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Origine :
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Le sport s'identifie aujourd'hui complètement au système
capitaliste dont il constitue l'un des piliers. Transformation du
corps, esprit guerrier, conditionnement des esprits, exacerbation
du nationalisme, autant d'éléments qui appellent une
critique radicale du sport actuel. Le sport s'identifie aujourd'hui
complètement au système capitaliste dont il constitue
l'un des piliers. Transformation du corps, esprit guerrier, conditionnement
des esprits, exacerbation du nationalisme, autant d'éléments
qui appellent une critique radicale du sport actuel.
Réaliser une histoire du sport nous pousse à conclure
que " l'idéal olympique ", cet " idéal
sportif ", celui du jeu et de l'amusement tant vanté
par les pères du sport moderne dont le nationaliste, sexiste
et grand admirateur des cérémonies fascistes et nazies,
Pierre de Coubertin, est une supercherie. Porteur des pires idéologies
de l'histoire contemporaine 1, le sport a réussi à
traverser le vingtième siècle sans dommage pour devenir
aujourd'hui l'amant d'un monde ou le muscle lui-même est devenu
une marchandise. Les médias qui nous abreuvent d'exploits
quotidiens sont parvenus à en débarrasser ces excès
les plus visibles et à nous faire prendre les vessies pour
des lanternes ! A quel prix pour les laudateurs sportifs ? Trahisons,
compromissions, négociations secrètes, droits exorbitants
(cf. Canal +), voilà le quotidien de nos médias 2.
Au delà des clichés le sport repose toujours sur une
conception totalisante de l'humanité et participe pleinement
à la formation d'un homme nouveau : celui rêvé
autant par les idéologues du Medef que par les " communistes
" de la Chine populaire.
Le sport c'est la guerre !
Quand quelques courageux journalistes arrivent à nous sortir
de notre torpeur télévisuelle en nous présentant
autre chose que des héros bodybuildés s'écroulant
d'un plaisir jouissif sur une ligne d'arrivée, leur critique
donne toujours une image du sport reflet du monde dans lequel il
évolue. Le " sport reflet des tensions politiques ",
titrait le très bon numéro de Manière de Voir
du Monde Diplomatique 3. Si le sport est bien la projection de nos
passions politiques, en rester là c'est en faire la victime
innocente d'un environnement qu'il ne contrôlerait pas ! "
C'est le nationalisme qui est écœurant, ce n'est tout
de même pas notre faute si les sportifs furent manipulés
par des régimes peu soucieux de l'idéal olympique
! " Dépassons cette critique bien-pensante, et pas forcément
dérangeante pour le mouvement sportif, et tournons nous vers
une critique plus radicale qui fait du sport non plus une malheureuse
victime d'un système mais l'un de ses principaux agents.
Tout comme les principaux totalitarismes exerçaient leur
pouvoir de séduction plus aisément sur les groupes
de jeunes au travers d'organismes d'endoctrinement, le sport aujourd'hui
agit de la même manière que les mouvements de jeunesse
des Etats totalitaires en modelant les " âmes et les
esprits " au modèle dominant. Le sport participe pleinement
à la mise en place d'un climat social unanime dont l'objectif
est bien la réalisation, ou plutôt la poursuite, d'une
société nouvelle, celle du modèle capitaliste.
La volonté de créer un homme nouveau, pour le "
meilleur des mondes ", au travers d'une fonction totalisante
de la société se retrouve dans le milieu sportif :
pour parvenir à la conquête du trophée tant
convoité et des subsides et du prestige qui en découle,
on façonne le sportif au culte de la performance, on lui
demande de rentabiliser au maximum ses performances guerrières
: déformation des corps et valorisation du muscle, dopage,
manipulation mentale et endoctrinement par des équipes de
psychologues et de " coach ", sans oublier, de plus en
plus, les manipulations génétiques. Un docteur Mengele
(médecin du régime nazi) aurait toute sa place dans
cette univers dont l'objectif est bien de sélectionner le
meilleur produit, l'élite vigoureuse, vitrine d'une nation
conquérante, à qui l'on ouvrira les portes de l'Elysée
et les buffets présidentiel. Les écoles totalitaires
dans leur souci de " pureté de l'espèce "
suivaient le même processus d'aliénation : déshumanisation
par la déstructuration puis reconstruction selon les règles
idéologiques. Les échecs étaient nombreux,
les " parasites éliminés ". Combien de chinoises
et chinois ont été sacrifié pour une malheureuse
médaille en athlétisme ? Et nous devrions applaudir
! Combien de jeunes d'Afrique recrutés par des clubs européens
sans scrupules à qui l'on a promis fortune et gloire se retrouvent
après leurs échecs sans ressources et sans-papiers
? Et nous devrions applaudir à une finale de coupe d'Europe
? Et nous devrions enfin applaudir au come-back d'un condamné
du cancer qui par la lutte, le courage et l'abnégation sont
parvenus à monter les pentes des cols à la vitesse
d'une mobylette ? Combien de millions de dollars aura coûté
à la médecine américaine ce retour ? Ce n'est
plus la gloire du sport qui est ici célébré
mais celle d'une médecine à plusieurs vitesse, fortement
concurrentielle qui, pour un coup de pédale d'Amstrong a
laissé sur le carreau tant d'autres.
