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Chronique d'une explosion annoncée
Jorge


L'Amérique Latine connaît actuellement des émeutes de chômeurs réprimées dans le sang en Argentine. Mais il faut parler de guerre civile ou révolutionnaire pour désigner les événements en gestation en Colombie. Après une rapide évocation de la situation actuelle, l'article aborde les racines historiques du conflit politique qui secoue le pays derrière l'alibi médiatique du narco-traffic.

Aujourd'hui, la Colombie s'enfonce toujours plus dans la guerre civile. La rupture en janvier du processus de paix et l'élection d'Alvaro Uribe Velez en mai, partisan d'une solution de force, ne laissent aucun doute sur les intentions sanglantes de l'oligarchie, face à la guérilla et au mouvement de contestation populaire. Dans une logique impitoyable de guerre, Uribe Velez demande l'intervention accrue des Etats-Unis et la création au niveau local d'un réseau de l'armée intégrant un million de civils, dont chacun sait qu'ils iront grossir les bandes criminelles des paramilitaires. Massacres, assassinats ciblés et disparition d'opposants vont se multiplier.
Pour sa part, la guérilla ne cesse depuis la rupture des négociations d'intensifier les méthodes de lutte qui lui sont propres. A l'enlèvement d'Ingrid Betancourt (candidate présidentielle) s'ajoute celui d'une douzaine de députés d'une assemblée régionale et d'un gouverneur départemental. Le sabotage économique s'intensifie. Médellin (deuxième ville du pays et principal centre industriel colombien, au nord-est de Bogota) devient un nouveau Beyrouth. Et un peu partout dans les grandes villes, milices urbaines et bandes paramilitaires quadrillent les quartiers. Ces dernières semaines, la guérilla demande sous la menace la démission et l'exil de la totalité des maires de municipalités colombiennes. En s'engageant dans un bras de fer sans précédent avec l'Etat, elle vise l'élimination de tout soutien institutionnel (par les élus locaux) à la gestion de la guerre voulue par Uribe. Cette situation explosive n'est que le dernier épisode d'un conflit sociopolitique de très longue date.

Schéma historique du conflit colombien
La mobilisation armée de la paysannerie, dans le conflit colombien, est comparable à celle de la révolution mexicaine (cf «Les rebelles primitifs» de E. Hobsbawm). Mais en Colombie, à la différence du Mexique, cette mobilisation n'a pas encore abouti à des changements institutionnels relativement profonds et durables, elle est endémique, cyclique et la situation de conflit reste bloquée. La révolution sociale qui se déroule depuis longtemps en Colombie ne semble pas mériter ce nom, on préfère parler de la violencia, terme elliptique qui cache le caractère socio-politique du conflit et qui criminalise les luttes populaires.
Pourquoi une confrontation armée d'une telle dimension reste obscure pour l'opinion publique (internationale) ? De même, dans une perspective historique, quels sont les facteurs qui dans la longue durée - depuis la conquête espagnole jusqu'à la fin du XIXe siècle peuvent expliquer la nature et l'ampleur du conflit actuel ? ... Car la violence qui se déroule au cours du XX siècle, dès les années trente jusqu'à aujourd'hui, a une dynamique propre, révélée par la mise en scène du Plan Colombia par Bogota et Washington (capitales de la Colombie et des USA), mais qui s'inscrit dans une histoire des conflits longue de quatre siècles.

