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Origine :
http://www.feministes.net/corps_influence.htm
Site feministe.net : http://www.feministes.net/
- Les corps sous influence : un bénéfice particulier -
Mondialisation, globalisation, marchandisation. Autant de termes
simples, issus de notre quotidien, transformés en concept. Cette
transformation a lieu car de nouveaux mots sont nécessaires pour
décrire des mouvements de fond qui marquent donc durablement les
comportements des unes et des autres. Les corps et les sexualités
(ensemble des phénomènes sexuels ou liés au sexe) sont considérés
comme des produits qui se vendent ou s'achètent ; et ce, dans un
contexte où les moyens de production et d'échange sont en propriété
privée et où le but final est la recherche du profit. La société
capitaliste ainsi décrite profite d'un système d'oppression sociale
et juridique basé sur la soumission des femmes : le patriarcat.
Dans ce contexte, la marchandisation des corps et des sexualités
recherche le profit inhérent à la logique du capitalisme. De plus,
de véritables démarcations entre classes sociales reposent sur les
pratiques sexuelles réelles ou fantasmées. Il s'agit d'une codification
à la fois simpliste et complexe qui permet de rejeter l'une ou de
hisser l'autre dans l'une ou l'autre classe. Ensuite, la sexualité
des dominants, nourrie d'autoritarisme et présentée comme majoritaire
se trouve dotée d'une fonction sociale : l'apprentissage et l'habitude
de la soumission. Enfin, se dessine une morale philosophique et
sexuelle à géométrie variable dont la fonction est de légitimer
et conforter un patriarcat «option capitalisme». Cette morale «sur
mesure» tient compte des diverses stratégies mises en œuvre et ignore
leurs éventuelles contradictions internes.
Une logique capitaliste
Le capitalisme est régi par ces règles : tout se vend, tout s'achète.
C'est la loi du marché, l'offre ne fait que répondre à la seule
demande solvable. Les exemples ne manquent pas (voiture, ordinateur,
etc.) pour illustrer la stratégie assez bien rodée d'obtention de
profits maximum. Un produit rare est vendu cher à la petite part
de marché capable de l'acheter. Puis des méthodes de rationalisation
de la production permettent de produire en série, pour un prix de
revient moindre ; de vendre, un peu moins cher mais à plus de monde,
un produit de moins bonne qualité en général, histoire de ne pas
tarir la demande.
Cette logique a réussi un tour de force stupéfiant : la mise à
prix du plaisir en général et du plaisir sexuel en particulier.
Toujours dans un contexte où n'existe que la population solvable
et où 70% des pauvres du monde sont des femmes, cette mise à prix
s'adresse aux hommes. Le tour de force réside dans la présentation
de la satisfaction : rationalisation de la production oblige, cette
satisfaction est réduite à un phénomène éjaculatoire et mécanique.
Tout ce qui est du domaine de l'inquantifiable, du relationnel,
ce qui demande un effort personnel et une mise en question de son
mode de vie, tout ce qui fait la construction intellectuelle de
la relation à l'autre est nié, déclassé. Le plaisir sexuel est simplifié
vers une pratique mécanique : "entrer", "sortir", "recommencer si
nécessaire". De fait, les personnes prostituées proposent, dans
un saisissant raccourci : "l'amour ou la pipe".
Cette même logique de marché aboutit aussi à ce que la condamnation,
pourtant très forte, des conduites homosexuelles s'incline devant
les parts de marché auxquelles elles correspondent. Les homosexuels
sont le plus souvent des hommes célibataires, sans charge d'ascendants,
disposant de bonnes ressources : un marché considérable dont les
demandes de consommation sont satisfaites sans états d'âme.
La majoration des profits appelle l'utilisation de la publicité.
Une des constantes de la publicité est l'utilisation de corps "érotisés",
féminin surtout, comme argument de vente. Cette utilisation ne serait
pas aussi constante si elle n'était aussi efficace. Faut-il donc
comprendre qu'un achat est obtenu contre une sollicitation sexuelle
? En tous cas, la pulsion sexuelle est considérée comme à la base
de l'achat, et les ressources majoritairement masculines. Notons
aussi qu'en vertu du plafond de verre" qui empêche la progression
professionnelle des femmes, les publicistes et leurs clients sont
presque exclusivement des hommes.
En parallèle de l'uniformisation des modes de vie, se construit
ainsi une uniformisation de l'érotisme bien pratique car plus propice
à l'augmentation des profits dans une logique de production en série.
Les corps présentés sont le plus souvent morcelés (les parties manquantes
étant fréquemment la tête, les mains, les pieds), en position d'attente,
frêle, leurs zones sexuelles primaires ou secondaires exposées parfois
plus que le produit vendu. Ainsi est renforcée l'idée que le corps
d'une femme peut être mis en jeu dans un acte d'achat ou de location.
