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Le droit de propriété intellectuelle ?... C’est le vol ! Proudhon, Victor Hugo, Orwell et quelques autres...
par Clément Homs

Origine : http://www.decroissance.info/Le-droit-de-propriete

Penchons-nous donc sur cette propriété intellectuelle, « victime tellement digne de compassion qu’on voit d’un même mouvement se lamenter sur elle Bouygues le bétonneur, et la Société des Gens de Lettres, le doux rocker Francis Cabrel et Lagardère le marchand de canons » [1]

L’artiste français Bénabar, très engagé auprès du Grand Capital et de sa marchandisation de l’art.

« Le livre est une marchandise écrit ainsi Sagot-Duvauroux, mais le texte lui-même en est-il une ? » Dans l’expression “J’ai écrit un livre” (ou “j’ai écrit une chanson”, etc.), l’énoncé semble en effet limpide. Mais « il ne l’est pas. Il concentre en une trop rapide expression - écrire un livre - trois processus tout à fait hétérogènes. D’abord la production d’un texte, travail [vivant] de l’esprit dont l’écrit n’est pas la forme obligée, qui peut aussi s’effectuer par l’oral, qui pour une part préexiste dans le secret de la pensée. Ensuite l’écriture. Elle fait bifurquer le texte vers un de ses modes de communication et le conforme peu ou prou à ce qui sera reconnu comme du style écrit. Enfin, le texte qui s’est incarné sous la forme d’un écrit pourra être édité dans un livre, opération industrielle et commerciale qui l’ouvre à la circulation marchande et à la rencontre des lecteurs ».

Dans une telle situation, quels sont alors les « droits des auteurs » et quels sont les « droits du public » ? C’est-à-dire, à qui appartiennent les droits d’usage (intégrité, copie « illicite » par frappe ou par scanner, citations, etc.) de toute production de pensée ? Cette question est aujourd’hui un vaste débat (philosophique notamment) qui renaît dans la société pour ce qui est par exemple de la musique ou du cinéma, et notamment au travers de la question de la mutation numérique du support de l’écrit ou de la vidéo grâce à l’internet.

Mais cette question ne peut être véritablement résolue si l’on ne s’attaque pas philosophiquement aux questions plus fondamentales que sont : qu’est-ce qu’écrire ? qu’est-ce que l’art ? qu’appelle-t-on “ penser ” ? quel est l’être des productions littéraire et artistique ? Et c’est à ces questions que la décroissance amène à penser.

La propriété intellectuelle fruit de l’ontologie capitaliste.

Il existe deux traditions philosophiques qui conçoivent la propriété intellectuelle et qui régentent l’ordre de l’imaginaire juridique dominant au niveau de la planète :

- Une conception française, qui s’inscrit dans la tradition de John Locke (le fondateur du libéralisme politique) pour qui le droit de propriété de l’auteur sur son œuvre est considéré comme un « droit naturel » dont dispose chaque homme sur le travail de son esprit. Ce droit d’auteur est un droit de propriété exclusif. Ce « droit naturel » est un droit moral qui confère à l’auteur un contrôle sur les usages futurs de son texte ou de son ouvrage : intégrité, divulgation, copie, repentir... Les économistes libéraux, dont la figure la plus emblématique est l’ultra-libéral Frédéric Bastiat adoptent cette position de propriété perpétuelle de l’auteur. Le système juridique français dès la Révolution française (1791 et 1793) adopte ce droit moral de l’auteur. L’ordre juridique de la propriété intellectuelle en France est désormais celui-ci. L’auteur détient, par son droit de propriété exclusif, des droits moraux sur les usages qui sont faits de sa production intellectuelle. Et cette conception française du droit de propriété intellectuelle est exactement cette « autorisation préalable » de l’auteur qu’il faudrait détenir pour pouvoir mettre en ligne un texte sur decroissance.info...

- La conception américaine du copyright : elle est issue d’une conception utilitariste des droits de propriétés, qui soumet ces droits à leur utilité sociale et économique. La propriété tire sa légitimité de son efficacité économique. En 1909, le Congrès américain vote la loi du copyright qui valide cette conception de la propriété intellectuelle.