De la «violence», qui cache la révolution sociale
Avec la criminalisation des luttes populaires, l'Etat colombien (donc l'oligarchie) cherche à éviter d'assumer ses responsabilités. Le terme violencia (qui est utilisé pour évoquer globalement les différentes criminalités organisées) cache la nature politique et sociale d'un conflit armé grandissant (guerre populaire prolongée). Sur le plan idéologique et médiatique, ce terme recherche la dépolitisation et la neutralisation du conflit, éléments essentiels de la stratégie de la guerre sale contre le peuple. Ainsi le conflit colombien échappe délibérément à l'opinion malgré son importance. Le terme violencia vise une criminalisation des luttes populaires.
Qu'elles soient ouvrières ou paysannes, ces luttes ont une identité dés les années trente. Dés le début le terme violencia s'introduit dans le langage de certains secteurs de l'opinion publique colombienne pour disqualifier l'agitation sociale. L'assassinat du chef populaire Jorge Eliécer Gaitàn en 1948 ouvre jusqu'en 1957 une première période de la Violencia (abordée plus loin). Ces luttes prennent un nouvel élan à partir des années 70 avec l'incorporation d'éléments issus des classes moyennes instruites. Cette agitation sociale a dès lors placé la domination des partis colombiens traditionnels (libéraux et conservateurs) en situation de crise. La «violence» continue toujours et adopte aujourd'hui à la fois la forme d'une guerre sale et d'une guerre populaire prolongée. Pour y répondre, les deux partis traditionnels ont accompagné la mise en oeuvre du Plan Colombie (orchestré par les USA) d'un «Pacte pour la Paix et contre la violence>. La criminalisation du conflit constitue au fond une méthode de dépolitisation et de neutralisation des luttes sociales. Par la suite la dépolitisation de la lutte armée et de la guerre sert seulement d'alibi à I'Etat responsable, elle fait partie de l'atmosphère d'irresponsabilité (impunité) propice à la guerre sale (combinaison de toutes les formes de terrorisme d'Etat), qui est inscrite dans la stratégie de guerre de «basse intensité» mise au point par les USA pour contrer la guerre populaire. Cette réponse de l'Etat colombien à la guerre populaire permet de cacher la nature sociopolitique du conflit.
Mais il y a au moins deux facteurs objectifs en Colombie, à la base du relatif effacement dans l'opinion (et les médias) d'un conflit d'une telle ampleur. D'abord ce conflit ne peut être totalement expliqué par la pauvreté: la Colombie a un développement moyen et le XX siècle a été un moment de croissance (avec les aléas propres à un pays du tiers-monde). Seule la politique néo-libérale imposée brutalement dans les années 90 a généré une véritable crise, une débâcle économique. De fait il s'avère souvent que la prospérité économique a été marquée par un caractère plus soutenu du conflit.
Ensuite le fonctionnement sans faille du système électoral, donc de la relative stabilité des institutions démocratiques, laisse perplexe l'observateur sensible à la cruauté du conflit. En effet, la Colombie dans le contexte latino-américain ne figure pas au palmarès des caudillismos et des dictatures. Ces deux facteurs, absences virtuelles de pauvreté et de dictature, demandent une explication sophistiquée de la nature du conflit, parce qu'il est difficile de comprendre qu'une guerre populaire prolongée puisse avoir lieu dans un pays «riche et démocratique». Il est très facile aujourd'hui de réduire l'explication du conflit, «de la violence», au fait d'un volontarisme de délinquants, aux poches pleines de l'argent du trafic.

