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Non à toutes les décroissances à particule ! Pour l’objection de croissance.
Clement Homs

Origine : http://www.decroissance.info/Non-a-toutes-les-decroissances-a

http://resistanz974.blogspot.com/2006_09_01_archive.htm


« L’une de nos tâches écrit Paul Ariès, consiste à inventer le moyen de formuler [les problèmes] autrement. Il faut apprendre à se protéger des idées qui empêchent de penser. Nous devons pour cela faire un effort constant de correction. Apprenons à nous questionner à partir de nos propres schémas » (p. 78 ) [1]. C’est à cette même invitation que nous voudrions ici nous convier.

Les choix sémantiques de ceux qui accolent au « mot-obus » « décroissance », des particules comme « équitable », « joyeuse », « conviviale » ou « sélective » etc, se trompent-ils sur le sens véritable de ce terme, c’est-à-dire sur la signification bien comprise de l’objection de croissance ? Si non, faut-il encore utiliser le « mot-obus » de « décroissance » ?

Comme le note P. Ariès très justement, l’ensemble de ces particules cherchent à adoucir un terme, ou encore « à nous départager de ceux qui ont trop tendance à oublier les humains et d’abord les plus pauvres ou qui considèrent que la solution serait à la respiritualisation religieuse du monde » (p. 76). Mais n’y a-t-il pas une contradiction fondamentale dans notre « mot-obus » à particule, qui se transforme en piège ? Pour démontrer à la personne qui croit que la décroissance c’est l’inverse de la croissance, qu’elle se trompe, on ajoute une particule positive et l’on pense que le problème de l’incompréhension que suscite a priori notre mot d’ordre est réglé.

En réalité, cette nécessité de mettre des particules au terme de « décroissance » ne vient-elle pas d’une interprétation économiste du terme de « décroissance », comme si celle-ci était l’inverse de la croissance économique, comme si elle était une récession, comme si elle était réductible à une politique économique, voire à une politique de développement. Accoler une particule à ce terme s’est déjà rentrer dans le jeu interprétatif de celui qui perçoit a priori notre mouvement comme promouvant la récession du PIB. Comprenant le terme de « décroissance » dans un sens économiste, donc forcément négatif (rien de pire que l’absence de croissance dans une société de croissance), nos multiples accoleurs de particules rentrent dans l’interprétation apriorique et cherchent alors à adoucir un terme qu’ils ne contribuent qu’à comprendre que faussement. En s’adaptant à la réaction suscitée par le mot-d’ordre, l’on va même jusqu’à partager (inconscienment ?) l’interprétation économiste du mot-ordre. Ainsi, paradoxalement, P. Ariès, qui semble pourtant avoir totalement saisi l’anti-économisme sans concession de l’objection de croissance, nous semble faire cette même erreur lorsqu’il écrit cette ligne qui nous semble des plus contradictoires : « Nous savons que la décroissance n’est pas la récession. On ajoutera que si l’idée d’une croissance infinie est une stupidité, celle de décroissance infinie est tout aussi stupide » (p.69). Pourquoi apposer un tel qualificatif quand, comme P. Ariès, on écrit très justement que le mouvement des objecteurs de croissance « abolira la société économique » ? Ainsi ce qualificatif (« infinie ») apposé au terme « décroissance », nous semble manifeste d’une interprétation quantitativiste (« infinie »), objectiviste, donc économiste de ce terme. Comme si la décroissance pouvait se mouvoir au sein de la raison calculante. Comme toutes autres particules (équitable, conviviale, sélective...), l’on reste là dans une conception économiste de la décroissance perçue encore comme l’inverse de la croissance économique. On oppose la croissance infinie à la décroissance infinie et on lui préfère alors une décroissance économique plus soft, « équitable » ou « sélective ». Cette contradiction paradoxale, nous semble également manifeste dans cette autre phrase de l’ouvrage de P. Ariès, où finalement il refuse l’abandon du terme « décroissance ». Les raisons de ce refus sont des plus éclairantes sur la tromperie de notre auteur : « Peut-être un jour faudra-il changer de registre de vocabulaire. Soit que nos mots seront usés soit que notre pensée aura évolué. Il faudra bien un jour dépasser la contradiction de la croissance et de la décroissance pour penser un autre type de société » (p.74). Et bien justement avons nous envie de lui répondre, et pas seulement « un jour » mais ici et maintenant. Cette phrase montre encore une fois, que le mot d’ordre de « décroissance » est ici interprété dans un sens économiste, car on ne le définit en creux que par rapport à son opposition à la croissance.

