Origine : diffusion mails
-- Communiqué de presse du 14 décembre 2007 --
contact : occupationcnil @ yahoo.fr
A 10h vendredi 14 décembre, une petite centaine de personnes
ont envahi les locaux de la CNIL et prononcé sa dissolution.
Les occupant-e-s étaient venus de toute la France et impliqués
dans divers collectifs d'analyse, d'information et d'action (Groupe
Oblomoff, Pièces et Main d’Oeuvre, Mouvement pour l’Abolition
de la Carte d’Identité (MACI) Halte aux puces !, Coordination
contre la biométrie, Souriez, vous êtes filmés
!& compagnie...)
Des banderoles ont été accrochées à
la façade. Elles annonçaient : "La CNIL 1978
- 2007 : dissolution", "informatique ou liberté,
il faut choisir", ou encore "fichage, adn, biométrie,
vidéo-surveillance : L'état contrôle, la CNIL
s'incline".
Après s'être dispersés dans les locaux pour
annoncer la dissolution de l'institution et distribuer un texte
explicatif (texte complet en pièce jointe), les occupant-e-s
ont convoqué une réunion à laquelle ont assisté
une partie des employés ainsi que le secrétaire général
"Ian Padova". Ils y ont exposé leurs raisons en
détails :
"Depuis sa création en 1978, la CNIL n’a cessé
de faciliter et de légitimer l’exploitation numérique
de nos vies.
Main dans la main avec les gouvernements et les industriels, elle
a concrètement travaillé à ce que l’inacceptable
semble acceptable, en réduisant la liberté au contrôle
des flux informatiques. Sa mission a consisté à endormir
toute critique et toute révolte, en jugeant à notre
place et en notre nom de ce qui pouvait porter le nom de liberté.
Loin de « protéger les libertés » comme
elle le prétend, la CNIL favorise le développement
du contrôle policier des populations via les nouvelles technologies
dites « de l’information et de la communication »
(TIC) :
prolifération des fichiers policiers, vidéosurveillance,
biométrie, fichage ADN, puces RFID, passeport biométrique,
traçabilité des internautes, etc.
« Les Français devront accepter un affaiblissement
des libertés individuelles afin de renforcer la sécurité
collective» : nous dit la CNIL en 2005.
Nous contestons la fonction prétendument protectrice de
la CNIL, simulacre de contrepoids indépendant entre le pouvoir
et les citoyens. Cet organe administratif avec ses 17 membres tous
grands commis de l’Etat, ne mérite ni moyens ni compétences
supplémentaires, mais sa dissolution pure et simple."
Des objectifs concrets de travail ont été exposés
suite à la dissolution :
Le bannissement de la biométrie et des puces RFID ; l’abolition
de la vidéosurveillance sous toutes ses formes ; le démantèlement
des fichiers de police (STIC, FNAEG, JUDEX, etc) ; l’abolition
de la carte d’identité.
Après deux heures de discussion, la direction de la CNIL
a demandé aux employés/es e partir en congé
et les a fait sortir, sous la surveillance de la police.
Vers 14h30, le président de la CNIL, Alex Türk, en
déplacement à Lille, a ait savoir qu'il demandait
l'évacuation des locaux. Afin d'appuyer sa demande, quelques
cinq cars de CRS s'étaient déjà regroupés
près de l'institution.
Quelques dizaines de gendarmes-mobiles, sont entrés de force
dans les locaux puis ont poussé brutalement à l'extérieur
les occupants qui s'étaient regroupé/es dans le hall
et se maintenaient en chaîne en criant "La CNIL, c'est
CNUL !"
Sous l'oeil bienveillant du secrétaire général
de cette structure prétendument garante du contrôle
de l'Etat, les policiers ont ensuite encerclé les occupant-e-s
dans la cour et les ont soumis à un fichage systématique.
Pour aujourd'hui la CNIL est dissoute, les luttes concrètes
continuent sur le terrain.
Brève histoire de la CNIL
Le marquage au fer des Indiens réduits en esclavage était
devenu une pratique courante. En 1526, un décret royal parvint
aux Amériques, stipulant que dorénavant, le marquage
devrait être réalisé en présence d'un
représentant de l'Etat, et une fois seulement que le statut
de l'Indien concerné ait été vérifié.
(...) Mais rien ne changea, bien que certaines sources indiquent
qu'un gouverneur libéra un cargo d'esclaves que l'on envoyait
illégalement aux mines. Avant de les remettre dans un bateau
à destination de leur encomienda, il les fit marquer au fer
rouge avec l'inscription « libre », pour annuler le
marquage au fer rouge du propriétaire illégal. Hans
Koning, The conquest of America.
