Flagrant délit n° 10 (1999)
Entre autonomie et dépendance dans les relations affectives
Tentative d’une lecture psycho-politique et anti-sexiste
1. Etre un homme ça veut dire quoi ou d’où vient
le modèle normatif de la masculinité ?
2. Le rôle de la famille
3. Les limites d’une approche purement psychologique de la question
4. Psycho-thérapie: instrument de libération ou de dépolitisation?
5. Au-delà du psychologique, la domination masculine...
6. La sortie, c’est par où ?
7. Conclusion
Ce numéro de Flagrant délit sur les rapports entre femmes
et hommes m’a posé certains problèmes, un certain
mâle-aise pourrais-je dire. Il est en effet plus aisé de
parler de la fin du travail et du mouvement ouvrier que d’un sujet
qui nous touche, et qui me touche, au plus profond. On se révèle
beaucoup plus en parlant de ce genre de sujet que sur n’importe
quel autre, et pas forcément sous son jour le plus flatteur.
J’ai donc passé plusieurs semaines à retourner le
sujet dans tous les sens avant de me lancer dans l’écriture.
Je me suis réfugié dans un premier temps derrière
l’idée du compte-rendu de bouquin pour ne pas avoir à
trop parler de moi. Cela ne m’a pas paru satisfaisant. J’ai
donc décidé de partir d’une réflexion plus
personnelle qui peut néanmoins intéresser toute personne
qui réfléchit sur les relations entre femmes et hommes
et qui essaie qu’elles ne se fassent pas sur un mode hiérarchisé,
mais d’égale à égal. Pour que mon propos
soit un minimum situé, je préciserais que je suis un homme
(un mâle-appris du moins) ayant eu des relations amoureuses hétéro-sexuelles,
frisant la trentaine, salarié précaire à l’université.
J’ai commencé mes luttes politiques dans la foulée
de l’initiative "Pour une Suisse sans armée",
puis avec le féminisme dans le cadre de la grève des femmes
de 1991, j’ai passé ensuite par quelques groupes de l’extrême-gauche
et je milite actuellement dans un groupe anti-autoritaire à très
forte sensibilité libertaire et féministe.
A la base de cet article donc se trouve un questionnement sur ma propre
trajectoire, sur ce qu’elle peut avoir de plus général,
ce qu’elle pourrait permettre de comprendre sur les mécanismes,
parfois subtils, parfois moins, de la perpétuation de la domination
masculine qui doivent nous pousser à aller au-delà du
personnel, pour une transfor-mation politique du personnel, comme le
suggère un livre intéressant paru récemment (1).
Je tiens à préciser ici que ce questionnement n’est
pas le fruit d’une réflexion solitaire mais qu’il
s’est nourri des nombreuses discussions et expériences
que j’ai pu avoir le plus souvent avec des femmes, amantes ou
amies.
Au coeur de cet article se trouve ainsi une réflexion qui me
poursuit depuis quelque temps déjà et qui, je crois, dépasse
mon simple cas personnel. Sans vouloir généraliser, ni
dire que des femmes ne sont pas confrontées à ce genre
de problématique, je vais essayer de discuter ici de la difficulté
que j’ai rencontré avec les femmes à m’engager
dans une relation amoureuse durable (2). Dans mes relations avec les
femmes, et particulièrement les relations amoureuses, il m’a
toujours paru difficile de pouvoir exprimer ce que je ressentais pour
l’autre, à assumer la relation et le travail relationnel
qui l’accompagne, à ne pas avoir peur lorsque la relation
s’inscrit dans une certaine durée. Bien sûr que l’on
est pas obligé de tout se dire, de tout exprimer. Mais je pense,
même si j’ai de la peine à me l’appliquer,
que les relations entre hommes et femmes gagnent si elles sont un minimum
explicitées, ne serait-ce que parce que l’on vit souvent
la même situation de manière différente. Derrière
cette question se trouve finalement celle de savoir qui se charge de
l’entretien de la relation, de la gestion de l’émotionnel
à l’intérieur du couple et pourquoi ce sont le plus
souvent les femmes qui s’en chargent. La question centrale de
cette contribution peut ainsi se résumer à la question
de savoir d’où cela vient-il et comment le dépasser
pour arriver à des rapports plus égalitaires.
Avant de discuter de cette question, j’aimerais souligner que,
pour ma part, un changement possible dans les rapports hommes-femmes,
passe par une plus grande prise en charge par les hommes de la question
du lien et de la relation, dans un couple et plus largement avec ses
amis, sa famille ou ses collègues de travail. Toute la question
étant de savoir par quel moyen ce changement s’opérerait,
sachant que pendant longtemps en effet je me suis reposé sur
une prise en charge de l’affectif par les femmes qui m’entourent?
Cela peut commencer par des discussions entre hommes qui débordent
des habituels sujets de discussion souvent extérieurs à
ce que l’on ressent intérieurement, de manière informelle
ou plus organisée, où l’on apprend à mieux
se connaître, à mieux se comprendre, à être
davantage en contact avec soi-même et ses émotions, et
donc à mieux être à l’écoute des autres.
Cela peut prendre la forme de thérapies, ou d’autres méthodes,
qui seront discutées plus loin.
