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Origine : http://www.decroissance.info/Le-localisme-et-la-ville-l-exemple
Face à l’étalement urbain et à l’anarchie
libérale de la croissance urbaine qui sont les deux faces
d’une même monnaie, celle de la boulimie d’un
modèle urbain dévoreur d’espace, comment reconquérir
un mode d’organisation sociale communautaire au sein des grandes
villes mondiales ? C’est-à-dire comment aménager
une ville pour créer un changement de comportement social
et de représentation du lieu de la part des individus, voire
une « renaissance des lieux » (Latouche), sans tomber
dans le piège du développement local qui n’échappe
pas à la colonisation de l’imaginaire par l’économisme
? Mais aussi, sous qu’elles formes d’occupation du sol
urbain pourrait s’articuler le principe du localisme dans
la ville, tout en prenant en compte les idées de relocalisation
de l’économie dans le cadre d’un après-développement
[1] et de démocratie participative ?
Aux Etats-Unis dans la perspective de l’urbaniste L. Lyon,
de nombreuses grandes villes comme Seattle (1994) ou Phoenix (1979)
ont adopté un schéma directeur à l’aménagement
qui s’appuie sur le concept de « village urbain ».
Aujourd’hui à l’heure du dépassement des
politiques de développement de transport en commun qui ne
font que poursuivre la « prise de distance » de la ville
permise par l’automobile, sans remettre en cause derrière
les logiques de déplacements des habitants, les logiques
d’occupation des sols urbains qui les fondent [2] , le concept
de « village urbain » ouvre un vaste espace théorique
et pratique pour re-penser le fait urbain dans une société
de décroissance. Le concept de « village urbain »
qui évite de promouvoir cette nouvelle « fausse-bonne
» solution qu’est la substitution d’un mode de
transport polluant par un autre, pourrait être une de ces
figures qui serviraient à reterritorialiser une ville dans
son espace environnant en repensant de fond en comble les logiques
d’occupation des sols. Dit autrement, y a-t-il dans les possibles
rassemblés sous le chapeau du concept de « village
urbain », une chance de ré-humanisation de la ville,
de défonctionnalisation et de relocalisation de l’espace
urbain, pour que « la ville ne puisse devenir l’expression
de la liberté nihiliste » de la technoscience [3] ?
Définition du concept de « village urbain ».
Ce concept dérive en droite ligne de la notion de quartier
défini en tant qu’unité géographique
de planification urbaine. Un « village urbain » a la
taille d’un quartier (agrégat de quelques îlots)
et se caractérise par la mixité de son occupation
des sols (résidentielle, commerciale, espaces publics...)
qui offre une diversité des types de logements ainsi qu’une
variété d’infrastructures et des fonctions garantissant
un brassage social et une forte interaction entre les résidents
[4] . Le principe de mixité de l’occupation des sols
permet aux habitants d’accéder à un ensemble
de fonctions et d’institutions dans un périmètre
réduit. Concrètement, le village urbain se structure
autour d’un « core » détenant l’occupation
des sols la plus dense (des logements collectifs, des commerces,
des bureaux...) et un ou des bâtiments symboliques pour la
communauté (une école, une maison de quartier, une
mairie annexe, un lieu de culte...). Autour de ce centre se greffent
une ou deux couronnes dont l’utilisation des sols (logements,
commerce, services...) devient de moins en moins intense à
mesure que l’on s’éloigne du « core »,
pour assurer une transition vers une zone périphérique
peu dense (espaces verts, parcs, jardins individuels et collectifs).
Le concept de village urbain implique également des notions
de construction sociale du lieu. En effet, l’un des principes
du village urbain est d’introduire une diversité fonctionnelle
et une mixité de l’occupation des sols permettant à
des individus socialement hétérogènes de vivre
en proximité de leur lieu de travail, de consommation et
de loisirs. Pour réduire les déplacements de l’individu
en dehors de son quartier, le « village urbain » doit
ainsi « posséder » une capacité de rétention
importante.
Le sens du lieu et le « village urbain ».
