Origine : http://www.local.attac.org/attac56/article.php3?id_article=509
« Le sport est un enjeu de luttes entre les fractions de
la classe dominante et aussi entre les classes sociales »
(Pierre Bourdieu)
« Le sport fonctionne comme un appareil de contrôle
social hégémonique et inerte » (Jean Chesneaux)
Le sport sature toujours notre espace et notre temps ! Le défi
du Mouvement Critique du Sport n’est pas simple à relever
: mettre fin à l’exclusion consciente ou inconsciente
du sport de tout débat de société de la part
des hommes politiques, de la grande majorité des militants
progressistes, des « anti-sportifs » et globalement
d’une opinion publique largement conditionnée. Comment
en finir avec l’absence de regard réfléchi sur
cet univers consensuel, aveuglément valorisé, sur
ce « phénomène social que nous acceptons trop
facilement comme allant de soi » (Pierre Bourdieu) ?
Malgré ses centaines de millions de licenciés sur
la planète, ses milliards de téléspectateurs,
son importance dans le commerce mondial, ses complicités
politico-financières, son pouvoir hégémonique
sur les corps, son omniprésence dans la vie sociale, le sport
reste un sujet tabou. La confusion largement entretenue sur la définition
du mot (sans tenir compte du travail scientifique des chercheurs,
le discours de sens commun présente hypocritement toute activité
physique comme pratique sportive, et le sport comme amusement bon
enfant, simple divertissement sans effet politique et idéologique).
Malgré les travaux et les avertissements d’un trop
petit nombre d’intellectuels pourtant copieusement cités
dès qu’il s’agit d’analyser notre société
(Norbert Elias, Pierre Bourdieu, Albert Jacquard, Jacques Ellul,
Umberto Eco, Georges Orwell, Vance Packard, Theodor W. Adorno, etc.),
une foule de citoyens de tous horizons glissent sur l’institution
sportive par « désintérêt de connaissance
» ou par peur de se désolidariser d’activités
massives dites festives.
La sociologie critique du sport ne tait pas les questions, elle
les fait émerger en mettant à jour les mécanismes
cachés de la reproduction sociale et en objectivant les croyances
et processus de domination intériorisés par les individus
à leur insu.
Faisons le bilan de la théorie critique dans l’ordre
de la recherche des conditions historiques et sociales de la naissance
du sport, de l’élucidation de ses mécanismes
de pouvoir, de l’analyse de ses contradictions socio-économiques
et de sa puissance idéologique, de la compréhension
de son rôle politique sur les plans national et international,
des effets pervers de la compétition (casse, dopage, entraînement
intensif et précoce), etc.
Trop d’aspects du sport sont en contradiction avec les objectifs
d’une société plus humaine pour qu’on
continue à négliger ce phénomène social.
L’erreur majeure consiste à penser de manière
sectorielle, autonome, séparée, une institution qui
n’a de sens qu’au sein de la Société dans
son ensemble.
En se présentant comme une zone de neutralité, le
sport évacue un peu vite tout ce qui n’est directement
sportif. Or, traversé par tous les enjeux d’une conjoncture
historique donnée, il est toujours politique. Plus encore,
il est un projet politique (une philosophie politique) porteur de
représentations du monde et de valeurs inconsciemment incorporées.
Royaume de la pensée unique, il reste à l’abri
des oppositions de points de vue qui agitent les autres institutions
(l’Ecole, la Famille, l’Eglise). L’exaltation
sans nuance du sport d’un côté, et sa farouche
détestation de l’autre contiennent un dangereux anti-intellectualisme*.
Pour mieux faire comprendre les enjeux politiques, économiques,
idéologiques, culturelles et mythologiques du sport, le Mouvement
Critique appelle à une réflexion de tous sur ce "fait
social total".
Nous attendons vos appels, vos remarques, vos suggestions, vos
questionnements.
Nous sommes prêts à discuter avec vous de la puissance
économique, politique, idéologique du sport (le Mouvement
Critique participe à la demande et gratuitement à
des débats et conférences dans toute la France).
On ne peut pas laisser plus longtemps sans en discuter ce fait
majeur de notre société civile qui est aussi un enjeu
important des pouvoirs politiques et économiques.
Pour le Mouvement Critique du Sport
Michel CAILLAT
Auteur de « Le Sport », Collection Idées reçues,
Editions Cavalier Bleu, 2002
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