Origine : http://www.onpeutlefaire.com/ilslontfait/ilof-nef-des-fous.php
Vivre en dehors du système monétaire, c'est le pari
fait par cette communauté depuis maintenant près de
25 ans. Se définissant comme utopique, écologique
et libertaire, elle n'a toutefois pas réussi à enclencher
un mouvement avec elle.
La Communauté de Jansiac, aussi appelée "La
nef des fous", est située aujourd'hui dans la montagne
au-dessus de Sisteron, dans la vallée du Jabron, à
environ 1000 m d'altitude. Elle est directement issue de l'agitation
de mai 1968. Pour se remettre dans le contexte de ces années-là,
il faut se souvenir que beaucoup de gens pensaient que l'on allait
vers une explosion brutale de la société avec le risque
d'affrontements entre les groupes sociaux (le sous-titre de la "Gueule
Ouverte", créée en 1972, était "le
journal qui annonce la fin du monde"). Il était donc
important de prévoir des lieux de repli pour ne pas mourir
dans les villes où la nourriture n'arriverait plus.
Au départ, plusieurs urbanistes de Paris qui mènent
une action militante pour éviter que les vieux quartiers
centraux ne soient rasés ou rénovés, décident
de créer une communauté de travail. Comme il n'est
pas question de rester en pleine ville, une première maison
est louée vers Tournus (Saône-et-Loire), à proximité
d'un nœud autoroutier, pour pouvoir aller travailler en région
parisienne quand cela sera nécessaire. Cette première
installation se fait en décembre 1970.
Ce retour à la campagne provoque très vite des envies
et un premier déménagement de deux kilomètres
est fait pour s'installer dans une zone plus agricole et commencer
à développer un projet plus autonome. Comme c'est
le début de l'implantation des centrales nucléaires,
un des premiers choix du groupe va être de couper le compteur
électrique et de voir comment on peut s'organiser sans la
participation d'EDF.
Très rapidement l'autarcie alimentaire est obtenue. La communauté
se fixe alors comme objectif de rompre avec la "vie en tranches
de saucisson" en ne distinguant plus le travail du loisir,
la vie privée de la vie professionnelle et évitant
la distinction vie individuelle / vie de groupe, c'est-à-dire
en développant une alternative à la famille. Le deuxième
objectif est alors de penser la communauté comme l'élément
fondateur d'une société.
Pour que cela puisse se faire, il fallait alors réfléchir
à un espace suffisamment grand pour permettre la présence
de plusieurs communautés dans un même lieu et ainsi
étudier les échanges possibles entre ces communautés.
Un terrain vaste est alors recherché. C'est comme cela qu'ils
trouvent Jansiac, plus de 300 hectares qu'ils achètent pour
une bouchée de pain (le prix d'un studio à Paris !).
Ils s'y installent définitivement en août 1974. A cette
époque, ils sont 16 personnes dont les enfants.
L'abolition du salariat
Alors que la fièvre militante retombe, les idées
vont évoluer. Mais le groupe reste persuadé que l'échéance
d'une implosion de la société n'est que retardée
et qu'il est important de montrer qu'un autre mode de vie est possible,
en particulier en refusant d'exercer une profession spécialisée.
Il s'agit pour le groupe de sortir du système monétaire
pour montrer que l'argent ne répond pas à un besoin
mais au contraire crée ces besoins. Le travail n'est alors
plus une fatalité, car seules des activités de subsistance
sont indispensables si l'on accepte de sortir de la société
de consommation. Si l'on dispose de la place suffisante, tout le
monde peut se faire sa nourriture et se construire un logement,
sans pratiquement aucun besoin financier. Non seulement cela coûte
moins cher que de le faire faire, mais en plus, ayant moins de besoins,
cela permet de n'y consacrer qu'un temps limité. Ceci étant
une théorie, le sens de la communauté va être
de montrer que cela est possible.
Critique de la division du travail
La communauté choisit de ne pas totalement boycotter l'ensemble
de la société. Trois points sont acceptés :
les moyens de communication (les routes et le téléphone
même si celui-ci ne sera installé que lorsque les systèmes
radio permettront d'éviter de mettre des poteaux à
Jansiac), la santé (et la sécurité sociale)
et l'information (livres et journaux). Elle va devenir très
vite un lieu d'expérimentation en tout genre avec un fort
intérêt pour les modes de production alternatifs d'énergie.
