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Conclusion
Foucault et la philosophie

Origine : http : //www.univ-tours.fr/ash/polycop/philo/chevalley/foucault/10Conclusion.htm
Cours de la Fac de Tours Catherine Chevalley 2001

Conclusion
Foucault et la philosophie

Influence de Nietzsche, Bataille et Blanchot :

Cf. l'Entretien avec Trombadori, 1978 ; DE IV, 41-95 : influence de N, B, B, vus comme "décalés" par rapport à l'université, sous deux formes : la critique de la catégorie de sujet, et la conception de la philosophie comme expérimentation sur soi-même.

"N., Bl. Bat. sont les auteurs qui m'ont permis de me libérer de ceux qui ont dominé ma formation universitaire, au début des années 50 : Hegel et la phénoménologie. Faire de la philosophie alors, comme du reste aujourd'hui, cela signifiait principalement faire de l'histoire de la philosophie" (DE IV, 48).

"Je ne me considère pas comme un philosophe. Ce que je fais n'est ni une façon de faire de la philosophie ni de suggérer aux autres de ne pas en faire. Les auteurs les plus importants qui m'ont, je ne dirais pas formé, mais permis de me décaler par rapport à ma formation universitaire, ont été des gens comme Bataille, Nietzsche, Blanchot, Klossowski, qui n'étaient pas des philosophes au sens institutionnel du terme, et un certain nombre d'expériences personnelles, bien sûr." (…) Pour Nietzsche, Bataille, Blanchot, (…) l'expérience c'est essayer de parvenir à un certain point de la vie qui soit le plus près possible de l'invivable. Ce qui est requis est le maximum d'intensité, et en même temps d'impossibilité" (DE IV, 43).

"L'idée d'une expérience limite, qui arrache le sujet à lui-même, voilà ce qui a été important pour moi dans la lecture de Nietzsche, de Bataille, de Blanchot, et qui a fait que, aussi ennuyeux, aussi érudits que soient mes livres, je les ai toujours conçus comme des expériences directes visant à m'arracher à moi-même, à m'empêcher d'être le même" (DE IV, 43).


La critique de la catégorie de sujet et la formulation de la question de la vérité

Cf. Cours du 6 janvier 1982 :
"Appelons, si vous le voulez bien la 'philosophie' cette forme de pensée qui s'interroge, non pas bien sûr sur ce qui est vrai et sur ce qui est faux, mais sur ce qui fait qu'il y a et qu'il peut y avoir du vrai et du faux, et que l'on peut ou que l'on ne peut pas partager le vrai du faux. Appelons 'philosophie' la forme de pensée qui s'interroge sur ce qui permet au sujet d'avoir accès à la vérité, la forme de pensée qui tente de déterminer les conditions et les limites de l'accès du sujet à la vérité. Eh bien, si l'on appelle cela philosophie, je crois qu'on pourrait appeler 'spiritualité' la recherche, la pratique, l'expérience par lesquelles le sujet opère sur lui-même les transformations nécessaires pour avoir accès à la vérité. On appellera alors 'spiritualité' l'ensemble de ces recherches, pratiques et expériences que peuvent être : les purifications, les ascèses, les renoncements, les conversions du regard, les modifications d'existence, etc., qui constituent non pas pour la connaissance, mais pour le sujet, pour l'être du sujet, le prix à payer pour avoir accès à la vérité". (p. 159).

