Origine : http://www.decroissance.info/La-mise-en-evidence-d-une-Bombe-a
Comment la mise en évidence d’une « bombe à
carbone » dans les sols britanniques vient à prouver
l’imposture du développement durable.
Non ! non la fameuse et illusoire « bombe démographique
» n’est pas l’argument qui peut venir vérifier
la légitimité du mouvement pour la décroissance
soutenable. Au mois de septembre 2005, deux découvertes scientifiques
majeures font déjà l’effet d’une véritable
bombe dans les communautés scientifiques et écologistes
mondiales. Ainsi d’après un récent article de
la très sérieuse revue scientifique internationale
Nature [1], la preuve est apportée que sous l’effet
du réchauffement climatique, les sols (en particuliers les
zones tourbeuses de l’hémisphère nord, du nord
de l’Europe par exemple jusque dans les régions circumpolaires)
rejettent, en réaction, du carbone en grande quantité.
En fait l’augmentation de la température due au réchauffement
climatique accélère les mécanismes de minéralisation
transformant le carbone organique stocké dans les sols en
CO2. Mais le réchauffement climatique ne serait pas le seul
phénomène en cause. D’après ces chercheurs
ce sont également les changements de ces 25 dernières
années dans l’utilisation et l’exploitation des
terrains qui sont peut-être à incriminer (agriculture,
urbanisation...). Ainsi entre 1978-2003, les sols britanniques et
du Pays de Galles sur lesquels portent les travaux de recherche,
ont relâché chaque année dans l’atmosphère
environ 13 millions de tonnes de carbonne. Par comparaison au Royaume-Uni
les activités humaines liées à la Très-Sainte-Croissance
émettent chaque année 150 millions de tonnes équivalent-carbone.
Selon les chercheurs de cette étude ces émissions
des sols sont « d’une ampleur alarmante » sans
compter qu’elles correspondent à la « totalité
des réductions d’émission de CO2 réalisées
par le Royaume-Uni entre 1990-2002 » [2] Vive le protocole
de Kyoto et les efforts risibles du développement durable
!
Et cette situation de l’ « arroseur-arrosé »
serait presque comique si elle n’impliquait pas autant la
survie de l’humanité toute entière. Ainsi la
simple émission de CO2 par les sols a réduit à
néant tous les efforts proposés par le développement
durable pour réduire les rejets de gaz à effet de
serre ! Cette étude britannique vient également ridiculiser
et délégitimer au plan scientifique le protocole de
Kyoto qui ne tient nullement en compte des réductions - par
relâchement de CO2 - intervenus dans les stocks de carbone
organique contenus dans les sols. Une véritable politique
climatique - décroissante s’entend !- doit donc obligatoirement
prendre en compte l’ensemble des sources de carbone, celles
produites par la « civilisation thermo-industrielle »
et maintenant donc celles induites par les sols. En effet, à
l’échelle mondiale, les sols conservent une quantité
de carbone organique (des résidus organiques de plantes,
d’animaux...) estimée à 300 fois le montant
de carbone libéré chaque année par la «
civilisation thermo-industrielle » (pétrole, gaz, charbon).
L’ère de la « Bombe à Carbone »
a ainsi commencé grâce au bouleversement ontologique
induit par la techno-science et par la promotion insupportable du
progrès. Dès lors, face à des phénomènes
naturels gigantesques mis en branle par la démesure de l’homme
et sur lesquels notre possibilité d’action est réduite
à néant, c’est la possibilité même
d’une politique climatique qui est mise en question, réduisant
toute nos chances - politiques, éthiques, pratiques, démocratiques
ou dictatoriales - de sortir du tunnel dans lequel l’humanité
s’est aveuglément engouffrée. La mise en évidence
d’une « bombe à carbone » naturelle à
côté du risque que nous fait encourir la société
thermo-industrielle vient donc définitivement légitimer
la nécessité d’une franche politique climatique
radicale. Deux solutions sont désormais possibles : soit
un volontarisme radical soit la passivité face au phénomène.
Mais au vu des phénomènes naturels aujourd’hui
mis en branle et qui menace l’humanité entière,
le choix de l’humanité ne peut être que l’un
ou l’autre de ces deux termes et nullement un volontarisme
fébrile de demi-mesure incarné par le développement
durable.
Un autre effet du réchauffement (que l’on connaît
déjà depuis quelques temps par plusieurs études)
est celui de l’augmentation de la couverture végétale
(les arbustes de la toundra) des régions arctiques du Canada,
de l’Alaska et de la Russie. Depuis l’apparition de
ces études, de nombreux scientifiques se réjouissaient
finalement de cette augmentation de la couverture végétale
de ces régions, en avançant l’argument légitime
que cet effet du réchauffement climatique créait finalement
un important stockage de carbone contribuant à l’annuler.
Sur ce constat certains avançaient donc déjà
la thèse d’une auto-limitation du réchauffement
climatique.
Cependant une étude vient d’être publiée
le 7 septembre 2005 dans le Journal of Geophysical Research vient
totalement démentir ce constat en affirmant que ce phénomène
contribue en fait directement au réchauffement climatique.
En effet l’augmentation de la couverture végétale
réduisant l’enneigement hivernal, l’indice de
réflexivité (ou albédo) de ces régions
arctiques change : elles réfléchissent moins la lumière
du soleil et absorbent plus d’énergie contribuant à
encore plus augmenter la pousse de la couverture végétale.
Cet excès d’énergie reçu dû à
un enneigement réduit implique donc deux phénomènes
aux conséquences catastrophiques :
1) les sols sont susceptibles de libérer dans l’atmosphère
sous forme de CO2 une part importante des stocks de carbone organique
qu’ils piègent.
2) l’enneigement contribue à modifier l’albédo
moyen de la Terre, ce qui contribue majestueusement à son
réchauffement.
Cynisme et Fatalisme réformistes ne doivent pas mettre un
seul pied sur le bateau Terre. Il n’y a ni complot capitaliste
ni toute-puissance des « lobbies thermo-industriels »
! La Terre est un vaste bateau ivre sans aucun pilote. Le vrai problème
est à l’échelle mondiale notre manque d’anticipation
de la prise de conscience radicale de la nécessité
du renversement révolutionnaire de l’ensemble de nos
comportements quotidiens. La sobriété et la simplicité
volontaire sont la seule méta-politique a pouvoir encore
venir nous sauver de l’impasse majeure de toute « politique
du râble ».
Halte à la Croissance ! Grève générale
de la Consommation !
Source : Article de Stéphane Foucart « Sous l’effet
du réchauffement, les sols rejettent du carbone » dans
Le Monde 9 septembre 2005, p.22
[1] Nature dans son numéro du 8 septembre 2005, article
issu des travaux de l’université de Cranfield
[2] En France les pouvoirs publics compétents (ADEME, INRA,
IFEN) s’alarment de ces résultats obtenus sur le sol
britannique. En 2007, le même type de recherche va enfin pouvoir
être mené pour suivre l’évolution des
concentrations de carbone organique contenus dans les sols français..
et voir si l’on constate la même réduction
le samedi 17 septembre 2005
par Clément Homs
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