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Origine http://www.humanite.fr/journal/2004-01-10/2004-01-10-385874
Michèle Dominici a réalisé un documentaire
sur le grand tabou de la sexualité féminine.
Le clitoris, ce cher inconnu.
Arte. 22 h 15.
" Voilà trente ans que l’homme a marché
sur la lune, et on ne sait toujours pas ce que c’est que le
clitoris ! " Michèle Dominici était très
étonnée le jour où elle a appris, dans un article
d’une revue de vulgarisation scientifique, que le clitoris
mesure entre huit et dix centimètres. Petites recherches,
sondage dans son entourage. Et seconde surprise : personne n’en
savait vraiment plus qu’elle. " Ce vide est d’autant
plus étonnant qu’on parle de sexe tout le temps et
partout. C’est quand même paradoxal... " Et de
passer en revue les manifestations de ce tabou : a-t-on déjà
entendu des parents parler à leur enfant du clitoris ? "
Il existe pourtant une infinité de mots pour désigner
le pénis quand on s’adresse à un enfant... "
Et dans les livres scolaires, pas un paragraphe n’est consacré
à ce qui sur les dessins anatomiques ne représente
" qu’un petit bouton ". Autant de mystère
ne pouvait qu’intriguer Michèle Dominici. Il lui fallait
comprendre. Et expliquer.
Voilà comment est née l’idée de réaliser
son film, Clitoris, ce cher inconnu. Il s’agissait d’affronter
le tabou. D’aider les femmes à se connaître mieux.
Leur donner des outils scientifiques. Pour comprendre, et peut-être
dédramatiser l’image de la sexualité que renvoient
magazines et publicité. Une entreprise d’autant plus
importante que depuis l’apparition du Viagra, les recherches
sur la sexualité féminine redeviennent un enjeu...
financier. " Il ne faut pas laisser aux promoteurs d’une
médicalisation systématique de la sexualité
le monopole de la recherche et de la vulgarisation ", explique
Michèle Dominici pour qui il ne s’agit ni de condamner
qui que ce soit, ni d’entrer dans les débats de psychanalyse
ou de sociologie. Elle voulait rester concentrée sur des
faits, des faits " précis et concrets ". Faire
un point sur ce que l’on sait. Retracer le cheminement historique
de la connaissance scientifique sur le clitoris.
" On s’y est intéressé tant qu’on
pensait qu’il était nécessaire à la reproduction.
Mais dès qu’on a compris qu’il n’était
qu’un organe du plaisir, on s’est empressé de
l’oublier... " Autre aléa de la connaissance :
l’explication des dysfonctionnements sexuels. " Pour
ce qui est des hommes, leur origine est nécessairement mécanique.
Pour les femmes, nécessairement psychologique. " Un
peu court. D’autant que les tissus sont les mêmes, et
l’origine embryonnaire aussi. Mais en y regardant de plus
près... " On a commencé à vraiment étudier
le mécanisme de l’érection dans les années
soixante-dix, explique Michèle Dominici. Avant ça,
on invoquait aussi des raisons psychologiques pour expliquer la
sexualité des hommes... " En 1998, on n’avait
toujours pas fini d’étudier l’anatomie du clitoris.
Un retard qui s’explique en partie : " longtemps les
études anatomiques étaient réalisées
sur des corps de bagnards. Or quatre-vingt quinze pour cent des
bagnards étaient des hommes. "
L’histoire n’est pas plus linéaire que la science
n’est objective. " La connaissance scientifique dépend
de l’évolution de la société ",
rappelle Michèle Dominici. De même pour ce qui est
de l’absence d’explications sur le clitoris dans les
livres scolaires. " Quoi qu’on en pense, l’éducation
nationale ne peut pas aller plus vite que la société.
Combien de parents seraient prêts à ce qu’on
parle du clitoris à leurs enfants ? " Et voilà
Freud absolu pour ses analyses un peu rapides sur la sexualité
des femmes. " Il y a quand même quelque chose qui me
met en colère à ce sujet, reprend Michèle Dominici.
Qu’il se soit trompé à l’époque,
je comprends. Mais comment expliquer que depuis, aucune étude
psychanalytique n’ait été réalisée
sur le clitoris alors qu’il y en a tant sur le pénis
? " C’est ainsi que dans le dictionnaire de la psychanalyse,
au mot " clitoris ", on trouve pour toute réponse
: " voir pénis ".
Anne Roy
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