La question de l'histoire de la vérité est liée à celle de l'histoire des sciences ; cf. Trombadori (parallèle entre son accès à l'HS et son accès à Nietzsche, Blanchot, Bataille). Foucault dit que les questions qui se posaient étaient alors :
"dans quelle mesure l'histoire des sciences peut-elle mettre en doute sa rationalité, la limiter et y introduire des éléments extérieurs ? Quels sont les effets contingents qui pénètrent une science à partir du moment où elle a une histoire, où elle se développe dans une société historiquement déterminée ? D'autres questions suivaient celles-ci : peut-on faire une histoire de la science qui soit rationnelle ? Peut-on trouver un principe d'intelligibilité qui explique les diverses péripéties et aussi, le cas échéant, des éléments irrationnels qui s'insinuent dans l'histoire des sciences ? (…) Pour moi au contraire les questions se posaient de façon légèrement différente. C'est là où la lecture de Nietzsche a été pour moi très importante : il ne suffit pas de faire une histoire de la rationalité, mais l'histoire même de la vérité. C'est-à-dire que, au lieu de demander à une science dans quelle mesure son histoire l'a rapprochée de la vérité (ou lui a interdit l'accès à celle-ci), ne faudrait-il pas plutôt se dire que la vérité consiste en un certain rapport que le discours, le savoir entretient avec lui-même, et se demander si ce rapport n'est ou n'a pas lui-même une histoire ? -- Ce qui m'a paru frappant chez Nietzsche, c'est que, pour lui, une rationalité -celle d'une science, d'une pratique, d'un discours - ne se mesure pas par la vérité que cette science, ce discours, cette pratique peuvent produire. La vérité fait elle-même partie de l'histoire du discours et est comme un effet interne à un discours ou à une pratique" (DE IV, 54).

(Question de l'analyse de l'origine de la science dans ce contexte)
"Est-ce qu'au fond une science ne pourrait pas être analysée ou conçue comme une expérience, c'est-à-dire comme un rapport tel que le sujet soit modifié par cette expérience ? Autrement dit, ce serait la pratique scientifique qui constituerait à la fois le sujet idéal de la science et l'objet de la connaissance. Et la racine historique d'une science ne se trouverait-elle pas dans cette genèse réciproque du sujet et de l'objet ? Quel effet de vérité se produit de cette façon-là ? Il en découlerait qu'il n'y a pas une vérité. Ce qui ne veut dire ni que cette histoire est irrationnelle ni que cette science est illusoire, mais confirme au contraire la présence d'une histoire réelle et intelligible, d'une série d'expériences collectives rationnelles qui répondent à un ensemble de règles bien précises, identifiables, au cours desquelles se construit autant le sujet connaissant que l'objet connu" (DE IV, 55).

"Tout ce dont je me suis occupé jusqu'à aujourd'hui concerne, au fond, la façon dont, dans les sociétés occidentales, les hommes ont réalisé ces expériences, sans doute fondamentales, qui consistent à s'engager dans un processus de connaissance d'un domaine d'objets, alors qu'en même temps ils se constituent eux-mêmes comme des sujets ayant un statut fixe et déterminé. Par exemple, connaître la folie en se constituant comme sujet raisonnable (…). Ainsi y a-t-il toujours cet engagement de soi-même à l'intérieur de son propre savoir. Je me suis efforcé en particulier de comprendre comment l'homme avait transformé en objets de connaissance certaines de ces expériences limites : la folie, la mort, le crime. C'est là où on retrouve des thèmes de Georges Bataille.. ; " (DE IV, 57).


Philosopher comme expérience sur soi :

Cf. l'Entretien de 1980 avec Trombadori :
"Le problème de la vérité de ce que je dis est pour moi un problème très difficile, et même le problème central" (p. 44) (A la fois utilise les méthodes les plus classiques : démonstrations, références, schémas d'intelligibilité, etc. Et cherche à faire qu'on sorte de chaque livre avec une nouvelle expérience de notre modernité).
"Je ne pense jamais tout à fait la même chose pour la raison que mes livres sont pour moi des expériences, dans un sens que je voudrais le plus plein possible. Une expérience est quelque chose dont on sort soi-même transformé. (…) Je suis un expérimentateur, et non pas un théoricien (…) j'écris pour me changer moi-même et ne plus penser la même chose qu'auparavant "(DE IV, 41-42).

(Idée qu'avant d'écrire chaque livre, il ignore quelle méthode il va employer : "Chacun de mes livres est une manière de découper un objet et de forger une méthode d'analyse" ; p. 42. Livres d'exploration : HF, NC. Livre de méthode : AS. Et puis : SP, VS. --- Mais : "Ce que j'ai écrit n'est jamais prescriptif ni pour moi ni pour les autres. C'est au plus instrumental et rêveur" : p. 42).

