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Appel à un débat ouvert et éclairé sur un phénomène social majeur
Prendre enfin le sport au sérieux
par Michel CAILLAT
dimanche 16 avril 2006.

Origine : http://www.local.attac.org/attac56/article.php3?id_article=509


« Le sport est un enjeu de luttes entre les fractions de la classe dominante et aussi entre les classes sociales » (Pierre Bourdieu)

« Le sport fonctionne comme un appareil de contrôle social hégémonique et inerte » (Jean Chesneaux)

Le sport sature toujours notre espace et notre temps ! Le défi du Mouvement Critique du Sport n’est pas simple à relever : mettre fin à l’exclusion consciente ou inconsciente du sport de tout débat de société de la part des hommes politiques, de la grande majorité des militants progressistes, des « anti-sportifs » et globalement d’une opinion publique largement conditionnée. Comment en finir avec l’absence de regard réfléchi sur cet univers consensuel, aveuglément valorisé, sur ce « phénomène social que nous acceptons trop facilement comme allant de soi » (Pierre Bourdieu) ?

Malgré ses centaines de millions de licenciés sur la planète, ses milliards de téléspectateurs, son importance dans le commerce mondial, ses complicités politico-financières, son pouvoir hégémonique sur les corps, son omniprésence dans la vie sociale, le sport reste un sujet tabou. La confusion largement entretenue sur la définition du mot (sans tenir compte du travail scientifique des chercheurs, le discours de sens commun présente hypocritement toute activité physique comme pratique sportive, et le sport comme amusement bon enfant, simple divertissement sans effet politique et idéologique).

Malgré les travaux et les avertissements d’un trop petit nombre d’intellectuels pourtant copieusement cités dès qu’il s’agit d’analyser notre société (Norbert Elias, Pierre Bourdieu, Albert Jacquard, Jacques Ellul, Umberto Eco, Georges Orwell, Vance Packard, Theodor W. Adorno, etc.), une foule de citoyens de tous horizons glissent sur l’institution sportive par « désintérêt de connaissance » ou par peur de se désolidariser d’activités massives dites festives.

La sociologie critique du sport ne tait pas les questions, elle les fait émerger en mettant à jour les mécanismes cachés de la reproduction sociale et en objectivant les croyances et processus de domination intériorisés par les individus à leur insu.

Faisons le bilan de la théorie critique dans l’ordre de la recherche des conditions historiques et sociales de la naissance du sport, de l’élucidation de ses mécanismes de pouvoir, de l’analyse de ses contradictions socio-économiques et de sa puissance idéologique, de la compréhension de son rôle politique sur les plans national et international, des effets pervers de la compétition (casse, dopage, entraînement intensif et précoce), etc.

Trop d’aspects du sport sont en contradiction avec les objectifs d’une société plus humaine pour qu’on continue à négliger ce phénomène social. L’erreur majeure consiste à penser de manière sectorielle, autonome, séparée, une institution qui n’a de sens qu’au sein de la Société dans son ensemble.

En se présentant comme une zone de neutralité, le sport évacue un peu vite tout ce qui n’est directement sportif. Or, traversé par tous les enjeux d’une conjoncture historique donnée, il est toujours politique. Plus encore, il est un projet politique (une philosophie politique) porteur de représentations du monde et de valeurs inconsciemment incorporées.

Royaume de la pensée unique, il reste à l’abri des oppositions de points de vue qui agitent les autres institutions (l’Ecole, la Famille, l’Eglise). L’exaltation sans nuance du sport d’un côté, et sa farouche détestation de l’autre contiennent un dangereux anti-intellectualisme*.

Pour mieux faire comprendre les enjeux politiques, économiques, idéologiques, culturelles et mythologiques du sport, le Mouvement Critique appelle à une réflexion de tous sur ce "fait social total".

Nous attendons vos appels, vos remarques, vos suggestions, vos questionnements.

Nous sommes prêts à discuter avec vous de la puissance économique, politique, idéologique du sport (le Mouvement Critique participe à la demande et gratuitement à des débats et conférences dans toute la France).

On ne peut pas laisser plus longtemps sans en discuter ce fait majeur de notre société civile qui est aussi un enjeu important des pouvoirs politiques et économiques.

Pour le Mouvement Critique du Sport

Michel CAILLAT

Auteur de « Le Sport », Collection Idées reçues, Editions Cavalier Bleu, 2002