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Typologie comparée des aubergistes de la décroissance et des machinistes de l’écologie.
Clement Homs

Origine : http://www.decroissance.info/Typologie-comparee-des-aubergistes


Le tableau qui suit et qui essaye de donner quelques repères doit pour ne pas tomber quelque peu comme un cheveu sur la soupe, être explicité [1]. C’est-à-dire qu’il me faut faire un petit laïus sur mes propres choix interprétatifs, pour avouer au moins en toute transparence, les présupposés de ce tableau : Comment les catégories et les flèches que j’identifie dans le tableau ont été construites par moi au travers de ce qui se passe dans ma tête comme dans ma vie, comme dans celles des gens que je rencontre et que je lis. C’est là « l’effort pour connaître et faire connaître aux autres ses valorisations en les indiquant explicitement, effort qui aidera à atteindre le maximum d’objectivité subjectivement accessible au moment où on écrit » (Lucien Goldmann, Epistémologie et philosophie politique). Les liens Internet et les références bibliographiques étant là à mon sens pour expliciter cette construction, qui comme toute construction est de toute façon hâtive, polémique, et approximative (et se revendique comme telle). Mais au moins on peut avoir de vrais débats de fonds, même si on se frotte un peu au passage.

Il est certain que le choix de constituer une typologie par l’angle d’attaque de la question des rapports entre l’humain et la nature n’est pas évident, il en aurait pu être tout autrement. Car on le sait, la décroissance n’est pas réductible à un écologisme ordinairement pitoyable. Ainsi, cette typologie aurait largement pu être engagée à partir de catégories plus historiques et pratiques, et notamment en référence à certaines expériences rurales communautaires, à l’ultra-gauche, au situationnisme, ou à la mouvance des autonomes (et notamment « l’autonomie désirante » qui a été la plus proche de la décroissance dans la façon de poser la décolonisation de l’imaginaire). Cette entrée par la question écologique, n’est qu’un point de vue possible parmi d’autres certainement plus pertinents pour y voir plus clair.

La construction de ce tableau est donc marquée par la critique de l’écologie politique (toutes tendances confondues) comme celle de l’économie inventée [2]. Les deux étant liées, car l’autonomie du politique n’est que l’autre visage de l’autonomie de l’économique. La politique et l’économie ne s’opposent pas, mais s’interpénètrent [3].

Et cette critique on peut la faire à partir de trois niveaux différents :

1. L’Ecologie Marchande en question.

- D’abord une critique classique qui montre qu’il n’y a d’écologie, que d’écologie marchande. C’est-à-dire que les solutions portées par l’écologie n’ont été à chaque fois que le suréquipement écologique de la forme-marchandise pour toujours mieux l’éterniser. L’écologie politique n’est ainsi qu’une catégorie particulière du « régime de vérité » (M. Foucault) du « développement », elle se pose sur le terrain des prêtres à courtes et longues robes de l’économie, et utilise ses armes. C’est là la condition ordinaire de l’écologie, et c’est particulièrement le fait de la « bio-économie » de N. Georgescu-Roegen, qui ne veut qu’écologiciser l’économie pour mieux la faire survivre. Certains ne critiquent que la « sur-croissance », le « trop », le « surplus », le « productivisme », le consumérisme, l’« impératif de croissance », bref le « croissancisme », sans critiquer les catégories de base qui sont les conditions de possibilité de la croissance économique et au sein desquelles le principe de surcroissance est le mode d’être obligatoire de ces mêmes catégories de base (cercle A-M-A’ chez Marx). Les signes manifestes de cet écologisme économiciste se sont multipliés ces deux dernières années au sein de l’auberge espagnole qu’est la mouvance de la décroissance, opposant l’écologisme développementiste et la critique de l’économie de croissance. On pourrait multiplier les exemples, je n’en donnerai que deux très significatifs : la critique du Travail et le micro-crédit.

Lors du mouvement social anti-CPE, plusieurs manifestes ont été publié pour porter une critique de l’idéologie du travail, afin de ne pas faire croire que refusant le CPE on réclamait finalement des CDI. « L’Appel de Raspail » publié lors de l’occupation houleuse de l’E.H.E.S.S., a donné lieu par exemple à un communiqué des Casseurs de Pub et du journal La Décroissance, refusant explicitement la critique du Travail qui était faite dans cet appel [4]. Ce communiqué a fait coulé immédiatement beaucoup d’encre et de plus en plus de personnes ont peu à peu pris conscience que certains écologistes radicaux ne voulaient finalement que renforcer l’idéologie du travail et de ses camps [5]. La position de ces écologistes est, on le sait, des plus traditionnelles vis-à-vis de la critique de l’économie et de celle du travail.

