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Origine : http://www.europsy.org/marc-alain/sport1.html
1 Le sport est-il condamné par définition
à la compétition ?
Il est alors pour toujours voué aux valeurs de concurrence,
performance, émulation, rivalité.,. Il sert de modèle
à la fois à l’industrie et à l’éducation
et engendre une organisation de la vie. Il reproduit certes un certain
système économique, mais il l’intensifie aussi.
Le pire est lorsque ceci est intériorisé et se retourne
dans l’individu en un conflit infra-psychique qui le met en
compétition avec lui-même.
Ne peut-on admettre des activités physiques fondées
sur les valeurs opposées la coopération, l’entraide,
la solidarité, le fraternel ? L’axe se déplace
de la compétition au corps. Ces mêmes activités
dépourvues de compétition seront l’occasion
de son exercice, de son développement et de son épanouissement.
Le but est alors poétique, la dépense énergétique
se faisant dans la recherche de la beauté du geste pur produisant
une émotion esthético-ludique.
Le sport est une invention anglaise du 17ème et 18ème
siècles à partir des activités physiques traditionnelles
: courses, sauts, grimpers, luttes. Telles qu’on les voit
encore en Bretagne, Pays basque, Irlande, Ecosse, etc. Dans les
paris financiers sur tous ces jeux en Grande-Bretagne les hommes
ont peu à peu remplacés les chevaux. Les premiers
coureurs ont porté les casaques des jockeys et se sont changé
dans les stalles des écuries. Cette invention anglo-saxonne,
fondée sur la compétition, dénature les activités
physiques traditionnelles. Le sport permet certes une dérivation
de l’agressivité et a un important aspect éducatif
à l’effort, au courage, au respect des règles
… et les rivalités nationales dans les Jeux Olympiques
valent mieux que des guerres. Mais les critiques du sport remplissent
des livres entiers : sport-compétition (toute activité
physique saine est transformée en lutte pour déterminer
le gagnant et le perdant), sport-violence (matchs de boxe, "supporters",
bagarres dans les stades ...), sport-champion (l'éducation
populaire est remplacée par la sélection des champions),
sport-dopage (ces champions doivent prendre des fortifiants et autres
anabolisants), sport-spectacle (les "sportifs" de stades,
puis maintenant les allongés zappeurs de la T.V.), sport-pari
(boxe, courses de chevaux, de chiens), sport-argent (gains des professionnels
et des dirigeants), sport-publicité, sport-nationalisme,
sport raciste, etc. Un mouvement d’activités libres
hors de toute compétition commence timidement à se
développer. La gymnastique volontaire peut trouver ici sa
place plutôt que dans le sport, avec la natation, la marche,
la course, le volley et beach-volley, l’escalade, la pétanque,
etc.
2. Pourquoi faut-il être toujours le meilleur ?
D’où vient ce besoin de dépasser les autres
? On en voit bien le résultat sur les autoroutes lorsqu’on
passe en conduite sportive et que l’on confond un moyen de
transport et une course automobile. Certains définissent
le sport par la compétition et en font donc “un système
institutionnalisé qui produit des champions”. A ceux
là je demande si, au contraire, le sport ne serait le moyen
de multiplier les vaincus. Car enfin il n’y a qu’un
vainqueur dans une course, donc au moins 10 vaincus. Et avec les
éliminatoires, cela en fait des centaines, voire des dizaines
de milliers. Et tout cela ne se fait pas sans casse. Il est très
bien de s’occuper de faire faire du sport aux handicapés.
Mais il ne faudrait pas en oublier pour autant que le sport fabrique
ses propres handicapés. Sans parler des sports-assassins
comme la boxe les courses automobiles, on oublie trop souvent de
parler des “cassés du sport”. Il n’est
que de se promener autour de Garches pour apercevoir tous les tétraplégiques.
Le sport motocycliste en est un des plus producteur.
Un Colloque d’Anthropologie critique du sport ne devrait-il
pas enfin aborder ce sujet, même si cela mène à
bouleverser bien des définitions. Il serait peut-être
intéressant d’étudier la gymnastique féminine
au sol. Comme le disait une entraîneuse nationale dans une
interview télévisée “on m’en donne
30 par an et j’en casse 29’. Par combien de vies brisées
se paie une Comménici ? Car il n’y a pas que les entorses,
les fractures et les accidents de la colonne vertébrale.
Il y a aussi tous le gachis des dépressions, des désespoirs
familiaux pour un rêve de championne en herbe et tout ce qui
pourrait relever de psychothérapies. Je n’ai qu’une
question à poser à ce Colloque “Une médaille
vaut-elle la santé d’un enfant ?”.
3. Le sport est-il un langage ?
Si l’on essaie comme analyseur le paradigme linguistique,
il faut pouvoir prouver que le sport est un langage et pas seulement
un infra-langage. Il convient alors de distinguer selon Saussure
la langue du langage et montrer l’existence de dialectes.
Mais est-on sûr d’échapper par là à
l’aporie première ? Etre, c’est être dit.
Le sujet est constitué par le langage au lieu qu’il
le constitue. Comme le montre Lacan « le propre de l’homme
n’est pas de parler, mais d’être parlé
». Comme l’inconscient le sport est le sens d’un
discours qui n’est pas dit. La pratique sportive est bien
une production, et il reste à définir de quoi (événement,
pré-texte, institution...), mais il n’est pas maître
du sens de ce qu’il produit. Même le discours sur le
sport ne se donne pas automatiquement comme sens de ce discours.
4. Quelle est la position de genre ? (gender identity)
Les analyseurs proposés laissent subsister des zones d’ombres.
L’une d’entre elles est la position de sexe. Le sport
ne peut rester de sexe neutre, il existe des sexes de sports. Il
y a une liaison entre le sport actuel et le machisme. Les valeurs
de compétition, rivalité, concurrence, impérialisme
mènent à la guerre. La féminisation du sport
reste très problèmatique. L’accès des
femmes à ces sports d’hommes ne peut qu’accentuer
leur masculinisation. Les débuts de psychanalyses des chanpions
féminines montrent le rôle de phallus que peut jouer
le sport et la prouesse sportive. Pourtant l’invention d’un
sport féminin pourrait se faire selon les nouvelles valeurs
de la vie, la coopération, l’amour et la compassion
à l’opposé du matchisme guerrier. Mais il ne
faut pas pour cela s’enfermer dans une opposition, menant
à une lutte des sexes qui ne peut être que stérile,
Il faut dialectiser au lieu de dichotomiser pour opposer en se centrant
sur la différence, Il faut retrouver la femme dans l’homme,
par la découverte de l’anima, et ne pas exalter un
animus trop intellectuel dans la femme. On peut tout espérer
des femmes dans la nouvelle société, elles son l’avenir
de l’humanité et elles peuvent susciter le retour d’activités
physiques non-sportives, au lieu de copier servilement les hommes.
Marc-Alain Descamps
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