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Origine : http://endehors.org/news/4957.shtml
Quiconque veut réellement changer les rapports actuels entre
les sexes doit donc s'interroger sur le sens de cette réaction
négative. Car pourquoi la seule mention du clitoris étonne-t-elle,
choque-t-elle ou dérange-t-elle, sinon parce que son existence
même est officiellement ignorée et officieusement censurée?
Pourquoi une « omission » à une aussi grande
échelle, sinon parce que la sexualité féminine
est à la fois taboue et méconnue aujourd'hui comme
hier? Et pourquoi en est-il ainsi, sinon parce que le système
politique en place a intérêt à ce qu'elle le
soit, qu'il met tout en oeuvre pour y parvenir... et y réussit
si bien que la pensée patriarcale est intégrée,
portée jusque dans les rangs de personnes persuadées
de la combattre? La séparation public-privé demeure
en effet très forte partout dans la société,
l'idée que « le privé est politique »
étant rarement prise en compte (et souvent de façon
très théorique), et le discours du pouvoir est prégnant
dans tous les milieux au point d'en devenir... invisible.
La domination masculine se manifeste pourtant, et bien évidemment,
sur le terrain de la sexualité plus encore qu'ailleurs dans
le système patriarcal: elle est à la base des normes
imposées aux deux sexes, avec l'obligation des rapports hétérosexuels
- en vue du plaisir masculin et/ou de la reproduction -, ainsi que
des comportements, attendus actifs chez les hommes et passif chez
les femmes.
Deux moyens sont utilisés pour assigner celles-ci au rôle
exigé d'elles: la censure et la propagande idéologique.
Ce sont donc à eux deux qu'il convient de s'attaquer - comme
à tous les autres instruments d'oppression et d'aliénation
- par un important travail, d'une des rôles sociaux imposés,
une véritable propagande est assénée en tous
temps et tous lieux afin de masquer la réalité sexuelle
féminine: on fait croire aux deux sexes que les femmes possèdent
seulement des organes reproducteurs et n'ont pas de désirs
(du moins les « filles bien », pas les « chiennes
en chaleur » ) ; que c'est aux hommes d'être le sujet
de l'acte sexuel (sans être bien sûr pour autant appelés
« chiens en rut » ...) et aux femmes d'être son
objet, etc. Et on enterre la sexualité féminine sous
un tombereau de pseudo-vérités médicales et/ou
scientifiques et de règles morales qui ont comme seul objectif
le maintien de l'ordre établi.
Pour toutes ces raisons, l'émission dont il va être
question ci-après mérite d'être saluée...
et ce genre d'initiatives visant à briser le tabou multiplié.
Vanina
« Le clitoris est la seule partie du corps dont l'unique
fonction est de procurer le plaisir. C'est ce qui le rend tellement
extraordinaire. II est très étrange de penser que
les femmes imaginent leur sexualité plus inhibée que
celle des hommes, alors que le clitoris réagit à peu
près comme le pénis: il se redresse comme une érection.
» « On dit souvent aux filles: "Non, tu n'as pas
de pénis." C'est intéressant de constater (absence
même de mention du clitoris. Au mieux, on leur dit qu'elles
possèdent un vagin. En fait, ça renforce (idée
freudienne que les filles sont envieuses... mais ça crée
toujours un problème à quelqu'un qu'on lui dise: "Non,
tu n'as pas ceci ou cela..." comme s'il lui manquait quelque
chose. » « Peu à peu, on voit progresser la connaissance
sur le sexe de (homme, mais la femme reste la grande inconnue. Il
est très important d'essayer de démystifier toutes
ces histoires qu'on dit sur la frigidité et que les femmes
sachent qu'elles sont toutes capables d'avoir des orgasmes... »
La première partie du Thèma (1) qui a été
consacré par Arte à la mi-janvier 2004 au «
Sexe des femmes » est suffisamment intéressante et
enrichissante (une fois n'est pas coutume en matière télévisuelle)
pour qu'on en diffuse le contenu. Les déclarations précédentes
et suivantes émanent de femmes Françaises, Allemandes,
Anglaises, Américaines, Hollandaises... écrivaines,
scientifiques, éducatrices... - ayant sans doute participé
aux mouvements de femmes des années 70 ; le corps de l'article
est quant à lui un résumé de leurs expériences
personnelles ou de leur investissement militant. Le message qu'elles
essaient de faire passer, avec en général conviction
et chaleur, intelligence et clarté d'analyse, est très
simple: les femmes peuvent avoir du plaisir dans l'acte sexuel car
elles sont pourvues d'un organe leur permettant d'en obtenir...
mais encore faut-il qu'elles en aient la conscience et le désir,
et qu'elles en fassent elles-mêmes la recherche, avec ou sans
partenaires.