Comme l’écrit encore ce même auteur sans que l’on sache clairement la radicalité des leçons qu’il en tire, « la décroissance est tout sauf un autre modèle économique » (p.77), ce qui correspond en effet à la définition bien comprise de l’objection de croissance. On ne comprend pas trop alors cette contradiction permanente, entre interprétation anti-économiciste et interprétation économiciste du terme « décroissance », chez un auteur qui dans un ouvrage fort intéressant car portant à polémique, se fait le théoricien du concept de « décroissance équitable ».

Il ne peut pas y avoir de « décroissance équitable » comme de « décroissance infinie », il faut abandonner ce « mot-obus », car finalement on perd totalement de vue la critique radicale de l’économisme. Justifier son utilisation comme slogan par le seul fait qu’il faut bien « des mots pour oser se révolter » (p.74), n’est qu’une conception instrumentale, alors que l’objection de croissance est bien une conception théorique dirigée contre toute forme d’économisme. En posant comme le fait P. Ariès (p.73-80), le cadre du débat sur le choix du slogan du mouvement des objecteurs de croissance, en terme d’efficacité instrumentale de celui-ci, on perd le fond théorique, pour faire alors du slogan un simple moyen pour rassembler les foules. En instrumentalisant un slogan vide et creux, la radicalité de la signification bien comprise disparaît et s’évanouit aussitôt, et le slogan s’intègre plus en avant dans la domination du Spectacle. Subrepticement en donnant une particule au terme de décroissance, on montre là que l’on est pas sorti de l’imaginaire économiste. On oppose encore la décroissance à la croissance.

On est là au cœur d’un profond malentendu au sein du mouvement des objecteurs de croissance. En ce sens, la bio-économie reste également tributaire de l’imaginaire de l’économisme comme le pensent P. Ariès et S. Latouche. Finalement beaucoup d’objecteurs de croissance pensent au fond, que la décroissance c’est l’inverse de la croissance économique. Pour réduire notre « empreinte écologique » il suffit de prôner la décroissance économique. C’est ici, l’interprétation fausse et réductrice de l’objection de croissance que fait par exemple Yves Cochet (tickets de rationnements etc) et de nombreux écologistes de partis politiques. Bien entendu cette position en soi est totalement juste, il nous faut réduire nos ponctions en ressources matérielles. Et l’objection de croissance partage cette idée fondamentale de réduire ces ponctions. Mais l’originalité fondatrice de l’objection de croissance, c’est d’essayer de penser cette réduction de la ponction globale en matières premières, en sortant de l’imaginaire de l’économisme, donc en sortant de l’idée même de « décroissance économique », simple inverse de la croissance économique. C’est cela le défi de l’objection de croissance. Comme l’écrit très justement Alain Claude Galtié [2]« moins de ceci, moins de cela... C’est beaucoup mieux que l’assujettissement et la résignation. Néanmoins, c’est très insuffisant car la diminution des quantités consommées et produites ne peut, seule, changer la logique du système. Même à faibles doses, les facteurs de destruction restent nuisibles. Avec la décroissance affirmée en opposition à la croissance, on reste dans l’esprit matérialiste mécaniste et la schématisation linéaire où tout est résumé au quantitatif, décomposé en éléments, espaces, domaines, processus distincts ; les événements arrivant les uns après les autres dans l’ordre de la cause et de l’effet. On ne sort pas de l’économisme limité caractéristique de la culture impérialiste. Faire décroître la production et la consommation suffira-t-il à relancer les dynamiques sociales et écologiques ? Cela n’est pas aussi simple. » Le terme de décroissance est alors facilement récupéré par des interprétations économistes, qui veulent (en suivant Georgescu-Roegen) la décroissance matérielle sans abolir la société économique. Comme par exemple pour Jean Matouk qui préfère une croissance zéro, Christian Jacquiau qui prône une croissance décélérée, ou encore Vincent Cheynet pour qui la société de croissance « n’est pas entièrement négative ». Ces interprétations ont alors tendance à verser dans la gestion, l’aménagement et la simple réforme de la société de croissance (le capitalisme à visage humain), donc en posant la question de la transformation sociale dans le champs traditionnel du politique (Etat-Nation, Loi, Droit, etc) [3]