Au début des années 1990, l’Encyclopédie des nuisances remarquait déjà que « la censure de la critique sociale latente dans la lutte contre les nuisances a pour principal agent l’écologisme : l’illusion selon laquelle on pourrait efficacement réfuter les résultats du travail aliéné sans s’en prendre au travail lui-même et à toute la société fondée sur l’exploitation du travail » [6]. Ainsi dans un article intitulé « La décroissance pour l’emploi » [7], des écologistes finalement très classiques, écrivaient noir sur blanc que « la société de décroissance pourrait être aussi une société de travail » (sic !) et appelaient dans le même registre à une « économie respectueuse de la planète et de l’humanité », c’est-à-dire l’éternelle lune du capitalisme à visage humain que poursuivent les idéologues du développement durable comme ceux qui aimeraient remplacer celui-ci par une autre version du même logiciel. Serge Latouche par contre - comme de très nombreux objecteurs de croissance qui participeront au mouvement social « ni-CPE ni-CDI » - réaffirmera la nécessité et l’importance de la critique de l’idéologie du Travail pour la perspective de la décroissance [8]. Nous pouvons donc affirmer à nos amis réalisateurs du film Volem rien foutre al pais, que de très nombreux décroissants se reconnaissent bien dans la critique du Travail aliéné, et qu’il est hors de question de lâcher cette critique véritablement au coeur de la décroissance, n’en déplaise aux gestionnaires de l’écologie politique et à certains de leurs sectateurs [9]

Hormis la question du travail, on peut voir un autre exemple révélateur de la rupture entre l’écologisme développementiste et la critique de l’économie de croissance dans le numéro d’hiver 2006 du journal La Décroissance, où on pouvait lire par exemple que M. Yunnus et son micro-crédit étaient aux yeux des éditorialistes de ce journal, un véritable « prix Nobel de la décroissance ». Et là ceux qui ont depuis toujours critiqué l’idéologie du « développement » ne peuvent que condamner ce glissement de la ligne éditoriale d’un journal vers l’écologie marchande des Verts. Là encore S. Latouche a dû immédiatement réagir à cette nouvelle imbécillité développementiste dans le dernier numéro du magazine L’Ecologiste qui montrait combien le micro-crédit était simplement un effet de l’idéologie du développement et de la croissance [10].

Là est à mon sens le grand fossé : certains critiquent la « surcroissance » mais acceptent l’économie et le développement, et veulent seulement opposer la politique à cette « surcroissance » (avec un « revenu maximum de décroissance » ; la fondation d’un parti politicien ; le renchérissement du mésusage par des écotaxes chez P. Ariès ; des tickets de rationnement proposés par Yves Cochet, etc.), sans vouloir voir qu’ils ne font que préparer les voies d’un Ecologisme d’Etat totalitaire qui parachèvera le contrôle (désormais écologique) des populations. Il en va avec cet écologisme marchand de « l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche » (J.-C. Michéa), et donc de dépasser les sociétés de croissance. D’autres objecteurs de croissance critiquent par contre la « surcroissance » en disant qu’elle est plus fondamentalement le mode d’être du développement et de l’économie inventée, et donc que l’on ne peut sortir de la « surcroissance », qu’en jetant le bébé avec l’eau du bain, c’est-à-dire en sortant véritablement de l’économie inventée et en s’en donnant les moyens.