La CNIL fut créée en janvier 1978 par des bureaucrates,
et dissoute en décembre 2007 par une partie du peuple.
Sa création coïncide avec le scandale provoqué
par le premier grand projet de fichage informatique par l'Etat,
le projet Safari, 19742. Il devint clair à ce moment-là
que l'informatique donnait à l'Etat des moyens de contrôle
sans commune mesure avec ceux du passé, l'interconnexion
des fichiers facilitant l'organisation de rafles et de persécutions
diverses. La CNIL servit donc d'emblée à endormir
les citoyens : vous aurez le fichage informatique, mais vous pourrez
connaître et rectifier ces données grâce à
la CNIL. Ce qui s'est rapidement révélé aussi
absurde qu'impraticable. En tant qu'émanation de l'Etat,
il allait de soi que la CNIL ne s'opposerait pas au développement
croissant des pouvoirs de l'Etat grâce à l'informatique.
Il allait aussi de soi qu'elle ne voudrait pas brider le formidable
développement industriel offert par la gadgetterie électronique,
vecteur d'une croissance illimitée.
Les 17 commissaires de la CNIL, tous grands commis d'Etat, se sont
presque toujours distingués par leur complaisance à
l'égard des diktats du marché et des gouvernements.
Plus encore, certains ont joué un rôle remarquable
dans la mise en place de la surveillance automatisée et des
gadgets numériques. Philippe Lemoine, en cumulant illégalement
les fonctions de commissaire à la CNIL et de PDG de Laser
et de Cofinoga, est en bonne position pour arbitrer équitablement
le brûlant conflit d'intérêts qui oppose les
industriels aux défenseurs des libertés. Dès
2005, à Caen, la société Laser, qu'il dirige,
teste le paiement automatisé par le téléphone
portable. Fin 2006, Laser met en place aux Galeries Lafayette le
paiement à distance grâce à la technologie RFID
des puces sans contact. Alex Türk, président de la CNIL
à partir de 2004 et sénateur de droite, se décrédibilise
très tôt en rendant la CNIL juridiquement impuissante
face aux fichiers concernant la sûreté d'Etat (Défense,
sécurité publique) -- ce pour quoi elle avait été
initialement créée. Il est en effet rapporteur au
Sénat de la refonte de la loi informatique et libertés
de 2004, qui ôte à la CNIL ses pouvoirs contraignants
et légalise tous les fichiers de police jusque-là
hors la loi. En 1995 (Loi Pasqua), la CNIL avalise la généralisation
de la vidéosurveillance. Le 9 Juillet 2007 (AFP), Alex Türk
rappelle publiquement : « La CNIL n'est pas contre la mise
en place de réseaux de vidéosurveillance par principe3
». En 2005, la CNIL déclare que « les Français
devront accepter un affaiblissement des libertés individuelles
afin de renforcer la sécurité collective » et
approuve de nouvelles mesures sécuritaires au nom de la lutte
anti-terroriste.
Il est donc peu surprenant que la période d'exercice de
la CNIL ait coïncidé avec un développement accéléré
du gouvernement numérique, comme l'illustre cet inventaire
de procédures officiellement déclarées compatibles
avec la liberté par la CNIL : - le pass' navigo et ses nombreux
avatars (décembre 2004) - les spams « dans le cadre
professionnel » (mars 2005) - Microsoft et Vivendi autorisés
à utiliser des logiciels espions pour dénoncer les
internautes usagers du peer-to-peer (avril 2005) - la carte de fidélité
biométrique (avril 2005) - les assureurs médicaux
autorisés à constituer des fichiers de prescription
de leurs assurés (AXA en 2004, Groupama et SwissLife en 2005)
- la biométrie dans les cantines scolaires (janvier 2006)
- les entreprises de location de voitures autorisées à
ficher les conducteurs auteurs d'infractions (juillet 2006) - le
passeport biométrique - la biométrie faciale -- reconnaissance
automatique des visages par les caméras -- autorisée
« à des fins de recherche » (février 2007)
- le dossier médical personnalisé, c'est-à-dire
informatisé (mai 2007) - les compagnies d'assurances autorisées
à mettre des mouchards électroniques dans les véhicules
de leurs assurés (septembre 2007).