En favorisant la réduction du champ de mobilité des
individus à l’intérieur de l’espace urbain,
les promoteurs du concept de « village urbain » cherchent
à stimuler l’attachement au lieu, ce qui semble être
en écho avec un localisme qui travaille à une «
renaissance des lieux » (Latouche), c’est-à-dire
à un réenchantement et à la promotion de modes
d’organisation spatiale permettant une intensité des
relations sociales et une reterritorialisation des besoins. Ce processus
de planification de villages urbains s’attache par exemple,
à intégrer fortement les associations de résidents,
ce qui impliquent les habitants dans des jeux de construction sociale
des lieux permettant un renforcement de l’appropriation collective
d’un territoire et stimulant ainsi le développement
d’un mode d’organisation sociale communautaire à
l’échelle des quartiers. Le paysage et y compris le
« paysage urbain », sont en effet un signe de vie, un
signe d’une certaine façon de cultiver, de sentir et
de penser. Cette conception du « village urbain » s’attache
donc en quelques sortes à « réenchanter les
lieux », ce qui implique de faire une nette différence
entre l’habitat et l’habiter [5]. Comme l’écrit
Serge Latouche, « la croyance que mon lieu de résidence
est le centre du monde est essentielle pour donner du sens à
mon quotidien » [6] , car en effet, « la décision
se prend à la base, en ce lieu central - capital - où
chacun se trouve » (B. Charbonneau). Car le « rapport
à l’espace poursuit Charbonneau, n’est pas simple.
Cet espace lui est nécessaire, pour se mouvoir et trouver
des ressources, mais il ne devient sien, psychiquement et pratiquement,
que s’il peut s’y repérer et s’y établir
: distinguer des sites qui fixent l’étendue et la délimitent,
des lieux qu’il habite où visite. De même qu’un
site ou un lieu n’est par un ‘‘ point ’’,
l’espace vital humain n’est pas l’espace pur des
géomètres, scientifiquement mesurable et statistiquement
exploitable. C’est l’étendue terrestre et charnelle
que l’on se plaît sans cesse à découvrir
parce que l’action de la nature et de l’homme l’a
faite inépuisablement protéiforme. Plus on ralentit
le pas, plus on découvre des merveilles. Mais pour connaître
vraiment les richesses, il faut devenir son habitant », car
« L’habitat n’est qu’un prolongement du
corps de l’habitant, donc de son esprit » [7]. Dans
le cadre du « village urbain », l’objectif de
ce mode d’organisation d’un sens communautaire est l’interaction
relativement intense entre habitants d’un village urbain.
C’est le principe de mixité de l’occupation des
sols qui permet la réduction des déplacements intra-urbains.
Conjugué avec la faible étendue du village urbain,
on encourage la probabilité de voir se développer
à l’échelle du village urbain une identité
collective puisant son essence dans la fréquentation intense
d’un même espace vécu [8] . Et la création
d’un sens du lieu dépend de l’implication des
résidents mais aussi en partie sur la définition nette
et précise du territoire. Les cores sont ainsi clairement
délimités symboliquement ainsi que les couronnes du
village urbain. On redonne du signe et du symbole au paysage urbain.
Cependant la logique localiste que permet le village urbain, ne
doit pas être interprétée comme développant
une logique identitaire voire communautariste. Le « village
urbain » n’empêche pas la permanence de l’ensemble
des réseaux tissés par un individu lors de la fréquentation
d’autres groupes et d’autres espaces que celui du village
urbain. Car les différents « villages urbains »
au sein de la ville sont reliés entre eux par un réseau
de transport en commun et de pistes cyclables. Le village urbain
n’est pas là pour développer un sens communautaire
replié sur lui même, ou pire, à établir
un rapport hiérarchique entre la communauté et l’individu
qui subordonnerait ce dernier [9], il sert seulement à éviter
la « dissolution générale de tous les acquis
communautaires indispensables à la construction d’une
vie individuelle réellement humaine » [10] qu’implique
les politiques actuelles d’aménagement urbain. Pour
éviter l’anonymat urbain et la montée de la
solitude dans nos villes modernes, pour empêcher simplement
comme l’écrivait le socialiste Pierre Leroux, que «
la société [soit] en poussière, parce que les
hommes sont désassociés, parce qu’aucun lien
ne les unit, parce que l’homme est étranger à
l’homme » [11].