2. L’Ecologie politique totalitaire ?

- Dans un deuxième niveau d’analyse, et c’est celui qu’aura vigoureusement engagé Bernard Charbonneau ou Jacques Ellul, l’écologie politique dont les solutions appartiennent toujours à une sphère politique autonomisées et séparée d’avec la vie concrète et quotidienne, ne fera que renforcer (qu’elle le veuille ou non) le processus de rationalisation des rapports sociaux au sein des sociétés de croissance. Charbonneau écrivait ainsi que « la protection de la nature suppose un minimum d’organisation, mais celle-ci étant l’antithèse de la nature, l’organiser équivaut le plus souvent à la détruire ». C’est alors que, « réaction contre l’organisation, le sentiment de la nature aboutit à l’organisation » [11]. Et c’est bien là le paradoxe de l’écologie politique. Même en affichant à grands bruits son attachement aux valeurs de la démocratie, elle ne peut qu’aboutir à un « Nouvel Ordre écologique » en organisant toujours plus scientifiquement la survie planétaire. C’est alors que remarquait encore Charbonneau, « bien des mouvements d’opposition et même des révolutions sont ambigus. Autant ils détruisent une société, autant ils régénèrent le gouvernement, l’économie, la morale, l’armée et la police. L’histoire de l’U.R.S.S. en est un bon exemple. Elle a réussi un renforcement de l’Etat et de la société russes que le régime tsariste était impuissant à réaliser. Le ‘‘ mouvement écologiste ’’ n’échappe pas à cette ambiguïté, surtout en France » [12]. Et cela, Catherine Tarral en a déjà fait longuement la remarque à certains des politiciens de la décroissance, en leurs disant que « l’essentiel de leurs propositions était des propositions réglementaires qui supposaient un Etat et même un Etat fort. A aucun moment ces auteurs [Helena Norbert-Hodge, François Schneider, Vincent Cheynet, Mario Buonatti, Paul Ariès, Bruno Clémentin, etc.] ne semblent se poser la question de la nature de l’Etat, de l’appareil coercitif indispensable à l’application des mesures parfois rudes qu’ils préconisent, ils n’imaginent pas non plus apparemment que l’Etat pourrait ne pas être l’instrument adéquat d’une entreprise de libération de l’humanité » [13]. Il est à noter également que comme la bio-économie de l’économiste Georgescu-Roegen qui ressemble à n’en pas douter à de la cybernétique, James Lovelock et son « hypothèse Gaïa » développe une même cybernétique de la vie qui aboutit toujours à sa récupération par le despotisme industriel [14].

Ainsi finalement l’écologie politique « de gauche » comme « de droite », ne sont que les avant-gardes d’un écologisme d’Etat qui est déjà amené dans les années qui viennent à prendre en main le joystick de la Méga-machine techno-économique pour en gérer éternellement les nuisances. Rien ne différencie finalement l’écologisme réformiste, développementiste et gestionnaire des nuisances, d’avec l’écologisme d’Etat que critiquait si bien Wolfgang Sachs. L’horizon indépassable de l’écologie politique est celui du projet éco-technocratique de faire de « la planète un objet de gestion », il ne marque en rien une rupture avec les pratiques existantes puisqu’en fin de compte il ne fait que pousser à son terme la rationalisation du monde déjà amorcée. « Puisque leur sens écologique se contente d’une cure d’efficacité pour les moyens et ne remet pas en question la croissance constante des objectifs, ils ne peuvent s’empêcher de pousser plus loin la rationalisation du monde au nom de l’écologie ». « Se dessine ainsi au nom de l’écologie poursuit-il, l’occidentalisation du monde poussée plus loin, un colonialisme culturel (non intentionnel) qui finalement, se retourne contre l’objectif premier qui est de trouver la paix avec la nature » [15]. Les mêmes critiques que portait l’objecteur de croissance Bernard Charbonneau au mouvement écologiste dans les années 1970, sont aussi à porter à la résurgence de ce nouveau écologisme économiciste et technocratique qui veut « Programmer l’espérance » comme l’écrit Bernard Guibert [16], comme L. Riefenstahl se préparait à filmer un défilé des Jeunesses Hitlériennes.

3. L’Ecologisme, une philosophie nauséabonde ?

- Le troisième niveau de critique de l’écologie politique est le débat plus proprement philosophique à propos de l’écologisme, c’est-à-dire que c’est « sur un plan quasi ontologique que les interrogations deviennent plus pressantes » [17]. Et ce débat concerne aussi bien les présupposés de l’« écologie profonde » que ceux de l’« écologie superficielle ». L’inclassable Bernard Charbonneau la première personne en France a dénoncé dès les années 1930, la croissance écologique récusait une vision éco-centrique dans laquelle l’homme ne serait qu’un élément de la nature comme le pensent généralement l’écologisme. Il estime notamment que l’homme diffère du règne animal, et bien sûr des ordres végétal et minéral, parce qu’il est doué de conscience (et non d’intelligence). Rejettant le naturalisme traditionnel de l’écologisme, qu’il dénonce comme étant le produit même de la société industrielle, Charbonneau rejette cependant aussi la vision habituelle anthropo-centrique qui attribue à l’homme d’être le maître et possesseur de la nature. Lecteur du phénoménologue allemand Max Scheler, Charbonneau pense que l’homme et la nature sont les co-responsables de la Vie. Néanmoins en aucun cas cette co-responsabilité est une justification à la domination humaine sur la nature.


