Origine : http://www.decroissance.info/Les-Transports-en-France-et-la
Les transports ont un rôle dans la structuration des territoires
mais également impulsent l’économie permettant
le développement de région à l’écart
des flux capitalistes. Les transports sont donc le nerf de la guerre
économique, tout autant que la principale source de pollution
et de ravage de la Terre. C’est aussi un des plus grand lobby
en France car ils font vivre 1 million de personnes (5% des actifs)
et engendrent 5 % du PIB marchand : il y a des entreprises de transport
par camion, en passant par les métiers du raffinage du pétrole,
de la distribution du pétrole, de la construction, de la
réparation ou de l’entretien des automobiles...On compte
ainsi près de 70 000 entreprises liées au secteur
du transport. Les transports forment également 40 % de l’investissement
public, tandis que dans le pourcentage du budget des ménages
attribué au déplacement des corps passe de 10 % à
16 % entre 1950 et 2005. Les transports au cœur de notre propre
quotidien, sont donc au centre d’une politique décroissante.
Depuis 1945, le territoire français et nos comportements
au quotidien n’ont jamais autant changé. Ainsi entre
1945 et 2000 la population française a gagné 20 millions
d’habitants supplémentaires, l’équivalent
de la croissance démographique de 1650 à 1945. L’explosion
des transports depuis la fin de la seconde guerre mondiale a profité
au réseau routier et autoroutier : 85% des déplacements
d’individu se font aujourd’hui par l’automobile,
5% des trajets se font par autobus ou cars, 9 % des trajets par
chemin de fer, 1% des distances par avion. Les 50 dernières
années ont vu augmenter les déplacements et les distances
entre les domiciles et les lieux de travail, ainsi que les déplacements
vers les espaces de loisirs.
L’État depuis 50 ans a eu et conserve un rôle
et une responsabilité majeurs, car il a aménagé
et construit les infrastructures, tandis que les principales sociétés
de transport sont, ou ont été nationales.
Automobile et périurbanisation.
Un autre phénomène majeur des 50 dernières
années est le fait que l’équipement des ménages
en automobiles a permis le phénomène péri-urbain
(ou « rurbain »), c’est-à-dire ce débordement
et cet étalement des villes sur la campagne environnante.
En effet l’automobile est l’instrument d’un mode
d’urbanisation bien particulier. Le phénomène
péri-urbain est un des facteurs essentiels de l’augmentation
du volume des déplacements grâce à l’équipement
en automobile.
ville de mexico
ville de mexico
Entre 1970 et 1996, la France augmente son parc automobile de 15
000 000 de voitures individuelles. En 1996 on compte 28 000 000
de voitures soit 48 pour 100 habitants. On qualifie une commune
rurale de " périurbaine " quand 40% de sa population
active se déplace chaque jour pour travailler dans la ville
voisine. En 1990 le phénomène de périurbanisation
touche 132 000 km2 du territoire français. En 1999 le phénomène
s’étend sur 176 000 km2 soit 1/3 du territoire. Ce
phénomène massif est écologiquement mortifère.
Nous avons des chiffres très précis pour se représenter
le caractère massif du phénomène des migrations
alternantes pour l’année 1990 :
- ainsi on compte 14 millions / jour de migrants alternants dans
les couronnes périurbaines (C.P.).
- 3,5 millions de personnes/ jour changent de département
grâce à leur automobile.
- 700 000 personnes/jour changent de région.
- 280 000 travailleurs frontaliers français traversent une
frontière chaque jour.
- 190 000 personnes travaillent chaque jour à plus de 200
km de leur domicile.
- Le phénomène de périurbanisation est très
développé en Ile-De-France puisque en 1990, 70% de
la population active de cette région sont des migrants alternants.
Le phénomène de périurbanisation n’est
pas un phénomène de repeuplement de la campagne. Il
est plutôt un processus d’étalement des villes
sur de longues distances grâce au vecteur qu’est l’automobile.
Les villages-dortoirs entourés de la nappe de béton
que constitue les nouveaux lotissements aux entrées des villages,
est la réalité concrète de ce débordement
de la ville. Ce sont souvent les classes moyennes qui sont les bénéficiaires
de ce phénomène. Les lotisseurs ont acheté
les terrains des villages au " prix agricole " (donc peu
cher), pour les revendre à des prix modiques aux classes
moyennes une fois viabilisés (voiries, assainissement...).
