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Le localisme et la ville : l’exemple des « villages urbains »
par Clément Homs

Origine : http://www.decroissance.info/Le-localisme-et-la-ville-l-exemple


Face à l’étalement urbain et à l’anarchie libérale de la croissance urbaine qui sont les deux faces d’une même monnaie, celle de la boulimie d’un modèle urbain dévoreur d’espace, comment reconquérir un mode d’organisation sociale communautaire au sein des grandes villes mondiales ? C’est-à-dire comment aménager une ville pour créer un changement de comportement social et de représentation du lieu de la part des individus, voire une « renaissance des lieux » (Latouche), sans tomber dans le piège du développement local qui n’échappe pas à la colonisation de l’imaginaire par l’économisme ? Mais aussi, sous qu’elles formes d’occupation du sol urbain pourrait s’articuler le principe du localisme dans la ville, tout en prenant en compte les idées de relocalisation de l’économie dans le cadre d’un après-développement [1] et de démocratie participative ?

Aux Etats-Unis dans la perspective de l’urbaniste L. Lyon, de nombreuses grandes villes comme Seattle (1994) ou Phoenix (1979) ont adopté un schéma directeur à l’aménagement qui s’appuie sur le concept de « village urbain ». Aujourd’hui à l’heure du dépassement des politiques de développement de transport en commun qui ne font que poursuivre la « prise de distance » de la ville permise par l’automobile, sans remettre en cause derrière les logiques de déplacements des habitants, les logiques d’occupation des sols urbains qui les fondent [2] , le concept de « village urbain » ouvre un vaste espace théorique et pratique pour re-penser le fait urbain dans une société de décroissance. Le concept de « village urbain » qui évite de promouvoir cette nouvelle « fausse-bonne » solution qu’est la substitution d’un mode de transport polluant par un autre, pourrait être une de ces figures qui serviraient à reterritorialiser une ville dans son espace environnant en repensant de fond en comble les logiques d’occupation des sols. Dit autrement, y a-t-il dans les possibles rassemblés sous le chapeau du concept de « village urbain », une chance de ré-humanisation de la ville, de défonctionnalisation et de relocalisation de l’espace urbain, pour que « la ville ne puisse devenir l’expression de la liberté nihiliste » de la technoscience [3] ?

Définition du concept de « village urbain ».

Ce concept dérive en droite ligne de la notion de quartier défini en tant qu’unité géographique de planification urbaine. Un « village urbain » a la taille d’un quartier (agrégat de quelques îlots) et se caractérise par la mixité de son occupation des sols (résidentielle, commerciale, espaces publics...) qui offre une diversité des types de logements ainsi qu’une variété d’infrastructures et des fonctions garantissant un brassage social et une forte interaction entre les résidents [4] . Le principe de mixité de l’occupation des sols permet aux habitants d’accéder à un ensemble de fonctions et d’institutions dans un périmètre réduit. Concrètement, le village urbain se structure autour d’un « core » détenant l’occupation des sols la plus dense (des logements collectifs, des commerces, des bureaux...) et un ou des bâtiments symboliques pour la communauté (une école, une maison de quartier, une mairie annexe, un lieu de culte...). Autour de ce centre se greffent une ou deux couronnes dont l’utilisation des sols (logements, commerce, services...) devient de moins en moins intense à mesure que l’on s’éloigne du « core », pour assurer une transition vers une zone périphérique peu dense (espaces verts, parcs, jardins individuels et collectifs). Le concept de village urbain implique également des notions de construction sociale du lieu. En effet, l’un des principes du village urbain est d’introduire une diversité fonctionnelle et une mixité de l’occupation des sols permettant à des individus socialement hétérogènes de vivre en proximité de leur lieu de travail, de consommation et de loisirs. Pour réduire les déplacements de l’individu en dehors de son quartier, le « village urbain » doit ainsi « posséder » une capacité de rétention importante.
Le sens du lieu et le « village urbain ».