Gratuité et bien du public : la non-propriété intellectuelle dans une société de décroissance.

Mais (et heureusement), il existe une troisième tradition philosophique qui a cherché à penser ce qu’est la propriété intellectuelle. C’est une tradition maudite, qui n’a jamais réussi à s’instituer dans aucun des pays sur la planète. Cette tradition, c’est la tradition philosophique qui oppose au droit d’auteur, le droit du public à la connaissance. Elle est marquée notamment par trois auteurs : Proudhon, Victor Hugo et le socialiste révolutionnaire Louis Blanc.

Pierre-Joseph Proudhon.
En 1863, après avoir publié le célèbre ouvrage Qu’est-ce que la propriété ?, Proudhon prend position sur la propriété intellectuelle dans un ouvrage intitulé Les Majorats Littéraires. Proudhon refuse de choisir entre l’une et l’autre conception présentée ci-dessus, et adopte une position très prudente : la propriété « n’est encore pour nous qu’un fait d’empirisme [il s’oppose à l’essentialisme des deux conceptions précédentes]. Ce que nous savons, c’est que la profondeur de son institution nous échappe. Elle constitue le plus grand problème des sciences sociales, problème d’autant plus difficile qu’elle semble reposer uniquement sur un principe condamné par l’Evangile, l’égoïsme » [2]. Proudhon, contre les économistes libéraux et les philosophes du libéralisme politique des deux précédentes conceptions de la propriété intellectuelle, se met ainsi à contester l’existence d’un droit de propriété de l’auteur sur son œuvre. Et Proudhon, intelligemment, pose alors la question que personne ne pose : qu’appelle-t-on penser ? Qu’est-ce que la production de l’esprit ? Il met là en cause l’essentialisme du « droit naturel » que véhicule la conception française de la propriété intellectuelle, cette sanctuarisation de l’auteur.

A l’instar de toute production, dit-il, le produit littéraire (et artistique d’ailleurs) est le résultat d’un fonds, (le monde intellectuel, l’esprit humain...) et d’un travail. L’écrivain puise dans le fonds des idées et, grâce à son travail, fait un produit. L’écrivain est donc un producteur, et la création un produit. Tant que ce producteur de texte n’a pas vendu ou rendu public son livre ou son texte, il en est incontestablement propriétaire, en tout cas de sa forme.

Mais lorsqu’il le rend public ou le vend, que devient cette propriété ? Par la publication et la vente, l’auteur perd la propriété de son œuvre et les droits moraux d’usage sur celle-ci, répond Proudhon. Par la publication ou la vente, l’œuvre tombe dans le domaine public dès lors que l’auteur décide de rendre public son produit. Proudhon justifie ce transfert du droit de l’auteur vers le droit du public, par le fait que l’auteur pour produire son ouvrage, a puisé gratuitement dans le fonds public des idées. L’auteur s’acquitte alors de sa dette en ajoutant à son tour gratuitement sa contribution à ce fonds, par « la mise au pot commun des idées et des phrases » [3]. Dès la publication, la société devient alors propriétaire du contenu et détient donc les droits moraux qui y sont attachés. Il n’y a pas spoliation mais simplement transfert. Et Proudhon prend bien soin de souligner que sa position conforte et ne fragilise pas la propriété comme institution.

Novlangue et confusionnisme.

Car le langage est un bien commun, un « espace commun où nous parvenons à nous entendre, à nous comprendre, à débrouiller nos relations, à transmettre notre humanité, à la construire ensemble » [4]. La privatisation du langage, c’est-à-dire l’enfermement de l’innovation culturelle dans l’enclos de la forme-valeur comme condition de l’échangeabilité suivant le principe de l’équivalence des termes de l’échange (le langage devient donc une marchandise comme une autre puisque sous la forme-valeur tout y est équivalent pour y être échangé), a pour conséquence envisageable un désastre anthropologique. L’usage du langage, sa fiabilité, a cessé d’indiquer la route de l’affrontement de la vérité contre l’erreur et le mensonge. Désormais en effet, « les énormes concentrations capitalistes qui cornaquent l’innovation culturelle, évaluent ce produit comme elles évaluent les autres, à l’aune de leur critère unique : la capacité à générer un taux de profit suffisant pour se financer sur le marché des capitaux ». Dans ce « glissement global du critère endogène de la vérité au critère exogène du profit » [5], la relation au langage est désormais non plus “ de quoi ça me parle ”, mais “ qu’est-ce que ça me rapporte ” comme plus-value.