Nature et ampleur du conflit: perspective historique
La Colombie souffre essentiellement (non pas totalement) d'un conflit agraire. La campagne colombienne a une structure marquée par la grande propriété territoriale. Dans les Andes, avec des variations, il y a à côté des latifundios (grandes propriétés) des minifundios (même si dans certaines régions la propriété familiale moyenne est importante). L'idée centrale, pour essayer de comprendre le conflit autour de la possession de la terre, est que la lutte agraire obéit plus à l'instabilité des institutions (qui régulent la propriété terrienne) qu'à l'inégalité de la répartition. La forte inégalité est plus fonction de l'instabilité, et non pas le contraire. L'orientation du fonctionnement global de la structure agraire constitue la clé de voûte du problème. Le monde agraire colombien s'est historiquement structuré (par l'action, et la faiblesse, des classes dominantes) en fonction des intérêts du marché international dominé par les nations riches, sans se soucier des intérêts des paysans, ni des besoins du peuple colombien (économie d'extraction des matières premières, produits agricoles d'exportation).
L'instabilité de la propriété foncière est en rapport intime avec la configuration d'une société civile profondément conflictuelle, apparue dès le XVIe siècle par le métissage entre colons européens espagnols, indigènes et noirs africains réduits en esclavage. Bien que le métissage soit facteur d'intégration et générateur de solidarité, il n'efface pas la discrimination et la marginalité dont souffrent des pans entiers de la population.
Mis à part l'aspect tragique et conflictuel de la rencontre des groupes en question, chaque composante de la société apportait sa propre part de conflit. Dans la société des conquistadores, chacun luttait pour soi à la poursuite de l'Eldorado: Hommes libres et ambitieux, contestant ouvertement ou non la tutelle de l'empire, ils en restaient les mandataires. L'empire espagnol de son côté redoutait la formation d'un pouvoir local en Amérique, d'où l'instauration (pour le régime foncier) d'institutions comme l'Encomendia, qui ne donnait pas aux colons le droit à la propriété, ni à l'héritage des privilèges. Par contre, dans leur projection sur le nouveau continent, les espagnols ont hérité à leur profit des conflits indigènes préexistant à la conquista, entre les guerriers chasseurs cueilleurs et les sociétés d'agriculteurs. Les espagnols ont manipulé les conflits entre les barbares de la périphérie (forêts des grandes plaines et vallées profondes) et les civilisés du centre (montagne et hauts plateaux andins).Dans tous les cas les espagnols ont trouvé une résistance indigène à leur domination. Les noirs résistaient à leur esclavage dans une situation délétère où ils avaient perdu à jamais leurs liens communautaires d'origine (ils ont quand même résisté au point que l'autorité espagnole a songé à arrêter la traite, craignant pour la stabilité de l'empire).
Bien que cette situation sociale conflictuelle décrite soit à l'origine de l'Amérique moderne «moyenne», sur le territoire actuel de la Colombie il y avait des particularités pesant sur la conflictualité jusqu'à nos jours. En Colombie les conquistadores (notamment Jimenez de Quesada) se sont alliés principalement avec le centre (les Chibchas), et par la suite l'armée espagnole s'est épuisé plusieurs siècles à guerroyer avec les indigènes de la périphérie dans les vallées longitudinales (la Colombie compte trois cordillères, chaînes de montagnes orientées nord-sud et qui traversent le pays - 1 100 000 km2) qui étaient les routes d'accès aux plateaux andins. Au Pérou au contraire, Pizarro avait pris le centre et Cuzco, allié avec les indigènes de la périphérie. La suite des rebellions qui ont ébranlé toutes les Andes jusqu'à la fin du XVIIIe siècle sont parties du Pérou, du centre andin sans arriver à rassembler la périphérie contre le pouvoir hispanique. En Colombie le pouvoir espagnol prend pour siège Bogota au cour des hauts plateaux ; au Pérou il reste à Lima, dans la proche périphérie des Andes, déjà virtuellement pacifiée. En Colombie, une importante population résiduelle et mouvante empêche le contrôle territorial absolu de la part des pouvoirs centraux.

La lutte pour l'indépendance
La lutte pour l'indépendance contre l'empire espagnol en Amérique du Sud a généré une situation de guerre civile entre royalistes et patriotes dans tous les pays, mais c'est au nord au Venezuela et en Colombie, au sud en Argentine et au Chili que la mobilisation armée a pris une allure napoléonienne (avec le soutien des bourgeoisies commerçantes indépendantistes). En Colombie (Venezuela, Nouvelle-Grenade) notamment, les patriotes ont dû se confronter plusieurs années à une puissante armée espagnole de reconquête dans une guerre totale (ceci fut un facteur de conflit intérieur plus sensible qu'ailleurs en Amérique hispanique, et d'implication généralisée de la société dans les conflits). Une fois accomplie l'indépendance au nord, Bolivar (1783-1830) entama la campagne victorieuse du Pérou (qu'il avait négociée avec l'argentin José de San Martin). Bolivar avait le dessein d'une grande nation (regroupant les nouveaux états indépendants en une «fédération des Etats-Unis du sud») et pour cela, il comptait sur une armée forte et organisée professionnellement (pilier d'une véritable administration, cohérente avec son projet). L'opposition des pouvoirs locaux fit échouer le projet bolivarien. Les riches ne voulaient pas payer l'armée d'un état qui pouvait les contraindre (à payer plus d'impôts) et les pauvres redoutaient les levées en masse (bien que l'armée représentait une promesse d'ascension sociale). Le résultat, bien connu, fut l'éclatement de l'ensemble hispano-américain en plusieurs Etats.