Dans les lignes qui suivent, j’aimerais essayer de comprendre
d’où provient cette difficulté à m’exprimer
sur mes sentiments les plus profonds, en quoi c’est à la
fois un problème individuel et collectif, que cela s’inscrit
dans les rôles et répertoires différenciés
que l’on a à disposition selon son sexe, rôles qui
s’inscrivent eux-mêmes dans un rapport inégalitaire
entre les hommes et les femmes que l’on qualifie en général
de domination masculine ou de sexisme. La peur ou la difficulté
de s’engager, de s’occuper de la dimension affective du
couple ou de la relation dans un cadre moins "rigide" ont
en effet eu pour conséquence des histoires sentimentales où
j’ai fait souffrir l’autre, sans forcément le vouloir,
et où j’ai souffert moi-même. Alternant des phases
d’attraction, de rapprochement et de séduction avec des
phases de mise à distance, voire de fuite, mes relations affectives
se sont davantage construites sur le rapport de force que sur la légèreté
et la liberté dans une relation affective pleinement assumée
et heureuse. Avant de voir si cela "se soigne", voyons d’où
cela vient-il.
1. Etre un homme ça veut dire quoi ou d’où
vient le modèle normatif de la masculinité ?
Cela semble assez classique de voir l’origine de ce type de comportement
dans les stéréo-types et stéréo-nanas (3)
que nous avons chacun et chacune à disposition selon notre sexe,
ou plutôt selon son genre, concept féministe qui rend mieux
compte de l’idée que les répertoires à notre
disposition sont avant tout culturels, construits socialement dit-on
en sociologie (4). Bien sûr que ces modèles ne sont pas
immuables, qu’ils sont partagés et intégrés
à des degrés divers selon les personnes. Disons qu’ils
sont des tendances lourdes mais pas définitives, puisqu’ils
sont en permanence l’objet de luttes quant au maintien ou la transformation
de ce que l’on entend par être un mec ou être une
nana. Pour Daniel Welzer-Lang, le genre masculin "se construit
en opposition hiérarchique avec le féminin. Pour accéder
au statut d’hommes, les garçons doivent montrer des signes
redondants qu’ils sont différents des femmes. Apprentissages
des codes virils et de la violence (violence contre soi et son corps
pour correspondre à la normalité masculine, violence entre
hommes, violence par suite contre les femmes) sont concomitants et associés
au plaisir de l’homosocialité masculine" (5).
L’idéal masculin, au centre duquel nous trouvons la virilité,
dont l’origine remonte sans doute à l’Antiquité
grecque en passant par le Moyen-Age, semble avoir joué un rôle
historique dans la seconde moitié du 18e siècle et au
début du 19e siècle. Il a imprégné à
la fois la Révolution française, les mouvements conservateurs
et ouvriers (6). La révolution industrielle et la séparation
entre les espaces de production et de reproduction, l’usine et
le foyer, ont joué un rôle crucial en confortant les stéréotypes
genrés. Une séparation claire s’effectue ainsi entre
sphère publique réservée aux hommes et sphère
privée, lieu des affects et de l’intimité, "royaume"
de la femme-ménagère où le guerrier-laborieux-travailleur
peut enfin laisser tomber son masque officiel.
Au niveau du couple traditionnel, ces stéréotypes ont
conduit à une division assez nette selon la terminologie de Talcott
Parsons: le mari joue un rôle instrumental pour sa famille (pourvoyeur
de revenu) et la femme se charge du rôle expressif (être
attentive à lui, lui exprimer de l’affection) (7). La plupart
de nos parents, de la génération d’après-guerre,
ont fonctionné sur ce modèle, et nous sommes encore en
grande partie sous son influence. Du moins c’est mon cas.
Il faudrait nuancer en partie car avec l’apparition du mariage
d’amour (qu’il ne s’agit pas ici d’idéaliser
puisque l’amour, en tant que construit social, a longtemps servi,
et sert encore souvent, à invisibiliser la domination masculine
(8), cette division des rôles n’est plus aussi nette, du
moins dans le discours. Il y a en effet une attente, peut-être
surtout de la part des femmes, de trouver son âme soeur/frère
dans le couple, celle avec qui l’on pourrait tout se dire, tout
s’échanger. La nouvelle norme est une recherche d’authenticité,
réconciliant le soi intime avec le soi statutaire accessible
aux deux conjoints dans des échanges verbaux, le "couple
moderne" apparaissant comme le lieu de la construction mutuelle
et la réalisation de chaque conjoint (9). Dans la famille contemporaine,
nous dit François De Singly, "le conjoint a pour fonction
centrale d’assurer la fonction de validation de l’identité
de son co-équipier" (10). Dans ce modèle, l’homme
ne peut plus rester dans son rôle instrumental, mais doit s’investir
dans un rôle plus expressif. Y arrive-t-il? Ce modèle est-il
un piège pour les femmes qui formulent des attentes envers les
hommes qui ne peuvent que les conduire à être malheureuses,
à s’aliéner dans l’attente vaine d’un
prince charmant qui n’existe que dans les contes pour jeunes filles
sages? Qu’est-ce qui fait que c’est si dur pour les hommes,
et donc pour moi, de s’ouvrir à une autre façon
d’être? Ce modèle n’est-il pas pourtant un
moyen de casser la domination masculine et le sexisme à partir
du moment où les deux partenaires sont dans des rôles non
différenciés et donc dans un rapport égalitaire?