Le village urbain, une unité spatiale pour la relocalisation
de l’économie ?
Comme l’écrivent Deleuze et Guattari en parlant des
villes antiques et médiévales d’Athènes,
de Carthage et de Venise, « le maximum de la déterritorialisation
apparaît dans la tendance des villes commerciales et maritimes
à se séparer de l’arrière-pays, de la
campagne » [12]. Aujourd’hui au terme de cette logique
de déterritorialisation de la ville, plus qu’à
tout autre moment dans l’histoire, nos villes modernes ont
toutes pour principe cette « indifférence à
l’arrière-pays ». La ville et l’Etat sont
en effet selon nos auteurs comme « deux formes et deux vitesses
de déterritorialisation », car une ville n’existe
qu’en fonction d’une circulation et de circuits, elle
opère une polarisation de la matière, inerte, vivante
ou humaine, des matériaux suffisamment déterritorialisés
pour entrer dans un réseau de flux, qu’il soit le système
des villes mondiales (Paris, Londres, Franfort, New-York, Bombay,
Shanghai...) ou des sous-systèmes continentaux, régionaux,
nationaux, locaux. Chaque ville participe à cette intégration
globale qu’est la mondialisation, à cette vaste opération
de stratification du territoire.
Là encore le concept de « Village urbain » est
certainement intéressant pour relocaliser une ville dans
son environnement. La réussite d’un village urbain
dépend en effet surtout de la politique de création
d’emplois dans les villages urbains. Ainsi le village urbain
doit réunir une activité économique très
diversifiée, pour éviter que des résidents
soient obligés d’effectuer un trajet résidence/travail
lointain. Il y a donc là des plans de financement, des mesures
d’encouragement à l’investissement à mettre
en œuvre pour développer l’emploi des résidents
au sein du village urbain. Les politiques municipales mettent par
exemple en place de nombreuses mesures incitatives pour que le secteur
privé ait envie de jouer le jeu. Là aussi le concept
de « village urbain » dégagé du «
développement local » et réaménagé
dans le cadre d’une « production pouvant se faire à
l’échelle locale pour des besoins locaux » (Fotolopoulos),
peut offrir d’intéressantes possibilités pour
une société de décroissance. En suivant Takis
Fotolopoulos à propos de cette unité géographique
réduite qu’il appelle le « dèmos »,
ce dernier, finalement très proche du concept de «
village urbain », pourrait devenir « l’unité
authentique de la vie économique » [13] . Le village
urbain peut devenir en effet ce cadre de visée pour développer
l’autosuffisance alimentaire, au sens physique de «
produire ce que l’on consomme », en créant des
« fermes périurbaines et de maraîchages à
l’intérieur des villes » [14] .
Le concept de village urbain appliqué à Seattle [15].
La première mise en place d’une politique d’aménagement
de villages urbains s’est faite dans la ville de Phoenix en
Arizona (Etats-Unis) à partir de 1979. Son objectif était
déjà de lutter contre la hausse des déplacements
en automobile et de faire naître ou de cultiver le sens du
lieu chez les résidents. Les aménageurs de cette ville
avait très bien saisi qu’au delà de la substitution
d’un mode de transport à un autre, il fallait aller
à l’essence même des logiques de déplacement
des habitants, c’est-à-dire remettre en cause de fond
en comble les logiques d’occupation des sols urbains. A partir
de 1994, la ville américaine de Seattle a entamé à
son tour, une vaste planification urbaine dénommée
« Urban Village Strategy » qui chercha à instaurer
une politique urbaine fondée sur une compartimentation du
tissu municipal. A l’inverse du dogme urbanistique qui appréhende
le territoire urbain en tant qu’entité spatiale continue,
la municipalité a décidé alors de l’appréhender
sous la forme d’une succession de micro-aires urbaines. Cependant
ce compartimentage est bien sûr relatif, l’aménagement
du tissu urbain s’effectuera désormais en juxtaposant
une série de villages urbains qui se connectent mutuellement
par un système de réseaux de communication (routes,
lignes de métro, pistes cyclables...) et indirectement par
de multiples couronnes résidentielles encore non concernées
par l’aménagement en village urbain. La mise en aménagement
d’un village urbain a été permise grâce
à l’orientation et à la canalisation des forces
économiques, politiques, culturelles et sociales, à
la fois par la municipalité et par les résidents.