Le « Titanic anthropologique » entraîné par l’effondrement du langage devenu marchandise sous les coups de butoirs des représentations de l’économie inventée [6] sont multiples. George Orwell est un des premiers à étudier le nouveau langage marchandisé et « lignifié », qu’il appelle « le Novlangue » dans la société Oceanienne de 1984. Sa forme dans le langage politique est alors la « langue de bois » que la police médiatique de la pensée s’évertue (inlassablement tous les soirs à 20h...) de reprendre « pour rendre le mensonge vraisemblable et pour donner une apparence de solidité à ce qui n’est que du vent » [7]. Ce concept de « Novlangue » forgé par Orwell pour la société océanienne de 1984, est l’équivalent de la « LTI » pour la société nazie (Victor Klemperer). C’est-à-dire un langage marchandisé et lignifié opérant par essorage sémantique, scotomisation et mutilitation de la réalité. Ainsi le mot « social » ne veut plus rien dire ; le sort réservé aux termes de « populisme » ou de « gratuité » [8] par les prêtres à longues et courtes robes de l’église économique est également un bon exemple), par euphémisme, par impulsion (comme la langue de la publicité). Mais l’objectif principal de cet effondrement du langage dans la propgande n’est pas celui de convaincre. « Le but de la propagande est de produire le découragement des esprits, de persuader chacun de son impuissance à rétablir la vérité autour de soi et de l’inutilité de toute tentative de s’opposer à la diffusion du mensonge. Le but de la propagande est d’obtenir des individus qu’ils renoncent à la contredire, qu’ils n’y songent même plus » [9].

Les étoiles filantes de l’abolition de la propriété intellectuelle.

En 1878, Victor Hugo adopte la position de Proudhon sur la propriété intellectuelle. En effet, « avant la publication, écrit-il, l’auteur a un droit incontestable et illimité. Mais dès que l’œuvre est publiée, l’auteur n’en est plus le maître. C’est alors l’autre personnage qui s’en empare. Appelez-le du nom que vous voudrez : esprit humain, domaine public, société. C’est ce personnage-là qui dit : “je suis là, je prends cette œuvre, j’en fais ce que je crois devoir en faire, moi, esprit humain ; Je la possède, elle est à moi désormais” ».
Avec Proudhon et contre la propriété intellectuelle, Victor Hugo.
Dans cette tradition philosophique de Gauche, l’auteur apparaît comme un agent de l’éveil du public et de l’accroissement des connaissances. La pensée produit des biens in-susceptibles de propriété privée et affectés à l’usage de tous. Elle fait partie du « domaine public » des biens communs à l’humanité dès sa publication, car comme le dit si justement Proudhon, elle a puisé pour exister, dans ce fonds public d’idées. Proudhon propose alors une conception plus sociale du droit d’auteur, opposée à l’idéalisme du droit privé qui fonde l’ordre juridique français. Et dans une phrase célèbre il écrit « la propriété intellectuelle fait plus que porter atteinte au domaine public ; elle fraude le public de la part qui lui revient dans la production de toute idée et de toute forme ». Bref comme l’a écrit l’économiste Daniel Cohen en 2001 dans une tribune du journal Le Monde qui a fait grand bruit : « La propriété intellectuelle, c’est le vol ! ». Une formule proudhonienne que développa également le socialiste et républicain de la première moitié du XIXe siècle, Louis Blanc : « reconnaître au profit de l’individu, un droit de propriété littéraire écrit-il, ce n’est pas seulement nuire à la société, c’est la voler » (1850). Dans cette tradition de Gauche qui remonte à Proudhon, ce sont là les partisans farouches de la diffusion du savoir, de la circulation des œuvres, de la défense du « domaine public » contre l’extension de l’ordre imaginaire du juridisme qui marchandise le savoir pour mieux l’intégrer au capitalisme. Ce juridisme de la supposée « propriété intellectuelle » (et des droits moraux relatifs à l’auteur qui vont avec) est comme tout juridisme, une « mise en scène objectivante [...] et la nécessaire “logicisation” du donné sociétal » où « le juridique tente de régir un espace-temps qui pacifie la sociabilité, le droit est son langage formel, affecté par les impératifs de rationalisation propres à l’Occident ». [10].