Anatomie:
Clitoris et pénis viennent des mêmes tissus et ont
une structure de base très semblable à (état
de foetus. Le clitoris est un « organe très mignon,
de forme très belle », au tissu extrêmement sensible.
Avec plus de terminaisons nerveuses que n'importe quel autre organe
(4000 de chaque côté et 8000 convergeant vers son extrémité,
quand le pénis en a entre 4 000 et 0 000 en tout) et une
taille bien plus grande qu'on ne l'imagine (8 centimètres,
pour (essentiel à l'intérieur du corps féminin),
il se raidit avec l'afflux de sang à la façon d'une
érection pénienne, mais permet d'avoir plusieurs orgasmes
à la suite.
Histoire:
Jusqu'ici, le clitoris n'a guère été étudié
par les scientifiques, et sa description peu détaillée,
quand elle existe, contient bien des inexactitudes. Il reste donc
beaucoup à faire en matière d'anatomie féminine.
En 1559, un anatomiste italien, Rinaldo Colombo, avait décrit
le clitoris avec passion, comme un organe « si joli, et tellement
utile! » ; mais son travail a disparu, alors que ceux sur
les organes reproducteurs présentés par son patron
Vessalius sont restés. En 1855, l'Allemand Georges Cobelt
a publié d'excellents dessins sur le clitoris, puis des illustrations
assez fantaisistes ont commencé à paraître sur
lui dans les livres d'anatomie. En 1900, il figure dans la bible
des chirurgiens anglais Anatomy, mais en 1948 fl en disparaît,
et plus aucune mention n'en est faite, alors qu'il existe tout un
chapitre sur l'érection masculine...
Sciences:
Le clitoris n'a pas toujours été ignoré dans
l'acte sexuel. Ainsi, Hippocrate pensait que les femmes aussi possédaient
du sperme et devaient, pour une bonne fertilité, avoir un
orgasme en produisant; il leur fallait donc du plaisir, et le clitoris
servait à leur en donner. Au Moyen-Âge, malgré
la profonde « méfiance » de l'Église vis-à-vis
du plaisir charnel, les médecins préconisaient des
traitements inattendus, genre enduire d'huile parfumée un
doigt et frotter avec la vulve, dans un mouvement circulaire. Des
auteurs comme Boccace parlent d'un appétit des femmes pour
le sexe qui serait bien supérieur à celui des hommes.
Mais, en 1875, le scientifique belge Edouard Van Beneden décrit
les mécanismes de la reproduction, et exit le clitoris puisqu'il
ne sert pas à cette fonction... Quant à Sigmund Freud,
il admet l'importance de l'orgasme, mais déclare l'orgasme
clitoridien infantile: une vraie femme doit pouvoir transférer
ses orgasmes du clitoris vers le vagin, sinon elle est « immature
» et sexuellement handicapée.
« D'après des enquêtes menées en Angleterre,
seules 30 % des femmes ont un orgasme au cours d'une pénétration
vaginale. Et, même là, le clitoris joue un rôle
parce que le vagin seul ne permet pas cet orgasme: il contient très
peu de nerfs et ses parois sont donc relativement insensibles (c'est
heureux, car sinon les accouchements seraient encore plus douloureux);
mais, en pressant vers le haut et vers le bas, on commence à
ressentir quelque chose, en particulier autour du clitoris (sans
qu'il soit possible de localiser vraiment un quelconque point G)...
» Aussi, les images couramment servies par les médias
et le cinéma sur le sexe sont très loin de refléter
la réalité de l'excitation sexuelle chez les femmes,
en même temps qu'elles traduisent un total désintérêt
pour les activités susceptibles de provoquer l'orgasme chez
elles - la préoccupation dominante étant comme ailleurs
dans la société le plaisir des hommes plutôt
que des femmes.