Les oligarchies à l'assaut du marché...
En Colombie, les pouvoirs locaux ont été particulièrement virulents contre le projet politique de Bolivar et contre son armée. L'implication généralisée de la société dans les conflits ne contribua pas à la construction d'un état fort. Les notables locaux, qui opposaient au centralisme bolivarien un projet fédéraliste, brandissaient les bannières de la liberté à leur profit. La liberté de porter des armes, entendue comme une liberté individuelle, leur permettait de former des milices parfois deux ou trois fois plus nombreuses qu'une armée nationale déjà fortement réduite. Dans la foulée, ils consolidaient leurs privilèges clientélistes pour contrer les populations mouvantes de la périphérie et les pouvoirs centraux.
Au milieu du XIXe siècle, une alliance des oligarchies des deux partis (conservateurs et libéraux) mit en déroute le dernier sursaut de l'armée de métier. Celle-ci s'était emparée du pouvoir sous le commandement de José Maria Melo, avec le soutien de couches urbaines d'artisans, frappés par la politique de libre-échange des libéraux (tenants d'un fédéralisme opposé au centralisme bolivarien, auquel les conservateurs étaient plutôt favorables). Cette alliance contre Melo était en fait une trêve aux hostilités déjà largement entamées entre oligarchies locales pour contrôler et structurer les régions en fonction des économies d'exportation. Cette élite exportatrice luttait pour se trouver une place sur le marché international ; chacune des dix guerres civiles colombiennes au cours du XIXe siècle avait été précédée par une crise du marché remettant en question les économies régionales, dépendant souvent respectivement d'un seul produit d'exportation (tabac, indigo, etc.).

..Et à l'assaut des terres
Dans ces régions de mono-activité, des factions de la classe dominante se battaient pour contrôler ou affirmer leur pouvoir sur le territoire (englobant populations, voies de communication, villes, ports). Les luttes entre divisions de la République, entre États fédéraux ou confédéraux (selon la modalité constitutionnelle du moment) s'imbriquaient avec les luttes partidaires.

Vers le milieu du XIXe siècle, les mesures de libéralisation de l'économie ouvraient les marchés des terres. La suppression des monopoles sur la propriété des terres (1850) avait ébranlé l'économie ecclésiastique et les communautés indigènes avaient vu remettre en question les resguardos (institution coloniale qui permettait à certaines communautés agricoles de continuer à vivre sur leurs terres ancestrales).
Par l'endettement ou la violence, les paysans, indiens ou métis, furent chassés systématiquement des meilleures terres par les grands propriétaires, les hacendados. Les terres vierges, qu'ils étaient alors obligé de défricher, étaient pourtant déjà détenues par la même classe d'hacendados, au moyen de titres douteux de propriété. Cette spoliation généralisée exerçait une pression constante sur les possibilités d'autonomie économique des plus pauvres, une autonomie qui dépendait directement de la possession de la terre. La colonisation intérieure était également un mouvement de protestation paysanne contre la grande propriété territoriale. Car les hacendados avaient à la fois besoin de main-d'oeuvre pour exploiter leurs terres, tout en voulant tenir à l'écart les populations pauvres qui leur contestaient la propriété de ces terres.

Stabilité institutionnelle et guerres civiles
Dans les deux dernières décennies du XIXe siècle on assiste au début de la mise en place de la fameuse stabilité institutionnelle de la Colombie (cf le travail de D. Pécaut : «Violence et démocratie en Colombie»). Cette période désignée comme la Regeneracion, voit la proclamation d'une nouvelle constitution centrale par l'alliance de deux secteurs des partis traditionnels. La Constitution de 1886 régira le pays jusqu'en 1990, par l'alignement des provinces sous la formule de la centralisation politique et de la décentralisation administrative. Cette Regeneracion compose avec l'Église et les artisans et instaure peu à peu une hégémonie de cinquante années du parti conservateur contre le parti libéral, jusqu'en 1930. Elle recourt systématiquement à des mesures d'exception qui font de la Constitution de 1886 lettre morte. Le parti libéral, notamment son aile radicale, déclare la guerre en 1885 (sa déroute permet la consolidation de la Regeneracion), et de nouveau en 1895, puis de 1899 à 1903 (cette dernière, appelée la Guerre de 1000 jours, fait 100 000 morts sur une population totale de 3 millions et précipite la sécession du Panama, avec les bons offices des Etats-Unis). Dans une certaine mesure, au cours de ces affrontements, le parti libéral représentait, dans la lutte contre son exclusion (des sphères du pouvoir) la fraction d'hacendados laissés pour compte et le mouvement de colonisation paysanne. Les premiers (comme par exemple les producteurs caféiers, tenants de la modernisation) avaient besoin d'assurer un marché et les autres, les colons, avaient besoin de se protéger des spéculateurs, des créanciers, et de la rechute dans la marginalité des sans-terre.
Ces situations, exprimées par les libéraux en guerre à la fin du XIXe et début du XXe siècle, incarnent les contradictions et les paradoxes de la lutte pour la terre en Colombie. A la fois la colonisation de terres vierges soulageait les hacendados de la pression des paysans déshérités sur la grande propriété. Mais aussi de la sorte, les masses paysannes désertaient le travail des haciendas. Les propriétaires cherchaient à enrayer cette dynamique, provoquée en partie par la violence sur les paysans, en faisant valoir des titres, souvent douteux, sur de grands espaces convoités par les paysans. Le programme du général Uribe (assassiné après avoir signé la paix en 1903 en tant qu'unique représentant du parti libéral au Congres) revendiquait un «socialisme dirigé par le haut» et reflète bien l'ambivalence du libéralisme tenaillé alors entre les intérêts de plusieurs classes sociales.