S. Latouche n’utilise guère le mot d’ordre « décroissance » pour se faire comprendre, car en effet même de nombreux objecteurs de croissance tombent dans le panneau de l’interprétation économiste de ce terme. Désormais cet auteur préfère parler d’ « a-croissance » (comme l’on parle d’a-théisme) et éviter le terme de décroissance qui prête beaucoup trop à confusion. La question n’est pas celle de la dichotomie entre croissance économique et décroissance économique. La question est celle de sortir de l’imaginaire de l’économisme, de sortir de l’Economie en la remettant à sa juste place. Si l’on peut concevoir dans une société prônant l’objection de croissance, une décroissance économique de l’économie, il faut toujours avoir en tête que cette économie là n’existe plus comme elle existerait au travers de l’imaginaire de l’économisme. C’est une économie « réenchassée » dans le social et dans la vie de la praxis, une économie qui s’évanouit dans la mise à bas du « monde de l’image autonomisée » comme dit Debord. L’objet « économie » disparaît alors, n’existe plus en soi, de façon autonome, c’est-à-dire au-dessus de l’ensemble des réalités réelles et leur dictant ses lois suprêmes. La décroissance économique ne peut se comprendre et exister que dans le cadre de cette disparition de l’autonomie de l’économique, cette « sortie de l’Economie ».

Alors, à quoi bon continuer à apposer des particules adoucissantes à un terme totalement inconsistant dans le cadre de la disparition de l’autonomie de l’économique ? Osons même une petite provocation ouvrant sur la signification bien comprise de l’objection de croissance. Dans le cadre de la disparition de l’autonomie de l’économique, la décroissance n’existe pas, pas plus que la décroissance « équitable », « joyeuse », « conviviale » ou « sélective », etc. L’objection de croissance économique est aussi une objection à la décroissance économique ! Les objecteurs de croissance sont alors également des empêcheurs d’accoler en rond !


[1] L’ensemble des citations de P. Ariès dont les références pagines figurent entre parenthèses, sont tirées de son ouvrage intéressant, car ouvrant au débat, Décroissance ou barbarie, Golias, 2005.

[2] Voir l’article d’Alain Claude Galtié, « La décroissance ? Dans quel contexte ? ».

[3] On peut lire une critique de ces orientations étatistes et protectionnistes, dans l’article de Catherine Tarral, « François Partant et la décroissance » ; cf. aussi, Jacques Ellul, L’illusion politique, La Table ronde, 2004.

le dimanche 23 juillet 2006
par Clément Homs


Non à toutes les décroissances à particule ! Pour l’objection de croissance.
4 septembre 2006

Il me semble ainsi que le coeur de l’objection de croissance, est moins sa dimension écologiste (la décroissance de l’empreinte écologique), que sa critique de l’économisme quntificateur, qui ne voit la vie que sous forme de boites bien rangées.

Je crois qu’il faut ici respecter les itinéraires de chacun. La décroissance (appelons-la encore comme ça ici...) possède de nombreuses portes d’entrées et il ne s’agit d’en priviligier une en particulier. S’il existe divers points d’entrée, il me semble qu’ils existe aussi différents objectifs, mais empruntent très souvent des idées, des moyens communs.

PS : Maintenant, pensez à changer de nom de domaine ;-)



oui aux particules variées
28 juillet 2006, par Francois et Jujube

Moi je suis pour toutes les décroissances à particules, cela ne me semble pas du tout un problème, tout cela devient plus coloré ;-), cela appuie l’idée de diversité. et il faut l’admettre, toutes les décroissances ne sont pas souhaitables.