En favorisant la réduction du champ de mobilité des individus à l’intérieur de l’espace urbain, les promoteurs du concept de « village urbain » cherchent à stimuler l’attachement au lieu, ce qui semble être en écho avec un localisme qui travaille à une « renaissance des lieux » (Latouche), c’est-à-dire à un réenchantement et à la promotion de modes d’organisation spatiale permettant une intensité des relations sociales et une reterritorialisation des besoins. Ce processus de planification de villages urbains s’attache par exemple, à intégrer fortement les associations de résidents, ce qui impliquent les habitants dans des jeux de construction sociale des lieux permettant un renforcement de l’appropriation collective d’un territoire et stimulant ainsi le développement d’un mode d’organisation sociale communautaire à l’échelle des quartiers. Le paysage et y compris le « paysage urbain », sont en effet un signe de vie, un signe d’une certaine façon de cultiver, de sentir et de penser. Cette conception du « village urbain » s’attache donc en quelques sortes à « réenchanter les lieux », ce qui implique de faire une nette différence entre l’habitat et l’habiter [5]. Comme l’écrit Serge Latouche, « la croyance que mon lieu de résidence est le centre du monde est essentielle pour donner du sens à mon quotidien » [6] , car en effet, « la décision se prend à la base, en ce lieu central - capital - où chacun se trouve » (B. Charbonneau). Car le « rapport à l’espace poursuit Charbonneau, n’est pas simple. Cet espace lui est nécessaire, pour se mouvoir et trouver des ressources, mais il ne devient sien, psychiquement et pratiquement, que s’il peut s’y repérer et s’y établir : distinguer des sites qui fixent l’étendue et la délimitent, des lieux qu’il habite où visite. De même qu’un site ou un lieu n’est par un ‘‘ point ’’, l’espace vital humain n’est pas l’espace pur des géomètres, scientifiquement mesurable et statistiquement exploitable. C’est l’étendue terrestre et charnelle que l’on se plaît sans cesse à découvrir parce que l’action de la nature et de l’homme l’a faite inépuisablement protéiforme. Plus on ralentit le pas, plus on découvre des merveilles. Mais pour connaître vraiment les richesses, il faut devenir son habitant », car « L’habitat n’est qu’un prolongement du corps de l’habitant, donc de son esprit » [7]. Dans le cadre du « village urbain », l’objectif de ce mode d’organisation d’un sens communautaire est l’interaction relativement intense entre habitants d’un village urbain. C’est le principe de mixité de l’occupation des sols qui permet la réduction des déplacements intra-urbains. Conjugué avec la faible étendue du village urbain, on encourage la probabilité de voir se développer à l’échelle du village urbain une identité collective puisant son essence dans la fréquentation intense d’un même espace vécu [8] . Et la création d’un sens du lieu dépend de l’implication des résidents mais aussi en partie sur la définition nette et précise du territoire. Les cores sont ainsi clairement délimités symboliquement ainsi que les couronnes du village urbain. On redonne du signe et du symbole au paysage urbain.

Cependant la logique localiste que permet le village urbain, ne doit pas être interprétée comme développant une logique identitaire voire communautariste. Le « village urbain » n’empêche pas la permanence de l’ensemble des réseaux tissés par un individu lors de la fréquentation d’autres groupes et d’autres espaces que celui du village urbain. Car les différents « villages urbains » au sein de la ville sont reliés entre eux par un réseau de transport en commun et de pistes cyclables. Le village urbain n’est pas là pour développer un sens communautaire replié sur lui même, ou pire, à établir un rapport hiérarchique entre la communauté et l’individu qui subordonnerait ce dernier [9], il sert seulement à éviter la « dissolution générale de tous les acquis communautaires indispensables à la construction d’une vie individuelle réellement humaine » [10] qu’implique les politiques actuelles d’aménagement urbain. Pour éviter l’anonymat urbain et la montée de la solitude dans nos villes modernes, pour empêcher simplement comme l’écrivait le socialiste Pierre Leroux, que « la société [soit] en poussière, parce que les hommes sont désassociés, parce qu’aucun lien ne les unit, parce que l’homme est étranger à l’homme » [11].
Le village urbain, une unité spatiale pour la relocalisation de l’économie ?

