Pourquoi ce texte ?
Ce texte n’a pas pour but de faire le
procès d’individu en particulier mais bien de réinterroger
le cadre patriarcal, de questionner nos pratiques et surtout de
proposer un cadre politique et non pas psychologique aux discussions
sur la question du viol qui ont lieu en ce moment dans des réseaux
nantais.
Il nous est apparu nécessaire d’écrire ce texte
à la lecture d’un mail arrivé il y a quelques
mois sur Indymedia Nantes et d’autres réseaux militants.
Ce mail appelait au lynchage d’un mec ayant violé une
nana au Danemark. Il nous semblait important que notre parole de
femmes/libertaires/féministes puisse alimenter la réflexion
collective. Il est fondamental de revenir sur la définition
du viol, sur la façon dont le patriarcat conditionne nos
vies. Il est essentiel de construire nos propres formes d’intervention
face à des actes qui sont inacceptables (qui ne soient pas
celles de la justice bourgeoise).
Le viol c’est quoi ?
Un viol c’est une relation sexuelle non consentie, avec ou
sans pénétration, avec ton/tes compagnons, avec un
inconnu, avec ou sans violence physique. Le viol ce n’est
pas seulement l’image stéréotypée d’un
gros méchant type qui nous poursuit avec une arme dans une
rue sombre, mais c’est aussi un moment où on n’entend
pas notre NON.
NON, c’est NON
« pas maintenant » ça veut dire NON
« j’ai un copain/une copine » ça veut
dire NON
« peut être plus tard » ça veut dire
NON
« non merci » ça veut dire NON
« tu n’es pas mon genre » ça veut dire
NON
« va te faire foutre » ça veut dire NON
« maintenant laisse moi tranquille » ça veut
dire NON
« ne me touche pas » ça veut dire NON
« je t’aime bien, mais… » ça veut
dire NON
« allons juste dormir » ça veut dire NON
« je ne suis pas sûre » ça veut dire
NON
« tu as, j’ai trop bu » ça veut dire
NON
« pffff » ça veut dire NON
« j’ai mal à la tête » ça
veut dire NON
« le silence » ça veut dire NON
« … » ça veut dire NON
Le privé est politique
Le viol est un acte social ancré dans le cadre patriarcal.
Il n’est qu’un des aspects du système d’oppression
auquel nous sommes soumises. C’est pour cela que le viol nécessite
une réponse collective et politique.
Nos relations charnelles sont le fruit de siècles de conditionnement.
Les femmes ont tellement intégré les outils de leur
propre oppression et les hommes sont tellement bien installés
dans leur place de dominant que ça n’est pas sans conséquence
sur nos vies dites « privées ».Toi, mec, souviens-toi
de toutes les fois où tu n’as pas pris en compte les
désirs, les envies, le non-désir de ta ou ton partenaire.
Es-tu vraiment sûr de considérer comme sujette ta partenaire
dans l’acte amoureux ? (lascive, passive, j’attends
tes assauts mon amour…) Ne considères-tu pas ta bite
comme l’unique outil de plaisir sexuel ? Souviens-toi que
tu as des doigts, des genoux, des oreilles, une bouche, et déculpabilise-toi
de ne pas bander ! Les femmes participent à la négation
de leur propre désir/plaisir en le transposant dans le désir/plaisir
de leur partenaire – tu bandes donc je suis, tu craches donc
je jouis… La violence existe dès lors qu’on ne
peut pas dire non et l’éducation sexuelle des filles
consiste à leur apprendre à dire oui (libération
sexuelle quand tu nous tiens…).
Il s’agit de construire ensemble un environnement favorisant
l’épanouissement de chacunE.
Justice bourgeoise et logique revancharde. Quelle alternative
pour que crève le patriarcat ?
Le viol est un acte social ancré dans le cadre patriarcal,
il ne s’agit cependant pas de nier la responsabilité
individuelle du violeur. Les nanas victimes ont besoin d’être
reconnues comme telles. Néanmoins nous refusons les réponses
que donne la justice bourgeoise qui ne reconnaît pas le viol
comme la partie émergée de l’iceberg patriarcal
mais comme un acte d’individu déviant. L’Etat
viril se dédouane de sa responsabilité en traitant
les viols comme des bavures isolées, occasionnelles d’affreux
psychopathes. Nous ne croyons pas en la punition d’Etat, ni
prison, ni camisole chimique.
Même si ça peut faire du bien, nous doutons de l’efficacité
d’actions revanchardes et justicières (lynchage, tribunaux
populaires, exclusion…) sous couvert de cohérence politique.
Il s’agit de ménager les personnes mais pas le patriarcat.
Nous croyons en la transformation des individus car nous pensons
que toute personne est susceptible d’évoluer et que
cela relève de notre responsabilité individuelle et
collective.
Des féministes libertaires nantaises
25 Mai 2004
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