N’est-ce qu’un moyen de perpétuer cette domination,
chacun restant en fait pris dans ces stéréotypes? L’homme
n’a-t-il pas tout à gagner à pouvoir ouvrir son
coeur, à être en contact avec ses émotions? Est-ce
si dur de casser les méca-nismes, le plus souvent inconscients,
qui m’ont conduit à me construire une protection à
la "The Wall" de Pink Floyd?
2. Le rôle de la famille
La famille d’où l’on vient occupe une place centrale
dans la construction de son identité de genre (et de classe),
dans les répertoires et les modèles qu’elle fournit
pour s’identifier à son propre sexe (et à sa classe).
Bien sûr qu’au coeur de ces mécanismes de définition
se trouve notre propre rapport à nos parents. En tant que garçon
je m’identifie à mon père, plutôt absent en
fait (11), comme le sien du reste. Je construis également mon
rapport aux femmes à travers mon rapport à ma mère:
surinvestissant ce rôle auquel la société sexiste
l’a conditionnée et pensant bien faire en étant
une bonne mère, elle en faisait peut-être trop pour ses
enfants et pas assez pour elle. Trop présente, donc perçue
comme trop envahissante, elle a projeté sur moi ce qu’elle
aurait voulu que je sois. Il n’y a sans doute là rien d’original
dans les rapports parents-enfants dans la petite-bourgeoisie ascendante
des années ‘80. Il ne s’agit donc pas de reproches
personnalisés ou de régler ici des comptes avec mes parents,
mais d’essayer de poser les choses pour réfléchir
sur des mécanismes liés à une division traditionnelle
des rôles qu’il s’agit, elle, de remettre en question,
de critiquer et d’essayer de dépasser. Ces rôles
traditionnels genrés, présentés ci-dessus, m’ont
conditionné également et expliquent en grande partie mes
difficultés actuelles à exprimer mes sentiments et mes
désirs, à faire des choix et à ne pas avoir peur
lorsque la relation semble s’inscrire dans une certaine durée.
Pour l’homme, acquérir des compétences en matière
d’écoute et de gestion de l’émotionnel permet
ainsi de pouvoir y répondre sereinement et non pas par la fuite,
le silence ou la violence physique, et de ne pas voir dans l’investissement
affectif des femmes le retour d’une mère envahissante.
Cela n’est pas facile comme enfant, puis comme adolescent, d’exprimer
ses propres désirs lorsque l’on est confronté à
ceux de ses parents, et de sa mère en particulier qui s’occupe
de tout, ce qui, il faut bien l’avouer, est agréable, rendant
d’autant plus difficile la rupture avec ce modèle. Mon
adolescence a peut-être davantage été une réaction
en opposition à ces pressions que l’expression d’envies
personnelles. Ce n’était pas un âge où je
pouvais analyser ce qui se passait, mais simplement réagir, par
la boisson, la musique et la coupe de cheveux qui choquaient mes parents,
l’enfermement dans ma chambre, l’échappatoire des
virées entre copains, où nous ne parlions que rarement,
du reste, de ce que nous ressentions. J’étais évidemment
également en réaction contre mon père qui n’était
pas présent, pris lui aussi dans ce modèle de l’homme
pourvoyeur d’argent, mal à l’aise dans l’expression
de ses sentiments et de son affection. En dépit de son absence,
il n’en faisait pas moins autant pression sur la voie professionnelle
qui m’attendait plus tard, reprendre sa boîte, ma soeur
en serait elle la secrétaire, rôle correspondant bien à
la division sexuée du monde qu’avaient mes parents. Sans
doute s’agit-il d’un processus normal de la construction
de la personnalité que de passer par une phase d’opposition
qui nous fait acquérir une personnalité et une identité
propres.
3. Les limites d’une approche purement psychologique
de la question
Pour essayer de trouver des réponses à mes questions
sur la difficulté des hommes à exprimer ce qu’ils
ressentent ou à s’engager, je me suis baladé dans
une librairie à la recherche d’ouvrages pouvant m’éclairer.
Les ouvrages féministes n’étant pas spécialement
mis en évidence dans les rayons, je suis tombé très
rapidement sur des livres de psychologie proposant des réponses
qui me laissent sceptique mais qu’il me semble intéressant
de discuter, ne serait-ce qu’en raison de leur nombre de lecteurs
et de lectrices. Le type d’argumentation est d’ailleurs
assez proche de certains magazines féminins.
Ainsi, après "Ces femmes qui aiment trop" est paru
"Ces hommes qui ont peur d’aimer" (12). N’insistant
pas sur les ressorts sociaux sexistes au coeur de pratiques genrées
différenciées, ni ne remettant en cause la domination
des hommes dans la conversation sur les autres sujets qu’intimes
(13), ces auteures abordent avant tout la dimension psychologique des
relations, ce qui peut tout de même fournir des pistes intéressantes.
Les descriptions souvent assez fines et justes permettent alors aux
auteures de faire passer d’autant mieux leurs explications pourtant
critiquables. Le "phobique de l’engagement", puisque
d’entrée de jeu on lui colle une pathologie sur le dos,
est décrit ainsi: à peine a-t-il séduit sa partenaire
qu’il l’abandonne en courant, la laissant culpabiliser et
chercher ce qui cloche chez elle. Bon, le trait est un peu caricatural,
mais pas tant que ça finalement. Encore faut-il comprendre le
pourquoi de ce mécanisme au-delà du comment.
