Origine http://endehors.org/news/10884.shtml
De nouvelles découvertes scientifiques confirment l'intuition
de Kropotkine sur la tendance ( naturelle ou culturelle, le départage
entre ces deux options n'est pas encore établi ) des êtres
humains à coopérer plutôt qu'à s'agresser.
Depuis la fin du 19ème siècle les hommes de sciences
et les économistes présentaient la société
humaine depuis sa naissance comme une mêlée générale
où les plus forts sortent vainqueurs, dans ce contexte, la
nature guerrière des humains préhistoriques venaient
apporter une confirmation à l'essence violente de l'humanité.
Dans son livre L'entraide, un facteur de l'évolution, le
penseur anarchiste Pierre Kropotkine (1842-1921) proposait plutôt,
une conception du progrès dans la nature et la société
fondée sur l'entraide et la sociabilité, idée
allant à contre-courant des conceptions dominantes.
Selon Robert W. Sussman, anthropologue à l'université
de Washington à St Louis, cette idée longtemps soutenue
que les premiers humains étaient des guerriers, tient plus
à un postulat judéo-chrétien faisant de l'homme
un être agressif et un mal en soi.
D'après Agustin Fuentes, chercheur à l'université
de Notre Dame en Indiana, l'humanité a plus évolué
en coopérant qu'à se battre.
Fuentes et d'autres chercheurs pensent que les humains étaient
les proies de grands carnivores et n'ont survécu que grâce
à la coopération entre eux, orientant les prédateurs
vers d'autres proies plus faciles à attraper.
Sussman est le co-auteur d'un livre paru en 2005, « Man the
Hunted: Primates, Predators, and Human Evolution». Dans ce
livre Sussman and Donna L montrent que les humains ont d'abord évolué,
non comme des chasseurs mais comme des proies. Le titre du livre
fait référence à un symposium sur « l'homme
chasseur » qui s'était déroulé en 1966
à l'Université de Chicago et à un livre du
même titre paru en 1968.
Le colloque et le livre de 1968 présentaient alors ce qui
apparaissait comme la pointe de la recherche, en particulier les
thèses de Napoleon Chagnon, un anthropologue de l'université
de Santa Barbara en Californie. Chagnon avait étudié
la guerre chez les Yanomami et les Yanomamo des tribus du bassin
de l'Amazone. Son livre s'était vendu à des millions
d'exemplaires et était devenu un ouvrage de référence
en anthropologie.
Cette année, Douglas Fry, un chercheur de l'Åbo Akademi
University en Finlande et de l'University of Arizona à Tucson,
publie un livre intitulé « The Human Potential for
Peace » qui réfute certaines des affirmations de Chagnon.
Selon Fry , les études tendant à montrer que les
humains se définissent par leur capacité à
tuer sont fausses, il considère plutôt qu'ils se caractérisent
par leur capacité dans la résolution paisible des
conflits. Il contredit l'affirmation de Chagnon selon laquelle les
hommes Yanomani qui étaient les meilleurs guerriers avaient
aussi le plus d'enfants. Fry en réanalysant les données
de Chagnon s'est aperçu que celui-ci n'avait pas pris en
compte les différences d'âge et que ce n'étaient
pas les meilleurs guerriers qui avaient le plus de succès
reproductif mais les plus âgés.
Et plutôt que d'étudier les peuples « premiers
» comme l'a fait Chagnon, Fry s'est tourné vers les
restes fossiles. Il a constaté que nos ancêtres il
y a 3 ou 4 millions d'années Australopithecus afarensis avaient
de petites dents, manquaient d'outils et mesuraient un mètre.
Sans outil et avec leur taille, il est fort probable que nos ancêtres
ont utilisé leurs capacités à s'échapper
des prédateurs. A cet époque l'australopithèque
a subi a peu près le même taux de prédation
que les autres espèces de primates, d'après Fry (
à peu près 6% ).
Mais il y a deux millions d'années, un changement s'est
produit, les taux de prédation des autres espèces
ont soudainement monté, tandis que celui des humains diminuait.
Un autre groupe de primates avec des attributs humains le Paranthropus
s'est éteint il y a un millions d'années alors que
notre ancêtre Homo erectus prenait son expansion.
La coopération entre les australopithèques pourrait
bien expliquer leur survie, hypothèse confirmée
dans un autre domaine par les recherches en neurologie darwinienne
de James K. Rilling qui dirige le laboratoire de l'université
d'Emory à Atlanta. Elles ont montré un lien potentiel
entre l'acte de coopération et les centres de la récompense
du cerveau.
Si les humains préhistoriques obtenaient une satisfaction
instantanée en coopérant cela a pu faciliter la survie
du groupe.
Voilà de nouveaux éléments qui apportent du
grain à moudre à la vision de l'histoire, telle que
se la représentent les anarchistes : l'entraide et la coopération
comme facteur d'évolution. La violence et la guerre ne sont
pas consubstanciels de l'espèce humaine, une autre organisation
sociale basée sur la coopération a préexisté
à l'ordre social fondé sur la hiérarchie et
la lutte. La violence n'est que le moyen d'exercer un certain type
de pouvoir.
Libertad
Informations scientifiques tirées d'un article de National
geographic : "Early Humans Were Prey, Not Predators, Experts
Say"
A lire également : Aux origines de la guerre ( John Zerzan
Green Anarchy #21 automne-hiver 2005-2006 )
Mis en ligne par libertad, le Samedi 17 Juin 2006, 21:30 dans la
rubrique "Pour comprendre".
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