L'entraînement reflète bien cette transformation idéologique.
Il place le sportif dans une perpétuelle situation de compétition
ou chaque mouvement se doit d'être rationalisé et répété
jusqu'au moment où son corps devient complètement
étranger à son esprit, afin d'optimiser le geste parfait.
Il y a bien conditionnement à la taylorisation : répétition,
spécialisation, rendement, recherche du profit et de la performance,
inhibition de tout ce qui peut être un frein à la compétition
4. Ce qui pour certains peut aller jusqu'au contrôle de la
vie sexuelle, avec mariage provoqué pour assurer une stabilité
du champion. Lors des grandes compétitions internationales
il y a ceux qui utilisent largement la prostitution comme par exemple
lors de la finale des championnats du Monde de Hockey en 97 en Finlande
où les hôtels voisins des athlètes étaient
remplis de prostitués de Lituanie et d'Estonie, ou bien ceux
qui prônent et obligent l'abstinence sexuelle et une vie monacale.
Tel fut le cas de l'équipe du Portugal finalistes de l'Euro
2004 5. On recherche avec cette aliénation à maximiser
le corps à la performance en faisant de la souffrance quotidienne
une jouissance future. On demande à l'athlète une
pureté morale, toute chrétienne, qui donne à
la douleur une valeur exemplaire : le sportif défiguré
par les stigmates de l'effort est un christ qui s'ignore. La lutte
des " cadres ", " jeunes travailleurs dynamiques
" et autres " grands prêtres " sortis des écoles
de commerce, ne passent-elle pas par des " plans de carrière
" sur fond de souffrance, le plus souvent intériorisée
pour la gloire de l'entreprise ?
L'éthique du capitalisme
D'ailleurs le patronat a depuis longtemps compris l'utilisation
qu'il pouvait faire du sport. Par le biais des équipes d'entreprises,
de travailleurs, ou subventionnées comme le club de foot
de Sochaux par Peugeot, il a réussi à souder les liens
entre les salariés et l'usine et donc à les enchaîner
encore plus à celle-çi. Dans un même creuset,
autour de la machine, se trouvent moulé tous les acteurs
de la production. C'est exactement la même fonction sociologique
que le fameux slogan " black, blanc, beur " de la coupe
du Monde 1998 : tous ensemble dans la rue pour célébrer
la gloire de ces intégrations exemplaires ! Après
la fête, chacun retourna dans son ghetto.
Aujourd'hui les passerelles entre le monde de l'entreprise et du
sport sont de plus en plus nombreuses, il suffit d'ailleurs d'analyser
le vocabulaire de l'entreprise, on y retrouve de plus en plus celui
du sport et vice et versa : entraîneurs repris dans les sociétés
ou dans les cabinets de consultation, sportifs d'entreprise dont
le principal intérêt est qu'ils servent d'intermédiaire
entre la direction et ses employés. Ils deviennent les principaux
partenaires de la collaboration d'entreprise. Le sport c'est la
victoire de la bourgeoisie dans la lutte de classe !
Mais si cette servitude du sport au capitalisme est un risque pour
toute forme d'émancipation et de luttes, le danger provient
aussi d'une quasi absence de critique radicale à part quelques
revues comme récemment L'Emancipation syndicale pédagogique
6, et quelques auteurs (Caillat, Brohm). La critique du sport existe
pourtant depuis l'antiquité, notamment chez Euripide : "
Parmi les mille maux qui affligent la Grèce, il n'en n'est
de pire que la race des athlètes […] Tout d'abord,
ils sont incapables de vivre ou d'apprendre à vivre convenablement.