De nombreuses causes possibles sont énumérées:
crainte des "femmes nouvelles", fortes et indépendantes,
doublé d’un complexe d’infériorité
de l’homme; immaturité des hommes, doublée d’un
refus de grandir; philosophie du playboy (ne pas s’engager avant
d’être sûr qu’il n’y a pas mieux sur le
marché matrimonial); conflits oedipiens, conflits de dualité
du type femme-madone, femme-putain; peur du rejet, égoïsme,
narcissisme, piètre estime de soi, etc. Toutefois, l’explication
centrale qui est retenue est confondante de simplicité, mais
surtout de simplification. L’homme est phobique car il souffre
d’une phobie. Il fallait y penser ! Il y a ainsi une identification
entre les réactions et les symptômes de la claustrophobie
et ceux de la phobie de l’engagement. Et le tour est joué:
"La phobie de l’engagement est une phobie véritable,
accompagnée de sa panoplie symptomatologique physique et psychologique"
(14). Il me semble toutefois que cette explication n’explique
en fait rien, même s’il est précisé que cette
phobie semble ne pas se localiser qu’à ce seul niveau mais
touche tous les domaines où des choix doivent être faits.
Je tiens à préciser ici que je ne cherche pas une justification
quelconque de mon comportement en tentant de naturaliser ces modes de
gérer l’émotionnel à travers un livre de
psychologie. J’ai essayé de montrer l’origine sociale
de ces différences genrées et je vais tenter d’esquisser
quelques pistes en vue de les dépasser, comme par exemple à
l’aide d’une psychothérapie.
4. Psycho-thérapie: instrument de libération
ou de dépolitisation?
Même si une psychothérapie peut effectivement apporter
énor-mément à celle ou celui qui en bénéficie,
elle pose problème à un niveau politique, à savoir
qu’elle a tendance à individualiser les problèmes,
même s’ils sont effectivement vécus de manière
individuelle, et à avoir ainsi un effet dépolitisant.
Il est toutefois possible d’envisager une combinaison entre politique
féministe et un travail thérapeu-tique individuel ou collectif
(15). Je suis mal à l’aise pour parler de psychothérapie
car, après en avoir commencé une durant un mois, j’ai
arrêté. Je sens bien qu’il y a là un potentiel
libérateur, mais peut-être me faut-il encore un peu de
temps et de chemin pour accepter de parler de moi. Cet article fonctionne
peut-être à cet égard comme un début de thérapie.
Ayant de la peine à verbaliser, à exprimer et à
extérioriser mes sentiments, positifs ou négatifs, j’ai
tendance à prendre sur moi, et donc faire peser sur mon corps
toutes les tensions qui restent le plus souvent à l’intérieur.
En terme psychologique et médical, on appelle cela somatiser,
c’est-à-dire qu’un problème qui ne peut se
formaliser par le langage va sortir sous forme de symptôme maladif.
Le corps exprime alors à sa façon un sentiment refoulé
en s’attaquant à l’organe le plus faible ou prédisposé
à pécloter. Dans mon cas, c’était le pancréas
puis, après l’opération, l’oreille gauche.
Ce sont ces événements qui m’ont fait prendre conscience,
en plus des diverses discussions que j’ai pu avoir, que l’expression
verbale est importante pour ne pas faire payer à mon corps cette
socialisation de garçon endurci à ne rien faire transparaître
de ses sentiments et de ses émotions, comportement jugé
souvent trop féminin.
Les problèmes d’oreille dont j’étais conscient
qu’ils n’étaient pas que physiologiques et des discussions
avec une personne ayant suivi cette thérapie, m’ont conduit
vers une méthode auditive. Celle-ci consiste à écouter
de la musique filtrée qui agit sur l’oreille et le cerveau.
Cette démarche en douceur, progressive, par la musique, est censée
avoir des effets sur la gestion des émotions, son rapport avec
le passé, permettre d’être davantage présent
dans son corps et un peu moins dans la tête à gamberger.
Il s’agit surtout d’une thérapie de l’écoute
qui permet de réélargir la gamme des fréquences
que l’on peut entendre. Avec les chocs physiques ou émotionnels
non digérés, l’oreille peut en effet se construire
une protection, une distance au monde. Retrouver une bonne capacité
d’écoute est toutefois primordial, puisque pour pouvoir
communiquer et s’exprimer, il faut savoir être à
l’écoute des autres et de soi-même. Je parlais tout
à l’heure de l’image du mur, et bien j’ai appris
à me construire une protection face aux autres pour ne pas être
atteint, ne pas souffrir. Cela correspond du reste au modèle
que la société sexiste attend des hommes: qu’ils
soient forts, ne pleurent pas et donc ne parlent pas d’eux-mêmes.
Bien sûr, cette méthode n’est pas incompatible avec
d’autres thérapies, mais elle m’a semblé intéressante
car elle permet de retrouver contact avec ses émotions sans passer
par la parole et la mise en mots de ses malaises, même si les
idées fusent lors de l’écoute de musique. Il ne
s’agit pas d’une formule magique extérieure à
soi. Cette méthode demande également un travail sur soi
réflexif où l’on est partie prenante. Je suis conscient
néanmoins que j’ai encore du pain sur la planche, mais
disons que j’entrevois un petit peu plus la lumière qui
devrait me permettre de ne plus rester un handicapé du sentiment.