Dans la logique capitaliste, n'existe donc que le profit et sa recherche
quels que soient les clients, les besoins et les produits.
Une solidarité patriarcale ?
Dans notre contexte politique, l'une des classes sociales est composée
d'une oligarchie définie par sa fortune. Cette fortune et le pouvoir
d'achat qui en découle, lui permettent de constants arrangements
avec la morale. Cette morale sert elle-même de base à un véritable
arsenal législatif qui sert à réprimer la délinquance et la criminalité.
Curieusement, certaines déviances qui ne sont pas liées à la classe
sociale, sont moins durement réprimées. De fait, les qualifications
des déviances sexuelles sont donc moins graves (délit plutôt que
crime), les peines moins lourdes (amende et sursis plutôt que prison
ferme) et la priorité donnée pour poursuivre très basse. Ceux qui
sont en position de répression ferment les yeux. Le scandale du
Crédit Lyonnais a été résorbé par les deniers des contribuables,
les victimes de viol continuent de voir leur vie privée mise en
accusation.
Les déviances d'ordre sexuel (violences familiales, viols, mutilations
etc.) sont communes à toutes les classes. Les hommes des classes
moyennes et populaires qui les commettent sont rarement poursuivis
par la police et réprimés par la justice : ils bénéficient
donc des effets d'une certaine solidarité qui achètent leur silence
et les pervertit. C'est un des effets du patriarcat qui accorde
à un homme le devoir de conduire fermement sa famille quitte à recourir
à la violence pour se faire obéir. Ces déviances, qui sont autant
de violences, ont pour enjeu le contrôle sur la vie des femmes et
de leurs enfants. Ainsi, par son regard et ses rapports avec les
femmes de son entourage, en sa qualité de dominant, l'homme aux
conduites patriarcales imprime dans la mentalité des femmes qu'il
approche, la hiérarchie entre sexes et entre genres (les homosexuels
sont pour partie déchus de leur statut de dominant). Ces conduites
diviseuses font échouer la construction d'une solidarité contre
l'oppression économique au profit de l'oppression patriarcale :
exemples historiques d'hommes s'élevant contre le recrutement de
femmes au lieu de se mobiliser pour, au moins, une même échelle
de salaires revalorisée.
Cette solidarité entre dominants s'inscrit dans une logique de
redistribution des miettes du système. Ces miettes calment effectivement
l'appétit en le détournant vers d'autres cibles et concèdent une
certaine identité dans la consommation mais avec des «produits»
dont la qualité se détériore au fur et à mesure qu'on «descend»
dans la classe sociale (prostituées punies avec l'attribution de
secteur à population immigrée). Il semble que la pratique rituelle
d'initiation du fils emmené par son père «aux putes» se soit perdue.
Reste qu'il s'agissait là d'une intégration sociale à part entière
par une pratique de consommation. Cette pratique a une double signification
: affirmer une identité en tant que consommateur et confirmer le
statut d'objet sexuel des femmes.
Difficile d'ignorer l'explosion du rap commercial et ses thèmes
favoris : l'argent, la frime, les femmes. Si leur classe naturelle
leur permet de séduire sans même y prendre garde, certaines femmes
leur sont encore refusées car réservées à d'autres. Dans cette situation,
le viol ou la séduction des femmes de catégorie sociale élevée fait
partie de la logique de reprise individuelle ; de même que voler
une voiture, de l'argent. Par contre, les mêmes sont prompts à sanctifier
leur propre mère et à dénoncer les violences, y compris conjugales,
qu'elle a dû affronter. Encore un effort…
La fonction sociale d'une sexualité autoritaire
La perspective de manipulation d'argent avec bénéfices à la clé
prime sur toute autre considération, y compris celle de la morale
dominante : fidélité (un homme puissant a, au moins, une maîtresse),
respect de la vie (trafic d'organes volés sur des personnes vivantes
mais incapables de se défendre), morale sexuelle (association des
commerçants gays qui monopolise la fierté homosexuelle).
Le système patriarcal présente la sexualité masculine comme une
pulsion impérative, non différable et non maîtrisable. Ainsi la
fatalité est-elle opposée à la détresse des victimes et aux hommes
qui voudraient mettre en cause ces comportements violents.
L'intensité de cette pulsion est fonction de la puissance générale
de l'individu ; l'expression publique de cette intensité (de même
que l'abondante progéniture) est de nature à provoquer l'admiration,
la considération, l'estime autour de soi. En situation de crise,
l'assouvissement de cette pulsion amène à des actes que la morale
propre de l'individu réprouve. Les relations homosexuelles entre
hommes déclenchent le mépris or les caïds en prison ont fréquemment
recours aux viols homosexuels. S'il fallait encore une preuve que
l'enjeu de cette violence est le contrôle d'autrui : la crainte
et le respect des autres détenus augmentent en fonction de cette
fréquence. Grâce à une cécité curieuse (la méthode Coué ?), le violeur
ne «descend» pas au rang d'homosexuel, c'est le violé qui est devenu
l'équivalent d'une femme. Ouf, tout est stable dans le meilleur
des mondes patriarcaux : les puissants renforcent leur domination
à chaque acte de contrôle ; à chaque attaque, les dominés baissent
un peu plus la tête et les bras en se culpabilisant.