Ainsi, pour assurer la production de pain par une méthode
autonome, il faut prévoir un fauchage à la main du
blé, le ramassage des gerbes avec une charrette tirée
par un cheval, lui-même alimenté par du foin cultivé
sur place, l'utilisation d'une batteuse récupérée
fonctionnant avec un groupe électrogène alimenté
par du gaz de gazogène provenant de coupes de bois faites
à la cognée, l'utilisation d'un moulin à céréales
mécanique et la cuisson du pain au four à bois. C'est
tout à fait possible et cela ne demande pas plus de temps
que de travailler pour se payer un pain tout fait.
Martin, l'un des fondateurs de la communauté, est passionné
par ce genre de substitutions et la communauté a réussi
ainsi pendant tout ce temps à ne pas avoir recours à
l'électricité et à compléter ce qui
lui manque par une ressource énergétique souvent mal
utilisée : la récupération et la restauration
(en particulier pour les véhicules, les machines-outils...).
A la recherche d'un modèle de société post-occidental
Véritable creuset de philosophie, le groupe essaie de comprendre
ce qu'est le désir et pourquoi celui-ci se complait dans
les biens matériels, le gaspillage, la consommation. Si l'on
arrive à faire que ce désir se tourne vers d'autres
valeurs : les relations entre les gens, la beauté du paysage,
alors on peut définir un mode de vie extrêmement peu
coûteux en ressources et donc se libérer du travail.
Les relations entre les gens sont remises en cause par une critique
de la famille, milieu fermé et développant l'individualisme.
Les relations avec le paysage remettent en cause la concentration
urbaine : le désir ne se trouvant plus dans son environnement,
il se recentre sur les biens matériels.
Le choix de Jansiac, une vallée suspendue au sommet de la
Lure, l'une des régions où le ciel est le moins pollué,
avec l'impossibilité d'où que l'on soit de voir la
vallée du Jabron ou Sisteron pourtant très proche
(à vol d'oiseau), le relatif isolement du lieu, accessible
uniquement par un chemin forestier, tout devait concourir à
créer une sorte d'émerveillement capable de sevrer
le consommateur urbain qui rejoindrait le groupe. Plus qu'un terrain,
le groupe a acheté un site, un paysage.
Les lieux étaient abandonnés depuis l'hiver 1941
et seules des ruines étaient présentes pour l'installation
du groupe. Après 25 ans de présence, il faut reconnaître
que l'impact de la communauté sur l'environnement a été
extrêmement limité... même s'il n'y a pas de
problème de permis de construire puisque cela ne générait
aucun voisin.
Des années de défrichement
Les premières années, les visites sont très
nombreuses. N'importe qui peut avoir le statut de visiteurs et participer
à son gré aux activités de Jansiac, mais si
une personne demande à entrer vraiment dans la communauté,
ses connaissances philosophiques et ses valeurs font l'objet de
nombreuses discussions collectives... On débat ainsi des
nuits entières autour de livres comme ceux de Claude Lefort,
Marcel Gauchet et Cornelius Castorialis (1). Les décisions
doivent être prises au consensus et cela entraîne également
donc des discussions sur des périodes longues. Pendant ce
temps, l'aménagement des lieux de vie avance peu : le débat
contribue à réchauffer un cadre spartiate où
les hivers sont rudes.
Un premier projet voit le jour : après étude des
lieux et en tenant compte des personnes, il est envisagé
de créer six communautés sur place. Deux se mettent
en place réellement et une troisième commence à
se former. Le groupe dépasse alors la trentaine de personnes.
Mais un conflit éclate dans l'un des deux groupes déjà
en place et le nombre de personnes retombe à une vingtaine,
nombre jugé trop bas pour développer le projet. Il
est alors décidé de refaire un seul groupe. Cela conduit
à mettre en place des filtres pour éviter que n'importe
qui vienne tout remettre en cause.
Au bout de trois ans, le débat en vient à critiquer
la vie collective comme étant une structure trop oppressive.
Un long débat agite la communauté sur le droit à
la différence. Cela débouche sur une nouvelle organisation
du groupe, au début des années 80. Si le domaine économique
reste communautaire, chacun dispose d'un lieu de vie privé,
chacun peut se regrouper avec qui il veut. Cela a provoqué
l'apparition de quatre lieux de repas... et l'impression d'une certaine
inégalité.
Le phénomène était limité par le contrôle
collectif des activités économiques et par les cérémonies
du partage où l'on distribuait équitablement tout
ce qui rentrait dans la communauté : aussi bien les récoltes
que les produits de récupération venant de l'extérieur
(vêtements par exemple...). Mais ce système généra
de nouvelles tensions.
