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L’Europe méditerranéenne en première ligne face au réchauffement climatique.
Clement Homs

Origine : http://www.decroissance.info/L-Europe-mediterraneenne-en


Selon le National Oceanic and Atmospheric Administration américaine, septembre 2005 a été le mois de septembre le plus chaud depuis 1880, avec une température mondiale supérieure à la moyenne de 0,63°C. Le deuxième septembre le plus chaud depuis 1880 étant celui de 2003, pendant lequel la température a dépassé la moyenne de 0,57°C. Deux records mondiaux en seulement trois ans, cela mérite de décerner la médaille du Ravage de la Planète à la Société de Croissance infinie. Pourtant l’Europe méditerranéenne sera elle en première ligne face au réchauffement climatique [1]. « La Maison brûle et nous regardons ailleurs », nous disait Jacques Chirac dans un discours resté fameux, les objecteurs de croissance ne savent que faire de la vigueur des discours se renforçant constamment du vide de leur action : Grève générale de la consommation ! Ici et maintenant !


Les chiffres sont désormais connus : à l’horizon de la fin du siècle, la température moyenne à la surface de la Terre aura augmenté de 1,4°C à 6°C. Selon le Max Planck Institut de Hambourg (Allemagne), la « fourchette haute » entre 4 et 5°C doit même être retenue. L’impact économique et social de ce changement n’avait cependant jamais été évalué région par région et en fonction des divers scénarios de développement envisagés par le Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC) [2]

Dans l’édition du vendredi 28 octobre de la revue Science, des chercheurs européens d’une vingtaine de laboratoires fournissent une étude comblant cette lacune pour le cas particulier du Vieux Continent.

Celle-ci s’inscrit dans le cadre d’une programme de recherche lancé par la Commission européenne voilà quatre ans. « L’intérêt est de mesurer l’impact du réchauffement sur plusieurs indicateurs économiques en fonction des scénarios, selon que les politiques privilégient l’optimisation et la globalisation de l’économie (scénario A1) [par une croissance infinie] ou qu’au contraire on voit émerger une « société verte » dont les citoyens sont sensibilisés à la préservation de l’environnement (scénario B2) »explique Sandra Lavorel, chercheur au laboratoire d’écologie alpine et co-auteur de ces travaux. Bien entendu ce programme de recherche pourrait envisager d’obtenir les mêmes résultats dans le cadre de l’émergence d’une société de décroissance, mais les présupposés idéologiques de son commanditaire (la Commission européenne) interdit ce type de modélisation numérique.

Selon eux, l’Europe pourrait gagner de 2,1°C à 4,4°C de température moyenne d’ici à 2080. Cette augmentation de température associée au changement de nature des sols, pourrait provoquer une baisse de 6,4% (scénario B2) à 10,7% (scénario A1) de la superficie de terres cultivables.

De même pour les prairies et les herbages nécessaires à l’élevage : leur surface totale pourrait fondre de 6,7% à 10,2%. Au contraire, les forêts seraient globalement favorisées avec une croissance potentielle de 0,7% à 5,6%.

La perte de biodiversité serait importante sur l’ensemble du continent. Et les modèles numériques des chercheurs montrent que cet impact est particulièrement sensible aux choix économiques qui se nouent actuellement. Il est donc clair que l’émergence d’une société de décroissance avec comme principale mesure l’internalisation des « déséconomies externes » (dommages engendrés par l’activité d’un agent qui en rejette le coût sur la collectivité) par les entreprises, c’est-à-dire l’internalisation des coûts des transports, de l’éducation, de la sécurité, du chômage, ou encore les coûts environnementaux [3] permettrait sérieusement de faire face au réchauffement climatique. Bien plus sérieusement que les scénarios privilégiant un « éco-capitalisme » sur le modèle du développement durable.

Dans cette perte de biodiversité, l’exemple le plus frappant est celui du noisetier, illustre Mme Lavorel. Dans le cas d’un modèle de développement A1 privilégiant la fuite en avant dans la croissance infinie, « il disparait de France, alors que dans le scénario B2, on ne le perd que sur le pourtour méditerranéen ». Les partisans du développment du râble sont prêts à accepter un tel compromis.

De plus la tendance à la hausse de la température moyenne serait particulièrement marquée en Europe du Nord, où certaines régions pourraient connaître des hausses de près de 6°C, dans la cas du pire et du plus probable scénario, celui de la fuite en avant actuelle dans la recherche d’une croissance infinie. « Cependant, ces régions pourraient être en quelque sorte favorisées par le réchauffement, dit Mme Lavorel. Car ce dernier y rendrait possible une production importante de bioénergies ». Faudrait-il encore prendre en compte « l’effet rebond » de l’utilisation des énergies renouvelables, et alors combattre l’accroissement exponentiel des volumes de carbone induits de l’utilisation exponentielle des énergies renouvelables.