Cependant cet effort semble n’avoir été qu’en
partie assumé par la municipalité, et ainsi aujourd’hui
les nombreux objectifs de l’« Urban Village Strategy
» peuvent apparaître comme ratés ou inaboutis.
Démocratie participative et Village urbain : le relocalisation
du politique en ville ?
Dans quelle situation se forme l’Idée démocratique
? « La consistance de cette Idée tient à son
enracinement dans le cours spontané de l’expérience
humaine écrit le philosophe Michel Henry. Celle-ci prend
d’abord la forme d’un travail en commun. Lorsqu’une
difficulté surgit dans l’accomplissement de ce travail,
les acteurs concernés se rassemblent et se concertent. De
la confrontation de leurs points de vue résulte la décision
qui leur semble la meilleure. D’être prise en commun,
celle-ci revêt une sorte de légitimité et c’est
ainsi que tous vont s’y soumettre. C’est ainsi dans
cette situation poursuit notre auteur, que se forme l’Idée
démocratique, l’idée d’une communauté
qui décide elle-même de son organisation et de ses
fins. En tant que l’Idée démocratique prend
naissance sur le plan de l’activité sociale, un clivage
décisif se produit : cette activité se dédouble,
elle n’est plus seulement sociale mais politique » [16]
. Le politique est donc une vie de relation entre vivants, et il
faut aujourd’hui « réenchasser » (Polanyi)
le politique dans le social. Le politique ne doit pas être
une fin en soi, il est un moyen pour la communauté locale
de réguler le « vivre ensemble » et subvenir
à ses besoins. Comme écrivait Bernard Charbonneau,
la « révolution qui réconciliera l’homme
avec la nature et lui-même naît d’un changement
de sens : d’une conversion, qui de fin qu’il était,
fait du Pouvoir un moyen » [17]. Takis Fotolopoulos pense
en des termes finalement très proches de ceux de Charbonneau,
qu’« ainsi comprise, la politique n’est plus une
technique pour détenir le pouvoir et l’exercer, mais
redevient l’autogestion de la société par ses
membres » [18] . C’est cette conception du politique
« réenchassé » dans le social, que pourrait
permettre le développement d’une démocratie
participative [19] à l’échelle locale urbaine,
du « village urbain ».
En effet, le localisme théorisé par les objecteurs
de croissance se distingue nettement du concept de « développement
local », il propose plutôt de « réorienter
notre vie sur un territoire autonome, autogéré et
réenchanté » car comme l’écrit
S. Latouche, « c’est l’essentiel de la vie tout
court qui doit être reterritorialisé » [20] .
De cette reterritorialisation de la vie émerge le réenchassement
du politique dans le social. Le retour au local nécessite
donc une subversion radicale de nombreux processus englobants. Le
retour au local est celui du rapport aux relations interpersonnelles
et non a-personnelles comme nous le propose les « médias
englobants ». La crise majeure aujourd’hui en France,
crise politique, économique et sociale, a bien comme fondement
inaperçu le paradigme de la « communauté nationale
a-personnelle », de la « dé-s’incarnation
du vivre ensemble ». Penser global, agir local implique ainsi
un certain passage, mesuré, qui va de la « Politique
englobante » à la « Politique environnante ».
La communauté locale concrète faite de relations s’oppose
mot pour mot à la collectivité nationale abstraite.
Le concept de « village urbain » pourrait ainsi être
identifié à des unités permettant une relocalisation
de la politique par la promotion de la démocratie participative.
Car comme l’écrit Takis Fotolopoulos, un auteur important
qui propose de nombreuses analyses inspirées par Polanyi
et Castoriadis, la démocratie écologique se réalisera
dans le « localisme ». Cette idée d’une
utopie démocratique locale rejoint également le projet
du penseur libertaire Murray Bookchin, un moment proche des situationnistes
français [21] .
