Origine :
http://www.rennes.maville.com/Feu-nourri-du-barreau-contre-le-tout-repressif/re/actudet/actu_loc-424283-----_actu.html
Feu nourri du barreau contre le tout-répressif
À l'occasion de la Journée nationale sur la situation
dans les prisons et autres lieux de rétention, les avocats
ont brossé un tableau très critique.
Invité au point presse du bâtonnier, Jean Bouessel
du Bourg, le directeur de la maison d'arrêt Jacques-Cartier,
Pascal Vion, s'est retrouvé en situation délicate.
Les membres du barreau ont tiré à feu nourri sur une
justice qui serait de plus en plus répressive, dénonçant
les atteintes à la dignité des personnes. Invité
à s'exprimer, le fonctionnaire de l'administration pénitentiaire
s'est gardé de tout commentaire. Il est là pour appliquer
la loi. Souhaite-t-il que la grâce présidentielle fasse
un peu de place dans son établissement ? Là aussi,
ce n'est pas à lui d'avoir un avis. Les avocats le font à
sa place. « Il y a une tradition qui ne nuit pas à
la politique pénale. Je souhaite qu'elle puisse encore s'appliquer
», souligne le bâtonnier.
Le centre de rétention : « Mauvais souvenirs »
Garde à vue, détention provisoire, peines plancher,
centre de rétention administratif pour les sans-papiers :
le panorama du barreau ressemble à un réquisitoire.
Le bâtonnier sortant Bondiguel pousse même un coup de
gueule quand il aborde le dossier du travail clandestin qui donne
lieu à un procès médiatisé. «
On dit au donneur d'ordres (Cardinal) qu'il aurait dû faire
ce que les autorités n'ont pas fait. C'est de l'arrogance.
» L'avocat s'interroge sur l'avenir d'une société
qui met l'accent, à chaque nouvelle réforme, sur le
tout-répressif. « On ne sait plus travailler sur le
volet préventif. Il y a une sorte de désespérance
de l'homme. On ne sait plus croire en l'autre. »
Jean Bouessel du Bourg est dans le même registre quand il
évoque la construction, à Saint-Jacques-de-la-Lande,
d'un bâtiment de 10 millions d'euros, avec le drapeau français
au milieu. Son ouverture est prévue le 1er août. «
Le centre de rétention administratif est destiné à
recevoir des milliers de sans-papiers, dont des enfants. Je vois
des baraques avec des grillages. Ça me rappelle de mauvais
souvenirs. » L'avocat s'inquiète déjà
des coûts de fonctionnement. « Il y aura 60 gendarmes
en permanence. Mais les avocats n'auront droit qu'à un seul
local pour des missions presque gratuites. »
A Rennes, Mickaël Goubin est spécialisé dans
la défense des personnes sans-papiers. Il a vu l'arsenal
législatif se renforcer tous les ans. « La garde à
vue peut durer sept à huit jours. A notre demande, la préfecture
a fini par aménager un local au commissariat. Les gens nous
disent que la rétention administrative est parfois pire que
la prison. La question est de savoir si la politique mise en oeuvre
est conforme à la dignité des personnes et aux conventions
internationales. »
Selon les avocats, certains clients innocents gardent des séquelles
psychologiques de leurs conditions de garde à vue. «
Quand il n'y a plus de place, les gens sont placés en cellules
de dégrisement, comme à Fougères. C'est parfois
immonde. » Le bâtonnier a déjà écrit
au préfet. « Il m'a répondu qu'il menait l'enquête.
Ce traitement dégradant n'est pas acceptable. » Président
de la commission pénale à l'Ordre des avocats, Fabian
Lahaie dénonce les dérives de la détention
provisoire, qui « plombe » les conditions d'accueil.
« Je suis directeur à Rennes depuis trois ans. J'ai
toujours connu une surpopulation. »
Alain THOMAS.
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