Morale:
Le clitoris a été victime d'une discrimination certaine
au cours des siècles, car la morale est souvent venue troubler
f« objectivité,, des savants. « Dans la tradition
chrétienne, les plaisirs de la chair sentent le soufre et
les femmes y sont particulièrement disposées: "La
nature a déposé dans leurs parties intimes une bête,
ou un organe que les hommes ne possèdent pas", estime
fauteur et médecin de la Renaissance Rabelais. À l'époque
de la chasse aux sorcières, un grand clitoris est souvent
pris pour la marque du diable. Et si la science balaie bêtes
et démons, c'est pour les remplacer par maladies et déviances:
au XIXe, siècle, le lesbianisme et la nymphomanie sont considérés
ainsi. Quant à la masturbation, elle provoque jaunisse, cécité,
voire mort prématurée. » Les médecins
sont persuadés que l'excitation sexuelle détruit l'équilibre
mental des femmes. Soucieux de trouver une origine à ces
maux, ils jettent le blâme sur le clitoris. En 1865, le Dr
Bakerbrown, président de la British Medical Society, soupçonne
le clitoris d'être responsable de l'hystérie, de (épilepsie
et d'autres formes de folie. Le traitement qu'il préconise
est redoutablement efficace: retrait du clitoris pour soulager la
« nervosité ». Contesté par ses pairs,
ff démissionne, mais ses méthodes perdurent et des
centaines de femmes sont ainsi mutilées jusqu'en 1920.
Au Royaume-Uni et aux États-Unis, des centaines de petites
filles naissent avec un clitoris hypertrophié suite à
des problèmes hormonaux, et des médecins en préconisent
aujourd'hui encore l'ablation partielle -une excision évidemment
réalisée de façon très discrète.
La clitoridectomie pour mise en conformité avec le modèle
dominant, ici comme ailleurs, crée douleurs et stress; elle
pèse lourdement sur une vie entière, les relations
avec les hommes et les rapports sexuels.
Éducation sexuelle:
«Les filles ont de fortes pulsions sexuelles, et ne sont pas
seulement poussées à l'acte sexuel par leurs petits
amis » -des expériences réalisées par
des femmes en laboratoire à l'université d'Amsterdam
le prouvent. « Mais elles ont tendance à penser qu'elles
sont des salopes si elles agissent ainsi, et sous la pression de
leur entourage qu'elles subissent elles ont tendance à se
croire anormales » - un type de comportement qui parait très
constant. «Comment faire pour que les filles acceptent leur
sexualité sans exagérer ni se mettre à coucher
à droite et à gauche, sans faire des choses dangereuses?
On se heurte toujours à l'idée que si on enseigne
la sexualité, les jeunes vont se précipiter pour la
mettre en pratique. mais toutes les études réalisées
montrent que plus ils en savent à propos du sexe et de leur
corps, et plus cela les incite à communiquer leurs désirs
et à dire non aux rapports sexuels dont ils n'ont pas envie.
S'ils ont confiance et qu'ils prennent leur vie en charge, ils diront
non tant qu'ils ne sont pas prêts. Le sexe est partout, rien
ne sert de le nier: ff faut plutôt aborder le plaisir sans
tabous, les questions de la masturbation, de l'avortement, de (homosexualité...
du clitoris et du corps en général. »
Finalité de la sexualité:
«On en parle toujours comme s'il s'agissait avant tout d'être
enceinte et d'avoir des bébés. » Une étude
réalisée il y a trois ans montre que sur les 15 principaux
manuels d'éducation sexuelle anglais existants, 10 ne mentionnent
ni le clitoris ni l'orgasme féminin; d'où la nécessité
d'organiser une information sur le plaisir sexuel des femmes aussi.
« On surestime trop souvent la force des filles, mais leur
pouvoir est mince comme du papier, et en dessous on trouve toujours
le même niveau d'impuissance et la même incapacité
à assumer leurs décisions et leurs besoins. On devrait
insuffler le féminisme dans la vie des filles, ainsi que
l'idée qu'elles ont des droits - le droit de faire des choix
et celui de refuser de se comporter et d'être comme ce qu'on
attend d'elles; celui de situer leur propre désir au centre
de leur vie, avant leurs responsabilités vis-à-vis
des autres; elles ont besoin d'affirmer un peu plus leur droit au
plaisir. »
Activité sexuelle:
«L'aventure physique en matière de sexualité
féminine a véritablement commencé avec Master
et Johnson dans les années 60. Ces deux sexologues américains
ont observé sur un grand nombre de femmes que leur activité
sexuelle se décomposait en phases identiques à celles
des animaux, avec excitation, plateau, orgasme et résolution,
et ils ont cherché les mécanismes du cerveau et du
reste du corps mis enjeu lors de ces phases. Il y a un afflux de
sang immédiat avec stimulus sexuel, le centre de commande
se situant dans la moelle épinière, et l'acceptation
des perceptions par le cerveau étant nécessaire pour
qu'il y ait rapport avec le sexe. » L'apprentissage aux orgasmes
est nécessaire: l'expérience montre que n'importe
quelle femme peut avoir un orgasme, et très vite, mais elle
doit apprendre; c'est pourquoi « il existe une thérapie
d'initiation à la masturbation aux Pays-Bas. Tous les corps
ont besoin d'orgasmes: nous sommes des créatures sexuées,
c'est pour cela que nous existons. Le plaisir sexué représente
une part considérable de notre vie humaine. Je ne crois pas
que nous devons penser: "Nous sommes saturés de sexe."