Comme le note S. Latouche, « le localisme se présente
surtout chez [Fotolopoulos] dans sa dimension politique tout en
étant la solution des contradictions économiques »,
le localisme sera l’angle de réinsertion stratégique
de l’économie dans la société, une nécessité
pour construire une société autonome. Et ce localisme
se définit par l’aménagement de « dèmoi
», unités sociales et économiques de base pour
la future société démocratique, c’est-à-dire
de petites unités de peuplement de 30 000 habitants environ
selon notre auteur, ce qui correspond à peu près à
la population d’un « village urbain ». Ce chiffre
de 30 000 habitants permet, selon Fotolopoulos, de satisfaire localement
la plupart des besoins essentiels. Car contrairement aux idées
reçues, la taille n’est pas un « déterminant
exclusif ni même décisif de la viabilité économique
» [22]. Le projet d’aménagement de villages urbains
dans les villes correspond parfaitement à ce souhait de notre
auteur quand celui-ci écrit qu’ « il faudra probablement
morceler en plusieurs dèmoi de nombreuses villes modernes
étant donné leur gigantisme » [23] . C’est-à-dire
qu’il faudra « éclater », littéralement,
les continuums urbains pour permettre une relocalisation économique
et politique.
La démocratie généralisée supposerait
aussi de relier les « dèmoi » et notamment au
sein des villes, en une « confédération de dèmoi
». « La nouvelle organisation politique pourrait être,
par exemple, une confédération de groupes autonomes
(aux niveaux régional, continental et mondial) oeuvrant à
la mutation démocratique de leurs communautés respectives
» [24]. Murray Bookchin partage ce point de vue en affirmant
qu’une « société écologique »
doit vivre sans Etat et être « constituée d’une
municipalité de petites municipalités », chacune
desquelles serait formée par « une commune de communes
plus petites ». Ce niveau de petites municipalités,
au sein des villes, pourraient très bien être ces agrégats
de villages urbains « en parfaite harmonie avec leur écosystème
».
Aujourd’hui, l’agir local constitue pour notre auteur,
une voie de solution des impasses globales : « Se présenter
aux élections locales donne la possibilité de commencer
à changer la société par en bas, ce qui est
la seule stratégie démocratique - contrairement aux
méthodes étatistes (qui se proposent de changer la
société par en haut en s’emparant du pouvoir
d’Etat) et aux approches dites de la « société
civile (qui ne visent pas du tout à changer le système).
C’est parce que le « dèmos » est l’unité
sociale et économique de base de la future société
démocratique que nous devons partir du niveau local pour
changer la société » [25] . La prise de conscience
des contradictions globales bien au-delà du mouvement des
objecteurs de croissance, doit susciter un agir local qui introduit
le processus d’un changement radical. Les initiatives du Parti
pour la Décroissance de présenter des candidats aux
élections, pour peut-être prématurées
qu’elles nous semblent aujourd’hui, sont parfaitement
cohérentes avec ce projet.
A l’ère du pétrole cher, la boulimie d’un
modèle urbain dévoreur d’espace sera forcément
mis en cause par les crises énergétiques mondiales
qui s’annoncent. La conception de la ville sera tôt
ou tard remodelée par la nouvelle donne énergétique
et les nouvelles cartes bioclimatiques induites par le réchauffement
climatique. Le concept de « village urbain » nous apparaît
donc comme une première entrée, pour repenser ce que
pourrait être la ville dans une société de décroissance.
La ville devra pour survivre aux surcoûts des transports,
se relocaliser dans son écosystème environnant avec
lequel elle devra recréer une relation d’interdépendance
dans le cadre d’une auto-suffisance alimentaire. La ville
repensée en terme d’agrégat de « villages
urbains » interdépendants, et elle-même intégrée
dans une échelle supérieure, celle du concept d’
« éco-région », pourra ainsi faire face
aux réalités nouvelles du monde de demain. Développement
du sens communautaire, cadre de la mise en place de l’auto-suffisance
alimentaire et de la démocratie participative, le concept
de « village urbain » nous semble être à
la convergence des logiques de nécessité et des logiques
d’idéal, et au cœur des mutations futures vers
d’irrémédiables « nouveaux modes de villes
».
Bibliographie générale sur la relocalisation (vie,
économie, ville, territoire, Etat...).