Mes derniers échecs amoureux me rendent toutefois modeste dans
mes progrès !
5. Au-delà du psychologique, la domination masculine...
Bon, je n’ai pas encore répondu entièrement à
la question de savoir pourquoi une partie des hommes adoptent le comportement
décrit ci-dessus. L’explication psycho-logique, même
si elle peut avoir une certaine pertinence, semble donc insuffisante,
car elle n’envisage quasiment pas les rapports entre les femmes
et les hommes sous l’angle de la domination masculine. En effet,
il me semble que l’on comprend mieux ces compor-tements si on
les remet dans un cadre d’analyse plus global, le sexisme, qui
fait que les hommes sont davantage définis en tant que sujets,
acteurs, autonomes et les femmes en tant qu’objets, passives,
spectatrices et dépendantes. On comprend mieux alors que si l’homme
se (com)plaît dans son rôle, c’est que celui-ci lui
confère une position de domination. Si l’homme a peur de
la relation, c’est sans doute qu’il a peur de perdre son
autonomie et sa toute-puissance. Et cela d’autant plus si avoir
une relation signifie également la construire, la nourrir et
donc de s’occuper de la dimension psycho-affective qui lui est
liée.
Le paradoxe étant que sa domination repose ainsi sur une délégation
du boulot du rôle expressif qui rend l’homme potentiellement
dépendant des femmes, de leur capacité à lui prodiguer
des soins et de l’amour, le faisant rechercher une nouvelle maman
chez sa copine-amante. Etant davantage conditionné socialement
à discourir de politique (au sens large), de voiture ou de football
que de relation humaine, il ne se risque que timidement sur un terrain
qu’il ne maîtrise pas très bien et qui, de plus,
n’est pas forcément très valorisé socialement,
si tant est que ce travail soit même visible. Cette autonomie,
ou indépendance, si chère à l’homme, qui
le fait ainsi paniquer dans une relation où il a l’impression
de ne plus être autonome, semble être au coeur de la domination,
du moins tant que ce sont les hommes qui en profitent seuls, au détriment
des femmes.
Corinne Monnet parle à ce propos "de refus de la part des
hommes et non d’incapacité de parler de soi et de l’intime.
[...] Si les hommes éprouvent des difficultés dans leur
relation à autrui, induites par leur non expression de leurs
émotions et non-parole sur l’intime, ce n’est pas
dû à la seule socialisation masculine [...] mais aussi
à leur désir de dominer. Exprimer ses émotions
tend fortement à réduire sa position de pouvoir, le pouvoir
ayant de forts liens avec la non-expression de la vulnérabilité.
Les hommes ne sont pas des agents passifs du patriarcat, mais bien actifs"
(16). Pour ma part, et bien que je puisse souscrire à cette analyse,
je pense qu’il y a un déficit réel des hommes à
un accès à des outils psychologiques d’(auto)-analyse
et à des discussions personnelles, qui s’expliquent en
grande partie par leur socialisation sexiste, mais également
du fait qu’en tant que dominants, ils n’éprouvent
pas le besoin de s’analyser, mais que s’ils l’éprouvent
ils sont désemparés, s’adressant alors d’abord,
mais pas toujours, à une amie plutôt qu’à
un ami. Pour Monnet, "l’indépendance masculine repose
la plupart du temps sur la négation pure et simple d’autrui,
ou sur son esclavage, au moins au niveau des affections et des besoins.
Ce qui n’est pas sans rappeler que leur présence dans la
sphère publique, ce sont les femmes qui la payent par le confinement
dans la sphère privée. Ce sont rarement eux qui s’occupent
de leurs propres besoins (domestiques, corporels, humains, affectifs...)
mais ce sont bien eux dont les besoins sont pris en charge par d’autres,
des femmes en l’occurrence. Comme il est alors facile de se concevoir
indépendant et sans besoins quand les femmes y pensent et s’en
occupent à leur place ! Mais comment peut-on parler d’indépendance
et d’autonomie quand on construit sa liberté sur l’esclavage
d’autrui?" (17).
Elle préfère du reste le terme d’autonomie à
celui d’égalité qui suppose deux termes où
l’un va nécessairement fonctionner comme modèle
ou référant. L’autonomie de tout être humain,
indépen-damment de son genre, au contraire de l’idée
d’égalité, permet d’envisager la "destruction
des catégories ‘femmes’ et ‘hommes’".
Alors, seulement, on pourra parler de réelle égalité"
(18).
6. La sortie, c’est par où ?
Un moyen de sortir de ce type de relations inégalitaires, et
donc de combattre la domination masculine, semble donc se jouer de part
et d’autre. Les hommes doivent en effet apprendre à mieux
gérer leurs relations aux autres (femmes ou hommes), à
ne plus déléguer cette tâche de la préoccupation
du lien. C’est un travail long et difficile, car étant
en position de dominant, l’homme n’a pas forcément
intérêt à se remettre en question. Il me semble
toutefois avoir tout à gagner à mieux se connaître,
à mieux gérer ses émotions que sous la forme de
la violence ou du silence. Si l’homme occupe davantage ce terrain
de l’affectif, de la gestion du sentiment, du communicationnel,
du lien avec les autres, cela pourrait laisser ainsi davantage la possibilité
aux femmes de ne plus porter la relation à elles toutes seules,
à conquérir des espaces d’autonomie qui les rendent
moins dépendantes psychologiquement dans leur relation. Corinne
Monnet lance ainsi un message d’espoir: "revendiquer l’autonomie,
c’est revendiquer le fait de pouvoir se définir soi-même
dans les termes que l’on choisit. C’est revendiquer l’autodétermination
complète de toutes les sphères de notre existence: politique,
sociale, économique, sentimentale, intellectuelle et sexuelle.