 

[1] Je remercie Jean-Claude Besson-Girard d’avoir suscité le riche débat que nous avons eu au sein de la commission « décroissance » de la Ligne d’Horizon, ainsi que Gilbert Rist, Didier Laurencin et Jean-Marc Luquet pour les remarques et suggestions sur une typologie qui reste largement à mener en confrontant nos approches et points de vue. Le tableau étant bien évidemment mon seul point de vue.

[2] S. Latouche, L’invention de l’économie, Albin Michel, 2005.

[3] On verra là-dessus le texte d’Anselm Jappe, « La politique n’est pas la solution », in Les Aventures de la marchandise. Pour une nouvelle critique de la valeur, Denoël, 2003. Voir aussi J. Ellul, L’illusion politique, Table Ronde, 2004, qui développe non pas sur l’économicisation du politique mais sur sa technicisation.

[4] Sur la critique du Travail, on verra Groupe Krisis, Manifeste contre le travail, Leo Scheer, 1999.

[5] On verra entre autres, les textes de Jacques Hardeau, « Controverse sur un communiqué du journal La décroissance » - sur decroissance.info -, ainsi que les réactions du collectif PMO (contre les nécrotechnologies) et celles du journal CQFD dans un article intitulé « La décroissance marque déposée ». Voir aussi B. Louart, « La Décroissance, le journal de l’Ordre », in revue Notes et Morceaux Choisis, n°7, décembre 2006, Editions de la Lenteur.

[6] Encyclopédie des nuisances, « Adresse à tous ceux qui ne veulent pas gérer les nuisances mais les supprimer », in Revue EdN, juin 1990.

[7] Denis et Vincent Cheynet, « La décroissance pour l’emploi », in La Décroissance, n°22, p. 7.

[8] S. Latouche, « Deux heures par jour », in La Décroissance n°23, p. 7.

[9] A la lecture des textes du « comité de salut public » qui sert d’équipe de rédaction à La Décroissance, plusieurs libertaires ont pris les positions de ce journal dirigé par une poignée d’individus pour les positions d’une mouvance décroissante beaucoup plus en phase avec la ligne du journal La Gueule ouverte. Ainsi Pierre Carles et Stéphane Goxe, les réalisateurs du film Volem rien foutre al pais qui remet en selle à sa manière la critique du Travail, écrivent dans le journal CQFD (n°42, février 2007) - où d’ailleurs on retrouve des anciens de La Gueule ouverte - : « Je ne sais pas si vous avez perçu le film comme un manifeste pour la décroissance, mais il en est très éloigné. Les problèmes posés vont bien au-delà d’un simple questionnement sur la consommation, et sur le fait qu’il faudrait ralentir la machine... ». Il est clair en effet que ce film est très éloigné de la décroissance telle que l’a définie le journal La Décroissance. Les écrits de ses éditorialistes ne donnent le point de vue que d’un ou deux individus aux moyens de communication disproportionnés. Ceux-ci considèrent la décroissance comme leur marque déposée, alors même qu’ils ne partagent pas les réflexions d’une très grande majorité de ceux qui se sont raccrochés au mot-obus de « décroissance ». Ces derniers entendent bien prendre en compte la question écologique, mais elle n’est pour eux qu’un angle d’attaque pour renouveller la critique de l’économie spectaculaire marchande et de son logiciel écologiste d’exploitation, « Windows La Decroissance-Vista 0.3.2. »

[10] S. Latouche, « Le micro-crédit mérite-t-il un prix Nobel ? », in L’Ecologiste, n°21, décembre-mars 2007, p. 10.

[11] B. Charbonneau, Le Jardin de Babylone, Encyclopédie des nuisances, 2002 (1965).