La communauté est-elle un nouvel Etat ?
Une fois de plus, des gens partirent et tout le groupe décida
de revenir à un seul lieu de repas collectif. Un nouveau
débat porta alors sur le terme de communauté : une
communauté n'est-elle pas déjà un Etat ? Peut-on
faire un groupe sans qu'apparaisse une structure qui domine les
individus ? Le fait que tout le monde se retrouvait pour prendre
des décisions au consensus ne détruit-il pas l'individu
? Fallait-il maintenir un Tout par dessus l'intérêt
des gens ? Comment des faits deviennent progressivement des habitudes,
comment la coutume devient-elle la loi ?
La "communauté" disparut au profit d'un "ensemble
de personnes associées" n'ayant des intérêts
communs que parce qu'elles ont des intérêts individuels.
En supprimant l'Etat (la communauté), le groupe passait ainsi
du collectivisme (du "communisme") à une forme
libertaire (la liberté individuelle d'abord) sans sombrer
dans le libéralisme (maintien des ressources économiques
collectives, maintien du refus de l'argent, maintien du refus du
travail spécialisé).
La communauté en se choisissant des règles adoptées
pourtant par consensus provoquait en fait un développement
d'un Etat comme les gens qui en demandant des feux rouges pour faire
traverser les enfants entraînent une société
avec plus de policiers pour faire respecter les feux rouges. Exit
donc la communauté. Exit une démarche collective.
Reste à définir ce que pourrait être alors une
société civile sans le poids du groupe au-dessus de
soi.
Si concrètement il a été relativement facile
de se sortir du poids de l'argent en adoptant une vie simple, l'autoproduction
et la récupération, il n'y a toujours pas de solution
trouvée à ce que pourrait être cette nouvelle
société.
Comment rester des individus sans retomber dans le jugement de
valeur ? La production pour le groupe, même avec du troc,
suppose d'attribuer une valeur à ce qui est échangé.
Peut-on vivre collectivement sans donner une valeur à ce
que l'on fait, sans que l'autre juge qu'il en fait plus, moins,
mieux ? L'échange n'entraîne-t-il pas automatiquement
l'insatisfaction ? Mais alors comment définir un projet collectif
? Comment développer le partage, le don ?
Vingt-cinq ans de discussions acharnées, de lutte permanente
contre la réapparition du pouvoir n'ont pas permis de donner
de solutions clés en main. Les questions sont toujours là.
Comme le dit Martin : "on sait clairement ce que l'on ne veut
pas, mais on ne sait toujours pas ce que l'on veut".
A côté de cela, la vie s'est quand même déroulée
avec une production agricole suffisante, la mise en place d'ateliers
de construction, de rénovation, et de multiples tournées
pour faire de la récupération, le groupe s'étant
fait tout un réseau de collectes. L'argent a été
limité aux allocations familiales, cet argent permettant
de financer quelques achats, en particulier dans le domaine de la
santé.
Face aux questions que pose le système dominant, la communauté
a plus défriché les idées que le site !
Le refus de l'école
De la même manière que le groupe a refusé l'électricité,
les enfants n'ont jamais été scolarisés. Le
refus de l'Education nationale a été l'un des premiers
actes du groupe (dès 1971). En effet, dès le départ
ils ont toujours considéré les enseignants comme les
premiers gardiens du système en assurant sa reproduction.
L'Education Nationale qui "éduque" est beaucoup
plus efficace que l'armée qui n'intervient qu'après...
et pendant bien moins longtemps. Dans ce contexte de bourrage de
crâne perpétuel, avec la complicité des grands
médias, il n'y a donc pas à s'étonner du peu
d'initiatives alternatives qui se mettent en place, ni non plus
de la faiblesse de la radicalité de la plupart de ces initiatives.
L'aliénation est extrêmement forte et Martin avance
qu'il n'existe probablement pas a priori d'hommes mauvais, mais
beaucoup de personnes qui n'ont pas les sources d'information, qui
n'ont pas le recul nécessaire.
Viable mais pas enviable ?
Les logements sommaires dans lesquels vivent les habitants de Jansiac
ont changé plusieurs fois de place - ayant tendance à
s'élever dans la montagne pour chercher un ensoleillement
maximum en hiver... avec comme limite la hauteur des sources - et
chaque fois, les chemins ont été modifiés.
De même, en accord avec l'ONF qui fournit les plants, un gros
travail de plantation d'arbres a été effectué.