L’autonomie, c’est la liberté de se déterminer
soi-même, de vivre sa propre vie et de fixer ses propres buts.
[...] Les femmes doivent donc se prendre comme objets de leurs préoccupations
et se rediriger vers elles-mêmes. [...] Quand la conscience de
soi est noyée par la conscience excessive des autres, on ne peut
se créer sujet. Ceci, évidemment, est bien une conséquence
de l’appropriation des femmes par les hommes" (19).
Même si l’on ne peut pas claquer des doigts pour qu’il
se réalise, cet appel me semble tracer des perspectives très
intéressantes pour qu’un jour, peut-être pas si éloigné,
nous atteignions une situation affective et communicationnelle équilibrée.
Il ne s’agit pas d’un programme précis en trois points,
sorte de mode d’emploi définitif, mais de propositions
ouvertes qui peuvent être reprises dans un dialogue que ce texte
se propose de poursuivre avec le livre de Corinne Monnet, Léo
Vidal et d’autres, ainsi qu’avec toutes celles et tous ceux
qui luttent pour un monde offrant le plus de liberté possible
en dehors des barrières cloisonnées des comportements
sexués traditionnels.
Je reste évidemment conscient que les schèmes de pensées
qui nous poussent à agir sont si profonds que l’on peut
parfois douter de la possibilité de déplacer des montagnes
le plus souvent inconscientes, qui pèsent sur nos modes de penser
et d’agir. Les utopies d’aujourd’hui sont les réalités
de demain pourrait-on répondre à cela. Il y a en effet
de nouveaux espaces de liberté. La gamme des rôles et des
répertoires à disposition des hommes se sont très
largement ouverts, ce qui ne veut pas encore dire que tous les hommes
s’y soient engouffrés, ni que ces modèles ne réintroduisent
pas par la petite porte le sexisme qu’on croyait avoir jeté
par la fenêtre. Cheveux longs, mode unisexe, look androgyne, mouvement
gay, drag-queen et queers semblent ouvrir de nouveaux horizons qui mettent
à mal les modèles traditionnels de la masculinité
(20), au moins au niveau de l’apparence des genres, mais sans
toutefois remettre forcément en cause cette question de l’expressivité
et sans déconstruire totalement le genre masculin.
On assiste également à ce que Welzer-Lang appelle la
troisième vague du mouvement anti-sexiste. Après les premiers
groupes d’hommes nés dans les années 75/80, la deuxième
vague, d’inspiration New Age ou psychanalytique, et à mon
avis plus discutable (21) mais pas forcément inintéressante,
est apparue, même en Suisse romande, à la suite des écrits
de Guy Corneau et Robert Bly (pape du Men’s movement aux Etats-Unis)
ou Paule Salomon (des groupes "Femme Solaire" et "Homme
Lunaire") (22). Il y a parfois des relents essentialistes ("renouer
avec son identité profonde", la "masculinité
retrouvée"), mais ce n’est pas toujours le cas. Ainsi
les groupes inspirés de Bly (auteur de "L’homme sauvage
et l’enfant", Seuil, 1992) sont passés du concept
de New Warriors (nouveaux guerriers) à celui plus soft de Mankind
Project (projet d’humanité); d’autres inspirés
par Salomon proposent de devenir un guerrier amant (23). Enfin, une
troisième vague semble se profiler, permettant un certain renouveau
dans la lutte pour une réflexion et une redéfinition de
la masculinité (avant son dépassement comme catégorie
?). Ainsi, des collectifs antisexistes, mixtes ou non, se disant souvent
pro-féministes, notamment dans le sillage du médiatique
Daniel Welzer-Lang (rescapé de la première vague), voient
le jour et s’organisent en réseau européen, notamment
à travers le réseau de l’Internet (http://users.skynet.be/profeminist).
Tous ces groupes ont le plus souvent en commun de permettre à
des hommes d’enlever leur masque, d’exprimer ce qu’ils
ressentent, de discuter de leurs problèmes à coeur ouvert,
dire leur vulnérabilité, découvrir leur capacité
de solidarité. On y apprend aussi à oser toucher l’autre,
grand tabou chez les hommes.
7.Conclusion
Pour conclure, je dirais que les chemins vers cette autonomie pour
la plus grande liberté dans des relations affectives responsables
sont multiples. Ils peuvent passer par des renégociations entre
femmes et hommes (par exemple sur la norme du rangé et du désordre
dans le ménage), un changement dans les rapports entre hommes
qui soient moins basés sur la compétition et davantage
sur l’écoute et le partage. A ce sujet, Welzer-Lang ne
croit pas que "les rapports des hommes et des femmes puissent changer
si les rapports entre hommes ne changent pas" (24).