Les années 1990 voient alors l’ensemble des villages
touchés par la périurbanisation, construirent de jolis
petits rond-points reliés à la ville par des «
rocades » ou voies rapides. La mise à bas de ce système
de migrations alternantes, qui est un non-sens écologique
parce q’il est un facteur primordial dans le gonflement du
volume des déplacements, est un des enjeux majeurs d’une
politique de décroissance. Il ne faut donc pas seulement
s’attaquer à l’utilisation de l’automobile,
mais également à la répartition spatiale des
activités humaines qu’elle a permis.
Les flux des hommes et des marchandises :
La France est maillée sur une douzaine de couloirs stratégiques
de déplacement (ou « corridors ») qui sont les
nerfs du capitalisme et de nos déplacements : Par exemple
sur l’axe majeur Paris-Lyon-Marseille se sont 100 000 personnes/jour
ainsi que 100 000 tonnes/jour qui passent dans ce couloir majeur.
Cet axe est dit « lourd » car il comporte l’ensemble
des formes de transport validées par la société
thermo-industrielle : train, TGV, route, avion, ainsi que deux voies
d’eau séparées par le seuil de Bourgogne. Cependant
bien entendu, le trafic sur ces deux voies d’eau est minime.
Mais les flux ne transitent pas seulement par ces 12 couloirs car
ils sont maillés par une quinzaine de « plaques tournantes
» qui sont des plate-formes modales qui sont des nœuds
logistiques permettant l’importation et l’exportation
des flux de déplacements : les plus importants sont par exemple,
« Garonord » sur l’A1 près de Roissy, «
Sogaris » près d’Orly-Rungis, « Garolor
» entre Metz et Thionville. Ces plaques tournantes sont le
nerf de l’ubiquité marchande.
La voiture n’est pas seulement l’instrument d’un
mode d’urbanisation en étalement, elle est également
un mode de vie. Ainsi si 60% des Français prennent des vacances,
85% d’entre eux ont le vecteur automobile pour effectuer ces
déplacements touristiques. Le tourisme est alors un élément
important de l’accroissement du volume global des déplacements,
puisque la France, premier pays touristique au monde, accueille
chaque année, près de 60 millions de visteurs, donc
autant de déplacements. Cependant, l’automobile permet
aussi une extension de l’aire de diffusion des résidences
secondaires, souvent à près de 100 km ou 200 km de
la résidence quotidienne.
Le transport de marchandises :
La France a une situation de carrefour en Europe, un part importante
du volume de marchandises qui passe par la France est donc un transport
de transit. Le tonnage des marchandises n’a pas évolué
depuis 1970. Cependant entre 1970-1995, le nombre de camions a été
multiplié par 3, tandis que dans la même période
le pourcentage de marchandises transportées par camions,
exprimée en tonnes-km, passe de 45% à 65% de la totalité
du volume. En 2004, 22% du volume des marchandises est transporté
par le chemin de fer, et 9 % par le transport par conduite (oléoduc,
gazoduc...). La baisse depuis 30 ans, du volume de marchandises
transportées par le fret s’explique par le fait qu’un
train de fret se déplace seulement à 16 km/h à
cause des temps d’attente dans les gares de triages. Le non-investissement
de la SNCF dans la modernisation de sa structure de fret explique
donc la nouvelle répartition des modes de transport dans
le déplacement des marchandises.
En France la masse des camions est limitée à 40 tonnes,
alors qu’elle est plus élevée en Italie (44
tonnes), aux Pays-Bas (50 tonnes)et en Scandinavie (plus de 60 tonnes
par camion). Le coût du transport par camion est de plus en
plus marginal dans le prix final des pièces ou marchandises
qui sont fabriquées parfois à grande distance (par
externalisation de sous-productions). Pour réaliser diu "
juste-à-temps" et du " porte-à-porte "
(donc des flux tendus), avec des sous-traitants éloignés,
le transport par route est actuellement sans concurrence et le restera,
car c’est l’organisation spatiale de nos activités
qu’il induit, qui oblige à faire perdurer ce mode de
transport.
Le pays de vos prochaines vacances ?
Le pays de vos prochaines vacances ? Non, pour le parti des Verts,
juste l’idéal du transport fluvial à promouvoir.