Mais certains projets - comme un barrage hydraulique - restent en
chantier depuis dix ans faute de temps, faute de mains. D'autres
ont vu le jour et fonctionnent relativement bien. Ainsi, à
partir du gaz de gazogène produit localement, il a été
mis au point une machine à vapeur qui fournit de l'électricité
pour de grosses machines et dont la chaleur est récupérée
pour le chauffage des habitations (principe de la co-génération).
De même, des véhicules fonctionnent au gazogène,
d'autres au propane. Une machine expérimentale toujours à
partir de la biomasse disponible est actuellement en chantier destinée
à remplacer tous les moteurs. L'année 1995 a vu l'inauguration
d'une scierie et d'une menuiserie.
Par la récupération, il a été possible
de se pourvoir en matériel mis à la casse mais encore
en parfait état de marche : des métiers à tisser
le lin pour faire des draps, des fours de fonderie pour fabriquer
des pièces métalliques. C'est déjà énorme
que ce matériel ait pu être ramené sur place.
Ainsi, en 25 ans, Jansiac est devenu un site toujours plus ouvert,
avec plus de potentialités. Malheureusement, les ressources
humaines n'ont pas vraiment suivi.
Pourtant des centaines et des centaines de personnes ont rendu
visite à Jansiac, découvrant ce haut-lieu philosophique,
participant souvent aux travaux, restant parfois plusieurs mois
sur place. Ce qui est extraordinaire, c'est qu'une discussion avec
les gens qui ne sont pas restés ne donne jamais un aspect
négatif des choses : il y a bien quelques tensions interpersonnelles,
mais tout le monde a eu conscience de trouver là les questions
qu'il se pose, d'y voir des amorces de réponse, d'y vivre
un moment exceptionnel pour son évolution personnelle, mais
bien peu ont franchi le pas d'y rester. Trop dur. Usant. Décourageant.
"Viable mais pas enviable" conclut Martin, l'un des fondateurs.
Autour de Jansiac
Toutefois, si la rupture demandée était trop importante,
de nombreux visiteurs ont souhaité poursuivre l'expérience
en apportant une aide d'une manière ou d'une autre. Vers
le milieu des années 80 s'est alors mis en place un réseau
d'entraide nommé Oïkos qui devait permettre d'élargir
la notion de partage avec des gens ne vivant pas à Jansiac,
mais qui en soutiennent les idées. Ainsi, il a été
envisagé que des gens puissent, en milieu urbain, se lancer
dans des activités demandant peu de place (comme par exemple
la préparation de confitures) ou pour participer à
certains travaux (collectes de fruits dans des exploitations abandonnées,
récupération de matériel auto ensuite stocké
à Jansiac qui devient rapidement un lieu de remise en état
pour les autos.... Un journal de liaison voyait même le jour.
Mais, alors que le peu d''argent circulant à Jansiac était
géré en commun, ce n'était plus possible dans
cette structure mixte et l'on a eu une nouvelle fois un glissement
progressif du partage vers le troc, c'est à dire d'un échange
sans estimation de valeur à un échange avec valeur.
Ce réseau d'entraide a donc été remis en cause
après trois ans de fonctionnement. Toutefois s'il n'existe
plus de manière formelle, il continue à y avoir des
échanges avec des personnes extérieures.
Le sens de la fête
Le besoin de faire la fête n'est-il pas le symptôme
que l'on ne se sent pas bien dans le fonctionnement au quotidien
du groupe. Si effectivement travail et loisir ne font qu'un, la
fête n'est-elle pas permanente ? Les fondateurs du groupe
pensent que lorsque ce besoin apparaît, c'est qu'une question
se pose et qu'il faut en chercher la réponse. Cette opinion
a soulevé des objections : si la fête institutionnelle
est effectivement un moyen de faire passer la pilule dans une société
qui méprise l'homme, il n'en est pas de même avec l'humeur
de fête que l'on peut avoir un jour simplement parce que ce
jour-là il fait beau... De plus les enfants, qui lisent beaucoup,
posaient beaucoup de questions sur les fêtes traditionnelles
(Noël en particulier). Il a donc été décidé
de marquer par des journées spéciales les changements
de saisons (le jour le plus long, la nuit la plus longue, les premières
fleurs...). Il a également été mis en place
la possibilité pour chacun de pouvoir changer de nom s'il
voulait indiquer aux autres son intention de prendre un nouveau
départ. Chaque changement de nom donne l'occasion de faire
un gâteau... et les enfants ont vite compris le truc en changeant
parfois de nom toutes les semaines.