(Un livre est une expérience) -- "Or une expérience n'est ni vraie ni fausse. Une expérience est toujours une fiction ; c'est quelque chose qu'on se fabrique à soi-même, qui n'existe pas avant et qui se trouvera exister après. C'est cela le rapport difficile à la vérité, la façon dont cette dernière se trouve engagée dans une expérience qui n'est pas liée à elle et qui, jusqu'à un certain point, la détruit" (DE IV, 45).

"Il n'y a pas de livre que j'aie écrit sans , au moins en partie, une expérience directe, personnelle" (DE IV, 46).

"Philosopher, c'est se déprendre de soi-même" : cf. l'Introduction de UP, en 1984 :
"Quant au motif qui m'a poussé, il était fort simple. (…) C'est la curiosité - la seule espèce de curiosité, en tout cas, qui vaille la peine d'être pratiquée avec un peu d'obstination : non pas celle qui cherche à s'assimiler ce qu'il convient de connaître, mais celle qui permet de se déprendre de soi-même. Que vaudrait l'acharnement du savoir s'il ne devait assurer que l'acquisition des connaissances, et non pas, d'une certaine façon et autant que faire se peut, l'égarement de celui qui connaît ? Il y a des moments dans la vie où la question de savoir si on peut penser autrement qu'on ne pense et percevoir autrement qu'on ne voit est indispensable pour continuer à regarder ou à réfléchir. On me dira peut-être que ces jeux avec soi-même n'ont qu'à rester en coulisses ; et qu'ils font, au mieux, partie de ces travaux de préparation qui s'effacent d'eux-mêmes lorsqu'ils ont pris leurs effets. Mais qu'est-ce donc que la philosophie aujourd'hui - je veux dire l'activité philosophique - si elle n'est pas le travail critique de la pensée sur elle-même ? Et si elle ne consiste pas, au lieu de légitimer ce qu'on sait déjà, à entreprendre de savoir comment et jusqu'où il serait possible de penser autrement ? (...). L'"essai" - qu'il faut entendre comme épreuve modificatrice de soi-même dans le jeu de la vérité et non comme appropriation simplificatrice d'autrui à des fins de communication - est le corps vivant de la philosophie, si du moins celle-ci est encore maintenant ce qu'elle était autrefois, c'est-à-dire une ascèse, un exercice de soi dans la pensée" (p. 15).


Comment interpréter l'évolution de Foucault ?

HF : généalogie d'une expérience (geste de partage entre folie et raison)
NV : généalogie du savoir médical sur la folie

MC : "excursus", "appendice" à HF et NV. Généalogie de la raison (apparition de "l'homme" comme objet de savoir).

AS : prise de distance critique. Histoire "discontinue" et critique radicale du "sujet fondateur" et de la "conscience transcendantale". Y substituer l'idée de "systèmes d'énoncés".

OD : analyse des procédures de contrôle et d'organisation des discours au sens étroit (formations discursives). Conception du pouvoir encore "juridique" et comme puissance d'interdire.
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SP : tournant essentiel. Analyse du châtiment comme "problématisation" (fonction sociale complexe), dans une formation non discursive (la prison). Nouvelle conception du pouvoir, comme ensemble de procédures de domination sur les corps. Centrée sur l'étude des espaces, du visible et de la surveillance.
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Histoire de la sexualité : passage au problème de la surveillance de la "chair" et du rôle historique du christianisme.
VS. Analyse de la "mise en discours" de la sexualité, critique de l'hypothèse répressive.
2 et 3. UP, SdS. Lien avec éthique et techniques de soi. A partir de là, question de la gouvernementalité.

On a donc :
Expériences de partage / abandon du concept de sujet, de conscience, d'homme / leur substituer : systèmes d'énoncés et organisations du visible dans les formations non discursives / repenser l'individu et la "politique".

(Prisons
? "histoire" du châtiment
? le "pouvoir" moderne comme "surveillance"
? élargissement de la notion de "pouvoir" (explicité dans VS)
? application à la "sexualité", vue comme dispositif de pouvoir (surveillance de la chair via sa mise en discours, XVII-Xxes)
? généalogie de l'homme de désir
? confrontation des morales chrétiennes et des morales antiques
? formes de subjectivation et pratiques de soi
? histoire de la vérité)