[1] S. Latouche : « Le local ne peut prendre tout son sens,
celui d’une véritable renaissance, que dans le cadre
de l’après-développement » et «
dans la construction d’une société de décroissance
».
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dans les embouteillages...
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Le localisme des objecteurs de croissance évite également
le « glocal », c’est-à-dire « la
récupération technocratique du local dans la mondialisation.
Cette stratégie sert d’alibi à la poursuite
de la désertification du tissu social, elle n’est qu’un
sparadrap collé sur une plaie béante, autrement dit,
un discours d’illusion et de diversion » dans La Décroissance
n°28, 7 septembre 2005.
[2] Aujourd’hui, on voudrait nous faire croire que la promotion
des transports en commun et des pistes cyclables permettrait de
lutter contre l’usage des automobiles. Ils seraient la solution
miracle enrubannée sous les habits de la protection de l’environnement
et de la lutte contre l’effet de serre. Les sirènes
de tous nos bien-pensants et avec eux nos élus, s’attaquent
alors au soit-disant « lobby » des automobilistes en
cherchant à changer nos comportements de déplacement
par la promotion des transports en commun. Il me semble que la naïveté
de ces politiques de promotion des transports en commun, nouvelle
« fausse-bonne solution » du développement durable,
vient d’abord d’une méconnaissance des logiques
d’occupation des sols induites par l’utilisation de
l’automobile, qui soutendent et fondent les logiques de déplacements.
La question centrale ne doit donc pas être de substituer un
mode de transport à un autre, mais plus fondamentalement
de repenser de fond en comble les logiques d’occupation des
sols urbains.
[3] Gilbert Hottois, « Le technocosme urbain. La ville comme
thème de la philosophie de la technique » Conférence
donnée dans le cadre de la 17è Ecole Urbaine de l’ARAU,
Bruxelles, mars 1986.
[4] Pickus et Gobler (1988) « Urban village and activity
patterns in Phoenix », Urban Geography, vol.9, n°1, p.85-97.
[5] Certes ceci est une conception très heideggérienne.
Sur l’apport de Heidegger sur l’habiter, le débat
à mon sens doit rester ouvert parmi les objecteurs de croissance.
Par exemple, pour engager ce débat, j’invite à
lire à propos l’article de Marc Perelman, un auteur
dont nous avons une sympathie pour sa liberté de pensée
et sa proximité avec le situationnisme de sa jeunesse, dans
son article « ‘’ Batîr, habiter, penser
‘’ contre Heidegger » dans la revue Prétentaine,
numéro 16/17 hiver 2003-2004, p.161-185. Si pour ma part
j’ai de manière générale, tendance à
partager les analyses de Michel Henry sur la phénoménologie
d’Heidegger, le texte d’Heidegger sur l’habiter,
s’il peut susciter des réticences, il me semble exagérer
de déceler systématiquement derrière ce texte
les présupposés agraires de la philosophie nazie comme
le fait M. Perelman. Il est certain que l’on peut découper
dans le texte de Heidegger des passages qui sont surtout des préjugés
stéréotypés sur le travail paysan, la terre...
Mais le lien entre ces représentations et le fond de l’argumentation
d’Heidegger dans ce texte ne me semble pas toujours évident.
Qualifié ce texte de nazi, est un point de vue à mon
sens trop catégorique.
[6] Dans le journal La Décroissance, n°28, p.7
[7] Bernard Charbonneau, Sauver nos régions, Ecologie, régionalisme
et sociétés locales, Sang de la terre, 1991, p.26-27.
M. Charbonneau était professeur agrégé d’histoire.
Pour une biographie de cet objecteur de croissance voir Serge Latouche,
« Bernard Charbonneau (1910-1996) le précurseur solitaire
» dans le journal La Décroissance n°23, septembre
2004, p. 11.
[8] On peut lire par exemple cet ouvrage fondateur du géographe
Armand Frémont, La Région, espace vécu, P.U.F.,
1976. qui annonce une intégration dans la réflexion
des géographes des apports de la phénoménologie.
[9] Cependant le philosophe François Flahault dans Le paradoxe
de Robinson, Capitalisme et société, Editions Mille
et une nuit, 2006, vient de renverser nombreuses des présuppositions
sur les fondements de la société
[10] Jean-Claude Michéa, Impasse Adam Smith. De l’impossibilité
de dépasser le capitalisme sur sa gauche, Climats, Sysiphe,
p. 103.