Comme l’écrivent Deleuze et Guattari en parlant des villes antiques et médiévales d’Athènes, de Carthage et de Venise, « le maximum de la déterritorialisation apparaît dans la tendance des villes commerciales et maritimes à se séparer de l’arrière-pays, de la campagne » [12]. Aujourd’hui au terme de cette logique de déterritorialisation de la ville, plus qu’à tout autre moment dans l’histoire, nos villes modernes ont toutes pour principe cette « indifférence à l’arrière-pays ». La ville et l’Etat sont en effet selon nos auteurs comme « deux formes et deux vitesses de déterritorialisation », car une ville n’existe qu’en fonction d’une circulation et de circuits, elle opère une polarisation de la matière, inerte, vivante ou humaine, des matériaux suffisamment déterritorialisés pour entrer dans un réseau de flux, qu’il soit le système des villes mondiales (Paris, Londres, Franfort, New-York, Bombay, Shanghai...) ou des sous-systèmes continentaux, régionaux, nationaux, locaux. Chaque ville participe à cette intégration globale qu’est la mondialisation, à cette vaste opération de stratification du territoire.

Là encore le concept de « Village urbain » est certainement intéressant pour relocaliser une ville dans son environnement. La réussite d’un village urbain dépend en effet surtout de la politique de création d’emplois dans les villages urbains. Ainsi le village urbain doit réunir une activité économique très diversifiée, pour éviter que des résidents soient obligés d’effectuer un trajet résidence/travail lointain. Il y a donc là des plans de financement, des mesures d’encouragement à l’investissement à mettre en œuvre pour développer l’emploi des résidents au sein du village urbain. Les politiques municipales mettent par exemple en place de nombreuses mesures incitatives pour que le secteur privé ait envie de jouer le jeu. Là aussi le concept de « village urbain » dégagé du « développement local » et réaménagé dans le cadre d’une « production pouvant se faire à l’échelle locale pour des besoins locaux » (Fotolopoulos), peut offrir d’intéressantes possibilités pour une société de décroissance. En suivant Takis Fotolopoulos à propos de cette unité géographique réduite qu’il appelle le « dèmos », ce dernier, finalement très proche du concept de « village urbain », pourrait devenir « l’unité authentique de la vie économique » [13] . Le village urbain peut devenir en effet ce cadre de visée pour développer l’autosuffisance alimentaire, au sens physique de « produire ce que l’on consomme », en créant des « fermes périurbaines et de maraîchages à l’intérieur des villes » [14] .
Le concept de village urbain appliqué à Seattle [15].

La première mise en place d’une politique d’aménagement de villages urbains s’est faite dans la ville de Phoenix en Arizona (Etats-Unis) à partir de 1979. Son objectif était déjà de lutter contre la hausse des déplacements en automobile et de faire naître ou de cultiver le sens du lieu chez les résidents. Les aménageurs de cette ville avait très bien saisi qu’au delà de la substitution d’un mode de transport à un autre, il fallait aller à l’essence même des logiques de déplacement des habitants, c’est-à-dire remettre en cause de fond en comble les logiques d’occupation des sols urbains. A partir de 1994, la ville américaine de Seattle a entamé à son tour, une vaste planification urbaine dénommée « Urban Village Strategy » qui chercha à instaurer une politique urbaine fondée sur une compartimentation du tissu municipal. A l’inverse du dogme urbanistique qui appréhende le territoire urbain en tant qu’entité spatiale continue, la municipalité a décidé alors de l’appréhender sous la forme d’une succession de micro-aires urbaines. Cependant ce compartimentage est bien sûr relatif, l’aménagement du tissu urbain s’effectuera désormais en juxtaposant une série de villages urbains qui se connectent mutuellement par un système de réseaux de communication (routes, lignes de métro, pistes cyclables...) et indirectement par de multiples couronnes résidentielles encore non concernées par l’aménagement en village urbain. La mise en aménagement d’un village urbain a été permise grâce à l’orientation et à la canalisation des forces économiques, politiques, culturelles et sociales, à la fois par la municipalité et par les résidents. Cependant cet effort semble n’avoir été qu’en partie assumé par la municipalité, et ainsi aujourd’hui les nombreux objectifs de l’« Urban Village Strategy » peuvent apparaître comme ratés ou inaboutis.
Démocratie participative et Village urbain : le relocalisation du politique en ville ?