[12] B. Charbonneau, « Le mouvement écologiste mise en question ou raison sociale », in La Gueule ouverte n°21, juillet, 1974, p. 24.

[13] Catherine Tarral, « La décroissance, l’économie, l’Etat », in revue Notes et morceaux choisis, n°7, Editions de La Lenteur, décembre 2006. Une version initiale est également parue dans le Bulletin de La Ligne d’Horizon et sur le site Internet decroissance.info.

[14] On verra l’article stimulant de Bertrand Louart, « James Lovelock et l’hypothèse Gaia », in le bulletin Notes et Morceaux Choisis, n°5, 2002, disponible sur internet. Magnifique démonstration d’une certaine logique inhérente à l’écologisme et que Bernard Charbonneau aura dénoncée toute sa vie.

[15] Wolfgang Sachs, Des ruines du développement, Ecosociété, 1996, p. 76. p. 73-74 pour la citation suivante.

[16] Voir l’article hallucinantissime de B. Guibert, « Programmer l’espérance », in revue Entropia, n°1, Automne 2006

[17] Luc Ferry, Le Nouvel Ordre écologique, Grasset, 1992, p. 21.

le mercredi 11 avril 2007
par Clément Homs



Décroissance et travail
12 avril 2007, par Kidsinhalf

Merci Clément pour cet effort. Effectivement, dresser un tel tableau est périlleux et je trouve que l’article est plus clair que celui-là.

Je partage pleinement ton point de vue : il y a effectivement des "chapelles" de la décroissance et tes deux exemples (Raspail, Yunnus) résument bien ce que certains objecteurs observaient : le travail et la société marchande ne sont pas assez pensés, pas assez attaqués. A ce propos, la chronique du journal La décroissance sur Volem est instructive. Le film est cassé en deux et on nage dans le paradoxe (condamnation du fait que les gens filmés ont des cheveux longs... et deux pages plus loin, reportage sur la simplicité volontaire avec deux babs qui font du tandem). Bref.

Décidément, l’échiquier politique dérive sur la droite (en supposant que l’objection de croissance soit un élément politique : je crois que oui).


Décroissance et travail
12 avril 2007, par Bujin Tseu, Pirate Taoïste

Si le journal La décroissance, s’attache à critiquer les cheuveux long, c’est malheureusement encore une preuve qu’il est plus, et attache plus d’importance à la représentation (l’apparence que l’on donne), qu’a la vie réellement vécue...

Avec ce type de servitude au spectacle, on risque pas de faire avancer la réflexion. Le journal La décroissance est un journal de la représentation.


Décroissance et travail
13 avril 2007, par Clement homs

Salut,

Oui, à propos des paradoxes. Il me semble qu’à part Ariès qui a une " réflexion " ambigüe (dans Décroissance ou barbarie, incessament il avance des positions situs, critique du travail, contre le développement, etc, pour trois pages après dire neutraliser cela et dire tout le contraire de ce qu’il a dit plus haut), ses autres comparses n’ont réellement aucune pensée, aucune réflexion sérieuse et cohérente. Ils sont juste dans le marketing de l’informationnisme de positionnement. Ils réagissent à tout et à n’importe quoi (Baudrillard père de la décroissance certes, mais certainement pas du journal éponyme quand Baudrillard n’aura cessé toute sa vie de décrire le social et la politique comme des simulacres) car ils n’ont pas de réflexion enracinée dans une pensée qui va de Fourier à Charbonneau en passant par Debord, Lefebvre, Lasch, Ellul, Baudrillard, Partant, Gransted, Rist, Latouche ou Gandhi. Ils sont donc relativement perdus après avoir ostracisé de leur journal Nicolino, Latouche, Besson-Girard, etc. On assiste alors à une course à l’abîme assez pathétique d’une garde rapprochée d’un groupe relativement sectaire de copains-copains. Le ton des textes (moralisateur, sectaire...) est vraiment pathétique et tout le monde le ressent.

Ils nous resservent alors ce qu’ils ont fait toute leur vie à se trimbaler des Verts, au PCF en passant par le MEI pétainiste " ni gauche ni droite " avant de se rendre compte qu’ils étaient vraiment des imbéciles à cotoyer physiquement la Nouvelle Droite (et ils se construisent à partir de leur propre aveuglement politique, des images de chevaliers la vertue...) : un écologisme radical gestionnaire sous le masque des valeurs chrétiennes et républicaines.

