"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
Les intellectuels et le football Montée de tous les maux et recul de la pensée.
Marc Perelman
Editions de la Passion - 2000

Origine :http://www.philosophie.org/football.html


L'anti-racisme foot

SOS-Racisme a osé, en octobre 98, placarder pendant quelques jours dans le métro parisien (mais d'où vient tout cet argent ?), une affiche de grande dimension où l'on voit le dos d'un maillot de l'équipe de France sur lequel sont inscrits ces mots : " Ce soir là tous les Français ont été scandalisés par l'expulsion d'un black " (Référence à l'expulsion de Marcel Dessailly.)

En bas de l'affiche, on pouvait lire: " N'oublionsjamais qu'on peut être heureux tous ensemble. "

N'en déplaise à cette association de dépolitisation de la jeunesse et dont l'ancien président, Fôdé, Sylla, a depuis pris bonne place pour les Européennes de 1999 sur la liste du Parti communiste, nous maintenons que la lutte contre le racisme ne passera pas par la défense d'un footballeur, fût-il de couleur noire. De même, il est une imposture politique que de situer sur le même plan l'expulsion de France des sans-papiers sans ressource, démunis de tout, et un joueur milliardaire après qu'il ait d'ailleurs commis une faute sur un autre joueur.

Une association SOS-Racisme en tant que telle a participé, à sa façon, à la fascination pour le football, et par cela même au renforcement des pires mythes autour d'un combat antiraciste souterrain de la part des joueurs, un combat qui n'a jamais existé, n'existe pas, et n'existera pas plus dans l'avenir. Immense mystification donc de croire que d'être de couleur et footballeur devrait permettre de lutter contre le racisme ! De même, immense mystification de croire que d'admirer et de s'identifier à des hommes de couleur et footballeurs favoriserait la lutte des jeunes contre le racisme ou la guerre.

À ce moment-là, rappelons-nous le, lorsque se déroulaient les pires exactions contre leurs propres familles en Algérie, a t on vu défiler ces mêmes jeunes dans les rues ? Où était la génération " black, blanc, beur " si motivée à lutter contre le racisme et la guerre ?

Alors il faut l'affirmer, c'est bien le football qui a su, au contraire, apparaître au bon moment, et canaliser toute l'émotion et la volonté d'agir de la jeunesse vers les stades et ce au profit des footballeurs (une poignée d'individus) et de leurs patrons (une autre poignée plus petite encore). Le spectacle fut en effet consternant : racistes et anti-racistes ont été au coude à coude fusionnant dans la grande liturgie footballistique émotionnelle la plus abjecte.



Le Football une peste émotionnelle Planète des singes, fête des animaux.
J.M Brohrn Marc Perelman - Editions de la Passion 1998

Dans cette vaste légion familière, qui regroupe toutes les tendances de la gauche et de la droite, toutes les tribus de la jet-set tous les dévots de la société du spectacle, on reconnaîtra sans peine les bateleurs ordinaires de l'opium du peuple qui prennent leur pied à voir jouer les autres du pied et du poing, tel Bemard Pivot (" Le pied ", Contact, le magazine des adhérents de la FNAC, n' 343, mai-juin 1998) lequel associe spontanément le football et l'amour. " Il est pratiqué, dit-il extasié, dans le monde entier. L'universalité de ce sport , je parle du football, n'est elle pas la preuve qu'il obéit sur tous les continents, dans toutes les races [sic], à des besoins, des pulsions, des envies, qu'il est un heureux effet de la nature de l'homme. "

Nous y voilà : la nature éternelle et universelle de l'homme ! " De tout temps l'homme... ", peut-on lire dans les mauvaises dissertations de terminales. D'ailleurs Pivot n'hésite pas à comparer le football à la littérature et les footeux à des écrivains, " et comme les livres, les matchs sont décevants ou superbes ". Voilà la première imposture postmoderne : celle qui consiste à comparer, voire à mettre sur le même plan des phases de jeu et des phrases littéraires, à postuler de manière totalement idéologique que le football fait partie de la culture au même titre que Shakespeare, Dante, Goethe ou Proust.

Manifestement, pour Pivot une paire de chaussures à crampons ou une bouteille de beaujolais sont équivalentes à une oeuvre d'art, la pelouse comparable à un musée ou à une bibliothèque et les gestes sportifs identifiables à des créations spirituelles.

Ce type de pensée confusionniste où tout est équivalent, où il y a inversion des valeurs, où la culture humaine est ramenée au niveau d'une culture physique et la réflexion théorique au niveau de la transpiration, est le signe le plus certain de la crétinisation qui s'est emparée des " leaders d'opinion ".

Prétendre aujourd'hui que le football participe de la culture, c'est non seulement se foutre du monde, mais avoir une bien piètre image de la culture, celle du prêt à penser, du fast thinking, du zapping et du " nique ta mère " qui domine aujour"hui dans les médias où officient les nouveaux chiens de garde. La passion n'autorise pas tout et sûrement pas cette démagogie gluante qui permet à des ahuris refoulés d'exhiber leurs préjugés réactionnaires, comme le fait avec constance Bromberger, admirateur d'une "passion très masculine " : " Chaque équipe de mâles protège ses cages qu'elle doit conserver "vierges", "inviolées" et tente de "pénétrer" voire de "perforer" la défense. On doit "déflorer" les buts adverses Les mots sont évocateurs [ ... ].

Face à l'évolution du statut des femmes, le terrain de foot est devenu pour les hommes l'espace refuge par excellence. On y est loin des femmes, on peut dire des choses qu'on ne pourrait plus se permettre ailleurs. On a le droit à l'excès verbal, gestuel, aux gros mots sans être jugé vulgaire ou taxé de machisme.

Et cela s'étend aux supporters devant leur télé " (Marie Claire etl'Équipe magazine, juin 1998, p. 35). Notre ethnologue de Marie Claire, tout émoustillé par ces transgressions sexuelles verbales, ne se pose même pas la question du sens de ce genre de " culture " virile de la braguette et des " plaisanteries sexuelles "propres aux beaufs, aux phallocrates, aux bidasses en goguette, aux camionneurs et, bien sûr, aux habitués des troisièmes mi-temps, qui sont, chacun en conviendra, des hauts lieux de délicatesse humaniste et de raffinement culturel.