Dans quelle situation se forme l’Idée démocratique ? « La consistance de cette Idée tient à son enracinement dans le cours spontané de l’expérience humaine écrit le philosophe Michel Henry. Celle-ci prend d’abord la forme d’un travail en commun. Lorsqu’une difficulté surgit dans l’accomplissement de ce travail, les acteurs concernés se rassemblent et se concertent. De la confrontation de leurs points de vue résulte la décision qui leur semble la meilleure. D’être prise en commun, celle-ci revêt une sorte de légitimité et c’est ainsi que tous vont s’y soumettre. C’est ainsi dans cette situation poursuit notre auteur, que se forme l’Idée démocratique, l’idée d’une communauté qui décide elle-même de son organisation et de ses fins. En tant que l’Idée démocratique prend naissance sur le plan de l’activité sociale, un clivage décisif se produit : cette activité se dédouble, elle n’est plus seulement sociale mais politique » [16] . Le politique est donc une vie de relation entre vivants, et il faut aujourd’hui « réenchasser » (Polanyi) le politique dans le social. Le politique ne doit pas être une fin en soi, il est un moyen pour la communauté locale de réguler le « vivre ensemble » et subvenir à ses besoins. Comme écrivait Bernard Charbonneau, la « révolution qui réconciliera l’homme avec la nature et lui-même naît d’un changement de sens : d’une conversion, qui de fin qu’il était, fait du Pouvoir un moyen » [17]. Takis Fotolopoulos pense en des termes finalement très proches de ceux de Charbonneau, qu’« ainsi comprise, la politique n’est plus une technique pour détenir le pouvoir et l’exercer, mais redevient l’autogestion de la société par ses membres » [18] . C’est cette conception du politique « réenchassé » dans le social, que pourrait permettre le développement d’une démocratie participative [19] à l’échelle locale urbaine, du « village urbain ».

En effet, le localisme théorisé par les objecteurs de croissance se distingue nettement du concept de « développement local », il propose plutôt de « réorienter notre vie sur un territoire autonome, autogéré et réenchanté » car comme l’écrit S. Latouche, « c’est l’essentiel de la vie tout court qui doit être reterritorialisé » [20] . De cette reterritorialisation de la vie émerge le réenchassement du politique dans le social. Le retour au local nécessite donc une subversion radicale de nombreux processus englobants. Le retour au local est celui du rapport aux relations interpersonnelles et non a-personnelles comme nous le propose les « médias englobants ». La crise majeure aujourd’hui en France, crise politique, économique et sociale, a bien comme fondement inaperçu le paradigme de la « communauté nationale a-personnelle », de la « dé-s’incarnation du vivre ensemble ». Penser global, agir local implique ainsi un certain passage, mesuré, qui va de la « Politique englobante » à la « Politique environnante ». La communauté locale concrète faite de relations s’oppose mot pour mot à la collectivité nationale abstraite. Le concept de « village urbain » pourrait ainsi être identifié à des unités permettant une relocalisation de la politique par la promotion de la démocratie participative. Car comme l’écrit Takis Fotolopoulos, un auteur important qui propose de nombreuses analyses inspirées par Polanyi et Castoriadis, la démocratie écologique se réalisera dans le « localisme ». Cette idée d’une utopie démocratique locale rejoint également le projet du penseur libertaire Murray Bookchin, un moment proche des situationnistes français [21] .