2 Le projet Safari ("Système Automatisé pour
les Fichiers Administratifs et le Répertoire des Individus")
prévoyait l'interconnexion du numéro de sécurité
sociale avec les autres fichiers administratifs. 3 Dans une interview
(07/07), Alex Türk explique en quoi la CNIL est soumise au
gouvernement : "Prenons l'exemple de la vidéosurveillance
: dire une fois pour toutes "nous sommes contre, point",
ça ne mène à rien. Car si l'Etat le fait quand
même, ce sera un coup d'épée dans l'eau."
Jusqu'à la dissolution officielle de la CNIL en décembre
2007, rares ont été les habitants du territoire français
à réaliser que l'on se moquait d'eux. Bien qu'on ait
pu parfois entendre, au détour d'un bistrot de quartier,
proférées avec lassitude, ces quelques sages paroles
: « La CNIL ? Pfff...c'est du pipeau ».
D'une certaine manière, c'était plus grave que ça.
La CNIL fut positivement impliquée dans la mise en place
de la société numérique, qu'elle avait pour
tâche de rendre à la fois potentiellement menaçante
et objectivement acceptable. C'est pourquoi la CNIL releva moins
de la simple fumisterie que d'une excellente agence de développement
du monde numérique. En somme, le travail de l'institution
se résuma à trois choses : 1° Mettre en place
de façon provisoire, là où de nouvelles formes
de surveillance numérique étaient créées,
des contrepoids aussi futiles qu'elle-même. 2° Piloter
en amont des projets industriels indéfendables de façon
à les rendre compatibles avec le niveau de servitude médiatiquement
annoncé comme acceptable4. 3° Enfermer la question de
la liberté dans une expertise incompréhensible de
façon à désarmer toute opposition aux technologies
informatiques.
Votre liberté, les experts s'en chargent (c'est
trop compliqué pour vous)
Des écrans partout. Des ondes électromagnétiques
dont on ne sait rien, sinon qu'elles sont nocives. Des métiers
qui se transforment ; certains qui disparaissent. Des publicités
qui surgissent de nulle part et s'individualisent. Des machines
qu'il faut acheter pour travailler et « être à
jour », et ensuite jeter, sans avoir jamais compris comment
elles marchaient. Tous ces objets qui carburent au nucléaire
et battent tous les records de pollution. Qui l'a vraiment choisi
? Qui l'a vraiment voulu ? Au nom de quoi et de qui la CNIL décida-t-elle
que ces transformations de nos modes de vie étaient compatibles
avec la liberté ?
L'existence d'une Commission informatique et libertés
a pour principale fonction de faire en sorte que la population apprenne
à ne plus juger.
Car les experts ès libertés qui la composent sont
devenus les seuls dépositaires de la « bonne critique
». La biométrie, c'est bien ou c'est pas bien ? Ca
va, la CNIL l'a autorisée. Bien évidemment, la «
bonne critique » selon la CNIL -- c'est-à-dire selon
l'Etat -- est une critique ouverte sur l'avenir, constructive, responsable.
Une critique qui ne refuse pas en bloc les innovations, mais qui
les accepte en posant des garde-fous dont il est pourtant évident
qu'ils tomberont d'eux-mêmes une fois le système mis
en place. Vous connaissez beaucoup de gens qui portent plainte quand
ils reçoivent des spams non désirés ? Vous
pensez vraiment que les patrons ne se serviront pas de la biométrie
et du GPS pour fliquer les employés, maintenant qu'ils sont
autorisés « sous conditions » ? Et si, s'apercevant
que ces technologies servent uniquement les intérêts
des pouvoirs, on ne voulait pas de biométrie du tout ? Pas
de RFID du tout ? Pas de tests ADN du tout ? Allons...ce n'est pas
responsable.
L'expertise en matière de liberté sert tout
simplement à adapter nos critères de jugement et nos
valeurs à la société voulue par les dirigeants.
Evacuant tout questionnement d'ensemble, toute révolte sensible,
les experts ès libertés élaborent purement
et simplement une éthique de robots. La transformation des
modes de vie de toute la population est ainsi soumise à des
questionnements purement techniques, d'une complexité digne
des controverses théologiques. La CNIL ne demande pas, à
propos des RFID : « pourquoi gérer les personnes comme
des produits de supermarché ? » Elle considère
: « le stockage des données dans le système
informatique relié au dispositif doit être à
durée limitée ». Elle ne dit pas, à propos
de biométrie : «les gens ne sont pas des codes-barre
», mais : « le degré d'intrusion du système
biométrique en vigueur doit être proportionné
à la finalité poursuivie ». La CNIL ne se préoccupe
pas de dignité, parce qu'elle considère a priori normal
que nous soyons gérés comme des marchandises. Peu
à peu, tout le monde s'habitue à penser dans la novlangue
« Informatique et libertés », et la liberté
en vient à signifier le contrôle des flux informatiques
émis par le troupeau humain.
