Origine : http://www.afrik.com/article6941.html
mardi 13 janvier 2004, par Habibou Bangré L'excision se
répare. Depuis 25 ans, le chirurgien urologue français
Pierre Foldès reconstitue les clitoris coupés lors
de pratiques traditionnelles, majoritairement pratiquées
en Afrique sub-saharienne. Il explique ce qui l'a poussé
à mettre au point cette intervention et revient sur les menaces
de mort qu'il reçoit de la part de ses détracteurs.
Faire l'amour avec plaisir. C'est le bonheur que Pierre Foldès
offre aux Africaines excisées. Ce chirurgien urologue français
reconstitue depuis 25 ans les clitoris coupés lors de rites
culturels et ancestraux, principalement pratiqués en Afrique
sub-saharienne. Le spécialiste, qui exerce à la clinique
Louis XIV de Saint-Germain-en-Laye (à l'ouest de Paris),
revient sur la mise au point de cette chirurgie réparatrice
et sur les risques qu'il prend en la poursuivant en France et en
Afrique.
Afrik : Comment avez-vous commencé à réparer
le clitoris des femmes excisées ? Pierre Foldès :
Lors de missions humanitaires en Afrique (notamment au Burkina,
au Mali, au Niger et au Sénégal), je réparais
les divers complications qui résultaient des excisions, comme
problèmes d'incontinence. Cela permettait aux femmes de retrouver
une certaine souplesse au niveau de la vulve ce qui leur permet
d'enfanter plus facilement. Par la suite, des femmes burkinabés
sont venues me demander, lors de consultations, s'il était
possible de reformer un clitoris excisé. La demande était
très forte parce qu'elles se prennent beaucoup plus en charge
et hésitent moins à parler de leurs souffrances. J'ai
donc adapté et perfectionné, en France, une méthode
utilisée pour rallonger la verge des hommes. La technique
est au point depuis dix ans.
Afrik : Opérez-vous toutes les formes d'excision ? Pierre
Foldès : Oui. De l'excision à l'infibulation (la forme
la plus extrême de cette pratique, ndlr). La technique d'intervention
est la même.
Afrik : En quoi consiste l'intervention ? Pierre Foldès
: Il faut savoir que le clitoris fait une dizaine de centimètres
de longueur. Lors de l'excision, c'est la partie externe qui est
coupée. Lors de l'opération, je découpe la
cicatrice souvent douloureuse et je vais chercher sous le bassin
le reste de l'organe, qui est toujours innervé. L'acte chirurgical
dure en moyenne une heure.
Afrik : Au bout de combien de temps les femmes éprouvent-elles
une sensibilité ? Pierre Foldès : La douleur se fait
sentir pendant la dizaine de jours qui suit l'intervention. Au bout
d'un mois et demi, le clitoris prend forme. Les femmes que j'ai
opérées, me disent qu'elle ressentent un plaisir sexuel
au bout de quatre à six mois. C'est difficile à prouver
car elles n'ont pas de point de comparaison, étant donné
qu'elles n'ont jamais éprouvé ce genre de sensations
avant.
Afrik : Combien de femmes avez-vous opéré ? Pierre
Foldès : J'ai opéré environ soixante femmes,
âgées entre 18 et 30 ans en moyenne. Depuis la médiatisation
de cet aspect de mon activité, de plus en plus de femmes
viennent me voir.
Afrik : Comment réagissent les maris de ces femmes ? Pierre
Foldès : En France, les hommes réagissent vraiment
bien en général. Certains viennent même me voir
avec leurs femmes. Il y a une réelle évolution des
mentalités sur ce sujet, notamment grâce à l'immersion
culturelle différente. Mais en Afrique, les choses bougent
plus lentement. L'excision reste encore un moyen de domination masculin.
Afrik : Vous opérez gratuitement. Pourquoi ? Pierre Foldès
: La plupart des femmes que j'opère n'ont pas de couverture
sociale. Et comme la législation stipule que l'excision est
un crime, je ne voulais pas gagner de l'argent en réparant
le clitoris des femmes excisées. Mais je ne pense pas que
vais pouvoir continuer comme cela longtemps. Avant, le nombre d'opérations
oscillait entre une et deux par semaine et je pouvais les offrir.
Mais leur nombre s'accroît et je commence à perdre
de l'argent. Eventuellement, je demanderai une somme symbolique
aux femmes qui ont une couverture sociale.
Afrik : Cela fait 25 ans que vous pratiquez cette opération.
Pourquoi n'est elle médiatisée que maintenant ? Pierre
Foldès : J'opérais discrètement par crainte
des menaces. J'ai reçu plusieurs menaces de mort en Afrique.
Et les Africaines qui venaient me consulter étaient exposées
aux mêmes dangers. Mais certaines de celles qui ont été
opérées ont témoigné de leur expérience
dans les médias et m'ont dit qu'il fallait en parler. Depuis,
j'ai fait plusieurs interviews pour des journaux et fait plusieurs
interventions radio et télé.
Afrik : Avez-vous une idée de l'identité de ceux
qui vous en veulent ? Pierre Foldès : Avec la récente
médiatisation de cette opération de chirurgie réparatrice,
j'ai déjà reçu d'autres menaces de mort ces
derniers jours. Elles proviennent de ceux qui considèrent
que je vais à l'encontre de leur culture. Mais je pense qu'elles
sont surtout l'oeuvre de ceux qui ont un intérêt à
ce que cette pratique perdure. Il faut savoir qu'en France le prix
d'une excision peut atteindre 1 000 euros. En Afrique, il oscille
entre 70 et 1 000 euros. Il y a donc beaucoup d'argent en jeu.
Afrik : Avez-vous déjà songé à arrêter
cette opération à cause des dangers qui pèsent
sur vous ? Pierre Foldès : Non. Par contre, ce type de menaces
pourrait décourager d'autres médecins, africains comme
français, de pratiquer cette intervention. J'ai commencé
à en former il y a quelques mois en France. En général,
c'est moi qui me déplace et qui pratique l'intervention devant
eux. Mais pour l'instant, je suis le seul qui pratique l'opération
officiellement. Je compte sur la médiatisation de cette opération
pour rallier d'autres collègues à ma cause. Pour l'instant,
certains soutiennent ce que je fais, mais à condition que
ce soit moi qui prenne les risques.
Afrik : Avez-vous des retours des associations luttant contre
l'excision ? Pierre Foldès : Je n'ai pas eu de retour d'Afrique,
mais je travaille en France étroitement avec le Gams (Groupe
Femmes pour l'Abolition des Mutilations Sexuelles), qui se réjouit
de cette chirurgie réparatrice. J'ai également eu
des retours positifs d'autres associations.
Contact Pierre Foldès :
Clinique Louis XIV
4, Place Louis XIV
78100 Saint Germain-en-Laye
Tél : 0033 (0)1 39 27 42 48
0033 (0)1 39 10 26 26
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