Le plus étrange c’est quand même Ariès. Il est le seul à avoir des positionnements intellectuels sur le fond qui pourraient être intéressants (à part D.Baba qui est vraiment un économiste qui a des positions intéressantes), mais il est hélas emporté dans le courant du sectarisme, de la positionnite aigue et des polémiques de ses comparses rapprochés. Il se laisse allé à l’urgence, au sentimentalisme bougiste du militant politique qui veut être partout à la fois (il nous pond un livre toutes les trois semaines), on se positionne constamment mais on ne réfléchit fondamentalement à rien.

Latouche me disait récemment que s’il y a quelqu’un dans ce journal que l’on peut encore sauver, c’est bien Paul Ariès. Les autres sont beaucoup trop affairés sur le marketing de leurs produits de révolte-à-consommer sur place pour un public largement adolescent.

En tout cas, si dans les mois qui viennent, quelque chose n’est pas ultimement mené dans le calme notamment avec Ariès, on arrive déjà et on arrivera plus encore à une grande déchirure entre l’écologisme politicien développementiste et économiciste qui veut gérer la Méga-machine, et le reste des courants de la décroissance qui sont bien plus nombreux.

Déjà l’ultra-gauche (L’insurrection qui vient), CQFD, Le Monde Libertaire, Pierre Carles, etc, commencent depuis 3-4 mois d’ouvrir le feu sur la décroissance qui avait jusque là suscité l’interrogation et la curiosité. L’état de grâce est maintenant terminé. Et ils ont bien raison. Et cela va aller crescendo et c’est bien ce qu’il faut faire. Il y a bien maintenant quelque chose de pourri au royaume de la " décroissance ". On regrettera seulement que certaines personnalités à la Ligne d’Horizon, n’ont pas voulu prendre publiquement la parole pour recadrer le débat sur autre chose que de l’écologie développementiste. Beaucoup de personnes connaissant depuis longtemps la psychologie des individualités de la garde rapprochée du journal, pensaient que c’était pas la peine de répondre ou de tenter quelque chose. Il fallait plutot les laisser dire. Mais voilà où cette stratégie à mener. A force de les laisser dire et ne pas se manifester, de l’extérieur, la décroissance est réduite à son journal éponyme. Et la FA qui en 2003 lançait une campagne nationale sur la décroissance, comme l’ultra gauche, etc, tombent maintenant sur la décroissance ou plutot le journal éponyme. Et c’est bien normal. Il fallait engager des polémiques d’idées au lieu de s’ostraciser et se haïr tous en silence et jouer au jeu des chateaux-forts barricadés dans leurs positions.