Comment, en effet, un homme qui est l'esclave de ses mâchoires
et le serviteur de son estomac pourrait-il amasser assez d'argent
pour nourrir son vieux père ? En outre, les athlètes
ne peuvent pas supporter la pauvreté et ne savent pas faire
fructifier leurs biens. Habitués aux mauvaises mœurs,
ils se tirent difficilement d'embarras. Ils brillent comme des statues
dans leur jeunesse, mais lorsque vient l'amère vieillesse,
ils ressemblent à des vieux tapis défraîchis
et déchiquetés ". Si ce n'est un petit cercle
de contestataires rien ne perce de ce mouvement 7et l'absence de
débat fait du désir de vaincre une loi universelle
et de la révolution de la performance (qui devient aussi
la règle à l'école avec Thélot et Fillon)
une vérité indiscutable. Pour reprendre les propos
Zeev Sternhell sur le fascisme " levier d'une révolution
des âmes et des esprits " 8, le sport rempli pleinement
ce rôle.
Le consensus médiatique
Seulement, à la différence des totalitarismes laissés
dans les poubelles de l'histoire, le sport fait presque l'unanimité
et le consensus. Il est en passe de réussir là où
les mouvements de jeunesses totalitaires et autres brigades de jeunes
ont échoués. En tant que libertaire, il nous faut
donc contribuer à casser ce consensus construit autour d'une
collaboration de classe heureuse et enthousiaste. Il nous faut batailler
contre ces journalistes (la caricature en revenant au Journal des
Sports de France 2) écrivains et autres laudateurs des exploits
homériques et de la petite anecdote du Tour de France. Le
peloton est d'ailleurs à l'image même du capitalisme
9. Une critique radicale des médias doit être portée
par au moment des grandes compétitions nationales et internationales
et doit s'attaquer à cette machinerie de formatage cérébrale
et de légitimation du système ambiant. Les grands
maîtres du totalitarisme, ne pouvaient mieux rêver que
de voir les medias participer aussi servilement à cette entreprise
d'aliénation. Là, où ils deviennent carrément
vulgaires c'est quand ils nous sortent leur pompeux discours sur
les fonctions thérapeutiques du sport : modérateur
social de la violence, antidote aux crises, émancipant les
foules ! Ils sont arrivés à nous faire avaler les
pires couleuvres sur la neutralité politique et l'absence
d'idéologie du sport ! Par leur soi-disant apolitisme ils
sont de véritables danger public pour les libertés.
Une campagne de boycott des Jeux olympiques de Pékin en 2008
(les arguments sont faciles à trouver) et surtout le refus
de voir Paris devenir la capitale du muscle marchandisé en
2012, semble en l'état actuel difficilement réalisable.
Le discours consensuel trouve un écho très accueillant
chez une grande partie d'une gauche rabougrie, voire chez certains
camarades révolutionnaires ! Socialistes parisiens (pour
les JO et à titre d'exemple, les socialistes à Paris
ne se démarquent nullement du reste de la social-démocratie
européenne ), CFDTistes annonçant une trêve
si l'épreuve est nationale, nos apôtres du capitalisme
soft ont vidé de son sens toute idée de lutte de classe
afin de lancer le grand nettoyage pour préparer Paris à
2012.
Pourtant, c'est un combat auquel il nous faut réfléchir,
au moins pour parvenir à fédérer autour d'un
même objectif tout les courants contestataires et au-delà
de la critique radicale du sport réfléchir et débattre
à une alternative à ce grand déballage médiatique.
Car, il est hors de question d'abandonner le sport mais de le rendre
à ce qu'il doit être : un jeu, un amusement populaire
débarrassé de sa fonction nationale, compétitive
et marchande, violente et totalitaire. Un autre sport est possible,
à ceux qui y croient d'en débattre !
Eric
1. Pierre Milza, François Jequier et Philippe Tétart
(dir.), Le Pouvoir des anneaux. Les Jeux Olympiques à la
lumière de la Politique ; Jean-Marie Brohm, Le Mythe olympique
; Jean-Marie Brohm, 1936, Jeux olympiques à Berlin.
2. Eric Maitrot, Sport et Télé, les liaisons secrètes.
3. " Le sport c'est la guerre ", Manière de Voir,
n° 30, mai 1996 ; " Football et passions politiques ",
Manière de Voir, n° 39, juin 1998.
4. Michel Caillat, L'Idéologie du sport en France.
5. A. Billebault et O. Beaufays, " Affreux, sales et méchants
", Sport et Vie, septembre 2004.
6. L'Emancipation syndicale pédagogique, Dossier "
Retour partisan de la critique du sport ", juin 2004.
7. Et ce n'est pas le récent plaidoyer du populaire Albert
Jacquard contre les jeux qui risque d'inverser la tendance. Halte
aux jeux, par A. Jacquard.
8. Zeev Sternhell, Mario Sznajder, Maia Ashéri, Naissance
de l'idéologie fasciste.
9. À ce propos lire le très intéressant L.A
Confidentiel, pour avoir une réalité de ce que peut-être
un peloton.
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