Le réseau routier :
Il est aujourd’hui de 800 000 km mais la moitié du
trafic se fait sur les 10 000 km d’autoroutes. Le réseau
autoroute a été multiplié par 8 depuis 1970,
année où il n’y avait que 1 100 km d’autoroute.
Le dernier « schéma autoroutier » date de 1992
: la construction de nouvelles autoroutes n’est plus hautement
prioritaire comme dans les années 1970 car l’essentiel
des grandes villes sont reliées. Maintenant le schéma
autoroutier s’attache à construire des radiales : l’autoroute
Bordeaux-Lyon ou encore l’autoroute des estuaires (relier
Calais à Bordeaux en passant par Rouen). On peut noter également
que depuis 1980, la longueur du réseau desservie par le bus
a été multiplié par 15 % dans les villes.
Le mode automobile est sous-taxé, c’est donc un mode
privilégié fiscalement. Cependant une taxation plus
importante du mode automobile ne provoquerait qu’une stagnation
de la progression automobile et non la dissuasion d’utiliser
ce mode. Le fait qu’il n’y est pas de politique pour
freiner le transport routier ne s’explique pas qu’avec
l’existence de lobby pétrolier, mais surtout à
cause des pressions des syndicats des routiers. Cette pression des
routiers s’expliquent par la concurrence sauvage dans ce métier
introduit par le pouvoir politique par l’abrogation de la
tarification routière obligatoire en 1986. L’influence
des routiers sur le pouvoir politique se fait sentir dès
1992 lors d’un énorme mouvement social de blocage des
routes.
En décembre 1996, la « Loi sur l’air et l’utilisation
rationnelle de l’énergie » oblige les agglomérations
de plus de 100 000 habitants de se doter d’un Plan de Déplacement
Urbain (P.D.U.) pour limiter l’usage de l’automobile
par la construction de transports en commun. La ville qui a fait
le plus d’effort pour les spécialistes est Lyon qui
s’est dotée dès 1997 d’un P.D.U. qui lui
permet de se doter d’un réseau de transport complémentaire
entre bus-tranway et métro. Aujourd’hui les P.D.U.
ont pour objectifs de réduire le nombre de places de parking
et d’augmenter les prix des parking pour rabattre les utilisateurs
d’automobile vers les transports en commun. Les grandes villes
aussi font un timide effort vers la construction de « parkings
d’échange » où l’on dépose
sa voiture à l’extérieur de la ville pour prendre
un tramway ou un bus pour se rendre dans le cœur de la ville.
Aujourd’hui, les acteurs économiques du développement
local, font parvenir aux élus locaux et régionaux,
des rapports montrant la saturation du réseau routier français,
freinant selon eux leur croissance. Nos élus sont alors partagés
entre d’un côté, un discours argumenté,
mobilisateur, quasi-militant soutenant le développement durable
sur leurs territoires. De l’autre, nos élus soumis
à la fois aux pressions des acteurs économiques qui
demandent de construire de nouvelles routes, et à l’impératif
national de faire baisser le chomâge à tout prix, deviennent
alors les principaux acteurs institutionnels du réchauffement
climatique.
Le réseau ferré :
Il est aujourd’hui de 32 000 km mais l’essentiel des
distances effectuées sur le réseau ferré se
fait sur les 1000 km de voies spéciales aménagées
par la grande vitesse (300 km/heure) ainsi que sur les 1000 km de
voies aménagées (supportant des trains à 200
km/heure). Depuis 1970 la politique de la SNCF a été
de miser sur les Lignes à Grande Vitesse (L.G.V.) et d’abandonner
le fret. Pour cerner plus concrètement la réalité
des flux de personnes, on peut voir par exemple que chaque jour,
se sont 50 000 personnes qui transitent par le train entre Paris
et Lyon, 30 000 personnes par jour entre Lyon et Marseille. A l’inverse
le réseau ferré entre Bordeaux et Toulouse ne transporte
chaque jour que 5000 personnes. Aujourd’hui les régions
ont un rôle majeur dans la constitution du réseau ferré
régional : grâce aux Contrats de Plan Etat-Région
elles financent l’achat de trames et de locomotives pour desservir
le réseau ferré intrarégional (T.E.R.) La région
décide alors des fréquences des T.E.R. ainsi que de
la rénovation des gares. De plus, l’Union Européenne,
a demandé à la SNCF de se séparer de la structure
du réseau ferroviaire, que pilote maintenant le R.R.F (Réseau
Ferré de France) qui n’a plus rien en commun avec la
SNCF.