La liberté restera un vain mot tant que nos vies
seront pilotées par les industries et les administrations.
Quelle dignité nous reste-t-il, quand la traçabilité
numérique nous octroie tour à tour le statut de criminel,
de maniaque en puissance ou de paquet de lessive ? De quelle indépendance
pouvons-nous bénéficier, quand la marchandise s'immisce
dans chaque geste de la vie quotidienne ? A quelles conditions le
fait de vivre ensemble peut-il avoir du sens, à l'heure où
tout est fait pour convaincre les plus jeunes que seule la vie numérique
est digne d'être vécue ? Si nous ne voulons pas être
les éternelles victimes du fait accompli, c'est à
nous, qui vivons dans ce pays, de décider ce qu'est la liberté,
et de nous opposer collectivement à ce qui la rend impossible.
La lutte paie !
Dans un certain nombre de lycées en France5, la
mobilisation des élèves et des professeurs contre
la biométrie a permis de se débarrasser des machines.
Ces mêmes machines que la CNIL autorise systématiquement
depuis 2006.
4 Un exemple parmi d'autres : Après avoir recalé
le projet de la MAAF consistant à placer dans les voitures
de ses assurés des mouchards électroniques, la CNIL
a publié une norme simplifiée pour aider les assureurs
à placer leurs mouchards sans être dans l'illégalité
(mars 2006). Elle a en outre travaillé en partenariat avec
la société AXA sur le même projet d' «
adaptation de la prime d'assurance à l'usage réel
du véhicule », aidant ainsi la compagnie d'assurance
à contourner la loi (septembre 2007). 5 Ex: lycée
de Digne-les-bains, lycée Ravel (75020), lycée Marcel
Lamy (75018).
Les Illusions de la CNIL (Comment s'en débarrasser)
Illusion 1 : La CNIL est indépendante.
La CNIL est si proche des pouvoirs, qu'el e est presque complètement
indépendante de la société française.
Son président, Alex Türk, fut rapporteur au Sénat
du fameux projet de loi informatique et libertés de 2004
qui a considérablement affaibli les pouvoirs de la CNIL.
Philippe Lemoine, cumule il également les fonctions de commissaire
à la CNIL et de vice-président de la chaîne
de distribution Galeries Lafayette et PDG de sa filiale informatique
LASER, el e-même filiale de Cételem-BNP-Paribas. La
société LASER fut l'une des premières à
introduire en France le paiement sans contact RFID, qui, en matière
de licenciements et de marketing direct, ouvre des perspectives
très alléchantes.
Illusion 2 : La CNIL permet de faire respecter ses droits
La CNIL, en théorie, permet de faire valoir le peu de droits
qu'il nous reste vis-à-vis du déferlement numérique,
la dérisoire connaissance-et-rectification-après-coup-de-ses-données-personnel
es. Un journaliste du Monde a calculé qu'au rythme actuel,
il faudrait 7 000 ans pour que les personnes figurant sur le STIC
aient accès à leur fiche et puissent la corriger...oula
!...mais attendez...rectifier ses données personnel es, est-ce
que ce n'est pas plutôt participer soi-même à
son propre fichage ?! Et c'est ça, nos « droits »
?!
Illusion 3 : La CNIL protège nos libertés
Selon la CNIL, le seul problème que pose l'informatique
pour la liberté est celui des conditions de gestion des données
personnel es -- chose sur laquel e el e n'a concrètement
aucun pouvoir. Les conséquences néfastes de la «
révolution numérique » qui nous a été
imposée n'ont jamais posé problème à
la CNIL : fichage systématique, dépendance au quotidien,
perte d'autonomie et de savoir-faire techniques dans les métiers,
désastre écologique, restructurations perpétuel
es. En pratique, le travail de la CNIL a consisté, d'une
part, à donner une légitimité à des
projets industriels manifestement hostiles aux libertés.
Et d'autre part, à construire de toutes pièces une
définition restrictive de la liberté à notre
place, pour complaire aux industriels et aux dirigeants. C'est à
nous de protéger notre liberté.
Groupe Oblomoff
Pièces et Main d'Oeuvre
Mouvement pour l'Abolition de la Carte d'Identité (MACI)
Halte aux puces !
Coordination contre la biométrie
Souriez, vous êtes filmés !
& Compagnie
Paris, le 14 décembre 2007.
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