Le mieux est l'ennemi du bien
Le visiteur qui se rend à Jansiac ne peut que s'étonner
de ce que la Nef des Fous n'en soit restée qu'à ce
stade expérimental. L'idée de base d'arriver à
créer plusieurs communautés pour tester un "modèle
de société post-occidental" n'a pas réussi
à se stabiliser et surtout, le groupe, trop pris dans ses
expérimentations, n'a pas réussi à donner envie
à d'autres personnes de le rejoindre : le noyau de base a
presque toujours navigué entre 10 et 20 personnes. L'autarcie
poussée à ce niveau semble décourager beaucoup
de bonnes volontés et l'un des échecs les plus ressentis
dans le groupe est aujourd'hui le risque de départ progressif
des enfants.
Ce genre de lieu devrait pouvoir accueillir un grand nombre de
personnes. Les exclus du système pourraient trouver dans
ce site de quoi se lancer dans leurs propres expériences.
Mais cela suppose peut-être des "fous" de Jansiac
d'accepter certaines concessions collectives, d'aller discuter un
peu plus à l'extérieur... en particulier avec d'autres
communautés (même si l'on diverge sur certains points).
Une des raisons régulièrement évoquées
pour ne pas aller parler à l'extérieur est la modestie
des résultats, les erreurs commises, le temps perdu, l'absence
de réponses... Cette question d'avoir quelque chose à
dire à l'extérieur a divisé récemment
le groupe : faut-il attendre que quelque chose soit parfait pour
en parler ? Trois parmi les derniers arrivants ont animé
un débat sur le droit à l'erreur. Cela s'est envenimé
et ils sont partis. Mais cela a permis d'enclencher une certaine
volonté d'ouverture.
En effet, la situation actuelle est un cercle vicieux : comme il
manque de monde pour être à la hauteur des projets,
on travaille dans l'urgence, comme il y a trop de travail, on n'a
pas le temps d'aller discuter à l'extérieur, comme
on ne discute pas à l'extérieur, il n'y a pas assez
de monde...
Puisque le groupe n'a pas le temps de s'exprimer à l'extérieur,
l'une des solutions choisies a finalement été d'accepter
que l'on écrive sur eux de l'extérieur... et après
13 ans d'attente, Silence a enfin pu faire cet article ! (2)
Autre changement récent : la récupération
à Genève pour un prix très faible d'un chalet
de 270 m2 va permettre d'améliorer le confort du groupe et
d'accueillir des visiteurs.
L'avenir de Jansiac et son savoir encyclopédique n'est pas
aujourd'hui assuré : les personnes vieillissent. "On
aime toujours autant courir dans ce paysage, mais on court moins
vite" nous confie Marjolaine. Tant pis si la destruction de
l'"Etat" n'est pas absolue : progressivement le groupe
apprend à mieux doser les compromis. Espérons que
cela sera suffisant pour qu'enfin le projet prenne son envol. Sinon,
quel gaspillage intellectuel ce serait.
Michel BERNARD
(1) Claude Lefort a publié "Le discours de la servitude
volontaire de la Boétie et la question du politique"
(1985, Ed. Payot), "Essais sur le politique" (1986, Ed.
Seuil), "L'invention démocratique" (1981, Ed. Fayard,
réédité en 1995 en poche par Ed. Pocket). Autres
livres de référence : Etienne de la Boétie,
"Le discours de la servitude volontaire", (Ed. Pyot, 1976),
Max Stirner, "Œuvres complètes" (1972, Ed.
L'Age d'Homme), Murray Bookchin "Vers une société
écologique" , Merleau-Ponty "Le visible et l'invisible"
(1964, Ed. Gallimard), Miguel Abensour "William Morris, utopie
libertaire et novation technique !" dans l'"Imaginaire
Subversif" (1982, Ed. Noir et Atelier de Création Libertaire)
et "l'histoire de l'utopie et le destin de sa critique"
dans la revue Textures n°73/6-7 et 74/8-9.
(2) Nous avions fait la demande pour un tel article pour publication
dans le premier numéro de Silence en 1982 !
Pour aller plus loin :
[Site Projetorgone] L'utopie d'Aper Sonn
[Revue] S!lence
Sources
Revue SILENCE - 1998
http://www.revuesilence.net/
Contact : La nef des fous, Jansiac, 04200 Chateauneuf-Miravail,
tél : 92 62 02 61
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