Le Front populaire en 1936 a essayé d’imposer à l’ordre juridique régnant la conception de la tradition philosophique de gauche, c’était le projet de loi du ministre Jean Zay, qui replaçait au centre du débat les droits du public et qui jetait les bases d’un nouveau contrat social entre l’auteur et la société, à travers la notion de domanialité publique. Mais contre tous les lobbies des éditeurs, les économistes libéraux, et les organisations corporatistes du monde littéraire et artistique, le projet de loi de Zay échouera. Depuis lors et jusqu’à aujourd’hui, l’Ordre juridique de l’économie capitaliste règne en France et sur le monde sans aucun partage possible, avec l’assentiment des acteurs de la vie artistique et littéraire dont certains osent encore se dire « de Gauche ».
La décroissance de la propriété intellectuelle.

La morale qu’il faut dénoncer comme étant ce que Proudhon appelle la « morale de l’égoïsme bourgeois », c’est la morale des droits d’usage de l’auteur sur son texte ou sur sa création artistique, qui « contribue à cristalliser une idéologie de l’œuvre et du génie » (Sagot-Duvauroux). Et cette morale, c’est-à-dire cette « politesse » qu’il faudrait avoir envers l’auteur (intégrité, copie « illicite » par frappe ou par scanner, citations, ...), est à la source de l’idée de propriété individuelle. Le fondement de la marchandisation de la pensée ou de l’art, c’est cette morale des droits d’usage de l’auteur, cette division du travail de la subjectivité radicale. « Dès que l’œuvre d’art devient marchandise, écrit Brecht, on ne peut plus lui appliquer la notion d’œuvre d’art » [11]. La vie ne peut pas être réifiée, c’est-à-dire abstraite (au sens d’extraction en une forme marchande) et dès lors échangée grâce à des abstractions qui la compte et la mesure sans devenir une « Sur-vie » perpétuelle et permanente ; la vie qui nous consume dans le feu invisible de son brasier, est sans cesse indicible, inénarrable, non-dicible car inobjectivable. Prétendre l’objectiver en une chose, la mettre là devant le regard (c’est-à-dire la choséifier), c’est déjà son meurtre, un perpétuel vol à l’étalage. La décolonisation de l’imaginaire radical passe par la mise à nu de la morale de la propriété intellectuelle, et ceci ne peut se faire que grâce à l’imposition d’un nouvel imaginaire, celui de la gratuité, du partage, du don, de la réciprocité, du domaine public et des biens communs. Ces nouveaux rapports sociaux sont radicalement subversifs si l’on y réfléchit bien. Ainsi l’on doit échanger différemment les productions de la vie subjective entre nous (art, musique, textes, etc.), grâce à de nouveaux rapports sociaux qui mettent à l’écart l’abstraction et instituent l’immédiation de ce qu’Alain Caillé [12] appelle la « socialité primaire » (la sphère des relations de personne à personne) ou ce que la phénoménologie appellerait la « communauté intersubjective ».