Chanson très populaire au début du XXI siècle : " La maison brûle et nous regardons ailleurs ! "

Plus faible dans les zones méditerranéennes, le réchauffement de l’atmosphère y aurait cependant un impact socio-économique plus fort. Et lourdement négatif. Les répercussions sur la pluviométrie (moins 30% de pluviosité en 2080) et la disponibilité de ressources en eau y seraient par exemple très importantes. Au total, 5,8 millions à 44,3 millions d’Européens pourraient vivre en 2080 dans des régions en situation de « stress hydrique », alors qu’elles sont aujourd’hui normalement approvisionnées en eau, à part la capitale de Catalogne, Barcelone, pour qui ce problème est déjà devenu vital pour sa population. Et la grande majorité de ces futures zones semi-arides se trouve sur le pourtour de la Méditerranée.

Ainsi dans le sud-est de la France « la température moyenne l’été devrait augmenter de 5 à 6°C d’ici la fin du XXI siècle », expose Serge Platon, responsable du groupe de recherche climatique à Météo France [4]. Dans ces conditions, le climat dans la région Languedoc-Roussillon pourrait s’apparenter à celui du sud de la Méditerranée. De plus pour Serge Planton, « le nombre de jours où la température dépassera 35°C pourrait être multiplié par 10. L’été 2003, celui de la canicule, pourrait devenir la norme ! ». Le 12 juillet 2005, une thèse a été soutenu à l’Institut des sciences de l’évolution à l’université de Montpellier 2, qui montre que dans le cadre du scénario A1, les prairies herbacées de type steppes arides, comme celles présentes en Andalousie, vont s’étendre autour de Montpellier comme dans l’ensemble du sud de la France. « La forêt méditerranéene - écrit la doctorante montpelliéraine -, composée d’espèces telles que le chêne vert, l’olivier, les filaires et les pins maritimes, va se déplacer vers le nord de la France, notamment vers la côte atlantique, et régresser dans la région Languedoc-Roussillon ». [5]. Les impacts économiques du réchauffement climatique sont aussi très importants sur la viticulture languedocienne, le premier vignoble au monde. En effet, les cépages sont adaptés à une plage de température précise et, pour certains d’entre eux, une transplantation vers le nord de 180 km pourrait se réveler nécessaire. L’Onerc note comme exemple patent de ce changement climatique en Languedoc, l’avancement de la date des vendanges de près de trois semaines en cinquante ans [6].

De plus si la biodiversité marine méditerranéenne pourrait être grandement bouleversée, certains insectes vecteurs de maladies, comme les moustiques ou les tiques, pourraient venir s’abriter dans les contrées languedociennes. Selon Vincent Deubel, directeur de l’unité de biologie des infections virales émergentes à l’Institut Pasteur, à Lyon, « des moustiques tels que Aedes albopictus, vecteur important de la dengue, pourraient remonter vers le pourtour méditerranéen, d’où ils sont en principe absents. Ce moustique a été retrouvé récemment en Italie, alors pourquoi pas dans le sud de la France ? ».

La conséquence, outre l’effondrement prévisible de certaines activités agricoles dans ces zones méditerranéennes, tient également à des questions énergétiques : l’assèchement de certains bassins rendra délicate voire impossible la production d’énergie d’origine hydro-électrique ou nucléaire - puisque les réacteurs doivent être implantés en bordure de fleuves à fort débit.

Mais un des points les plus inquiétants est la perspective de voir l’Europe cesser d’agir, globalement, comme un puit de carbone dès 2080. « Jusqu’à présent, les écosystèmes européens agissent en faisant tampon, explique Mme Lavorel. La perte de cette capacité va entraîner une boucle de rétroaction positive. »En substance, sous l’effet de l’assèchement et de l’augmentation de température, les sols auront tendance à relâcher des quantités monumentales de carbone dans l’atmosphère au lieu d’en absorber. Ce phénomène de « Bombe à carbone » a récemment été mis en évidence pour ce qui concerne les sols britanniques et plus largement les sols européens [7] . Une manière de cercle vicieux, en somme. La Société de Croissance dégage un volume consirable de carbone, accélérant la minéralisation des carbones organiques piégés dans les sols qui se dégagent alors dans l’atmosphère. L’hubris de l’homme prométhéen a dès lors mis en branle des phénomènes naturels cataclysmiques et totalement incontrôlables.


