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Présentation Robert Redeker Le sport contre les peuples
Editeur : Berg International, Année : 2002, Prix indicatif : 16 Euros
Nadia Burgrave

Origine : http://www.revuerespublica.com/index.php3?page=livres/critique&id=73


Le livre de Robert Redeker est une œuvre fondamentale, une œuvre constitutive à partir de laquelle les interrogations philosophiques, éthiques et anthropologiques réinitient les analyses de la sociologie critique du Sport.

Œuvre de fondement, elle a la force et le destin des grands livres contre l’omerta des sportifs, des médias, de l’opinion et des intellectuels qui ont sacralisé le sport au point de devenir «l’incritiqué» malgré les scandales de la corruption qui défraient régulièrement la chronique sportive. Œuvre essentielle ,elle détermine ce qu’est le sport, phénomène sociologique le plus important du XXè siècle et qui perdurera au XXIè sous la forme sur-médiatisée qu’on lui connaît, l’essence du sport dans ce nouvel âge d’un totalitarisme pur au cœur du, «dans» le système capitaliste mondialisé et inséré dans des réseaux mafieux, porteur d’un projet anthropofactural d’un homme nouveau qui succède à celui des idéologies totalitaires (nazisme, communisme) et qui en fait le phénomène le plus «impensé» des temps modernes.

Le livre de Robert Redeker est donc une œuvre de libération de la parole et de l’intelligence, une œuvre d’affranchissement, un éloge de la pensée politique et de la conscience humaine, capable de problématiser, capable de discuter, capable de sursaut, capable de s’opposer. Ce livre n’est pas ce que disait Nietzsche dans un de ces essais critiques un livre impossible, ce livre est le «livre du possible» contre cette religion du sport ,nouveau pouvoir spirituel, spectaculairement mis en scène dans de grandes messes oecuméniques planétaires, impudiques par l’argent brassé, qui mobilisent des foules d’individus d’un monde pourtant singulièrement pauvre et différent devant leur écran ou dans les stades, et présentée comme la chance des cités et des favellas qui partagent de Rio à la Courneuve le même fétichisme pour les grandes marques et les idoles sportives.

Qu’est-ce que le sport au fond ?

De façon inattendue, subtile et poétique, Robert Redeker commence à répondre en confiant au lecteur son propre itinéraire ,son propre cheminement de penser depuis sa déception pour le sport actuel. Les premières pages du livre sont inoubliables, ce sont celles d’un opus qui s’ouvre avec tendresse et nostalgie sur le désamour du philosophe. A l’homme du peuple gravissant les sommets dans de célèbres étapes du Tour de France avec souffrance et volonté de dépassement de soi s’est substitué des sortes d’objets manufacturés issus de la recherche scientifique aux allures irréelles et futuristes et préfigurant le devenir humain sans corps et sans esprit, fruit du génie génétique et de la cybernétique.

C’est à partir de là que la démonstration philosophique se déploie avec maestria. Le capitalisme techno-marchand s’est trouvé dans le sport non seulement un moyen de production, une religion qui contrôle politiquement les masses populaires, un écran de rêve contre la frustration sociale, mais aussi le moyen de produire des hommes dont il a besoin : des sportifs de haut niveau trafiqués biologiquement voués au diktat de la performance sportive, des supporters fanatisés à la place de citoyens, des meutes fascisées à la place de peuple, condamnées à consommer du spectacle et sans aucune volonté politique.

Le sport est le stade suprême du capitalisme mondial, absolu, eugéniste, darwinien, totalitaire qui réalise sous nos yeux la prophétie philosophique de Michel Foucault de la «mort de l’homme», conclut avec gravité le philosophe qui nous invite, cependant, à reprendre notre destin en main.

Nadia Burgrave