La richesse de l’inhumanité marchande (qui n’est qu’une réduction de ce qu’est la véritable richesse humaine) produite par les industries culturelles au sens large - arts et culture, information et communication - représentent 4 milliards de dollars par an. « Les mains qui retiennent ce tas d’or écrit Sagot-Duvauroux, craignent de le voir filer entre leurs doigts comme sable fin. Elles désignent leur ennemi redoutable : le rêve de la gratuité. Mais comme elles connaissent d’avance la difficulté qu’elles auront à provoquer la compassion, elles appellent à la rescousse “les artistes et les techniciens” qui veulent continuer à “vivre de leur travail” ». Nous laisserons-nous encore intimider par tous ceux qui n’ont pour seule pensée que de beugler « C’est à moi ! » et qui n’ont que pour seul horizon de dépassement, « vouloir vivre de leur travail » aliéné où leurs vies sont sans cesse atrophiées dans leur forme marchande ? Nous laisserons-nous intimider encore longtemps par l’imaginaire colonisateur de la propriété intellectuelle et de ses deux conceptions philosophiques (française et américaine) qui chaque jour légitiment l’ordre du capitalisme dominant, écrasent l’humain-e et ravagent la Terre ? Réveillons-nous et continuons à penser et jouir sans temps morts et sans entraves ! Face aux enclos dressés pour protéger les gisements de plus-value capitalistes, quelle liberté plus radicale que celle de la gratuité ?

Ce texte produit peut être reproduit, imité, partiellement cité ou carrément pillé, sans la moindre indication d’origine.


Bibliographie indicative (pour aller beaucoup plus loin) :

- L’ouvrage de Jean-Louis Sagot-Duvauroux, De la grat uité, (réédité en 2006) qui est entièrement gratuit et disponible en ligne

http://www.lyber-eclat.net/lyber/sagot1/gratuite.html

- Bernard Charbonneau, La propriété, c’est l’envol (ouvrage non publié).


[1] Jean-Louis, Sagot-Duvauroux, De la Gratuité, éd. de L’Eclat, 2006 (réédition).

[2] Les citations de Proudhon et Hugo sont tirées des deux articles de Anne Latournerie « Droits d’auteur, droit du public : une approche historique » et de Dominique Sagot-Duvauroux, « La propriété intellectuelle, c’est le vol ! Le débat sur le droit d’auteur au milieu du XIXe siècle », parus dans L’Economie politique n°22, avril 2004 avec un dossier sur « Droits d’auteur : vieilles querelles et nouveaux enjeux »

[3] Jean-Louis Sagot-Duvauroux, De la Gratuité, éd. de l’Eclat.

[4] Sagot-Duvauroux, op.cit.

[5] Sagot-Duvauroux, op. cit. rajoute également : « Le critère du taux de profit comme nouvelle boussole dans la production du langage, surtout quand il est redoublé par le système publicitaire, ne détruit pas seulement la vérité. Il tue aussi le mensonge. Il nous dit : vérité ou mensonge, là n’est pas l’important. Le débat se joue à la roulette et l’important, c’est la mise ».

[6] serge latouche, L’invention de l’économie, Albin Michel, 2005.

[7] G. Orwell, Politics and the english language, 1946, dans The Collected Essays, Journalism and letters of George Orwell, Penguin Books (volume 4, 1970). Cité par Jean-Claude Michéa, Orwell, Anarchiste Tory, Climats, 2000, p. 40

[8] A propos du faux débat sur l’apparition des supposés « gratuits » dans la presse de fourrage donnés dans les gares de métros et autres tramway des grandes villes, Sagot-Duvauroux les qualifie de « supercheries prises pour du bon pain ». « Le marché capitaliste est en train de réussir son OPA paradoxale sur les mots gratuit et gratuité ».

[9] George Orwell devant ses calomniateurs. Quelques observations, Ivréa/ Encyclopédie des Nuisances, 1997

[10] Patrick Tacussel, L’attraction sociale. La dynamique de l’Imaginaire dans la société monocéphale, Librairie des Méridiens, 1984, p. 21

[11] Brecht rajoute : « aussi devons-nous alors, avec prudence et précaution, mais sans crainte, renoncer à la notion d’œuvre d’art, si nous voulons conserver sa fonction à la chose même que nous entendons désigner », in Bertolt Brecht, “Der DreigroschenprozeB”, Versuche 8-10, fasc. 3, Berlin, Kiepenheurer, 1931, p. 301 sq. Rapporté par Walter Benjamin dans L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Allia, 2006, p. p. 30-31.