Le réseau aérien intérieur :
Il y a en France une centaine de lignes intérieures mais
l’essentiel du trafic se fait sur 12 lignes. 30 lignes sont
véritablement rentables. Le reste des lignes non-rentables
sont financées par l’argent du contribuable sous le
couvert de l’argument de l’aménagement du territoire.
2/3 du trafic aérien intérieur se fait seulement sur
une dizaine de lignes. La France dispose également de 80
aéroports ouverts au trafic commercial permettant d’intégrer
la France dans les flux de marchandises de la mondialisation. Rappelons
que le mode aérien est un acteur majeur du réchauffement
climatique. Un avion de ligne entre Londres et Miami, dégage
à lui seul 520 000 tonnes de CO2 annuellement, soit l’équivalent
de ce que dégage annuellement la production énergétique
de 100 000 habitants.
Le réseau maritime :
Le transport maritime est le mode de transport privilégié
pour les flux mondialisés de marchandises. Ainsi pour exemple,
le détroit le plus fréquenté mondialement est
le détroit entre le Pas-de-Calais et Sandettie (Angleterre)
que traversent chaque jour, près de 350 navires. Les ports
français sont le fruit d’une politique publique. Dans
un premier temps, trois Z.I.P. (zone industrialo-portuaire) ont
été construites. les Z.I.P. de Dunkerque, Le Havre
et Fos-sur-mer. Ainsi la Z.I.P. de Dunkerque comporte un terminal
céréalier où transitent les produits agroaliementaires
mondiaux. Elle est également un port minier et sidérurgique
: le minerai de fer est importé par navire arrivant dans
les darses (grands bassins profonds) puis est immédiatement
transformé dans les acieries d’Usinor (des laminoirs
très vastes bordent les quais). A Dunkerque toujours, l’usine
Pechiney construit des tolles d’aluminium. La Z.I.P. de Dunkerque
est aussi un port textile très important. Le flux mondial
de cette marchandise est particulièrement bien conteneurisé.
Le transport par porte-conteneurs relie par des " rails maritimes
" (c’est-à-dire des couloirs bien délimités
qu’empruntent les porte-conteneurs) qui relient les grands
continents.
Le port autonome de Brest est un acteur majeur de l’inscription
de la Bretagne dans les flux mondialisés. Il permet de fournir
aus structures d’élevage (aviculture, porcs...) des
aliments pour animaux, importés et peu cher. D’autre
part, Brest fournit un débouché pour les produits
agroalimentaires transformés en Bretagne. Pour exemple la
majeure partie des poulets congelés partent alors par voie
maritime vers le Proche-Orient. Le port de Brest est donc une plate-forme
modale majeure pour complémentariser les productuctions et
débouchés de son Foreland (avant-côte) et de
son hinterland (arrière-pays).
Les transports (avec une croissance des émissions de gaz
à effet de serre de 2% par) restent pourtant, avec le patrimoine
immobilier ancien (dont les performances thermiques sont déplorables),
parmi les secteurs totalement absents du Plan Climat. " La
Maison brûle et nous regardons ailleurs ", nous disait
Jacques Chirac dans un discours resté fameux. En analysant
l’absence de plus en plus assourdissante de définition
et de mise en place d’une politique nationale de transport
à la hauteur des enjeux, on en est convaincu.
Sources :
- Atlas de France, volume 11 sur les « Transports et l’énergie
». La Documentation française.
- Pierre Merlin, Les Transports en France. 1994. La documentation
française.
- Alain Gras, Fragilité de la puissance, éditions
Fayard.
- Article de Serge Latouche, La Décroissance n°1.
- Revue bimestrielle Problèmes économiques n°2.843
du 11 février 2004. Ce numéro fait un bilan des transports
dans le monde. Il comporte des articles sur la logistique de la
mondialisation ; un panorama des transports maritimes ; le phénomène
low cost dans le transport aérien ; l’économie
et le financement du système des transports urbains ; les
effets du ralentissement de l’économie sur le transport
de marchandises.
le lundi 11 avril 2005
par Clément Homs
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