de façon
immédiate nos pratiques et notre rapport aux autres et au
monde 3 ; une divergence et un fossé sinon infranchissables
qui exigeraient tout du moins de poursuivre durablement et de façon
approfondie la discussion. Ce fossé théorique, philosophique,
éthique, au coeur du projet émancipateur, on pourrait,
pour permettre une discussion qui aille au fond des choses, en formuler
ainsi le versant libertaire, tel qu’il apparaît tout
du moins à la lumière théorique et pratique
de ces t rente dernières années, et ceci sous la forme
de deux propositions :
1°) La première est d’ordre pratique ou politique
et militante. Elle affirme que la fin est entièrement contenue
dans les moyens. L’important ici c’est le mot «
entièrement » qui n’autorise aucun compromis,
aucun juste milieu, qui, d’une part oblige le marxisme à
revenir de façon approfondie sur la question des contradictions,
de la dialectique, de l’histoire et de beaucoup d’autres
choses encore, qui, d’autre part oblige l’anarchisme
à justifier cette proposition autrement que par des considérations
morales ou idéalistes, mais au contraire par des considérations
matérialistes et éthiques, des considérations
d’efficacité du point de vue de l’émancipation
(que je n’ai pas le temps d’aborder ici), bref qui oblige
les uns et les autres, marxistes ou libertaires, marxistes et libertaires,
à réfléchir sur la façon de se grouper,
de s’organiser, de régler les conflits internes, de
formuler les désirs et les revendications, d’associer
tous ceux qui luttent pour un autre monde et de rendre possible
cet autre monde, un monde sans domination, sans exploitation, capable
de libérer toutes les puissances et toutes les libertés
(c’est la même chose) dont les êtres sont porteurs.
2°) La seconde proposition est d’ordre purement théorique
ou philosophique cette fois. Si, du point de vue de l’action,
du point de vue militant, la fin est entièrement contenue
dans les moyens c’est parce que le tout, la totalité
de ce qui est, est également entièrement contenue
dans les parties. Voilà ce qu’il faut essayer de comprendre,
d’un point de vue libertaire conséquent; ce que Proudhon,
Bakounine, Deleuze et beaucoup d’autres encore permettent
(à la suite de Spinoza, de Leibniz ou de Nietzsche) de comprendre
et qu’une discussion tout aussi conséquente entre marxistes
et libertaires exigerait d’examiner ; dans la mesure même
où, à travers cette proposition apparemment illogique,
abstraite et scolastique, c’est bien de notre pratique émancipatrice
et révolutionnaire à la fois la plus immédiate
et la plus lointaine qu’il est question.
Daniel Colson
Sociologue, Atelier de Création Libertaire de Lyon
Auteur de Petit lexique philosophique de l’anarchisme –
De Proudhon à Deleuze, Le Livre de Poche, 2001.
Revue contretemps numéro 7 mai 2003
1 / Sur la façon dont Marx s’est efforcé d’imposer
cette hégémonie, je vous renvoie à l’excellent
et récent livre de Jean-Louis Lacascade, Les métamorphoses
du jeune Marx, aux PUF ; sur le mépris de classe de Marx,
je vous renvoie à sa correspondance (en particulier avec
Engels) ou encore à ses commentaires sur les conceptions
de Proudhon dans Misère de la philosophie.
2 / Voir notamment Michel Onfray, Georges Palante – Essai
sur un nietzschéen de gauche (Folle Avoine, 1989) et Politique
du rebelle – Traité de résistance et d’insoumission
(Grasset, 1997).
3 / Sans oublier que sur le terrain de la pratique, les «
libertaires » et les « marxistes » ne sont pas
toujours là où l’on croirait les trouver.
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