Il parle en outre d’un changement de posture par rapport à
une pédagogie d’intervention. Il ne s’agit pas sur
ces questions de culpabiliser les hommes, de leurs extorquer des aveux,
mais de "parler de plaisirs à acquérir, d’autres
plaisirs qui ne soient plus oppressifs pour les femmes, ni aliénants
pour les hommes. [...] L’éducation masculine nous restreint
nos plaisirs. Si on arrive à dépasser cela, on en vivra
encore plus" (25). Ainsi au niveau de la sexualité, débarrassés
des rôles sexuels, les hommes pourraient devenir libres d’éprouver
des sentiments au lieu d’être tenus aux performances, de
prendre autant que de donner, d’être inconstants et incertains,
d’apprendre à connaître toutes les zones érogènes
de leur corps plutôt que de se concentrer uniquement sur leurs
parties génitales (26).
Une voie possible, outre les groupes autonomes non-mixtes de femmes
et d’hommes qui un jour confronteront les résultats de
leurs discussions, réside dans une action politique au quotidien.
Cela peut passer notamment par une réflexion sur la sexualité,
très peu abordée ici, le couple, la monogamie et la jalousie.
Monnet et Vidal ouvrent à ce propos des pistes très stimulantes,
même si la prégnance du modèle traditionnel est
lourde et qu’il est difficile de se dire que ce qui nous est le
plus intime et personnel, les formes de relation sentimentale (exclusive
ou non), nos "goûts" hétérosexuels ou
non, sont également ce qui est sans doute le plus conditionné
socialement par des normes puissantes. Aller à leur encontre
nous semble relever d’une démarche forcée. Un contre-modèle
tout aussi obligatoire n’est du reste pas non plus souhaitable,
mais des expériences alternatives ne peuvent que nous ouvrir
à d’autres horizons, les modèles traditionnels ayant
également montré leurs limites (même si le couple
n’empêche pas à tous les coups une certaine autonomie
pour les deux partenaires).
Dépasser les modèles traditionnels et sexistes, cela
peut passer par divers outils, plus ou moins tolérés socialement,
comme ceux présentés jusqu’ici, ou d’autres
vus comme plus irréalisables. Ainsi, une égalité
bisexuelle, telle que la discute Vidal, peut à cet égard
faire "prendre conscience aux hommes que le sexisme est bien là
et que les rapports entre hommes sont froids, superficiels et durs.
[...] Développer des rapports tendres, amoureux, sexuels avec
d’autres hommes peut faire comprendre à quel point leurs
relations hétérosexuelles sont dominantes et inégales"
(27).
Les relations libres sont également une possibilité de
gérer de façon non possessive, non exclusive, l’amour,
le sentiment amoureux, la tendresse, l’intimité et la sexualité,
même si elles sont devenues plutôt synonyme de baise phallocrate
et d’accès libre aux femmes (28). Malgré toutes
les difficultés, le soin et la sensibilité que cela comporte
(gérer sa propre jalousie, sa possessivité, sa peur de
l’abandon, vouloir sincèrement le bonheur et la liberté
de l’autre, traiter de façon responsable les différentes
personnes avec qui on a une histoire), ce type de relation peut agrandir
et renforcer la liberté et l’indépendance mutuelle.
Monnet parle à ce propos de non-monogamie responsable, une non
exclusivité, ne posant aucune limite réintroduisant la
monogamie par la petite porte. Le modèle de l’amitié,
non exclusif, où l’on désire le bonheur et la liberté
de l’autre, et non pas sa dépendance, peut servir de modèle
à ce type de relations sous forme d’"amitié
sexuelle non monogame". Pour elle toutefois, ce type de relation
n’est souhaitable et enrichissant que dans un certain cadre: une
forte volonté personnelle libre et choisie de vivre pour soi-même
et non pour faire plaisir à l’autre, une parole libre et
ouverte dans un climat de confiance et d’échange et un
désir de travail sur soi et ses relations (29). Elle montre bien,
en effet, en partant de sa propre expérience, combien ce chemin
n’est pas aisé, qu’il nécessite un travail,
une déconstruction de notre vision traditionnelle de l’amour
monogame (aimer plus qu’une personne à la fois, sans penser
qu’on le fait en attendant la personne idéale et adéquate
qui nous apportera tout), un combat interne mené contre la peur
de la douleur, combat qui lui semble "décisif lorsque l’on
cherche à vivre autrement et que l’on est dans un processus
d’autonomi-sation, générant indubitablement au minimum
de l’anxiété. [...] Mais c’est un sentiment
profond de libération qui fera suite à cette douleur"
(30).
Yves Sancey
1. Textes réunis par Corinne Monnet et Léo Vidal, Au-delà
du personnel. Pour une transformation politique du personnel, Atelier
de création libertaire, BP 1186, 69202 Lyon, 1997.
2. Cette question pourrait également se poser sous la forme:
"pourquoi les hommes ont-ils peur d’aimer ?", comme
le suggère l’ouvrage de Steven Carter et Julia Sokol, Ces
hommes qui ont peur d’aimer, [Men who can’t love, en anglais],
Coll. J’ai lu, 1990.
3. Cf. Collectif Femmes en grève - Lausanne, Le temps compté
de l’égalité. Réflexions féministes,
Lausanne, 1998, p. 12.
4. Cf. à ce sujet deux ouvrages pionniers remaquables: Georges
Falconnet et Nadine Lefaucheur, La fabrication des mâles, Combat
Seuil, Paris, 1975 et Elena Gianini Belotti, Du côté des
petites filles, Ed des Femmes, 1974.