Faire accepter l'idée que la sexualité masculine est une pulsion
à assouvir sans discernement est bien pratique à d'autres égards.
Cette absence de réflexion sur la portée de ses propres actes, ce
degré zéro de conscience de la violence sexuelle quotidienne est
le même état d'esprit qui permet d'absorber sans broncher les discours
démagogiques politiques ou commerciaux. La publicité a une double
fonction : promouvoir l'achat de produit et promouvoir un système
social. La majorité des publicités repose sur un argument sexuel
auquel les hommes ont véritablement appris à réagir impulsivement
: une fois encore, ne pas avancer d'arguments rationnellement construits,
privilégier le «repos du guerrier», confirmer l'idée que le corps
des femmes est dédié au délassement des hommes. Privilégier l'idée
que certaines personnes sont plus humaines que d'autres, dès la
plus tendre enfance et en faire la démonstration par l'exemple.
Une morale philosophique et sexuelle à géométrie variable confortant
le patriarcat option capitalisme
Dans le cadre du mariage, un homme accepte que son épouse dépense
son sperme en enfants, fiertés de leur père et son argent à attirer
la considération sociale (maison moderne et équipée, bonne présentation
physique et vestimentaire, études des enfants). Cette considération
se transforme parfois en véritable argument de vente dans le cas
des dîners entre futurs associés. A cette occasion, ils donnent
à voir leur vie familiale comme gage de leur fiabilité professionnelle.
Ce même homme en situation de divorce conçoit comme évident de ne
rien payer d'une pension alimentaire puisqu'il n'a plus accès au
corps de son ex-épouse et très fréquemment le lien de paternité
se dissout. Il y a donc une véritable tractation commerciale derrière
les liens du mariage.
La vue de scènes à caractère sexuel doit provoquer une sensation
de plaisir ou le rire. Le refus d'en prendre connaissance est vécue
de manière négative et ferme la porte à tout un pan de la sociabilité,
notamment dans l'espace professionnel. L'accès aux écrits ou aux
images marquent aussi un rite initiatique de passage à l'âge adulte.
Les histoires drôles véhiculent l'idéologie patriarcale : le pénétrant
est vainqueur, la pénétrée est vaincue mais quand même satisfaite
( !) ; ce sont les femmes qui propagent les MST ; les lesbiennes
n'attendent que l'homme qui saura les révéler à elles-mêmes ; les
hommes sont seulement dans la séduction et assument les conséquences
de leurs actes, en personne responsable. Le vieil antagonisme du
Don Juan et de la salope.
Face à ces pratiques profanes, les divers mythes religieux alimentent
de concert la norme patriarcale. Les catholiques tiennent beaucoup
à l'immaculée conception de Marie (seule femme née sans porter la
faute de son aïeule Ève) et sa virginité maintenue même après l'accouchement.
Prière juive masculine remerciant au réveil de ne pas être née femme.
Statut d'objet bon à produire des fils dans l'Islam. Condamnation
à mort dans les différents pays asiatiques (gynocide en Inde et
en Chine, séquestration des femmes dans la maternité et le soin
du foyer, geisha mais interdites de théâtre au Japon).
Que ce soit dans la gauloiserie ou dans le sacré, les femmes sont
irrémédiablement salies par le contact des hommes : matrices pour
la reproduction, disponibles pour l'hygiène, béatifiées sur l'autel
des couches culottes et du soin des personnes âgées ou mortes. Autant
de fonctions qui définissent une sous-caste de "touchables" universelle
pour le plus grand confort et soulagement de ceux qui n'en sont
pas.
La ficelle est ancienne et connue : on supporte mieux son oppression
quand on a quelqu'un d'autre à opprimer. Une sexualité autoritaire
sert d'instrument de contrôle permanent sur les autres et sur soi
puisqu'elle ouvre une spirale de violence qui se nourrit elle-même
et coupe court à toute sociabilité. Cette position de supériorité
permet de se défouler de ses frustrations, de les compenser à court
terme. En effet, tous les indicateurs de développements, surtout
ceux qui tiennent compte de la qualité de vie, montrent que la scolarisation
des filles et la participation des femmes aux choix de société se
conjuguent avec stabilité et développement durable. Dans quelle
société voulons-nous vivre ?
Elisa Jandon
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