Oui, c'est ridicule la manière dont on nous le jette partout
à la face. Mais, encore une fois, nous sommes profondément
des êtres sexués. Le sexe est une partie de ce qui
fait de nous ce que nous sommes.»
Médicalisation:
« Le Viagra a lancé une recherche en matière
pharmacologique qui intéresse les femmes aussi. Mais s'il
y a avec lui augmentation de l'afflux de sang dans le vagin, les
femmes ne sont pas plus excitées sexuellement. H 43 % des
Américaines ont parait-il un dysfonctionnement sexuel, cependant
le Viagra ne s'attaque pas au véritable problème:
les problèmes relationnels entre les partenaires et le manque
de stimulation sexuelle pour les femmes. « Il n'est pas un
aphrodisiaque. Un médicament ne peut pas régler une
insatisfaction dans la vie sexuelle : il faut se poser la question
de savoir si on apprécie sa vie avec ses partenaires avant
de se poser celle de l'intensité de l'orgasme à avoir.
Autrefois, seules les causes psychologiques étaient prises
en compte, aujourd'hui on considère les causes physiques.
Mais en fait, il existe de nombreuses causes aux problèmes
sexuels, et il faut les prendre toutes en compte. La recherche médicale
commence à s'y intéresser. Seulement, l'industrie
pharmaceutique ne finance que des tests cliniques sur des réactions
à tel ou tel médicament. Le sexe est un sujet délicat
sur le plan politique, et si difficile sur le plan de notre histoire
que la recherche en ce domaine n'intéresse pas. Pourtant,
la sexualité ne se réduit pas à une substance
libérée par un nerf... Aujourd'hui, le déficit
de connaissances est tel en la matière que militer contre
la médicalisation ne va aboutir qu'à menacer l'embryon
de recherche existant dessus. N
Relations avec les partenaires: « Les problèmes relationnels
entre partenaires sont fondamentaux, même lorsque l'orgasme
fonctionne: il importe à une femme de se sentir aimée,
d'être en sécurité, de savoir qu'on s'intéresse
à elle en tant que personne... La sexualité naît
de la relation entre deux personnes: elle se construit peu à
peu, au quotidien. H Les femmes qui ont le plus d'orgasmes sont
celles qui se prennent en charge, qui sont à l'initiative
pour avoir du plaisir, car « si on laisse aux hommes cette
initiative, on ne s'amusera jamais autant qu'on pourrait le faire
N.
(Retranscription et mise en forme par V )
1. La deuxième partie - Le Long Chemin contre l'excision
- montre notamment comment, pour obtenir l'abandon de cette pratique
dans des villages du Mali, des militantes d'une ONG jouent de l'Argument
Recevable auprès des anciens et anciennes, gardiens de la
tradition et... détenteurs de l'autorité: les risques
encourus, lors de l'accouchement, par les bébés quand
l'excision a provoqué des malformations chez la mère
(!). La dernière partie - Filmer le désir: voyage
à travers le cinéma de femmes - tente, à travers
des interviews de femmes cinéastes, de réfléchir
aux modes et aux effets de la représentation du corps féminin
sur le désir chez des femmes, comparé à celui
exprimé par des hommes.
Edit de l'En-Dehors (13 juillet 2006) : le film est distribué
à compte de producteur en DVD, www.clitoris-film.com
Mis en ligne par libertad, le Samedi 1 Mai 2004, 17:55 dans la rubrique
"Le privé est politique".
Anonyme 13-07-06 à 11:54
Disponible en DVD
Bonjour,
Ce doc est disponible en DVD. Il est édité et distribué
à compte de producteur via le site car aucun distributeur
n'a encore souhaité le commercialisé.
Aider nous à faire vivre ce film. Parlez en autour de vous.
La productrice http://www.clitoris-film.com
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