5. Daniel Welzer-Lang, "Les transgressions sociales des définitions
de la masculinité", in Collectif, La place des femmes, La
Découverte, Paris, 1995, p. 445.
6. Cf. George L. Mosse, L’image de l’homme. L’invention
de la virilité moderne, Ed. Abbevile, Paris, 1997, pp. 11-13.
7. Cf. François de Singly, Le soi, le couple et la famille, Ed.
Nathan, Paris, 1996, p. 9.
8. Cf. Pascale Noizet, L’Idée moderne d’amour. Entre
sexe et genre: vers une théorie du sexologème, Ed. Kimé,
Paris, 1996.
9. Cf. Nadège Severac, Des styles communicationnels dans le couple,
mémoire de maîtrise de sociologie, Université de
Paris V, sous la direction de F. de Singly, 1995.
10. François de Singly, op. cit., p. 52.
11. "Père manquant, fils manqué", suggérait
en 1989 le psychanalyste médiatique Guy Corneau dont on peut
critiquer la dimension normative de ses écrits. Qu’est-ce
en effet qu’un fils réussi? Pour Corneau, "dans notre
culture, en l’absence de modèles paternels adéquats,
je veux dire par là de figures paternelles compréhensives
et affectueuses, les hommes, au lieu de se développer positivement
en rapport avec la sensibilité paternelle, se développent
négativement contre l’image maternelle. Ils procèdent
ainsi pour ne pas être assimilés aux femmes. [...] Ce qui
signifie que, pour être "un homme un vrai", il faut
se couper de l’expression de ses émotions, de sa sensibilité,
voire de sa sensualité", Psychologies magazine, décembre
1998, p. 60.
12. Cf. Steven Carter et Julia Sokol, op. cit. On pourrait allonger
la liste, avec des titres tels que "La liberté dans la relation
affective" de Colette Portelance ou "Les hommes viennent de
Mars et les femmes de Vénus" de John Gray, dont le côté
mode d’emploi à l’américaine lui a valu un
grand succès de librairie.
13. Cf. Corinne Monnet, "La répartition des tâches
entre femmes et hommes dans le travail conversationnel", Nouvelles
questions féministes, vol. 19, 1998.
14. Steven Carter et Julia Sokol, op. cit., p. 75.
15. Pour une réflexion sur la psychothérapie et sur différents
outils pour le changement du personnel, des mécanismes contre
le patriarcat, donc l’autoritaire, je vous renvoie à l’article
très intéressant, qui ne parle pas que de ça du
reste, de Léo Vidal, "Anarchisme, féminisme et la
transformation du personnel", Au-delà du personnel..., art.
cit., pp. 119-125.
16. Corinne Monnet, "A propos d’autonomie, d’amitié
sexuelle et d’hétérosexualité", Au-delà
du personnel..., art. cit., p. 197.
17. Ibid., pp. 185-186.
18. Ibid., p. 186.
19. Ibid., pp. 186-187.
20. Cf. à ce propos Daniel Welzer-Lang, "Les transgressions
sociales des définitions de la masculinité", art.
cit., où il conclut: "Opposées à la dualité
des modèles masculins de masculinité et de féminité,
les remises en question maintenant masculines du sexisme et du patriarcat
voient apparaître de nouveaux modèles, plein de modèles,
où les luttes internes aux rapports sociaux de sexe trouvent
d’autres lieux de débats, de luttes" (p. 451).
21. Pour une critique de ces groupes, cf. Daniel Welzer-Lang, "Une
longue marche vers l’autonomie", Les Temps Modernes, avril-mai
1997, pp. 215-216. Je n’aborderais pas ici les mouvements de pères
divorcés qui focalisent les rapports hommes-femmes sur les conflits
liés à la garde des enfants qui, s’ils soulèvent
des questions importantes, servent souvent d’alibi à des
propos très réactionnaires et anti-féministes primaires.
22. Solaire et lunaire en référence à l’intégration
du masculin et du féminin. Cf. Dossier (de 27 pages !) "Comment
les hommes sont en train de changer", Psychologies magazine, décembre
1998. Absent et exclu de marque de ce dossier: Welzer-Lang !
23. Paule Salomon a ouvert des groupes de parole pour hommes en France,
où elle leur propose de "retrouver l’homme sauvage
et de réunir leur tête, leur coeur et leur sexe afin de
devenir puissants, aimants, conscients: des guerriers-amants" (Ibid.,
p. 82).
24. "Crise d’identité masculine: une tarte à
la crème", interview de D. Welzer-Lang, Femmes suisses,
avril 1998.
25. "Et si on parlait des hommes...", Interview de D. Welzer-Lang,
Courant alternatif, mars 1998.
26. Cf. à ce propos le remarquable ouvrage pionnier sur une réflexion
féministe et thérapeutique sur la sexualité féminine,
mais également masculine, de Carmen Kerr, Le sexe au féminin
[titre original: Sex for Woman], 1977, Les éditions de l’Homme,
Québec, 1979.
27. Léo Vidal, "Anarchisme, féminisme et la transformation
du personnel", art. cit., p. 120.
28. Cf. ibid., p. 122.
29. Cf. Corinne Monnet, "A propos d’autonomie, d’amitié
sexuelle et d’hétéro-sexualité", art.
cit., pp. 192-193.
30. Ibid., p. 191.
La page origine : http://home.graffiti.net/flagrant-delit/Textes/fd10_affect.html