Comme le note S. Latouche, « le localisme se présente surtout chez [Fotolopoulos] dans sa dimension politique tout en étant la solution des contradictions économiques », le localisme sera l’angle de réinsertion stratégique de l’économie dans la société, une nécessité pour construire une société autonome. Et ce localisme se définit par l’aménagement de « dèmoi », unités sociales et économiques de base pour la future société démocratique, c’est-à-dire de petites unités de peuplement de 30 000 habitants environ selon notre auteur, ce qui correspond à peu près à la population d’un « village urbain ». Ce chiffre de 30 000 habitants permet, selon Fotolopoulos, de satisfaire localement la plupart des besoins essentiels. Car contrairement aux idées reçues, la taille n’est pas un « déterminant exclusif ni même décisif de la viabilité économique » [22]. Le projet d’aménagement de villages urbains dans les villes correspond parfaitement à ce souhait de notre auteur quand celui-ci écrit qu’ « il faudra probablement morceler en plusieurs dèmoi de nombreuses villes modernes étant donné leur gigantisme » [23] . C’est-à-dire qu’il faudra « éclater », littéralement, les continuums urbains pour permettre une relocalisation économique et politique.

La démocratie généralisée supposerait aussi de relier les « dèmoi » et notamment au sein des villes, en une « confédération de dèmoi ». « La nouvelle organisation politique pourrait être, par exemple, une confédération de groupes autonomes (aux niveaux régional, continental et mondial) oeuvrant à la mutation démocratique de leurs communautés respectives » [24]. Murray Bookchin partage ce point de vue en affirmant qu’une « société écologique » doit vivre sans Etat et être « constituée d’une municipalité de petites municipalités », chacune desquelles serait formée par « une commune de communes plus petites ». Ce niveau de petites municipalités, au sein des villes, pourraient très bien être ces agrégats de villages urbains « en parfaite harmonie avec leur écosystème ».

Aujourd’hui, l’agir local constitue pour notre auteur, une voie de solution des impasses globales : « Se présenter aux élections locales donne la possibilité de commencer à changer la société par en bas, ce qui est la seule stratégie démocratique - contrairement aux méthodes étatistes (qui se proposent de changer la société par en haut en s’emparant du pouvoir d’Etat) et aux approches dites de la « société civile (qui ne visent pas du tout à changer le système). C’est parce que le « dèmos » est l’unité sociale et économique de base de la future société démocratique que nous devons partir du niveau local pour changer la société » [25] . La prise de conscience des contradictions globales bien au-delà du mouvement des objecteurs de croissance, doit susciter un agir local qui introduit le processus d’un changement radical. Les initiatives du Parti pour la Décroissance de présenter des candidats aux élections, pour peut-être prématurées qu’elles nous semblent aujourd’hui, sont parfaitement cohérentes avec ce projet.

A l’ère du pétrole cher, la boulimie d’un modèle urbain dévoreur d’espace sera forcément mis en cause par les crises énergétiques mondiales qui s’annoncent. La conception de la ville sera tôt ou tard remodelée par la nouvelle donne énergétique et les nouvelles cartes bioclimatiques induites par le réchauffement climatique. Le concept de « village urbain » nous apparaît donc comme une première entrée, pour repenser ce que pourrait être la ville dans une société de décroissance. La ville devra pour survivre aux surcoûts des transports, se relocaliser dans son écosystème environnant avec lequel elle devra recréer une relation d’interdépendance dans le cadre d’une auto-suffisance alimentaire. La ville repensée en terme d’agrégat de « villages urbains » interdépendants, et elle-même intégrée dans une échelle supérieure, celle du concept d’ « éco-région », pourra ainsi faire face aux réalités nouvelles du monde de demain. Développement du sens communautaire, cadre de la mise en place de l’auto-suffisance alimentaire et de la démocratie participative, le concept de « village urbain » nous semble être à la convergence des logiques de nécessité et des logiques d’idéal, et au cœur des mutations futures vers d’irrémédiables « nouveaux modes de villes ».

Bibliographie générale sur la relocalisation (vie, économie, ville, territoire, Etat...).

