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Origine : http://www.revuerespublica.com/index.php3?page=livres/critique&id=73
Le livre de Robert Redeker est une œuvre fondamentale, une
œuvre constitutive à partir de laquelle les interrogations
philosophiques, éthiques et anthropologiques réinitient
les analyses de la sociologie critique du Sport.
Œuvre de fondement, elle a la force et le destin des grands
livres contre l’omerta des sportifs, des médias, de
l’opinion et des intellectuels qui ont sacralisé le
sport au point de devenir «l’incritiqué»
malgré les scandales de la corruption qui défraient
régulièrement la chronique sportive. Œuvre essentielle
,elle détermine ce qu’est le sport, phénomène
sociologique le plus important du XXè siècle et qui
perdurera au XXIè sous la forme sur-médiatisée
qu’on lui connaît, l’essence du sport dans ce
nouvel âge d’un totalitarisme pur au cœur du, «dans»
le système capitaliste mondialisé et inséré
dans des réseaux mafieux, porteur d’un projet anthropofactural
d’un homme nouveau qui succède à celui des idéologies
totalitaires (nazisme, communisme) et qui en fait le phénomène
le plus «impensé» des temps modernes.
Le livre de Robert Redeker est donc une œuvre de libération
de la parole et de l’intelligence, une œuvre d’affranchissement,
un éloge de la pensée politique et de la conscience
humaine, capable de problématiser, capable de discuter, capable
de sursaut, capable de s’opposer. Ce livre n’est pas
ce que disait Nietzsche dans un de ces essais critiques un livre
impossible, ce livre est le «livre du possible» contre
cette religion du sport ,nouveau pouvoir spirituel, spectaculairement
mis en scène dans de grandes messes oecuméniques planétaires,
impudiques par l’argent brassé, qui mobilisent des
foules d’individus d’un monde pourtant singulièrement
pauvre et différent devant leur écran ou dans les
stades, et présentée comme la chance des cités
et des favellas qui partagent de Rio à la Courneuve le même
fétichisme pour les grandes marques et les idoles sportives.
Qu’est-ce que le sport au fond ?
De façon inattendue, subtile et poétique, Robert
Redeker commence à répondre en confiant au lecteur
son propre itinéraire ,son propre cheminement de penser depuis
sa déception pour le sport actuel. Les premières pages
du livre sont inoubliables, ce sont celles d’un opus qui s’ouvre
avec tendresse et nostalgie sur le désamour du philosophe.
A l’homme du peuple gravissant les sommets dans de célèbres
étapes du Tour de France avec souffrance et volonté
de dépassement de soi s’est substitué des sortes
d’objets manufacturés issus de la recherche scientifique
aux allures irréelles et futuristes et préfigurant
le devenir humain sans corps et sans esprit, fruit du génie
génétique et de la cybernétique.
C’est à partir de là que la démonstration
philosophique se déploie avec maestria. Le capitalisme techno-marchand
s’est trouvé dans le sport non seulement un moyen de
production, une religion qui contrôle politiquement les masses
populaires, un écran de rêve contre la frustration
sociale, mais aussi le moyen de produire des hommes dont il a besoin
: des sportifs de haut niveau trafiqués biologiquement voués
au diktat de la performance sportive, des supporters fanatisés
à la place de citoyens, des meutes fascisées à
la place de peuple, condamnées à consommer du spectacle
et sans aucune volonté politique.
Le sport est le stade suprême du capitalisme mondial,
absolu, eugéniste, darwinien, totalitaire qui réalise
sous nos yeux la prophétie philosophique de Michel Foucault
de la «mort de l’homme», conclut avec gravité
le philosophe qui nous invite, cependant, à reprendre notre
destin en main.
Nadia Burgrave
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