L’échec de La Ligne d’Horizon à faire quelque chose mais aussi à anticiper l’évolution éditoriale du journal éponyme et des ostracismes successifs, si elle vient peut-être de son heureuse inorganisation légendaire, est certainement due aussi à l’échec de la présidence de Latouche en son sein, qui voulait en faire une véritable organisation en confrontation avec la société de croissance et qui aurait pu alors prendre part au débat critique sur les positions éditoriales du journal La Décroissance. La LH est largemment absente sur ces questions là. Il n’y a rien (à part Entropia et encore à la vue de certains articles qui y sont publié ; mais à part aussi la liberté de parole qu’il y a sur decroissance.info...) en face le journal qui monopolise l’image extérieure de la mouvance décroissante, dont maintenant la pluralité de ses composantes ne se retrouvent plus du tout dans ce journal. Sa ligne éditoriale, qui veut casser du libertaire et de la pensée utopique (de Thomas More à Walter Benjamin en passant par William Morris ou Orwell) à tour de bras, qui affirme que " l’économie est très importante " (V. Cheynet) ou que " la société de décroissance pourrait bien être une société de travail ", tout comme sa ligne clairement politicienne (Ariès croit-il seulement un seul instant à son idéalisme politique qui rêve d’un " parti de masse " de non professionnels...) ou alors sa non-prise en compte de la critique du développement, sont largemment inacceptables. Ellul (Anarchie et christianisme), Charbonneau (influencé par le fédéralisme proudhonien comme Claude Lefort ou Castoriadis), Partant (à la fin de sa vie clairement en proximité avec la pensée libertaire, Thierry Salantin pourra ici nous en parler largement...), sans parler quand même de la critique de la société de consommation opérée par le situationnisme (l’aventure de Champs Libre n’a t-elle pas été une machine de guerre diffusant des auteurs libertaires de Makhno à Orwell) ou Lefebvre (qui savait lui poser clairement sa réflexion en revendiquant la pensée utopique) ou encore de l’anarchisme post-structuraliste qui de Foucault à Deleuze ou Guattari et Feyerabend ou Withehead, aura quand même influencé la critique du développement (Latouche se revendique de Foucault dans sa critique de l’économie, sans parler des réflexions post-développementistes américaines de Gustavo Esteva par exemple très proches de Foucault), sans parler de Pierre Clastres bien sûr et de son anthropologie anarchiste... Comment affirmer péremptoirement et sectairement après un tel héritage intellectuel, que la décroissance n’appartient pas aux franges de l’immense pensée critique et philosophique libertaire ? C’est de l’acharnement et de l’aveuglement. Même l’ami Gandhi est en proximité avec cette large et puissante mouvance protéiforme et impalpable. Qui parmi les décroissants ne se sentent pas entièrement ou en parti, en affinité pratique et intellectuelle avec cette pensée là ? Il n’y a bien que nos écologistes de parti du journal La décroissance qui eux ne jurent que par le nom d’un cybernéticien, le trois fois très saint Georgescu-Roegen ! Et qui ont envie de casser et bouffer du libertaire à tour de bras, du moins l’image qu’en diffuse par stocks trimestriels le langage du Spectacle sur leurs télécrans écologistes qu’ils regardent inlassemblement.

Mais le pire c’est que maintenant des penseurs comme Partant, Ellul, Charbonneau, Latouche, etc, qui disposaient depuis longtemps d’une oreille attentive dans les milieux qui aujourd’hui ont bien raison de condamner la décroissance, risquent bien de perdre cette attention là. Espérons seulement que l’on puisse sauver de l’immense désastre, cet élément là. C’est à mon sens aujourd’hui, avec une tentative de dialogue avec Ariès, la seule chose à faire. Diffuser la critique du " développement " comme métaphore biologique des sociétés de croissance, et une authentique critique des " sociétés bureaucratiques de consommation dirigée " (Heni Lefebvre) - toute autre que la bouillie à chat symbolico-chrétienne moralisante que diffuse l’agence antipub des Casseurs de pub -, reste encore à faire. Y compris on le sait, dans certains milieux libertaires qui cette dernière décennie ont été très suiviste vis-à-vis de l’altermondialisme.

Je n’ai pas lu la chronique sur Volem écrite par j’imagine V. Cheynet. Si quelqu’un l’a ça serait intéressant.

Comme tu dis, l’échiquier politique vire sur la droite, mais Cheynet a toujours pensé que la droite était intéressante, comme le " ni droite ni gauche "... pour finalement appeler à voter LCR (d’ailleurs sur ce parti réformiste, voir le livre pas trop-trop mal de Christophe Bourseiller, Extrêmes-gauche : la tentation de la réforme, Textuel, 2006, on comprendra alors pourquoi nos médecins écologistes au chevet de l’économie alitée appellent à voter LCR...)

Clement


la Décroissance plurielle
17 avril 2007, par Emma

Bonjour,

Je suis d’accord sur le problème de monopolisation de la décroissance par le journal du même nom et je fais partie de ces primo-lecteurs lassés. Je regrette que ce titre ne mette en avant qu’une certaine idée de la décroissance, et fustige les autres visions. La tendance libertaire, sortie de l’économie etc. n’y est pas représentée, voire complètement rejetée.

Mais j’observe que dans ta pensée, Clément, c’est la tendance réformiste qui est complètement rejetée. Tu as certainement tous les auteurs qu’il faut pour m’expliquer cela mais moi, je ne vois pas au nom que quoi et de qui, on ne pourrait pas être objecteur de croissance (ou décroissant, ou a-croissant ...) et réformiste.

La décroissance n’appartient à personne et il me semble essentiel que derrière une définition commune sur le principe de la décroissance, nous préservions la diversité des visions quant aux moyens de la mettre en place.

Amicalement, Emma