[1] Pour une définition voir l’article " Le réchauffement climatique, c’est quoi ? "

[2] J’utilise largement l’article de Stéphane Foucart, « L’Europe méditerranéenne en première ligne face au réchauffement climatique » dans Le Monde du 30-31 octobre 2005, p. 21.

[3] Voir Serge Latouche, « Ecofascisme ou écodémocratie », dans Le Monde Diplomatique novembre 2005, p. 26-27

[4] Isabelle Verbaere, « 2100 : 30% de pluie en moins l’été. Si le réchauffement climatique se confirme la région Languedoc-Roussilon sera beaucoup plus aride » dans La Gazette de Montpellier, 10-16 juin 2005, p.10

[5] Pour une présentation claire des évolutions des couverts végétaux voir Corinne Smith, « Crise climatique : comment la nature va-t-elle évoluer ? » dans L’Ecologiste, novembre 2005, p.22-24

[6] Christiane Galus, " Malgré l’alerte de 2003, la France est peu préparée au réchauffement climatique " dans Le Monde des 26-27 juin 2005. En 2006, l’Onerc proposera une cartographie régionale des impacts climatiques. Chaque région et département devrait ainsi disposer d’une information complète sur les risques climatiques qui le concernent précisément.

[7] Pour plus d’informations sur le phénomène de la « Bombe à carbone » voir : http://www.decroissance.info/La-mise-en-evidence-d-une-Bombe-a

le vendredi 4 novembre 2005
par Clément Homs


> L’Europe méditerranéenne en première ligne face au réchauffement climatique.
8 novembre 2005

La hausse de la température moyenne est certaine dans une société de croissance irraisonnée.

Mais il apparaît, sans aucun doute, que le pétrole va commencer à manquer dans les années à venir (même si la consommation restait constante, or elle va encore croître)

Donc, la consommation, l’activité, l’uilisation d’énergie va diminuer ....

On pourrait espérer que le problème va se régler par la diminution de l’énergie consommée



Craintes pour l’avenir proche
7 novembre 2005, par Ysengrin

Une chose m’étonne toujours un peu, dans ces prévisions : elles se réfèrent à des échéances relativement lointaines (à l’échelle de la vie humaine) 50, 75 ans... Or, ce qu’on constate dans la réalité est une accélération fantastique de la fréquence des évènements "hors-normes", avec une "année exceptionnelle" (par ses températures, ses tempêtes, sa sécheresse ou au contraire sa pluviométrie...) quasiment tous les ans.

Alors bien sûr ces évolutions répondent à des cycles globaux très lents, et quelques années de mesures ne sont pas une échelle pertinente pour établir des projections (on pourrait par exemple imaginer que la terre entre cette année dans un cycle de refroidissement, qui compense pour quelques décennies l’effet du réchauffement global). Et nous savons aussi que les modèles établis ne rendent pas compte de la complexité du système météorologique mondial (la théorie de perturbation du Gulf Stream entraînant un refroidissement de l’Europe a l’air de séduire pas mal de scientifiques, par exemple).

Mais il me semble que les répercussions sur les éco-systèmes, avec leurs conséquences sur les sociétés humaines, pourraient survenir très rapidement. Je prends le cas de la sécheresse exceptionnelle qui sévit sur la péninsule ibérique en 2005. Je n’ai trouvé personne pour m’expliquer ce qu’il s’est passé, pourquoi il n’a pas plu, mais j’imagine que des hautes pressions (peut-être l’anticyclone des Açores ?), rompant avec leurs habitudes, ont passé l’hiver au-dessus de l’Espagne et du Portugal, où elles n’étaient pas censées se trouver. Et si cela correspond à une modification durable des mouvements des masses d’air au-dessus de l’Atlantique Nord, cela voudrait dire que l’on pourrait retrouver de tels évènements climatiques régulièrement ? Tous les trois ans, tous les deux ans, et pourquoi pas de temps à autre deux années consécutives ?

Or, SI cela devait arriver, ce n’est pas dans cinquante ans que nous verrons les conséquences, mais immédiatement : la sécheresse de l’année dernière a fait de gros dégâts, si par malheur elle devait se reproduire cette année, les effets cumulés de deux ans sans pluie seraient dévastateurs, et sans espoir de récupération, dans une Europe du Sud toujours plus sêche !

"La maison brûle", j’en suis moi aussi convaincu (comme notre président !), et j’ai peur que le feu ne se soit déjà tellement propagé que les pompiers ne pourront rien faire quand ils arriveront...
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