Industrialisation et réformes
Pendant les premières années du XXe siècle, la Colombie s'insère plus nettement dans l'économie mondiale (caoutchouc, pétrole, café, banane), notamment avec la culture du café qui constitue un produit stable à placer sur le marché international. Profitant du vide sur le marché manufacturier causé par la première guerre mondiale, la Colombie s'industrialise. Dans les années trente, l'agitation sociale reprend avec de grandes grèves (masacre de las bananeras en 1930). Le parti conservateur, divisé, passe la main au parti libéral qui instaure différentes mesures sociales (Revolucion en marcha en 1936, lois agraires, législation sociale, réforme éducative). C'est, un peu comme ce qui se passe en France, le front populaire avec le parti communiste, l'agitation populiste de l'UNIR (Union Nationale de la Gauche Révolutionnaire) de Gaitàn, alors qu'au niveau international se succèdent la révolution russe, le new-deal, la montée des fascismes, la révolution espagnole...

Une lutte de classes brutale
Dans l'opposition, le parti conservateur lutte farouchement contre les réformes sociales. Les libéraux reculent et échouent dans leurs réformes. Quand les conservateurs reprennent la main (1946), les grands propriétaires proches du pouvoir en profitent pour verrouiller tout changement vers la démocratisation agraire. Les réformes sociales du libéralisme sont remises en question par un projet corporatiste conservateur qui se heurte aux réactions populaires urbaines et rurales. Sans se prononcer, et avec la complicité du gouvernement, des secteurs des partis politiques (notamment le parti conservateur) appliquent des méthodes fascistes pour résoudre leurs contentieux et lutter contre les mouvements populaires. Face à cela, des composantes sociales résistent. Le parti communiste est déclaré illégal. La violence se généralise: en 1948, l'insurrection urbaine et la généralisation du mouvement armé paysan tentent de contrer la violence fasciste des puissants. De 1953 à 1957, la dictature du général Rojas tente d'enrayer le processus. De façon timide mais significative, il mène un projet populiste dont l'oligarchie se méfie. L'armée avait eu jusque-là un rôle modeste dans le conflit et le peuple ne lui avait pas encore retiré sa confiance. Avec la chute de Rojas, la Violencia entre partis politiques s'arrête. Mais la situation internationale de la guerre froide va mener les militaires à s'impliquer dans des opérations sécuritaires et terroristes, exercées jusque-là par des milices privées ou attachées à des partis politiques. Cette confrontation croissante entre l'armée et les mouvements armés populaires en expansion traverse les décennies 60 et 70. La violence reprend dans les années 90. L'oligarchie, renouvellée par la nouvelle bourgeoisie mafieuse, en effet se réimplique en soutien à l'armée par le financement de bandes paramilitaires, téléguidées par l'armée. Le nouveau président colombien, proche par sa famille du cartel de Médellin, est au centre de ce processus. C'est une certaine rupture avec la désignation des présidents colombiens, exercée par l'oligarchie traditionnelle à travers les partis.
Tout concourre actuellement, que ce soit par la conflictualité ancienne de la société colombienne, ou par les nouveaux acteurs récemment arrivés dans l'arène du pouvoir, à une confrontation majeure, dans une guerre de plus en plus ouverte.

Jorge le 30/06/02


Article paru dans Courant alternatif n°121, été 2002, Ce journal est publié par l'OCL

Le site de l'OCL : http://oclibertaire.free.fr/