[1] S. Latouche : « Le local ne peut prendre tout son sens, celui d’une véritable renaissance, que dans le cadre de l’après-développement » et « dans la construction d’une société de décroissance ».

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Le localisme des objecteurs de croissance évite également le « glocal », c’est-à-dire « la récupération technocratique du local dans la mondialisation. Cette stratégie sert d’alibi à la poursuite de la désertification du tissu social, elle n’est qu’un sparadrap collé sur une plaie béante, autrement dit, un discours d’illusion et de diversion » dans La Décroissance n°28, 7 septembre 2005.

[2] Aujourd’hui, on voudrait nous faire croire que la promotion des transports en commun et des pistes cyclables permettrait de lutter contre l’usage des automobiles. Ils seraient la solution miracle enrubannée sous les habits de la protection de l’environnement et de la lutte contre l’effet de serre. Les sirènes de tous nos bien-pensants et avec eux nos élus, s’attaquent alors au soit-disant « lobby » des automobilistes en cherchant à changer nos comportements de déplacement par la promotion des transports en commun. Il me semble que la naïveté de ces politiques de promotion des transports en commun, nouvelle « fausse-bonne solution » du développement durable, vient d’abord d’une méconnaissance des logiques d’occupation des sols induites par l’utilisation de l’automobile, qui soutendent et fondent les logiques de déplacements. La question centrale ne doit donc pas être de substituer un mode de transport à un autre, mais plus fondamentalement de repenser de fond en comble les logiques d’occupation des sols urbains.

[3] Gilbert Hottois, « Le technocosme urbain. La ville comme thème de la philosophie de la technique » Conférence donnée dans le cadre de la 17è Ecole Urbaine de l’ARAU, Bruxelles, mars 1986.

[4] Pickus et Gobler (1988) « Urban village and activity patterns in Phoenix », Urban Geography, vol.9, n°1, p.85-97.

[5] Certes ceci est une conception très heideggérienne. Sur l’apport de Heidegger sur l’habiter, le débat à mon sens doit rester ouvert parmi les objecteurs de croissance. Par exemple, pour engager ce débat, j’invite à lire à propos l’article de Marc Perelman, un auteur dont nous avons une sympathie pour sa liberté de pensée et sa proximité avec le situationnisme de sa jeunesse, dans son article « ‘’ Batîr, habiter, penser ‘’ contre Heidegger » dans la revue Prétentaine, numéro 16/17 hiver 2003-2004, p.161-185. Si pour ma part j’ai de manière générale, tendance à partager les analyses de Michel Henry sur la phénoménologie d’Heidegger, le texte d’Heidegger sur l’habiter, s’il peut susciter des réticences, il me semble exagérer de déceler systématiquement derrière ce texte les présupposés agraires de la philosophie nazie comme le fait M. Perelman. Il est certain que l’on peut découper dans le texte de Heidegger des passages qui sont surtout des préjugés stéréotypés sur le travail paysan, la terre... Mais le lien entre ces représentations et le fond de l’argumentation d’Heidegger dans ce texte ne me semble pas toujours évident. Qualifié ce texte de nazi, est un point de vue à mon sens trop catégorique.

[6] Dans le journal La Décroissance, n°28, p.7

[7] Bernard Charbonneau, Sauver nos régions, Ecologie, régionalisme et sociétés locales, Sang de la terre, 1991, p.26-27. M. Charbonneau était professeur agrégé d’histoire. Pour une biographie de cet objecteur de croissance voir Serge Latouche, « Bernard Charbonneau (1910-1996) le précurseur solitaire » dans le journal La Décroissance n°23, septembre 2004, p. 11.

[8] On peut lire par exemple cet ouvrage fondateur du géographe Armand Frémont, La Région, espace vécu, P.U.F., 1976. qui annonce une intégration dans la réflexion des géographes des apports de la phénoménologie.

[9] Cependant le philosophe François Flahault dans Le paradoxe de Robinson, Capitalisme et société, Editions Mille et une nuit, 2006, vient de renverser nombreuses des présuppositions sur les fondements de la société

[10] Jean-Claude Michéa, Impasse Adam Smith. De l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche, Climats, Sysiphe, p. 103.