[11] Pierre Leroux, « De la philosophie et du christianisme
», in Revue encyclopédique, août 1832.
[12] Deleuze et Guattari, Capitalisme et schizophrénie,
Mille plateaux, Les éditions de Miniut, Paris, 1980, p. 539
[13] Fotolopoulos, Vers une démocratie générale,
p.205.
[14] Yves Cochet, « Anticiper le choc » dans le journal
La Décroissance, n°30, février 2006, p. 7
[15] Gérard Billard, « Un nouvel agencement de l’environnement
urbain pour une nouvelle forme d’organisation sociale ? Exemple
de Seattle à travers la stratégie des Villages urbains
», Annales de géographie, n°611, 2000, pages 84-93.
[16] M. Henry, « Difficile démocratie » dans
Phénoménologie de la vie, tome III De l’art
et du politique, Puf, 2004, p.167.
[17] B. Charbonneau, op.cit., p.195.
[18] Fotolopoulos, op.cit., p.15.
[19] Serge Latouche, même s’il dit partagé une
sympathie pour la démocratie directe et l’inspiration
castoriadienne de Fotolopoulos, a tout de même voulu laisser
ouverte la question de l’aménagement de la démocratie
représentative, en y introduisant « des aménagements
de la représentation, comme le droit de révocation
des élus et le recours à la participation directe
dans certains cas (les budgets participatifs de Porto Alegre, par
exemple)[qui] peuvent constituer des compromis satisfaisants »
Latouche, Revue du MAUSS, n°22, second semestre 2003, p.443.
Je partage ce point de vue.
[20] Latouche, « Vivre localement » dans le journal
La Décroissance, n°28, p.7.
[21] Murray Bookchin, Pour un municipalisme libertaire, éd.
Atelier de création libertaire.
[22] Fotolopoulos, op.cit. p. 215.
[23] Ibid., p. 215.
[24] Ibid., p. 243.
[25] Ibid., p. 241.
le samedi 17 juin 2006
par Clément Homs
> Le localisme et la ville : l’exemple des « villages
urbains ».
18 juin 2006
Bonjour,
Tout cela me fait furieusement penser à Bolo’bolo
(livre de P.M., dont on parle sur le site décroissance.info,
et qui se trouve gratuitement sur le Net, car il est mis en ligne
par la maison d’édition qui le produit).
A lire, à mon avis
> Le localisme et la ville : l’exemple des « villages
urbains ».
18 juin 2006, par Clément
Ah peut-être bien... mais en quoi exactement ?
22 juin 2006
Bonjour,
Bolo’bolo est un livre bien trop difficile à expliquer
(enfin, à mon avis) pour que je puisse te répondre
ici. Je ne peux que t’inviter à le lire ou du moins
à regarder sur le net.
En (très) gros, l’auteur imagine une structure sociale
"de base" (le bolo) qui pourrait être entendue de
différentes manière : village, quartier, communauté,
lieu de vie... Le bolo est caractérisé par une autonomie
alimentaire (donc des jardins potagers, des jardins tout court...)
et une proximité de tous les services qui permettent une
vie correcte (artisans, centre de soin, école ou plutôt
lieu d’apprentissage, l’école n’est pas
un concept bolo’bolo...). Pour ce qui est de la production
de céréales, ou les besoins en bois, ou le gros élevage
(réduit, mais pas forcément abrogé, ça
dépend du style de vie du bolo, de sa "nima" comme
on dit), comme c’est difficile de faire ça en zone
urbaine, l’auteur imagine des accords de trocs et d’échanges
de services (genre AMAP amélioré) avec des fermes
situées non loin de là, dans ce qu’on appelle
parfois à notre époque les "ceintures vertes".
Et il y a mille autres idées à lire là-dedans
!
22 juin 2006, par bug-in
Sans apporter la réponse à la question des rapports
entre bolo bolo et cet article. Pour ceux que ça intéresse,
une grande partie de bolo bolo est disponible là : http://www.lyber-eclat.net/lyber/bolo/bolo.html
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