Sortir de l’economisme d’accord, dans le sens où l’économie devient un objectif en soi, par contre on ne sortira jamais de l’économie, à partir du moment où les échanges continuent. Et je pense que cette décroissance sans particules ou avec toutes les particules susnommées ont des aspects très variés, mais je pense aussi économiques. De manière bien concrète, cela se traduit aussi en une réduction du volume des échanges ou de la capacité d’achat. il s’agit de réduire en parralèle consommation, production et de partager les efforts. Même les SEL, même les sociétés vernaculaires ont des échanges, or les échanges doivent se faire à un niveau moindre au niveau global, sinon c’est raté, ce qui correspond bien à une décroissance économique.

Le problème avec le terme "objection de croissance", c’est que cela ne remet pas forcément en cause nos façons de faire actuelles en se cantonnant à une critique de la croissance.
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Oui aux débats variés ! ;-)
5 août 2006, par Clément Homs

Salut François, Le problème que je pose n’est pas celui de la disparition de l’échange, mais celui de ses représentations qui lui sont accolées. Aujourd’hui les représentations qui permettent l’échange sont des représentations économiques : le travail vivant est objectivé par toute une série de réprésentations économiques pour en faire un travail mort. Ces représentations sont par exemples le temps mathématique qui calcule le nombre d’heure passé à produire un objet. Le temps vécu est totalement absent. Seul le temps rationnel objectivise la subjectivité du travail vivant. Ces représentations du travail, et alors de la valeur d’échange, sont l’argent, le salaire, le prix, etc. Tout ce qui fait le PIB de la croissance.

Si tu affirmes comme tu sembles le faire, qu’il est souhaitable qu’il faut une " décroissance économique ", alors tu ne remets pas du tout en cause les représentations économiques du travail vivant et de l’échange. Tu acceptes l’économisme. La décroissance économique c’est la récession économique, elle a toujours existé en période de crise du capitalisme. La décroissance, cela ne peut être un projet, c’est juste un " mot d’ordre " (Latouche) ou un " mot obus " (Ariès) pour décoloniser l’imaginaire économiste et utilitariste.

La question n’est donc de réduire les échanges, notamment au sein de ce " localisme ouvert ", avec cette heureuse formule que tu as mis en avant, mais comme dit Ariès, " d’abattre la société économique " (dans Décroissance ou barbarie) : c’est-à-dire mettre en cause les représentations économiques. Il faut d’autres représentations de l’échange, en même temps que relocaliser les échanges.

Il me semble qu’il faut parler plutot de décroissance des ponctions matérielles sur la Planète. Mais cette décroissance là doit se faire en parallèle d’une mis en cause de l’économisme, c’est-à-dire des représentations abstraites et non-vivantes du travail et de l’échange. Sinon en affirmant la décroissance économique on reste totalement empreint de l’imaginaire de la société de croissance.

Notre souci écologiste doit se combiner à la critique de " l’invention de l’Economie " (cf. ce très bel ouvrage du même nom de Latouche), sinon l’écologisme seul, va faire de nous de simples machinistes de la Méga-machine.

Affirmer une décroissance équitable, conviviale, joyeuse, frugale, etc, c’est répondre en creux à une vision récessioniste de la décroissance économique. C’est ce placer sur le terrain des économistes.

C’est pour cela qu’il me semble qu’il faut parler d’une décroissance matérielle en parralèle de l’abolition de la société économique, et non de décroissance économique ! Rien de pire qu’une décroissance dans une société de croissance, donc dans une société économique.