[11] Pierre Leroux, « De la philosophie et du christianisme », in Revue encyclopédique, août 1832.

[12] Deleuze et Guattari, Capitalisme et schizophrénie, Mille plateaux, Les éditions de Miniut, Paris, 1980, p. 539

[13] Fotolopoulos, Vers une démocratie générale, p.205.

[14] Yves Cochet, « Anticiper le choc » dans le journal La Décroissance, n°30, février 2006, p. 7

[15] Gérard Billard, « Un nouvel agencement de l’environnement urbain pour une nouvelle forme d’organisation sociale ? Exemple de Seattle à travers la stratégie des Villages urbains », Annales de géographie, n°611, 2000, pages 84-93.

[16] M. Henry, « Difficile démocratie » dans Phénoménologie de la vie, tome III De l’art et du politique, Puf, 2004, p.167.

[17] B. Charbonneau, op.cit., p.195.

[18] Fotolopoulos, op.cit., p.15.

[19] Serge Latouche, même s’il dit partagé une sympathie pour la démocratie directe et l’inspiration castoriadienne de Fotolopoulos, a tout de même voulu laisser ouverte la question de l’aménagement de la démocratie représentative, en y introduisant « des aménagements de la représentation, comme le droit de révocation des élus et le recours à la participation directe dans certains cas (les budgets participatifs de Porto Alegre, par exemple)[qui] peuvent constituer des compromis satisfaisants » Latouche, Revue du MAUSS, n°22, second semestre 2003, p.443. Je partage ce point de vue.

[20] Latouche, « Vivre localement » dans le journal La Décroissance, n°28, p.7.

[21] Murray Bookchin, Pour un municipalisme libertaire, éd. Atelier de création libertaire.

[22] Fotolopoulos, op.cit. p. 215.

[23] Ibid., p. 215.

[24] Ibid., p. 243.

[25] Ibid., p. 241.

le samedi 17 juin 2006
par Clément Homs



> Le localisme et la ville : l’exemple des « villages urbains ».
18 juin 2006

Bonjour,

Tout cela me fait furieusement penser à Bolo’bolo (livre de P.M., dont on parle sur le site décroissance.info, et qui se trouve gratuitement sur le Net, car il est mis en ligne par la maison d’édition qui le produit).

A lire, à mon avis



> Le localisme et la ville : l’exemple des « villages urbains ».
18 juin 2006, par Clément
Ah peut-être bien... mais en quoi exactement ?


22 juin 2006

Bonjour,

Bolo’bolo est un livre bien trop difficile à expliquer (enfin, à mon avis) pour que je puisse te répondre ici. Je ne peux que t’inviter à le lire ou du moins à regarder sur le net.

En (très) gros, l’auteur imagine une structure sociale "de base" (le bolo) qui pourrait être entendue de différentes manière : village, quartier, communauté, lieu de vie... Le bolo est caractérisé par une autonomie alimentaire (donc des jardins potagers, des jardins tout court...) et une proximité de tous les services qui permettent une vie correcte (artisans, centre de soin, école ou plutôt lieu d’apprentissage, l’école n’est pas un concept bolo’bolo...). Pour ce qui est de la production de céréales, ou les besoins en bois, ou le gros élevage (réduit, mais pas forcément abrogé, ça dépend du style de vie du bolo, de sa "nima" comme on dit), comme c’est difficile de faire ça en zone urbaine, l’auteur imagine des accords de trocs et d’échanges de services (genre AMAP amélioré) avec des fermes situées non loin de là, dans ce qu’on appelle parfois à notre époque les "ceintures vertes".

Et il y a mille autres idées à lire là-dedans !



22 juin 2006, par bug-in

Sans apporter la réponse à la question des rapports entre bolo bolo et cet article. Pour ceux que ça intéresse, une grande partie de bolo bolo est disponible là : http://www.lyber-eclat.net/lyber/bolo/bolo.html