[12] A. Caillé, Splendeurs et Misères des sciences sociales, Droz, 1986

le vendredi 13 avril 2007
par Clément Homs


Merci d’avoir placé ce thème central dans le forum !
7 mai 2007, par Gégé

Voilà un thème qui est donc bien moins accessoire qu’il n’y parait. Il révèle le choix d’une société d’êtres humains - choix qui leur est devenu insu, ce qui ne veut bien sûr absolument pas dire neutre. Je voulais juste ajouter que la conception de gauche (Proudhon, Hugo...) d’un droit d’auteur caduc dès la publicité (droit d’auteur inaliénable illimité du ressort d’une pensée singulière avant publicité > domanialité publique après publicité) est très proche de la manière d’élaborer leur pensée de deux grands psychiatres psychanalystes : Jacques Lacan et Jean Oury.

Ce dernier, que je suis régulièrement dans ses séminaires (et qui est à mes yeux un des trop rares psychiatres digne de ce nom), effectue ses séminaires toujours de manière improvisée, laissant cheminer sa pensée sous nos yeux, en n’arrêtant pas d’emprunter à une foule d’auteurs (ou d’hommes et de femmes si l’on préfère) un concept par ci, une notion par là, qu’il nous livre telle qu’il le/la comprend ; et c’est ainsi qu’il élabore, lui, sa pensée singulière. Ca a l’air tout con et bien banal de dire ça... Et pourtant lui, il le fait réellement, nous livrant au fil du temps ses interrogations, ses contradictions, ses impasses, ses erreurs... En un mot ; une telle conception du droit de propriété intellectuelle est un formidable outil d’évitement de tout dogmatisme. Et la majorité des "grands" professeurs, "penseurs" et autres "intellectuels" versent, hélas !, par trop dans cet écueil péremptoire et disons-le, totalitaire : "Untel a dit ça, c’est moi qui vous le dit", "le concept x est légitimement celui de M.Y et pas de M.Z", "Si Untel était encore vivant, il dirait ceci ou cela, croyez-moi", "j’ai inventé la notion x, vous n’avez rien à m’apprendre", "je sais de quoi je parle"...

Là-dessus, je citerai juste une phrase célèbre de Lacan : "le sujet, lui, il ne sait justement pas ce qu’il dit". Une pensée, si elle est toujours singulière, ne peut s’élaborer et cheminer seule. C’est d’une grande subtilité que de pouvoir imaginer une pensée à la fois singulière et collective. Et pourtant, cela semble une piste plus qu’intéressante de réflexion. Pour finir, j’ajouterai que Heidegger parle non pas de "la pensée", mais du penser (verbe infinitif substantivé) en parlant du "Wegcharacter des Denkens" ("le caractère cheminant - et continu donc - du penser). Autrement dit, d’employer cette expression du penser invite à éviter l’écueil de chosifier "la pensée", et de "la" livrer en pâture au monde des objets échangeables et négociables en monnaie sonnante et trébuchante... CQFD

Par ailleurs, je suis parfaitement d’accord avec la mention finale de l’article ; à la réserve près que je ne trouve pas génial de revendiquer comme une victoire de ne pas mentionner une source à laquelle on se réfère explicitement. Le combat se situe sur le versant de la liberté et du penser, pas nécessairement sur celui de la méconnaissance volontairement orchestrée par la dissimulation des sources et références qui nous ont éventuellement inspiré.

Enfin, un immense merci à Clément pour la qualité, la clarté, et la pertinence de son article. En ce 7 mai 2007, cela fait du bien de voir qu’il y a encore quelques gens qui, eux, n’ont pas renoncé à penser et à s’atteler à construire un meilleur à venir, y compris sur le plan "intellectuel", envers et contre toute l’aveugle connerie ambiante, qui mènera à la botte un peuple dépité qui avant de voter avait déjà déposé les vraies armes de la réflexion et de la critique constructives.

Longue vie aux ami(e)s de la décroissance !