Bien à toi

clémént

PS : mes condoléances à Jujube dont deux de ses consoeurs, ô combien symboles de la lenteur, ont été récemment et lachement écrasées dans le Gard par le Train du progrès. Nous sommes avec toi Jujube !
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+
> Oui aux débats variés ! ;-)
21 août 2006

pour moi la décroissance n’est pas un projet, le projet c’est la société soutenable, mais c’est un processus que l’on peut souhaiter. Et ce processus a de nombreux aspects non quantifiés qui sont essentiels, mais étant concret il a aussi des aspects quantifiés, c’est une capacité d’achat qui diminue au niveau global, c’est moins de temps de travail pour gagner de l’argent, c’est moins d’espace pour la voiture. Se limiter aux aspects quantitatifs serait une grave erreur, mais les refuser, c’est risquer d’en rester à des vue théoriques qui n’aboutissent jamais à quelquechose de concret, c’est vraiment moins consommer, moins produire. Pour moi restreindre la décroissance à un mot-obus amoindrit sa portée pour n’en faire que de l’anti-croissance.

Et en rester aux aspects matériels ne constitue que des voeux pieux, si cela ne s’accompagne pas d’une décroissance économique, à cause de l’effet rebond.

Francois
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Oui aux débats variés ! ;-)
24 août 2006, par Clément Homs

Oui pour moi aussi, l’objection de croissance n’est pas un projet, c’est juste un mot obus permettant d’accompagner la transition vers une " post-modernité authentique " (Latouche). Par exemple on ne peut en faire un programme politique... ;-)

François a écrit :

" Se limiter aux aspects quantitatifs serait une grave erreur, mais les refuser, c’est risquer d’en rester à des vue théoriques ".

Justement. C’est en rester sur des aspects quantitatifs qui est une vue théorie. La mesure du temps de la science, ou l’argent, sont des vues théoriques et non réelles comme le montre Georgescu-Roegen quand il critique les concepts " arithmomorphiques " de la science économique. La mathématisation des sciences économiques est la pire des erreurs écrivait-il. Il leur préfèrent des " concepts dialectiques."

Chez Charbonneau ou Latouche aussi il y a une critique générale de l’épistémologisme des sciences sociales (voir de Latouche, Le Procès des science sociales), de leur objectivisme quantificateur. C’est là la critique de l’économie politique formée d’un " ensemble de représentations auto-réferentielles " (Latouche, L’invention de l’économie).

Il me semble ainsi que le coeur de l’objection de croissance, est moins sa dimension écologiste (la décroissance de l’empreinte écologique), que sa critique de l’économisme quntificateur, qui ne voit la vie que sous forme de boites bien rangées.

Mais les deux vont avec. Cependant, il ne faut pas lâcher ces deux bouts qui vont ensemble. Lacher la critique de l’économisme, cela revient à soutenir une croissance soft, une croissance zéro, une décroissance économique, c’est-à-dire une alter-croissance calculée avec une autre mesure que le PIB. Mais toujours avec la calculabilité qui fait de notre joie de vivre des objets bien rangés...

Comme le dit Paul Ariès, " rien de pire dans une société de croissance, que l’absence de croissance ".

Clément homs


Non à toutes les décroissances à particule ! Pour l’objection de croissance.
25 juillet 2006, par Irmandre

Bonjour,

Faut-il changer de terme ? Si l’on se dit qu’il faut quelques bons slogans et un ou deux mots d’ordre "simples" pour essayer de faire passer les idées liées à la décroissance, et que du coup le mot est jugé peu adapté au discours, je dis que c’est une absurdité. Croire qu’un mot fait tout (même si les mots font beaucoup pour créer un monde social) est à mon humble avis une erreur.

Ceci dit, le mot décroissance reste selon moi un "mot-obus" car il n’existe pas dans le discours quotidien et qu’il "choque l’oreille". De plus, il est à noter que décroissance rime avec :
- patience ;
- conscience ;
- pertinence ;
- croissance (si si ! Une croissance des liens sociaux par exemple. On récupère ainsi le mot aux dominants, et on l’affaiblit en y adjoignant des qualificatifs, ce qui limite son champ d’application) ;
- compétence ;
- renaissance ;

Et bien d’autres encore.Ceci étant dit, on a encore rien fait ! Car bien avant d’être un mot ou discours, la décroissance et les idées qui s’y rapportent sont un ensemble de pratiques quotidiennes dans les différents champs de notre vie. Comme disait Gandhi "l’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre : c’est le seul". Je demeure convaincu que quelque soit les termes employés et le discours prodigué par quelques tribuns à la langue bien pendue, les populations ne se rallieront à la décroissance qu’en voyant concrètement ce que l’on peut faire. Le discours suivra. Et parler d’a-croissance peut aussi bien être mal compris de la part d’un auditeur : a-croissance, accroissance, accroître. Et il faut alors recommencer à expliquer les termes...

Nous avons tous une certaine idée de la façon de mener la décroissance à son terme et créer de fait, d’ici une ou deux générations, un nouveau type de société (ce qui ne veut pas dire que rien ne doit être fait de manière radical dès aujourd’hui. Mais s’il y a une chose que m’a appris le XXème siècle, c’est que les changements sociaux touchant les modes de vie et de mentalités d’une populations sont assez lents, même si la radicalité du changement est grand). De quelle forme ? Impossible à savoir, et ce ne doit pas être notre but.

Mais si nous avons tous ces idées, et que nous nous retrouvons sur beaucoup de points fondamentaux, notre façon à chacun de l’expliquer aux autres lors de discussions me semble parfaitement incontrôlable ! Il ne s’agit pas tant de parfaire un discours et un vocabulaire que de permettre à chacun de participer à la création d’un nouveau type de société. Et cette nouvelle structure sociale traînera dans sa mémoire les restes de la société de croissance, ce qui signifie que les mauvaises habitudes seront dures à perdre : s’il a fallut 50 années pour que la voiture s’impose comme monopole radical, pour reprendre le terme de Ivan Illich, dans les moyens de de transport, il ne faut pas imaginer bouter la voiture hors de nos imaginaires du jour au lendemain !

Car n’oublions pas qu’il existe aujourd’hui des "décroissants malgré eux" pour qui le faible revenu, la précarité, le non-accès à la société de consommation et à ses rêves colorés est un drame tant matériel que psychique. N’oublions pas que la décroissance ne doit pas se préparer de la même façon au Nord et au Sud. N’oublions pas que les riches (en monnaie) et les pauvres (en monnaie) dans un même pays ne doivent pas décroître de la même façon. N’oublions pas qu’il existe des pouvoirs économiques, sociaux, politiques et des imaginaires qui s’opposeront de toute leur force à la décroissance. N’oublions pas que la seule décroissance économique, comme la crise de 1929, n’a pas été une bonne chose et qu’effectivement une vision purement économique du problème ne sert pas plus qu’une cuillère à une poule.

Tout cela ne se résume pas, bien entendu, à quelques slogans bien choisis, et quelques phrases assénées avec vigueur à une foule acquise. Il faut prendre le temps d’en parler, c’est obligatoire. Mais les idées nouvelles (les idées-obus...) ont besoin de beaucoup de temps de discussion pour que chacun puisse se les approprier. Il faut aussi du temps de mise en pratique. Il faut de la convivialité et de la pédagogie, et que chacun puisse écouter et être écouter.

Mais tout cela, il nous faut du temps pour le mettre en oeuvre, et y croire (sinon, à quoi bon vouloir changer le mode de vie actuel pour le remplacer par autre chose ?). Tout ce temps que la Machine-Travail s’acharne à nous voler en le remplaçant par du temps de "travail", du temps de "loisirs", du temps de "consommation", du temps "d’études" et bien d’autres "temps"...

Mais ceci est un autre débat.


Non à toutes les décroissances à particule ! Pour l’objection de croissance.

3 septembre 2006, par daniel youssoufian DAYO

Bravo pour vos réflexions sur ce sujet qui nous tient à coeur, peut-être que si notre Mvt adoptait une vision universaliste on pourrait oser de parler de justice de la terre dans l’art de vivre et de consommer au delà des concepts dualistes croissance,a-croissance, décroissance qui demeurent dans le champs des conflits :pour ou contre ;en qualité de serviteur de la terre, ma réflexion actuelle est qu’il nous faut trouver l’origine commune de notre intelligence critique et auto critique pour appréhender l’unité de notre conscience universelle des mécanismes de la vie à la lumière de tous les penseurs et philosophes des siècles passés

DAYO CUISINIER PHILOSOPHE